Cour de cassation: Arrêt du 20 janvier 2009 (Belgique). RG P.08.1092.N
- Section :
- Jurisprudence
- Source :
- Justel F-20090120-1
- Numéro de rôle :
- P.08.1092.N
Résumé :
En l'absence de conclusions, le jugement pénal est motivé régulièrement lorsqu'il déclare le prévenu coupable du chef du fait punissable qualifié et suffisamment précisé dans les termes de la loi pénale (1). (1) Voir Cass., 16 mars 2005, RG P.04.1592.F, Pas., 2005, n° 162.
Arrêt :
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.08.1092.N
1. L. H. P. S.,
prévenu,
demandeur,
Me Kristof Callebaut, avocat au barreau de Dendermonde,
2. M. W. J. H.,
prévenu,
demandeur,
Me Léo De Broeck, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre l'arrêt rendu le 5 juin 2008 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent respectivement deux moyens similaires.
Le conseiller Luc Huybrechts a fait rapport.
Le premier avocat général Marc De Swaef a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation des articles 73, 73bis, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 449 à 452 du Code des Impôts sur les revenus (1992) : les infractions du chef desquelles les demandeurs ont été reconnus coupables requièrent, outre l'élément matériel, un élément moral ; l'arrêt attaqué n'indique pas, à tout le moins ne vérifie pas si l'élément moral de l'infraction est établi dans le chef des demandeurs.
2. En l'absence de conclusions, le jugement pénal est régulièrement motivé lorsqu'il déclare le prévenu coupable du chef du fait punissable qualifié et suffisamment précisé dans les termes de la loi.
3. L'arrêt attaqué considère qu'il n'y a pas le moindre doute quant au caractère fictif des prestations énoncées dans les factures qui font l'objet des préventions B et C, que ces factures ont été rédigées et utilisées dans l'intention fiscalement frauduleuse décrite sous ces préventions et que les faits des préventions D et E ont été commis en faisant usage de ces factures dans l'intention frauduleuse précitée. De ce fait, l'arrêt attaqué justifie légalement la déclaration de culpabilité des deux demandeurs.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
4. Le moyen invoque que les articles 73sexies du Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 458 du Code des Impôts sur les revenus (1992) violent les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : le fait que les personnes qui ont été condamnées en tant qu'auteurs ou complices des infractions respectivement visées aux articles 449 à 452 du Code des Impôts sur les revenus (1992) soient tenues solidairement au paiement de l'impôt éludé conformément aux articles 73sexies du Code de la Taxe sur la valeur ajoutée et 458 du Code des Impôts sur les revenus (1992), constitue une sanction pénale ; si un juge ayant plénitude de juridiction pouvait se prononcer à cet égard, les demandeurs ne seraient pas condamnés solidairement au paiement de la totalité du montant.
Ensuite, le moyen demande à la Cour de ne pas examiner la cause avant que la Cour constitutionnelle se soit prononcée sur les questions préjudicielles posées sur le fait d'être solidairement tenu au paiement de l'impôt éludé et, si ce n'est pas le cas, de poser elle-même une question préjudicielle à cet égard à la Cour constitutionnelle.
5. La solidarité dans le paiement de l'impôt éludé des auteurs ou complices des infractions fiscales prévues aux articles 458, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus (1992) et 73sexies, alinéa 1er, du Code de la Taxe sur la valeur ajoutée, s'inscrit dans l'économie de la loi d'assortir de plein droit la condamnation en droit pénal à une mesure de réparation.
6. Cette mesure est comparable à celle prévue à l'article 50 du Code pénal qui prévoit que sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts tous les individus condamnés pour une même infraction, mesure qui revêt une forme non de répression mais uniquement de réparation.
7. Le montant de l'impôt éludé dont les coupables doivent s'acquitter solidairement est fixé conformément aux caractéristiques de chaque impôt. Ainsi, en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour laquelle l'impôt est dû dès que les conditions légalement fixées sont remplies, la condamnation par le juge pénal impliquera la fixation du montant de la taxe éludée. Les prévenus pourront, en l'espèce, y opposer leur défense devant le juge pénal. En matière de contributions directes, par contre, le montant de l'impôt dû sera seulement fixé lorsque la condamnation pénale aura acquis force de chose jugée.
La question de savoir si ceux que le juge pénal condamne du chef d'une infraction en matière de contributions directes sans être eux-mêmes les contribuables, pourront intervenir dans la procédure de l'établissement de l'impôt, ne fait ainsi pas obstacle au principe même de sa condamnation solidaire contre laquelle il peut opposer sa défense devant le juge pénal.
Le moyen manque en droit.
8. Il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle soulevée dès lors qu'elle est intégralement déduite d'une conception juridique erronée.
Sur l'examen d'office de la décision rendue sur l'action publique :
9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Luc Huybrechts, Paul Maffei, Luc Van hoogenbemt et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du vingt janvier deux mille neuf par le président de section Edward Forrier, en présence du premier avocat général Marc De Swaef, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le conseiller,