Arrêt n° 14/2004 de la Cour d'Arbitrage dd. 21.01.2004

Date :
21-01-2004
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
6 pages
Section :
Régulation
Type :
Belgian justice
Sous-domaine :
Fiscal Discipline

Résumé :

Principe d'égalité,Intercommunales,Taxe régionale sur les dèchets

Texte original :

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Arrêt n° 14/2004 de la Cour d'Arbitrage dd. 21.01.2004
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Document type : Belgian justice
Title : Arrêt n° 14/2004 de la Cour d'Arbitrage dd. 21.01.2004
Tax year : 2005
Document date : 21/01/2004
Document language : FR
Name : ARB 04/1
Version : 1
Court : arbitration

ARRET ARB 04/1


Arrêt n° 14/2004 de la Cour d'Arbitrage dd. 21.01.2004



FJF 2004/61

Principe d'égalité - Intercommunales - Taxe régionale sur les dèchets

    L'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il a pour effet d'exempter les intercommunales, au contraire des communes, de la taxe instituée par le décret de la Région wallonne du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne.

Numéro du rôle: 2688



Présidents: M. Melchior, M. Arts
Juges: M. Martens, M. Henneuse, M. De Groot, M. Lavrysen, M. Alen
Avocats: Me Balate, Me Orban de Xivry, Me Dethy loco Me Peeters

s.c. I.D.E.A.
contre
la Région wallonne

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par arrêt du 10 avril 2003 en cause de la s.c. I.D.E.A. contre la Région wallonne, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 14 avril 2003, la Cour d'appel de Mons a posé la question préjudicielle suivante:
«L'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales aux termes duquel «sans préjudice des dispositions légales existantes, les intercommunales sont exemptes de toutes contributions au profit de l'Etat ainsi que de toutes impositions établies par les provinces, les communes ou toute autre personne de droit public» viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il instaure une distinction non justifiée au regard du décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne entre, d'une part, les intercommunales, exploitantes d'une décharge de déchets non ménagers, et les autres exploitants, de droit public ou de droit privé, d'une décharge de déchets non ménagers, d'autre part, les intercommunales exploitantes d'une décharge contrôlée de déchets non ménagers ou clients d'intercommunales exploitantes d'une décharge contrôlée de déchets et les intercommunales clientes d'un exploitant d'une décharge contrôlée de déchets non ménagers qui n'est pas une intercommunale?»
Des mémoires ont été introduits par:
- la s.c. I.D.E.A.;
- le Conseil des ministres;
- la Région wallonne, représentée par son Gouvernement, poursuites et diligences du ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et de l'Environnement, dont le cabinet est établi à 5000 Namur, place des Célestines 1.
Des mémoires en réponse ont été introduits par la Région wallonne et la s.c. I.D.E.A.
A l'audience publique du 26 novembre 2003:
- ont comparu:
. Me Balate, avocat au barreau de Mons, pour la s.c. I.D.E.A.;
. Me Orban de Xivry, avocat au barreau de Marche-en-Famenne, pour la Région wallonne;
. Me Dethy, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me Peeters, avocat au barreau d'Anvers, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs P. Martens et L. Lavrysen ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

II. Les faits et la procédure antérieure

La s.c. I.D.E.A a formé opposition à la contrainte décernée par le receveur des taxes et redevances de la Région wallonne au titre de taxes sur les déchets non ménagers pour l'exercice 1992. La contrainte est fondée sur l'article 13 du décret du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne, tandis qu'à l'appui de son opposition, l'intercommunale invoque l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales. A la demande des parties, la Cour d'appel de Mons a interrogé la Cour d'arbitrage au sujet de la compatibilité de cette disposition, dans l'interprétation selon laquelle elle exempte les intercommunales de toutes contributions ou impositions établies par les régions, avec les règles répartitrices de compétences entre l'Etat, les communautés et les régions.
Par son arrêt n° 124/2001 du 16 octobre 2001, la Cour a répondu à cette question, d'une part, qu'en ce que cette disposition exempte les intercommunales, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de l'article 356 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat, des impositions régionales en matière d'eau et de déchets, elle viole l'article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution, et d'autre part, que, pour le surplus, elle ne viole pas cette disposition.
La Région wallonne a demandé à la Cour d'appel que soit posée une nouvelle question à la Cour d'arbitrage, relative à la compatibilité de l'article 26 précité avec le principe d'égalité. Constatant que la réponse à la question paraît indispensable à la solution du litige, la Cour d'appel a fait droit à cette demande.

III. En droit

- A -

Position de l'intercommunale I.D.E.A.

A.1.1. L'intercommunale I.D.E.A., appelante devant la Cour d'appel, considère que la Cour s'est prononcée, par l'arrêt n° 124/2001, sur le caractère indispensable, au regard de l'article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution, du mécanisme dérogatoire institué par l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986. Elle expose que les politiques de financement des activités confiées aux intercommunales et les équilibres budgétaires des pouvoirs locaux risqueraient d'être gravement perturbés en cas de taxation.

A.1.2. Elle précise, quant à la première distinction présentée par la question, que l'article 7, § 2, du décret wallon du 25 juillet 1991 prévoit que la présence de déchets dans un endroit sur lequel une personne physique ou morale (de droit privé ou de droit public) a exercé ou exerce une activité autorisée, ne constitue pas un fait générateur de la taxe pour autant que les déchets soient prévus par les conditions de ces autorisations et que dès lors, dans l'hypothèse d'une exploitation régulière d'une décharge, qu'il s'agisse d'une intercommunale ou d'une personne de droit public ou de droit privé, il n ‘y aura en aucun cas de discrimination.

A.1.3. Elle ajoute que la deuxième distinction présentée par la question est indifférente au regard de l'article 7, § 2, du décret. Elle estime que la question qui se pose est celle de savoir si au regard de l'article 7, § 1 er, du décret, qui prévoit que le fait générateur de la taxe sur les déchets est la présence en quelque endroit situé en Région wallonne de déchets non ménagers, une discrimination existe selon que le redevable est une intercommunale ou une autre personne de droit public ou de droit privé. Elle précise encore que le décret crée deux catégories de faits générateurs, le fait générateur autorisé et le fait générateur non autorisé, mais qu'en soi, il ne crée pas de distinction.

Position du Gouvernement wallon

A.2.1. La Région wallonne estime que le fait que le législateur fédéral ait considéré en 1986 que l'exemption des intercommunales de toute imposition, y compris celles établies par les régions, était nécessaire au sens de l'article 170, § 2, alinéa 2, de la Constitution, et ce jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 356 de la loi ordinaire du 16 juillet 1993, n'implique pas automatiquement que le traitement inégal des intercommunales exemptées de la taxe et d'autres catégories de personnes redevables de la taxe, soit raisonnablement justifié. Elle ajoute que l'exemption des intercommunales doit être considérée comme non raisonnablement justifiée parce qu'à côté d'un objectif budgétaire, la taxe a aussi une fonction incitative et une fonction redistributrice. Elle précise enfin que si le marché des centres d'enfouissement technique de déchets non ménagers était réservé aux intercommunales, on pourrait arriver à une conclusion différente, mais qu'en l'espèce, avant l'entrée en vigueur du décret du 27 juin 1996, le marché était ouvert.

Position du Conseil des ministres

A.3.1. Le Conseil des ministres rappelle que l'origine de la disposition litigieuse doit être recherchée dans la loi du 1 er mars 1922 relative à l'association de communes dans un but d'utilité publique, et que par cette exemption, le législateur visait l'égalité de traitement des intercommunales avec les communes dont les intercommunales reprenaient certaines tâches.

A.3.2. A titre principal, le Conseil des ministres considère qu'étant donné qu'elles servent l'intérêt communal, les intercommunales ne peuvent être comparées aux particuliers ou personnes morales de droit public n'exerçant pas une mission de service public.

A.3.3. A titre subsidiaire, il fait valoir qu'il ressort des arrêts n os 66/2001 et 124/2001 de la Cour que l'octroi d'une exemption fiscale au profit des intercommunales dans le cadre de la taxation des déchets poursuit un but légitime, et que la différence de traitement entre les intercommunales, exemptes de la taxe sur les déchets, et les autres exploitants, soumis à cette taxe, est raisonnablement justifiée.

Réponse de l'intercommunale I.D.E.A.

A.4.1. Dans son mémoire en réponse, l'intercommunale considère qu'il est évident que les intercommunales ne peuvent constituer une catégorie de personnes comparables aux entreprises privées ou aux personnes physiques ou même aux personnes morales de droit public qui n'exercent pas une mission d'intérêt communal.

A.4.2. Quant à la fonction incitative de la taxe litigieuse, elle estime que l'exemption repose sur un critère objectif, puisque le législateur peut considérer que les pouvoirs publics, et singulièrement les communes, peuvent opter pour des techniques respectueuses de l'environnement. Quant à la fonction redistributrice de la taxe, elle estime que le législateur ne peut en aucun cas faire supporter indirectement par les communes, par le biais d'une taxation des intercommunales, des dépenses qu'elles assument déjà largement elles-mêmes. Elle en conclut que le but d'intérêt public poursuivi par les communes justifie à lui seul la distinction.

Réponse du Gouvernement wallon

A.5.1. Le Gouvernement wallon estime que dans le cadre de la disposition litigieuse, les intercommunales sont tout à fait comparables à des particuliers puisqu'elles agissent au même titre que des entreprises commerciales sur le marché des déchets, et que, sur ce marché, les particuliers peuvent aussi exercer des tâches d'intérêt général.

A.5.2. Quant au fond, il estime que l'intercommunale I.D.E.A. tente de déplacer le débat, et précise que seule la taxe en régime dit «de l'exploitant autorisé» est concernée par la question préjudicielle.

- B -

B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, qui énonce:
«Sans préjudice des dispositions légales existantes, les intercommunales sont exemptes de toutes contributions au profit de l'Etat ainsi que de toutes impositions établies par les provinces, les communes ou toute autre personne de droit public.
Cette disposition remplace l'article 17 de la loi du 1 er  mars 1992 relative à l'association de communes dans un but d'utilité publique, en y ajoutant les mots «ou toute autre personne de droit public».
Il ressort clairement des travaux préparatoires que cet ajout vise aussi les communautés et les régions ( Doc. parl., Chambre, 1985-1986, n° 125/11, p. 82).
La disposition en cause commande exempter les Intercommunales non seulement d'impositions fédérales et locales mais également d'impositions communautaires et régionales.

B.2. Tel qu'il était applicable à l'exercice 1992, l'article 13 du décret de la Région wallonne du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne disposait:
«Est redevable de la taxe sur les déchets non ménagers visée par la présente section toute personne physique ou morale exerçant une activité d'exploitation de décharge autorisée sur base du décret du Conseil régional wallon du 5 juillet 1985 relatif aux déchets et de ses arrêtés d'exécution.»

B.3. Il découle de la combinaison de ces dispositions que lorsque le redevable de la taxe sur les déchets non ménagers est une intercommunale, elle en est exemptée, alors que tous les autres redevables de la taxe, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, de droit public ou de droit privé, sont tenus de s'en acquitter.

B.4. Le juge a quo interroge la Cour au sujet de l'éventuelle discrimination, créée par cette différence de traitement, d'une part, entre redevables eux-mêmes, et d'autre part, entre les clients d'exploitants de décharges suivant que ces exploitants sont ou ne sont pas des intercommunales.

B.5. L'exemption fiscale en cause figurait déjà dans la loi du 1 er mars 1922 relative à l'association de communes dans un but d'utilité publique (article 17), ainsi que dans la loi du 18 août 1907 relative aux associations de communes et de particuliers pour l'établissement de services de distribution d'eau (article 13). Ces deux dispositions procédaient à l'assimilation des associations de communes aux communes elles-mêmes pour l'application des lois sur les droits d'enregistrement, de timbre, de greffe et d'hypothèque, et les exemptaient de toutes taxes ou contributions.
L'exposé des motifs de la loi précitée du 18 août 1907 précise ce qui suit:
«Les sociétés auxquelles s'applique le présent projet de loi sont créées dans un but d'intérêt public; elles assument la tâche de remplir une obligation communale: il paraît juste de leur faciliter l'accomplissement de cette tache en leur accordant les avantages fiscaux dont jouiraient les communes qu'elles suppléent.» ( Pasin., 1907, p. 206)
Il peut se déduire de cette motivation que la disposition en cause est justifiée lorsqu'elle a pour effet d'exempter les intercommunales de contributions auxquelles ne sont pas soumises les communes.

B.6. Les travaux préparatoires du décret de la Région wallonne du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne montrent que la taxe en cause poursuit un triple objectif. A côté de sa fonction budgétaire, elle remplit une fonction «incitative», basée sur le principe du «pollueur-payeur», par des mesures qui entendent «promouvoir au maximum le recyclage des déchets», et une fonction «redistributrice», qui consiste à «faire supporter par le pollueur sa quote-part dans les dépenses de financement des mesures collectives» ( Doc., Conseil régional wallon, 1990-1991, n° 253/1, p. 3).

B.7. Les communes sont, à l'instar des autres personnes morales de droit public, soumises à la taxe instituée par ce décret.
Le Conseil des ministres ne montre pas, et la Cour n'aperçoit pas, compte tenu d'une part de la justification originaire de l'exemption fiscale au profit des associations de communes rappelée en B.5, et d'autre part de l'objectif du décret décrit en B.6, sur la base de quels motifs la distinction de traitement au regard de la taxe en cause entre les intercommunales et les communes pourrait être justifiée.
Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres différences de traitement énoncées par la question préjudicielle.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour,
dit pour droit:
L'article 26 de la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il a pour effet d'exempter les intercommunales de la taxe instituée par le décret de la Région wallonne du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 janvier 2004.