Cour de cassation: Arrêt du 16 décembre 1997 (Belgique). RG P960410N

Date :
16-12-1997
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
14 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-19971216-8
Numéro de rôle :
P960410N

Résumé :

Un renseignement dont le secret vis-à-vis de l'ennemi intéresse la défense du territoire au sens de l'article 116 du Code pénal, ne perd pas son caractère secret par le fait qu'il a précédemment été communiqué à l'ennemi par une autre voie, lorsqu'il confirme et renforce la crédibilité du renseignement précédemment obtenu.

Arrêt :

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LA COUR,
Vu l'arrêt attaqué rendu sur revision le 14 février 1996 par la cour militaire;
Vu les arrêts de la Cour des 31 mai 1994 et 30 mai 1995;
I. Sur le pourvoi introduit au nom de Swertvaeger Irma et dirigé contre toutes les décisions rendues au pénal :
Sur le premier moyen, libellé comme suit : violation des articles 116 du Code pénal, tel qu'il a été remplacé par l'article 1 de la loi du 19 juillet 1934 et 149 de la Constitution, ainsi que du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense,
en ce que, après avoir préalablement déclaré établi le fait "que (la demanderesse) a fait part à l'un des militaires allemands précités de la capture de Frederik Laplasse par des membres de la 'Witte Brigade' (arrêt attaqué, p. 12, 5.10), et "que l'ensemble des déclarations et des témoignages, lus conjointement et dans leur contexte ne met certainement pas à néant le fait que (la demanderesse) a reconnu avoir fait part aux militaires allemands de la capture de son fils par la Résistance" (arrêt attaqué, p. 15, 5.17), la cour militaire constate en outre " que les troupes allemandes ont à nouveau quitté leur batterie dans l'après-midi du 8 septembre 1944. Il était probablement 15 h. 30, ainsi que le rapporte Matthias Schümits. Il ressort de ces sources - absolument fiables sur ce point - que, dans l'après-midi, le but des Allemands - mais probablement pas leur seul but - était de libérer leurs compatriotes prisonniers de guerre" (arrêt attaqué, p. 14, 5.15) et "que ces 'nouveaux' et 'récents' éléments de preuve ne réduisent pas davantage à néant l'information que l'intention principale du Major Corneille - mais pas nécessairement sa seule intention - était de libérer des prisonniers de guerre allemands, dans l'après-midi du 8 septembre 1944",
et en ce que, après avoir considéré en outre "que les faits suivants peuvent être mis en doute : (...) - le poste d'observation allemand a-t-il ou non aperçu le défilé des prisonniers de guerre allemands; - au cours de son entretien au sommet des dunes ou à un moment ultérieur de la journée, (la demanderesse) a-t-elle donné à un militaire allemand des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la résistance; (...) - en ce qui concerne les événements du 8 septembre 1944, (la demanderesse) était-elle la seule source de renseignements du commandement allemand, fait d'autant plus douteux que, à tout le moins en théorie, le commandement disposait encore d'un certain nombre d'autres canaux d'information, tels que les renseignements obtenus par l'un ou l'autre 'versprengte' militaire allemand, par l'un ou l'autre informateur local ayant encore la possibilité de prendre contact avec la batterie, par radio ou par téléphone, ou même par une autre dénonciation" (arrêt attaqué, p. 15 et 16, 5.18) et après avoir conclu "qu'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à
la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes. Il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces renseignements" (arrêt attaqué, p. 18, 7.4, in fine), la cour militaire déclare néanmoins la demanderesse coupable du chef de trahison (article 116 du Code pénal) et, après avoir aussi déclaré établie la prévention B qualifiée dénonciation, considère que les faits établis procèdent de la même intention punissable et donnent, dès lors, lieu à l'application d'une seule peine et, admettant la circonstance atténuante que la demanderesse a uniquement agi par amour maternel, condamne celle-ci à une seule peine, à savoir la détention à perpétuité, du chef de l'ensemble des faits réunis des préventions A et B, compte tenu de l'absence de condamnation antérieure dans son chef, et ce, sur la base des considérations suivantes, en ce qui concerne la prévention A : "7. Quant au bien-fondé des poursuites exercées du chef de la trahison. 7.1. La première question fondamentale est la suivante : quelle communication (la demanderesse) a-t-elle faite au militaire allemand qu'elle a rencontré le 8 septembre (1944) au sommet des dunes? Il ressort de l'exposé des faits précités que (la demanderesse) a fait part à un militaire allemand de la capture de son fils par la Résistance. Cet élément est établi à suffisance de droit. Dans ses deuxièmes conclusions, la défense fait par ailleurs valoir à la page 25 : '(...) le 30 septembre 1944, (la demanderesse) et sa fille (...) ont uniquement déclaré qu'elles avaient dit aux Allemands que leur fils et frère avaient été capturés par la Witte Brigade'. 7.2. (La cour militaire) confirme ce fait et relève que la déclaration du 30 septembre 1944, à laquelle la défense fait allusion dans ses conclusions, fait partie du rapport du 'commandant local des AS', précédemment cité et intitulé 'Cause de Dame Henri Laplasse et fille Angèle Laplasse', en d'autres termes, la pièce 9 du dossier originaire, précédemment citée à plusieurs reprises. 7.3. Toutefois, il y a lieu d'examiner la portée précise de la communication faite par (la demanderesse) au militaire allemand précité, et notamment ses implications sur le plan militaire. Cet examen révèle que, par sa communication, fût-ce en faisant uniquement état de l'incident dans lequel son fils était impliqué, (la demanderesse) a divulgué à un militaire des troupes allemandes de Groenendijk que les groupes de la Résistance locale étaient ouvertement entrées en action. Il est inutile de relever l'importance militaire d'une telle communication. S'agit-il cependant d'un secret au sens de l'article 116 du Code pénal? 7.4. La deuxième question fondamentale se posant relativement à l'article 116 précité est, en effet, de savoir si la communication faite par (la demanderesse) à un militaire allemand constitue un renseignement dont le secret vis-à-vis de l'ennemi intéresse la défense du territoire ou la sû
reté de l'Etat? Avant de répondre à cette question, il n'est pas inutile de préciser l'élément de fait suivant, à savoir qu'au cours de l'après-midi du 8 septembre 1944, le comportement des troupes allemandes différait de celui qu'elles avaient adopté dans la matinée. Si, dans la matinée du 8 septembre 1944, une section de huit à dix hommes, sous le commandement de 'Spiesz' Bongers, a été envoyée à L'Ermitage sans trop de mesures de sécurité, la troupe ayant quitté la batterie dans la courant de l'après-midi était nettement plus nombreuse, se trouvait sous le commandement du major en personne et était plus lourdement armée d'un canon 'Pak'. Cette troupe a en outre opéré par "manoeuvres d'encerclement". Ces éléments confirment non seulement que les buts des actions étaient différents mais aussi que les circonstances s'étaient modifiées, à savoir que la menace de confrontations armées avec la Résistance locale était plus sérieuse. Il est aussi hors de doute que le major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes. Il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces renseignements. 7.5. Même s'il peut être supposé que (la demanderesse) n'en était pas entière consciente, la réponse à cette deuxième question fondamentale est affirmative, dès lors que, dans le concept de la guerre 'totale', telle que l'était la seconde guerre mondiale, tout renseignement concernant les activités de l'armée ou de la Résistance est d'une grande importance militaire et doit, en tant que tel, rester secret, à plus forte raison, lorsque, comme en l'espèce, ce renseignement concerne l'entrée en action de la Résistance armée. Dans les circonstances de la guerre de 1944, un tel renseignement ne pouvait que constituer un secret intéressant aussi la sûreté du territoire. Il ne peut en effet être perdu de vue qu'au moment où (la demanderesse) a eu son entretien avec le militaire allemand, le territoire de l'agglomération de Oostduinkerke pouvait être considéré comme étant, de facto, 'libéré' de l'occupation ennemie, notamment ensuite de l'arrivée ouverte de la Résistance armée dans l'agglomération (voir le 'défilé' des prisonniers de guerre allemands). Cette 'libération' s'est par ailleurs concrétisée par un certain nombre d'autres facteurs, tels que l'incarcération des prisonniers de guerre dans l'école communale, l'installation du quartier général de la Résistance, les patrouilles effectuées et les sentinelles postées, les habitations spontanément pavoisées par la population (...). Le seul fait d'avoir pu désarmer, capturer et conduire un nombre relativement élevé de militaires allemands à partir de la ferme Kinget révèle sans aucun doute l'affaiblissement non négligeable des possibilités d'action et de réaction allemandes dans la ré
gion concernée. Dans le cadre de la libération définitive du territoire par la poussée des troupes canadiennes, l'opération militaire de moindre importance à laquelle la Résistance de Oostduinkerke s'est livrée a constitué un avantage appréciable. Dans un tel contexte, toute information de nature à provoquer une contre-attaque ennemie constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal. C'était le cas en ce qui concerne la communication faite par (la demanderesse) au militaire allemand au sommet des dunes, même s'il n'est pas établi que (la demanderesse) a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la résistance. Le ministère public invoque, à l'appui de l'acquittement, que les Allemands auraient aussi pu réaliser leur but, à savoir libérer les prisonniers de guerre, par d'autres moyens, notamment en n'utilisant pas la force, en utilisant moins de force ou une autre force. Ceci est incontestablement exact, mais ne modifie en rien le caractère punissable de la communication de (la demanderesse). Il y a toutefois lieu d'ajouter à ce propos qu'il ne peut en aucun cas être reproché à (la demanderesse) que, lors de leur action à Oostduinkerke, les militaires allemands se sont livrés à des actes contraires aux lois militaires. 7.6. La troisième question fondamentale à laquelle il y a lieu de répondre peut être formulée comme suit : s'agissait-il en l'espèce d'un secret (la demanderese) a sciemment divulgué? Pour être punissable, la communication visée à l'article 116 du Code pénal doit avoir été faite sciemment. Ceci implique que la loi requiert à cet égard un "dol général (punissable)". Cette condition est remplie en l'espèce. Il est incontestable que (la demanderesse) savait qu'elle agissait "mal" en se plaignant auprès de l'ennemi, à tout le moins implicitement, de la capture de son fils par un groupement de la Résistance. Il est hors de doute qu'elle a aussi effectué sciemment les actes matériels utiles par lesquels elle a violé la disposition légale précitée. Elle a aussi agi volontairement, dans le but de réaliser un acte prohibé, à savoir divulguer un (secret) au sens de l'article 116 du Code pénal. Elle a accepté sciemment et volontairement de réaliser l'acte prohibé, fût-ce dans un but principal autre que le but illicite. Dès lors, elle a accepté l'effet punissable de son comportement et en a admis les conséquences. Il y a certes lieu d'admettre que (la demanderesse) n'a certainement pas agi d'une manière rationnelle. Elle a agi instinctivement, sans avoir eu la possibilité de réfléchir longuement à cet égard, sans même savoir où se trouvait son époux à ce moment. Elle n'a pas prévu les conséquences dramatiques qui se sont ultérieurement produites dans l'agglomération. (La demanderesse) a toutefois divulgué, sciemment et volontairement, au sens de la loi pénale, un des secrets visés à l'article 116 du Code pénale et elle accepté de le faire en vue de réaliser un autre but,
à savoir la libération de son fils. Dans ce sens, elle a agi volontairement, sans contrainte et en connaissant le caractère secret de la communication qu'elle a faite (voir Gilissen, J., et autres, Crimes et délits contre la sûreté de l'Etat, Les Novelles, Droit pénal, t. II, n° 492). Dès lors, le fait qu'elle aurait uniquement 'fait part de son angoisse, en toute confiance' a une personne en qui elle avait placé sa confiance et même qu'elle aurait agi sous l'empire d'une contrainte à laquelle elle n'aurait pu résister, est juridiquement dénué de pertinence. Bien que la prévenue ait dû savoir que, libéré par les militaires allemands, son fils subirait le sort des déserteurs - ayant déserté ses fonctions de gardien d'usine - son but principal était incontestablement de le sauver de ce qui (à tort) lui semblait contituer une menace imminente plus grave, à savoir la fusillade immédiate par la Résistance. 7.7. La quatrième question fondamentale concerne la personne à qui la prévenue a fait la communication : est-ce une personne agissant dans l'intérêt de la puissance ennemie? Il est incontestable que (la demanderesse) a fait sa communication à un militaire allemand de la batterie de Groenendijk, en d'autres termes à une personne agissant dans l'intérêt d'une puissance ennemie. Elle a agi dans l'intention d'obtenir de l'aide des troupes de cette puissance ennemie. L'allégation que (la demanderesse) considérait le militaire avec lequel elle s'est entretenue comme étant un ami ne peut être prise en considération. Un membre du personnel des troupes ennemies, avec lequel on se lie personnellement d'amitié, reste une personne agissant dans l'intérêt de la puissance ennemie. Dès lors qu'il est établi, d'autre part, que (la demanderesse) s'est entretenue avec un des membres du poste d'observation et qu'il est certains que la communication faite à été transmise, l'identité précise dudit militaire est dénuée d'importance en ce qui concerne l'application du droit. Il est même établi que (la demanderesse) et sa fille ont attendu une réponse au sommet des dunes. Dès lors, il suit de ce qui précède que le crime de trahison est établi dans tous ses éléments constitutifs" (arrêt, p. 17 à 20),
alors que, première branche, dans ses deuxièmes conclusions relatives à la prévention A qualifiée trahison, régulièrement déposées devant la cour militaire, la demanderesse a fait valoir que, pour qu'elle soit punissable du chef de l'article 116 du Code pénal, il devait être établi qu'à ce moment, l'information était encore inconnue de l'ennemi et qu'il est clairement aparu du dossier que, les Allemands sachant déjà, par leurs propres sources, que la Résistance détenait leurs compatriotes dans l'agglomération, l'information en l'espèce n'était ni nouvelle ni inconnue de l'ennemi, et ce, dans les termes suivants : "alinéa 3. Information secrète encore inconnue de l'ennemi. Pour que (la demanderesse) soit punissable conformément à l'article 116 du Code pénal, il doit ê
tre établi qu'à ce moment, l'information était encore inconnue de l'énnemi. En effet, le délit prévu à l'article 116 du Code pénal n'existe pas si l'ennemi connaissait déjà l'information ou si cette information n'était pas de nature à nuire à la Nation (Rigaux et Trousse, ibid.; Trib. corr. Bruxelles, 10 août 1938, RDP, 1938, p. 1019 à 1023; Gilissen, J. et autres, Les novelles, Droit Pénal, Les infractions II, Bruxelles, Larcier, 1967, p. 218, n° 509). Il ressort clairement du dossier que les Allemands savaient déjà, par leurs propres sources, que leurs camarades étaient détenus dans l'agglomération et que des événements s'y étaient produits. Même si (la demanderesse) avait communiqué à l'ennemi que les soldats allemands étaient détenus dans l'agglomération d'Oostduinkerke - quod non - il y a lieu de conclure que l'information n'état ni nouvelle ni inconnue de l'ennemi. (La demanderesse) se réfère à cet égard à ce qu'elle invoque relativement à la prévention B quant au lien de causalité entre la dénonciation et l'attaque de l'école communale. Dès lors, (la demanderesse) ne peut être condamnée du chef d'une infraction à l'article 116 du Code pénal. En conséquence, les faits qualifiés à la prévention A ne peuvent être considérés comme étant établis" (Deuxièmes conclusions, p. 29-30); que, ni par les considérations reproduites ci-avant ni par aucune autre considération, la cour militaire ne répond à ce moyen précis de la défense de la demanderesse; que, dès lors, les juges d'appel ne motivent pas régulièrement leur décision (violation de l'article 149 de la Constitution) et violent le principe général du droit imposant le respect des droits de la défense (violation du principe général du droit relatif au respect des droits da la défense);
deuxième branche, la cour militaire, d'une part, déclare établi le fait que la demanderesse a fait part à un militaire allemand de la capture de son fils par des membres de la Witte Brigade, considère qu'il n'est pas établi qu'au cours de son entretien au sommet des dunes ou à un moment ultérieur de la journée, la demanderesse a donné à un militaire allemand des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance, que le fait peut être mis en doute que, en ce qui concerne les événements du 8 septembre 1944, (la demanderesse) était la seule source de renseignements du commandement allemand et que l'intention principale du Major Corneille était de libérer des prisonniers de guerre allemands dans l'après-midi du 8 septembre 1944 (arrêt attaqué, p. 15, 5.17) et décide ensuite "qu'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes. Il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces renseignements" (arrê
t attaqué, p. 18, 7.4) et, d'autre part, décide que "Dans un tel contexte, toute information de nature à provoquer une contre-attaque ennemie constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal. C'est le cas en ce qui concerne la communication faite par (la demanderessse) à un militaire allemand au sommet des dunes, même s'il n'est pas établi que la prévenue a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance" (arrêt attaqué, p. 18-19); que, toutefois, il est contradictoire, d'une part, d'admettre que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes, qu'il est uniquement établi que la demanderesse a communiqué aux Allemands une information concernant la capture de son fils et qu'il n'est pas établi qu'elle a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance et, d'autre part, d'admettre que toute information de nature à provoquer une contre-attaque ennemie constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal et que c'est le cas en ce qui concerne la communication faite par la demanderesse à un militaire allemand au sommet des dunes, même s'il n'est pas établi que la demanderesse a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la résistance; qu'en effet, il est contradictoire, d'une part, d'admettre qu'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et, d'autre part, d'admettre que la communication faite par la demanderesse à un militaire allemand au sommet des dunes est une information de nature à provoquer une contre-attaque ennemie et, dès lors, constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal, même s'il n'est pas établi que la demanderesse a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance; qu'il est effectivement contradictoire d'admettre, d'une part, que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et, d'autre part, d'admettre que l'information relative à la capture du fils de la demanderesse par la Résistance et, partant, étrangère à la capture de ses compatriotes allemands, était de nature à provoquer une contre-attaque ennemie et, par ce motif, constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal; qu'une telle contradiction dans les motifs équivaut à une absence de motifs, de sorte que l'arrêt ne respecte pas la formalité prescrite par l'article 149 de la Constitution;
troisième branche, il ne peut être fait état d'une trahison au sens de l'article 116 du Code pénal que si l'auteur transmet ou communique à une puissance ennemie des renseignements dont le secret vis-à
-vis de l'ennemi intéresse la défense du territoire ou la sûreté de l'Etat, ce qui implique que le délit prévu à l'article 116 du Code pénal n'existe pas si l'ennemi connaissait déjà l'information ou si cette information n'était pas de nature à nuire à la Nation; qu'en l'espèce, les juges d'appel déclarent uniquement établi le fait que la demanderesse a fait part à un militaire allemand de la capture de son fils par des membres de la Résistance et décident qu'il n'est pas établi qu'elle a communiqué d'autres renseignements; qu'ils décicent ensuite que l'intention principale du Major Corneille était de libérer des prisionniers de guerre allemands dans l'après midi du 8 septembre 1944 et que, s'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes, il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces renseignements; que les juges d'appel décident en outre qu'un doute peut exister quant au fait que la demanderesse était la seule source de renseignements du commandement allemand, fait d'autant plus douteux que, à tout le moins en théorie, le commandement disposait encore d'un certain nombre d'autres canaux d'information; que, dès lors qu'ils admettent que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes, ce qui implique, selon les juges d'appel, qu'il avait déjà connaissance de l'entrée en action ouverte et organisée de la Résistance, et qu'il n'est pas établi que la demanderesse a communiqué des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance, ce qui, pour les Allemands, n'impliquait aucun supplément d'information quant à l'action de la Résistance, les juges d'appel n'ont pu légalement décider que la communication faite par la demanderesse constituait un secret au sens de l'article 116 du Code pénal, dès lors que l'information concernant l'action de la Résistance était déjà connue de l'ennemi et que l'information communiquée par la demanderesse n'était pas de nature à nuire à la Nation, l'ennemi n'ayant pas acquis un supplément d'information ou une information plus importante; que, dès lors, les juges d'appel ne justifient pas légalement leur décision (violation de l'article 116 du Code pénal) :
Quant à la première branche :
Attendu que les conclusions déposées au nom de Irma Swertvaeger, telles qu'elles ont été reproduites au moyen, en cette branche, font valoir que la communication faite par Irma Swertvaeger à un militaire allemand ne contenait pas de secret inconnu de l'ennemi;
Attendu que le moyen, en cette branche, ne précise pas en quoi consiste la violation des droits de la défense invoquée;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable;
Attendu que,
après un exposé des faits sous le point 5 de l'arrêt, la cour militaire relève : "7.1. Il ressort de l'exposé des faits précités que (Irma Swertvaeger) a fait part à un militaire allemand de la capture de son fils par la Résistance; (...) 7.3. L'analyse de cette communication révèle que, fût-ce en faisant uniquement était de l'incident dans lequel son fils était impliqué, elle a divulgué à un militaire des troupes allemandes de Groenendijk que les groupes de la Résistance locale étaient ouvertement entrées en action; 7.4. Si, dans la matinée du 8 septembre 1944, une section de huit à dix hommes, sous le commandement de 'Spiesz' Bongers, a été envoyée à l'Ermitage sans trop de mesures de sécurité, la troupe ayant quitté la batterie dans le courant de l'après-midi était nettement plus nombreuse, se touvait sous le commandement du major en personne et était plus lourdement armée (...). Ces éléments confirment non seulement que les buts des actions étaient différents mais aussi que les circonstances s'étaient modifiées, à savoir que la menace de confrontations armées avec la Résistance locale était plus sérieure; 7.5. (...) tout renseignement concernant les activités de l'armée ou de la Résistance est d'une grande importance militaire et doit, en tant que tel, rester secret, à plus forte raison, lorsque, comme en l'espèce, ce renseignement concerne l'entrée en action de la Résistance armée. Dans les circonstances de guerre de 1944, un tel renseignement ne pouvait que constituer un secret intéressant aussi la sûreté du territoire. (...) Dans un tel contexte, toute information de nature à provoquer une contre-attaque ennemie constitue un secret au sens de l'article 116 du Code pénal" et considère ensuite, lors de l'examen de la prévention B (dénonciation) : "8.4. a : la dénonciation était-elle ou non nouvelle aux yeux de l'ennemi? Bien qu'il ne puisse être totalement exclu que les Allemandes avaient eu connaissance de l'entrée en action de la résistance locale, par une autre source, il s'agit en tout cas, même si l'hypothèse s'avérait exacte, d'un renseignement tombant sous l'application de l'article 121bis, dès lors que, par l'intermédiaire de (Irma Swertvaeger), l'ennemi a obtenu une confirmation appréciable d'une information utile sur le plan tactique, en d'autres termes par une source dont il (le commandement allemand) connaissait la fiabilité. Dès lors, ce qui a été dit sous le point 7.4 relativement au comportement des troupes allemandes dans la matinée du 8 septembre 1944 indique qu'à ce moment, le commandement allemand ignorait encore l'entrée en action de la Résistance";
Que, par ces motifs, la cour militaire rejette les allégations invoquées dans les conclusions déposées au nom de Irma Swertvaeger et, dès lors, répond à ces conclusions;
Que, dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la deuxième branche :
Attendu que la cour militaire a considéré sous les points 7.
4. et 8.4.a. de l'arrêt, d'une part, que, dans la matinée du 8 septembre 1944, le commandement allemand ignorait encore l'entrée en action de la Résistance et qu'il n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de compatriotes et l'action de la Résistance et, d'autre part, que la communication de Irma Swertvaeger de laquelle est apparu que la Résistance était entrée en action contenait une confirmation appréciable émanant d'une source dont les Allemands connaissait la fiabilité, et était de nature à provoquer une contre-attaque allemande;
Que, lus dans leur ensemble et conjointement, ces motifs impliquent uniquement que, même s'il y a lieu d'admettre que le commandement allemand n'a pu décider d'attaquer qu'après avoir obtenu lesdits renseignements par une voie extérieure, ceci n'empêche pas que la communication de Irma Swertvaeger a été de nature à provoquer une contre-attaque allemande, même si celle-ci n'est pas imputée à la communication précitée;
Que la contradiction invoquée est inexistante;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la troisième branche :
Attendu qu'un renseignement dont le secret vis-à-vis de l'ennemi intéresse la défense du territoire au sens de l'article 116 du Code pénal, ne perd pas son caractère secret par le fait qu'il a précédemment été communiqué à l'ennemi par une autre voie;
Que c'est notamment le cas lorsqu'il ajoute une information provenant d'une autre source au renseignement déjà connu de l'ennemi, confirmant et renforçant la crédibilité du renseignement précédemment obtenu;
Attendu que, après avoir constaté que le renseignement donné à un militaire allemand par Irma Swertvaeger contenait une information relative à "l'entrée en action ouverte des groupes de la Résistance locale" (point 7.3), la cour militaire considère que ce renseignement "concernant les activités de l'armée ou de la Résistance est d'une grande importance militaire et doit, en tant que tel, rester secret (...); que dans les circonstances de guerre de 1944, un tel renseignement ne pouvait que constituer un secret intéressant aussi la sûreté du territoire" (point 7.5) et que le renseignement donné par Irma Swertvaeger a permis à "l'ennemi (...) d'obtenir une confirmation appréciable d'une information utile sur le plan tactique, en d'autres termes par une source dont il (le commandement allemand) connaissait la fiabilité";
Que, dès lors, l'arrêt constate que, par ce renseignement, la crédibilité du renseignement dont l'ennemi avait déjà connaissance, a été confirmée et renforcée et, partant, en a accru l'importance;
Que, dès lors, la cour militaire déclare légalement Irma Swertvaeger coupable du crime prévu à l'article 116 du Code pénal;
Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
Sur le second moyen, libellé comme suit : violation des articles 121bis du Code pé
nal, tel qu'il a été remplacé par l'article 4 de l'arrêté-loi du 17 décembre 1942 et 149 de la Constitution;
en ce que, après avoir préalablement déclaré établi le fait "que (la demanderesse) a fait part à l'un des militaires allemands précités de la capture de Frederik Laplasse par des membres de la 'Witte Brigade'" (arrêt attaqué, p. 12, 5.10), et "que l'ensemble des déclarations et des témoignages, lus conjointement et dans leur contexte ne réduit certainement pas à néant le fait que (la demanderesse) a reconnu avoir fait part aux militaires allemands de la capture de son fils par la Résistance (arrêt attaqué, p. 15, 5.17), la cour militaire constate "que les troupes allemandes ont à nouveau quitté leur batterie dans l'après-midi du 8 septembre 1944. Il était probablement 15 h. 30, ainsi que le rapporte Matthias Schümits. Il ressort de ces sources - absolument fiables sur ce point - que, dans l'après-midi, le but des Allemands - mais probablement pas leur seul but - était de libérer leurs compatriotes prisonniers de guerre" (arrêt attaqué, p. 14, 5.15) et "que ces 'nouveaux' et 'récents' éléments de preuve ne réduisent pas davantage à néant l'information que l'intention principale du Major Corneille - mais pas nécessairement sa seule intention - était de libérer des prisonniers de guerre allemands, dans l'après-midi du 8 septembre 1944",
et en ce que, après avoir considéré "que les faits suivants peuvent être mis en question : (...) le poste d'observation allemand a-t-il ou non aperçu le défilé des prisonniers de guerre allemands; - au cours de son entretien au sommet des dunes ou à un moment ultérieur de la journée, (la demanderesse) a-t-elle donné à un militaire allemand des renseignements autres que celui concernant la capture de son fils par la Résistance; (...) - en ce qui concerne les événements du 8 septembre 1944, (la demanderesse) était-elle la seule source de renseignements du commandement allemand, fait d'autant plus douteux que, à tout le moins en théorie, le commandement disposait encore d'un certain nombre d'autres canaux d'information, tels que les renseignements obtenus par l'un ou l'autre 'versprengte' militaire allemand, par l'un ou l'autre informateur local ayant encore la possibilité de prendre contact avec la batterie, par radio ou par téléphone, ou même par une autre dénonciation "(arrêt attaqué, p. 15 et 16, 5.18) et, après avoir conclu "qu'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes. Il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces reseignements" (arrêt attaqué, p. 18, 7.4, in fine), la cour militaire déclare la demanderesse aussi coupable du chef de dénonciation simple (articles 121bis du Code pénal) après l'avoir préalablement déclarée coupable du chef de trahison, considère que les faits é
tablis procèdent de la même intention punissable et donnent, dès lors, lieu à l'application d'une seule peine et, admettant la circonstance atténuante que la demanderesse a uniquement agi par amour maternel, condamne celle-ci à une seule peine, à savoir la détention à perpétuité, du chef de l'ensemble des faits réunis des préventions A et B, compte tenu de l'absence de condamnation antérieure dans son chef, et ce, sur la base des considérations suivantes, en ce qui concerne la prévention B : "8. Quant au bien-fondé des poursuites exercées du chef de dénonciation. 8.1. (La cour militaire) est tenue d'examiner en premier lieu si les éléments constitutifs de la dénonciation dite 'simple' sont ou non établis. A cet égard, elle est tenue d'examiner deux questions fondamentales. 8.2. La première question fondamentale est la suivante : (la demanderesse) a-t-elle fait part au militaire allemand avec lequel elle a eu un entretien au sommet des dunes d'une communication qui doit être considérée comme étant la dénonciation d'un fait exposant une personne quelconque aux recherches, poursuites ou rigueurs de l'ennemi? (La demanderesse) ne constitue certainement pas l'exemple-type de la dénonciatrice, tel qu'il est décrit par Mahillon, P., dans sa note sous Cour mil, Liège, 28 mai 1947, JT, 1948, p. 79). Ceci n'est juridiquement pas nécessaire. En communiquant, dans les circonstances données, à un militaire allemand que la Résistance locale était ouvertement entrée en action (voir ci-avant, 7.3), (la demanderesse) a dénoncé à l'ennemi un fait réel susceptible d'exposer une personne quelconque, plus spécialement les résistants ayant capturé Frederik Laplasse et leurs frères d'armes, aux recherches, poursuites ou rigueurs de l'ennemi. 8.3. Reste encore la seconde question fondamentale concernant le crime de 'dénonciation simple', à savoir la question de savoir si (la demanderesse) a agi 'sciemment'. Cet élément constitutif de la prévention ne peut faire l'objet d'aucun doute. (La demanderesse) savait qu'elle agissait illicitement. Elle ne pouvait ignorer qu'en procédant à cette dénonciation, elle exposait les membres de la Résistance qui avaient capturé son fils aux poursuites de l'ennemi. Elle a agi sciemment et en a accepté le risque, fût-ce en vue d'atteindre l'autre but qu'elle poursuivait, à savoir la libération de son fils. 8.4. Enfin, deux questions complémentaires se posent encore quant à l'application de l'article 121bis du Code pénal. a. La dénonciation était-elle ou non nouvelle aux yeux de l'ennemi? Bien qu'il ne puisse être totalement exclu que les Allemands aient eu connaissance de l'entrée en action de la Résistance locale, par une autre source, il s'agit en tout cas, même si l'hypothèse s'avérait exacte, d'un renseignement tombant sous l'application de l'article 121bis, dès lors que, par l'intermédiaire de (la demanderesse), l'ennmi a obtenu une confirmation appréciable d'une information utile sur le plan tactique, en d'autres termes par une source dont il connaissait la fiabilité. Tout ce qui a pré
cédement été dit sous le point 7.4 relativement au comportement des troupes allemandes dans la matinée du 8 septembre 1944 révèle toutefois qu'à ce moment, le commandement allemand ignorait encore l'entrée en action de la Résistance. b. (La demanderesse) a-t-elle ou non dénoncé nominativement les personnes ayant capturé son fils? Il peut aussi être admis que (la demanderesse) n'a pas dénoncé ces personnes nominativement. Les motifs par lesquels (la cour militaire) a acquis la conviction qu'il avait été fait état de la 'Witte Brigade (locale)' en tant que telle, ont été relevé ci-avant. Toutefois, le fait de n'avaoir pas révélé les noms des résistants ayant procédé à l'arrestation de son fils ne produit pas d'autre effet juridique, dès lors qu'en ce qui concerne la 'personne quelconque' dont il est question au premier alinéa de l'article 121bis du Code pénal, la loi ne requiert pas que l'auteur révèle nécessairement l'identité de l'auteur du fait dénoncé ou ait connu celui-ci. Il peut y avoir dénonciation lorsque les éléments portés à la connaissance de l'ennemi ont permis l'identification de l'auteur du fait (Cass., 31 juillet 1947, Bull. et Pas., 1947, I, 341). 8.5. Enfin, la dernière question fondamentale se posant relativement à l'article 121bis du Code pénal : la circonstance aggravante est-elle établie? Le traitement que l'ennemi à fait subir aux membres de la résistance de Oostduinkerke a certainement entraîné la mort ou l'une des conséquences prévues à l'article 121bis du Code pénal. A la lumière de l'ensemble des éléments de preuve produits, la circonstance aggravante prévue au troisième alinéa de l'article n'est toutefois pas établie à suffisance de droit. En effet, il n'est pas absoluement certain qu'aucune dénonciation, autre que celle de (la demanderesse), n'ait entraîné ces conséquences. Il subsiste à toute le moins un doute quant au lien de causalité entre l'entretien de (la demanderesse) avec un militaire allemand au sommet des dunes et le drame qui s'est produit dans l'agglomération d'Oostduinkerke dans l'après-midi. Ce doute doit bénéficier à (la demanderesse). La circonstance qu'aucune instruction n'a pu avoir lieu en temps utile à ce propos, notamment par une audition circonstanciée du Major Corneille quant à sa prise de décision, ne peut nuire à (la demanderesse)" (arrêt attaqué, p. 21 et 22),
alors que, première branche, il est contradictoire, d'une part, d'admettre que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et de constater qu'il n'est pas établi que la demanderesse ait donné des renseignements relatifs à la capture des prisonniers de guerre allemands et, d'autre part, de décider que le renseignement donné par la demanderesse et à propos duquel il n'est pas établi qu'il concernait des renseignements autres que celui relatif à
la capture de son fils est toutefois de nature à exposer des personnes aux recherches, poursuites ou rigueurs de l'ennemi; qu'en effet, il est contradictoire, d'une part, d'admettre que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action que parce qu'il avait obtenu des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et, d'autre part, d'admettre que, bien que n'étant pas relatif à la capture des Allemands, le renseignement donné par la demanderesse était de nature à provoquer des représailles; que cette contradiction équivaut à une absence de motifs et que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution);
seconde branche, le délit de la dénonciation simple de l'article 121bis du Code pénal requiert que, par la dénonciation d'un fait réel ou imaginaire, l'auteur expose sciemment une personne quelconque aux recherches, poursuites ou rigueurs de l'ennemi, ce qui implique qu'au moment de la dénonciation, l'ennemi n'a pas encore connaissance du fait et que le renseignement doit être de nature à exposer la personne concernée à des représailles; que, dès lors, il est requis que l'ennemi acquière une connaissance par la dénonciation et qu'ensuite de cette connaissance, des personnes soient exposées à des représailles; qu'il s'ensuit que la dénonciation simple n'est pas établie lorsque l'ennemi a déjà connaissance du fait et que la dénonciation ne contient aucun supplément d'information ni n'accroît son importance; qu'en l'espèce, les juges d'appel considèrent qu'il est uniquement prouvé que la demanderesse a fait part aux Allemands de la capture de son fils par des membres de la résistance et qu'il n'est pas établi qu'elle aurait donné d'autres renseignements; qu'ils considèrent en outre qu'il n'est pas établi que la demanderesse constituait la seule source de renseignements du commandement allemand et qu'il est hors de doute que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu, d'une source extérieure à la batterie, des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et qu'il est actuellement impossible d'établir de qui il avait obtenu ces renseignements; que, dès lors, les juges d'appel décident que le Major Corneille n'a pu décider de procéder à l'action qu'il a entreprise que parce qu'il avait obtenu des renseignements utiles concernant la capture de ses compatriotes et qu'il n'est pas établi que ces renseignements provenaient de la demanderesse; qu'ils considèrent expressément qu'il n'est pas exclu que le Major Corneille disposait d'autres canaux d'information, tels que les renseignements obtenus par l'un ou l'autre militaire allemand, par des observations personnelles, par l'un ou l'autre informateur local ou même par une autre dénonciation; que, dès lors, les juges d'appel n'ont pu légalement décider, sur la base de ces constatations de fait, que l'information communiquée par la demanderesse au militair allemand concernant la capture de son fils par la résistance doit être considé
rée comme étant une dénonciation simple au sens de l'article 121bis du Code pénal, dès lors que, d'une part, ils admettent qu'il ne peut être exclu que les Allemands ont eu connaissance de l'entrée en action de la résistance locale par une autre source, l'information étant ainsi déjà connue de l'ennemi et celui-ci n'en ayant ainsi pas pris connaissance ensuite de la dénonciation et, d'autre part, que le renseignement donné par la demanderesse à l'ennemi ne contenait aucun supplément d'information ni n'accroissait son importance (violation de l'article 121bis du Code pénal) :
Attendu que le moyen est uniquement dirigé contre la décision déclarant la prévention B établie;
Attendu qu'ensuite du rejet du premier moyen qui est uniquement relatif à la prévention A, la peine prononcée du chef des préventions A et B reste légalement justifiée, la prévention A restant établie;
Que le moyen ne saurait entraîner la cassation et est, dès lors, irrecevable;
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
II. Sur les pourvois de Margareta Ureel, Bertha Ureel, Willy Ureel, Emiel Ureel, Jeannine Ureel, Maurice Ureel, Pieter Coussaert, Georgette Torreele, Roger Torreele, Maria Torreele et Marcel Torreele :
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que les pourvois des demandeurs, parties civiles, ont été signifiés au curateur de la défenderesse;
Que, dès lors, les pourvois sont irrecevables;
PAR CES MOTIFS,
sans avoir égard au mémoire en réponse déposé au nom des parties civiles, qui n'ont pas la qualité de défendeurs dans le pourvoi introduit au nom de Irma Swertvaeger,
Rejette les pourvois;
Laisse les frais du premier pourvoi à charge de l'Etat;
Condamne les demandeurs énoncés au point II aux frais de leurs pourvois.