Cour de cassation: Arrêt du 10 mai 2010 (Belgique). RG S.09.0048.F

Date :
10-05-2010
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
7 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20100510-4
Numéro de rôle :
S.09.0048.F

Résumé :

En matière d'accident du travail, l'événement soudain allégué doit être certain; une chute et des mouvements de torsion du tronc avant la chute sont des faits différents (1). (1) Voir les concl. du M.P.

Arrêt :

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N° S.09.0048.F

AXA BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,

demanderesse en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

A. L.,

défendeur en cassation.

La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2009 par la cour du travail de Liège, section de Namur.

Le président Christian Storck a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de Constitution ;

- articles 1315, 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;

- articles 870 et 1138, 4°, du Code judiciaire ;

- article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir constaté les faits suivants : 1. le défendeur, né en 1969, était occupé en qualité d'ouvrier jardinier au service de l'exploitant d'une entreprise agricole, dont la demanderesse est l'assureur-loi ; selon la déclaration d'accident complétée le jour même des faits par son employeur, le défendeur aurait, le 4 avril 2005, trébuché et serait tombé à terre, alors qu'il déplaçait des plants d'une dizaine de kilos sur une aire de stockage ; la lésion a été décrite comme une « douleur au dos, genre tour de rein (lumbago) » ; tout en s'abstenant d'encore déplacer des plants, le défendeur a poursuivi son travail jusqu'à 16 heures ; il a été hospitalisé au C.H.A. de Libramont du 6 au 15 avril 2005 ; un scanner a révélé la présence d'une hernie discale L3-L4 gauche ; 2. selon le rapport du 9 mai 2005 du médecin-conseil de la demanderesse, le mécanisme accidentel était le suivant : «(Le défendeur) prend les plants qui ont un poids approximatif de dix kilos et qui se trouvent à terre, afin de les déposer dans la remorque. Pour ce faire, il effectue un mouvement de rotation du tronc, pieds bloqués au sol. Alors qu'il effectue ce travail depuis une trentaine de minutes, (le défendeur) ressent soudainement une violente douleur lombaire. Il lâche le plant, se redresse et glisse à terre. (Le défendeur) confirme que la glissade est survenue suite à la douleur. Il tombe sur les fesses. (Le défendeur) se relève et poursuit son travail la journée, en évitant toutefois le port de charges » ; 3. le défendeur et son collègue de travail, M. D., ont été entendus par un inspecteur délégué par la demanderesse ; le défendeur a déclaré : « J'ai pris mon service à 8 heures. Je devais décharger avec mes collègues une semi-remorque de petits plants qui avec motte pèsent environ dix kilos. (...) Vers 9 heures 30, en travaillant, j'ai glissé sur le sol bétonné et, perdant l'équilibre avec ma charge, je suis parti à la renverse et me suis retrouvé au sol. J'ignore si je me suis fait mal au dos dans le mouvement de rotation ou lors de la réception au sol » ; M. D. a déclaré :

« Je me trouvais dans le camion et j'amenais des plants à l'arrière du camion. (Le défendeur) les prenait pour le tri et les déposait soit au sol, soit dans la remorque. A un certain moment, il s'est plaint d'un mal dorsal. Je ne l'ai pas vu tomber au sol (...). J'ignore au cours de quelle opération il s'est plaint du dos. Mon collègue m'a dit textuellement : je vais ralentir un peu, j'ai mal au dos » ; 4. le 3 août 2005, la demanderesse a fait connaître au défendeur sa décision de ne pas intervenir en sa faveur au motif suivant : « Il n'y a pas d'événement soudain au sens de la loi et de la jurisprudence en matière d'accident du travail. Le dépassement du seuil de tolérance physique n'est pas constitutif de l'événement », l'arrêt dit non fondé l'appel de la demanderesse contre le jugement entrepris qui a considéré qu' « il semble bien » qu'il y ait eu « événement soudain » au sens de l'article 9 de la loi du 10 avril 1971 et qu'il revient dès lors à la demanderesse « de renverser la présomption de causalité établie par cet article » et a désigné un expert-médecin avec la mission « de décrire les lésions encourues ; de préciser leur origine traumatique ou non ; de dire si l'événement, tel qu'il est allégué, est susceptible d'avoir occasionné les lésions constatées ou si celles-ci résultent d'un état pathologique préexistant ou d'un tout autre fait accidentel ou non ; dans l'affirmative, d'indiquer la durée de l'incapacité temporaire totale de travail, des diverses incapacités temporaires partielles de travail, le taux de ces diverses incapacités, la date de la consolidation ; de dire s'il subsiste une dépréciation physiologique ; de dire quelle influence la dépréciation physiologique est susceptible d'avoir sur la capacité ouvrière de la victime ; de donner son avis au sujet du taux de diminution de capacité ouvrière » .

L'arrêt fonde cette décision sur les motifs suivants :

« (Le défendeur), s'il ne sait pas préciser si la douleur ressentie a provoqué sa chute ou si, à l'inverse, cette chute a provoqué la douleur qui l'a amené à ralentir son rythme de travail et ensuite à changer d'activité, a confirmé lors de son audition par le médecin-conseil de (la demanderesse) avoir glissé sur le sol bétonné et, après avoir perdu l'équilibre avec sa charge, être parti à la renverse pour se retrouver au sol. Le collègue de travail (du défendeur) ne l'a pas vu chuter, mais précise que celui-ci lui a déclaré avoir mal au dos et souhaiter ralentir son rythme de travail. A aucun moment, avant qu'il ne commence son activité ou alors qu'il venait de débuter celle-ci, (le défendeur) ne semble avoir signalé à ce collègue de travail un quelconque mal de dos. Les mouvements, notamment de torsion du tronc, auxquels a été contraint (le défendeur) dans le cadre des opérations de déchargement de plants d'un poids de dix kilos, si même ils s'inscrivent dans le cadre de gestes usuels de travail, peuvent, en raison de leur répétition, avoir provoqué le lumbago dont il a été atteint. S'il y a lieu de ne pas confondre la lésion et l'événement soudain dont la preuve doit être rapportée par celui qui se dit victime d'un accident du travail, la nature de cette lésion, si elle devait s'avérer d'origine traumatique, pourrait constituer une présomption qui, ajoutée aux déclarations de la victime et du témoin indirect des faits, plaiderait pour la reconnaissance de l'événement soudain dont se prévaut (le défendeur). La mission confiée par le premier juge à l'expert vise précisément à confirmer l'origine traumatique ou non de la lésion encourue et sa compatibilité avec l'événement avancé par la victime, qu'il s'agisse de sa chute ou de mouvements, notamment de torsion du tronc, qui l'ont immédiatement précédée ou accompagnée ».

Griefs

Première branche

Avant d'ordonner la mesure d'expertise visant notamment à « dire si l'événement, tel qu'il est allégué, est susceptible d'avoir occasionné les lésions constatées ou si celles-ci résultent d'un état pathologique préexistant ou d'un tout autre fait accidentel ou non », le premier juge a constaté, que le jour des faits, soit le 4 avril 2005, le défendeur avait expliqué « qu'il déplaçait des plantes, qu'il est tombé par terre et qu'il a ressenti une douleur au dos » et que, le 5 juillet 2005, le défendeur avait encore expliqué qu'il ignorait s'il s'était fait mal au dos « dans le mouvement de rotation ou dans la réception au sol ». Selon le premier juge, « le (défendeur) décrit une chute en arrière avec torsion du tronc qui est tout à fait compatible avec la lésion observée (hernie discale L3-L4 gauche) » en sorte qu' « il semble bien que les conditions de l'article 9 (de la loi du 10 avril 1971) soient établies ».

Il ressort des motifs précités et du libellé de la mesure d'expertise que, pour le premier juge, l'événement, « tel qu'il est allégué » et au sujet duquel l'expert est chargé de dire s'il est susceptible d'avoir occasionné les lésions constatées, est « une chute en arrière avec torsion du tronc ».

En revanche, selon l'arrêt, « la mission confiée par le premier juge à l'expert vise (...) à confirmer l'origine traumatique ou non de la lésion encourue et sa compatibilité avec l'événement avancé par la victime, qu'il s'agisse de sa chute ou de mouvements, notamment de torsion du tronc, qui l'ont immédiatement précédée ou accompagnée », motif pour lequel il confirme la décision du premier juge.

L'arrêt donne ainsi de la décision du premier juge une interprétation inconciliable avec ses termes car, selon les termes précités de ce jugement, l'événement allégué par la victime et concerné par la mesure d'expertise était uniquement sa chute avec le mouvement de torsion du tronc qui l'a accompagnée - mais non avec les mouvements de torsion qui l'ont précédée.

L'arrêt viole dès lors la foi due à ce jugement (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

En outre, en décidant, d'une part, par confirmation de la décision du premier juge, que l'événement soudain est la chute en arrière avec torsion du tronc, et, d'autre part, dans ses motifs propres, que l'événement soudain est soit la chute, soit les mouvements de torsion du tronc qui ont précédé la chute, l'arrêt comporte des dispositions contraires (violation de l'article 1138, 4°, du Code judiciaire).

Enfin, la décision de confier à l'expert la mission « de dire si l'événement, tel qu'il est allégué, est susceptible d'avoir occasionné les lésions constatées ou si celles-ci résultent d'un état pathologique préexistant ou d'un tout autre fait accidentel ou non » laisse incertain le point de savoir si

« l'événement, tel qu'il est allégué », est la chute en arrière avec torsion du tronc ou les mouvements de torsion du tronc qui ont précédé la chute, en sorte que l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxième branche

Dans ses conclusions d'appel, le défendeur faisait valoir que « les éléments utiles à l'examen de la cause peuvent être synthétisés comme suit :

1. le 4 avril 2005, alors qu'il était à son travail pour le compte de

M. R., le (défendeur) a été victime d'un accident ; 2. après avoir marché sur de la terre très humide en transportant une charge de 10 à 15 kilos, il a glissé et, dans sa chute, est tombé en arrière, se faisant très mal au dos », que, dans la déclaration d'accident du travail, M. R. « a mentionné que le (défendeur) avait ‘trébuché' et était ‘tombé par terre' en déplaçant des plantes », que « l'événement soudain requis par la loi est patent : le (défendeur) a glissé sur le sol et est tombé à la renverse ; une chute sur le sol est manifestement un événement soudain ; le (défendeur) conteste avoir déclaré au médecin-conseil de (la demanderesse) qu'il aurait glissé après avoir ressenti une douleur dans le dos ; lorsqu'on glisse et que l'on chute, on s'empresse en général de se relever sans nécessairement appeler du secours à la cantonade : il n'est donc pas anormal que l'autre ouvrier présent à proximité n'ait pas vu la chute elle-même et ait seulement entendu (le défendeur) se plaindre, après cette chute, d'avoir très mal au dos ».

Il ressort de ces conclusions que l'événement soudain dont se prévalait le défendeur était sa chute et non les mouvements qu'il effectuait avant celle-ci.

En considérant cependant que « l'événement dont se prévaut (le défendeur) » ou « l'événement avancé par la victime » est soit sa chute soit les mouvements, notamment de torsion du tronc, qui l'ont immédiatement précédée, l'arrêt donne des conclusions précitées du défendeur une interprétation inconciliable avec leurs termes, en affirmant que s'y trouve une prétention qui y était absente.

Dès lors, l'arrêt viole la foi due à ces conclusions (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Troisième branche

En vertu de l'article 1315, alinéa 1er, du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. La partie sur laquelle repose la charge de la preuve a préalablement la charge de l'allégation. Il lui incombe donc d'invoquer les éléments de fait générateurs du droit revendiqué et puis de les prouver.

L'article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail

dispose : « lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l'existence d'une lésion, celle d'un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu'à preuve contraire, trouver son origine dans un accident ». Dès lors, le travailleur qui se prétend victime d'un accident du travail doit alléguer un événement soudain qui pourrait être à l'origine de sa lésion et il doit prouver l'existence de cet événement soudain ; celui-ci doit être identifié de manière précise et doit être établi.

Le juge ne peut déclarer établie l'existence de l'événement soudain visé par l'article 9 de la loi du 10 avril 1971, à l'origine d'un éventuel accident du travail, lorsqu'il considère que l'événement avancé par le travailleur n'est pas prouvé, mais qu'il est en revanche possible qu'un autre événement, non allégué par le travailleur, soit à l'origine de la lésion.

En l'espèce, le défendeur alléguait, dans ses conclusions prises devant la cour du travail, que l'événement soudain à l'origine de son lumbago était sa chute ; il contestait qu'il se soit fait mal au dos avant sa chute. L'arrêt constate que le collègue du défendeur ne l'a pas vu tomber, mais il estime que les mouvements de rotation du tronc que le défendeur effectuait avant la chute alléguée pouvaient avoir provoqué le lumbago. Selon l'arrêt, « la mission confiée par le premier juge à l'expert vise précisément à confirmer l'origine traumatique ou non de la lésion encourue et sa compatibilité avec l'événement avancé par la victime, qu'il s'agisse de sa chute ou de mouvements, notamment de mouvements de torsion du tronc, qui l'ont immédiatement précédée ou accompagnée ». L'arrêt considère ainsi que l'événement soudain allégué par le défendeur ne fût-il pas établi, un autre événement, non allégué par le défendeur comme événement soudain, pourrait avoir provoqué la lésion et être à l'origine d'un éventuel accident du travail. Dès lors, l'arrêt viole les articles 1315 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 9 de la loi du 10 avril 1971.

Quatrième branche (subsidiaire)

Dans ses conclusions prises devant la cour du travail, la demanderesse faisait valoir le moyen suivant : « la loi du 10 avril 1971 ayant considérablement réduit en faveur du travailleur les obligations probatoires, il importe d'être rigoureux dans l'appréciation des éléments de preuve rapportés quant à la lésion et à l'événement soudain » ; « la seule déclaration de la victime ne suffit pas, elle ne sert de preuve que si elle est confortée par une série d'éléments constitutifs de présomptions graves, précises et

concordantes » ; le défendeur « prétend avoir été victime d'une chute ; la (demanderesse) souligne cependant que les versions (du défendeur) relativement à l'hypothèse d'une chute sont contradictoires ; en effet, dans sa déclaration initiale, (le défendeur) déclara : ‘vers 9 heures 30, en travaillant, j'ai glissé sur le sol bétonné et, perdant l'équilibre avec ma charge, je suis parti à la renverse et me suis retrouvé sur le sol' ; ultérieurement, (le défendeur) décrivit au médecin-conseil de la (demanderesse) que sa glissade était survenue ‘suite à la douleur' qu'il avait ressentie ; (...) la déclaration de la victime doit d'autant plus être étayée par des présomptions graves, précises et concordantes, lorsque la victime elle-même donne, comme en l'espèce, des versions divergentes (...) ; il n'y a pas de témoin direct des faits qui aurait pu confirmer l'une des versions (du défendeur) ; seule la présence d'un témoin indirect, le sieur D., collègue de travail (du défendeur), figure dans les éléments du dossier ; ce témoin déclara à l'inspecteur de la (demanderesse), lorsqu'il fut entendu, que, nonobstant les allégations (du défendeur), il n'a ni vu ni entendu son collègue tomber sur le sol ; M. D. déclara en effet : ‘(le défendeur) prenait les plants pour le tri et les déposait ensuite soit au sol, soit dans la remorque. À un certain moment, il s'est plaint d'un mal dorsal. Je ne l'ai pas vu tomber au sol' ; à supposer que (le défendeur) ait été effectivement victime d'une chute, n'est-il pas étrange que le sieur D. n'ait pas entendu un quelconque cri de douleur, voire, à tout le moins, un bruit sourd consécutif à un tel événement ? Ceci n'est-il pas d'autant plus étrange qu'il est avéré que (le défendeur) et le sieur D. travaillaient en équipe, de surcroît dans une proximité certaine ? N'est-il pas également curieux que (le défendeur), ensuite de sa prétendue chute, ait simplement évoqué à son collègue de travail,

M. D., de sentir une douleur au dos, sans solliciter la moindre aide de sa part ? La (demanderesse) s'interroge ; pour ces différents motifs, la (demanderesse) soutient que le témoignage du sieur D. n'est pas de nature à accréditer la thèse (du défendeur) selon lequel la douleur lombaire serait consécutive à sa chute ; il s'ensuit que le simple fait que (le défendeur) ait ressenti une douleur au dos à un quelconque moment, au cours de l'exécution de son travail habituel, n'est pas constitutif d'un événement soudain au sens de la loi sur les accidents du travail, de sorte que la (demanderesse) n'a pas à l'indemniser ; le seul élément qui résulte clairement du dossier de pièces consiste en la formulation de plaintes de douleurs au dos, en date du 4 avril 2005 ; la cause et l'origine de la douleur au dos ressentie par (le défendeur) restent toutefois inconnues dès lors que, eu égard aux éléments susmentionnés, la thèse de la chute est sujette à caution ; de fait, au vu des versions contradictoires (du défendeur) et de l'absence de témoin direct, il ne peut être attesté qu'une chute ait effectivement eu lieu ; par ailleurs, au vu des versions antinomiques (du défendeur), il ne peut être déterminé si la douleur ressentie par (le défendeur) est survenue avant ou après la prétendue chute ; des douleurs au dos, si elles sont objectivées par des documents médicaux, permettent seulement d'étayer la thèse de l'existence de la lésion, mais non celle de l'événement soudain ; or, la brusque manifestation de la lésion ne constitue pas l'événement soudain ».

L'arrêt considère la chute comme établie, sans rencontrer les conclusions précitées de la demanderesse soutenant que ce n'était pas le cas. L'arrêt n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Pour confirmer le jugement entrepris, qui ordonne une expertise médicale avec la mission de « préciser [l']origine traumatique ou non [des lésions] » et « de dire si l'événement, tel qu'il est allégué, est susceptible d'avoir occasionné les lésions constatées ou si celles-ci résultent d'un état pathologique préexistant ou d'un tout autre fait accidentel ou non », l'arrêt considère que « la nature de [la] lésion, si elle devait s'avérer traumatique, pourrait constituer une présomption [en faveur de] la reconnaissance de l'événement soudain dont se prévaut [le défendeur] » et que « la mission confiée par le premier juge à l'expert vise précisément à confirmer l'origine traumatique ou non de la lésion encourue et sa compatibilité avec l'événement avancé par la victime, qu'il s'agisse de sa chute ou de mouvement(s), notamment de torsion du tronc, qui l'ont immédiatement précédée ou accompagnée ».

L'arrêt, qui laisse incertain l'événement allégué par le défendeur, ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle et n'est pas régulièrement motivé.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;

Vu l'article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, condamne la demanderesse aux dépens ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Les dépens taxés à la somme de cent vingt-neuf euros vingt et un centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, le président de section Paul Mathieu, les conseillers Christine Matray, Martine Regout et Mireille Delange, et prononcé en audience publique du dix mai deux mille dix par le président Christian Storck, en présence du procureur général Jean-François Leclercq, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.