Cour de cassation: Arrêt du 23 février 1990 (Belgique). RG 6978
- Section :
- Jurisprudence
- Source :
- Justel F-19900223-1
- Numéro de rôle :
- 6978
Résumé :
En condamnant une défenderesse par le motif qu'elle a, en sa qualité de sous-locataire, organisé et toléré l'occupation de fait d'un bien par un tiers, alors que la demande était fondée sur les fautes délictuelles et quasi-délictuelles que cette défenderesse avait commises en concluant un contrat au nom du locataire principal, le juge modifie la cause de la demande.
Arrêt :
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LA COUR; - Vu le jugement, rendu le 29 juin 1988 par le tribunal de première instance de Bruxelles, statuant en degré d'appel;
Sur le moyen pris de la violation des articles 97 de la Constitution, 702 et 807 du Code judiciaire, 1382, 1383 et 1384 du Code civil et du principe général du droit, dénommé principe dispositif, tel qu'il est déduit de l'article 1138, alinéa 2, du Code judiciaire,
en ce que la décision attaquée confirme la disposition du jugement dont appel condamnant le s.p.r.l. "Madison International Giftschop" et Monsieur Lammers à garantir la défenderesse et, par infirmation des autres dispositions, condamne le demandeur à garantir la défenderesse contre toutes condamnations prononcées à son égard en principal, intérêts et dépens, sur la base des considérations suivantes : "En fait, la s.p.r.l. "Madison Gitfs" (actuellement représentée à la cause par la personne du curateur à la faillite) a occupé et exploité le bien loué et a bénéficié du bail pendant toute la durée de celui-ci; cette occupation a été poursuivie après le 2 octobre 1987 (date de la faillite), avec l'accord du curateur qui a organisé la liquidation des stocks dans les locaux loués"; ainsi qu'il ressort des constatations de fait retenues par le jugement, "il s'agit en l'espèce d'une occupation de fait, sans preuve valable de l'existence d'un contrat de sous-location, organisée et tolérée, au bénéfice de "Madison Gifts", par la locataire "Waterford Crystal" agissant par son administrateur Lammers; dès lors, l'appelant Lammers" - dans le chef duquel le jugement a retenu des infractions aux articles 62 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales et 1382 du Code civil - "est tenu, conjointement avec la s.p.r.l. "Madison Gifts", actuellement en faillite, de garantir entièrement la s.a. "Waterford Crystal" dans le cadre de la procédure actuelle tendant à l'exécution des obligations découlant du bail commercial du 30 octobre 1984",
alors que, première branche, les parties contestaient précisément devant le juge d'appel la cause de la demande en intervention et garantie introduite par la défenderesse contre la société en faillite, le demandeur faisant valoir qu'elle était fondée sur l'existence d'un "contrat de sous-location" et la défenderesse invoquant la faute (quasi) délictuelle de la société en faillite; en confirmant partiellement le jugement dont appel, après avoir décidé que la société en faillite était tenue, conjointement avec Monsieur Lammers, de garantir entièrement la défenderesse, le jugement attaqué a déclaré la demande en intervention et garantie à l'égard du demandeur fondée, sans déterminer la cause de la demande à charge du demandeur et de la société en faillite qu'il venait d'accueillir, de sorte qu'en ne précisant pas cette cause, dans la mesure où la demande était dirigée contre le demandeur et la société en faillite et en mettant ainsi la Cour dans l'impossibilité d'exercer son contrôle de la légalité des décisions, le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution);
deuxième branche, le juge du fond ne peut, en matière civile, modifier d'office la cause de la demande dont il est saisi; la cause est le fait ou l'acte juridique qui sert de fondement à la demande, en d'autres termes, le titre invoqué par une partie à l'appui de sa demande; en l'espèce la demande en garantie introduite par la défenderesse contre la société en faillite et le demandeur est fondée sur les fautes délictuelle et quasi-délictuelle de Monsieur Lammers et de la s.p.r.l. "Madison International Gifts" qui ont conclu un contrat au nom de la défenderesse, alors qu'ils agissaient pour leur compte personnel, de sorte que, dans la mesure où la Cour estimerait que le jugement attaqué a retenu l'occupation de fait de l'immeuble en question par la s.p.r.l. "Madison", organisée et tolérée par la défenderesse, comme cause de la demande, le tribunal a modifié d'office la cause de la demande de la défenderesse (violation des articles 702 et 807 du Code judiciaire et du principe général du droit, dénommé principe dispositif, déduit de l'article 1138, alinéa 2, du Code judiciaire);
troisième branche, le demandeur a fait valoir dans ses conclusions d'appel que c'est à tort que la défenderesse a appelé son sous-locataire en garantie, le bail principal et le manquement éventuel du locataire principal à ses obligations étant étrangers au sous-locataire; le demandeur a ensuite allégué qu'au cas où le sous-locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles à l'égard du locataire principal, ce dernier dispose d'une action distincte, par ailleurs exercée en l'espèce par l'introduction d'une déclaration de créance tendant à des indemnités d'occupation sous toute réserve de loyers, et que la créance précitée, pendante devant le tribunal de commerce sous le numéro 30, a été renvoyée au rôle dans l'attente des débats, de sorte qu'en accueillant la demande sans répondre préalablement à cette défense, le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution);
quatrième branche, dans la mesure où la Cour estimerait que le juge d'appel a admis le fondement quasi-délictuel de la demande en garantie, il ressort cependant du jugement attaqué qu'une faute a été retenue dans le seul chef de Monsieur Lammers, administrateur de la s.a. Waterford Crystal, défenderesse actuelle, entraînant la responsabilité de celui-ci, tant en sa qualité d'auteur du quasi-délit qu'en sa qualité d'administrateur; qu'en revanche, aucune faute n'a été retenue dans le chef de la société en faillite et/ou du demandeur et que la faute de Monsieur Lammers ne peut leur être imputée; il a été uniquement constaté que la défenderesse a organisé l'occupation de fait, par l'intermédiaire de son administrateur, de sorte que le tribunal n'a pu légalement décider dans son jugement attaqué, sur la base de ces constatations, que la responsabilité quasi délictuelle de la société en faillite et/ou du demandeur était engagée et, partant, qu'il y avait lieu de les condamner à garantir la défenderesse (violation des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil) :
Quant à la deuxième branche :
Attendu que la défenderesse a fait valoir dans ses conclusions que :" (...) la demande en garantie est fondée sur les fautes délictuelle et quasi délictuelle que Monsieur Lammers et la s.p.r.l. "Madison International Gifts" ont commises en concluant un contrat au nom de la défenderesse, alors qu'ils agissaient pour leur compte personnel"; que le jugement attaqué condamne la s.p.r.l. "Madison International Gifts" par le motif que "l'occupation de fait (...) a été organisée et tolérée par la locataire (...) au bénéfice de "Madison Gifts"";
Attendu qu'en condamnant la société en faillite à la garantie pour ce motif, le jugement modifie la cause de la demande et viole ainsi le droit suivant lequel seules les parties déterminent les limites de la demande;
Que le moyen, en cette branche, est fondé;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen et les autres moyens, casse le jugement attaqué dans la mesure où, par confirmation partielle du jugement dont appel, il condamne le demandeur q.q. à garantir la défenderesse et le condamne aux dépens de l'appel; rejette le pourvoi pour le surplus; déclare l'arrêt commun à Lammers Roland et à la s.a. "A.G. de 1824"; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé; condamne le demandeur aux dépens du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre Lammers Roland et la s.a. "A.G. de 1824"; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Louvain, siégeant en degré d'appel.
Sur le moyen pris de la violation des articles 97 de la Constitution, 702 et 807 du Code judiciaire, 1382, 1383 et 1384 du Code civil et du principe général du droit, dénommé principe dispositif, tel qu'il est déduit de l'article 1138, alinéa 2, du Code judiciaire,
en ce que la décision attaquée confirme la disposition du jugement dont appel condamnant le s.p.r.l. "Madison International Giftschop" et Monsieur Lammers à garantir la défenderesse et, par infirmation des autres dispositions, condamne le demandeur à garantir la défenderesse contre toutes condamnations prononcées à son égard en principal, intérêts et dépens, sur la base des considérations suivantes : "En fait, la s.p.r.l. "Madison Gitfs" (actuellement représentée à la cause par la personne du curateur à la faillite) a occupé et exploité le bien loué et a bénéficié du bail pendant toute la durée de celui-ci; cette occupation a été poursuivie après le 2 octobre 1987 (date de la faillite), avec l'accord du curateur qui a organisé la liquidation des stocks dans les locaux loués"; ainsi qu'il ressort des constatations de fait retenues par le jugement, "il s'agit en l'espèce d'une occupation de fait, sans preuve valable de l'existence d'un contrat de sous-location, organisée et tolérée, au bénéfice de "Madison Gifts", par la locataire "Waterford Crystal" agissant par son administrateur Lammers; dès lors, l'appelant Lammers" - dans le chef duquel le jugement a retenu des infractions aux articles 62 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales et 1382 du Code civil - "est tenu, conjointement avec la s.p.r.l. "Madison Gifts", actuellement en faillite, de garantir entièrement la s.a. "Waterford Crystal" dans le cadre de la procédure actuelle tendant à l'exécution des obligations découlant du bail commercial du 30 octobre 1984",
alors que, première branche, les parties contestaient précisément devant le juge d'appel la cause de la demande en intervention et garantie introduite par la défenderesse contre la société en faillite, le demandeur faisant valoir qu'elle était fondée sur l'existence d'un "contrat de sous-location" et la défenderesse invoquant la faute (quasi) délictuelle de la société en faillite; en confirmant partiellement le jugement dont appel, après avoir décidé que la société en faillite était tenue, conjointement avec Monsieur Lammers, de garantir entièrement la défenderesse, le jugement attaqué a déclaré la demande en intervention et garantie à l'égard du demandeur fondée, sans déterminer la cause de la demande à charge du demandeur et de la société en faillite qu'il venait d'accueillir, de sorte qu'en ne précisant pas cette cause, dans la mesure où la demande était dirigée contre le demandeur et la société en faillite et en mettant ainsi la Cour dans l'impossibilité d'exercer son contrôle de la légalité des décisions, le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution);
deuxième branche, le juge du fond ne peut, en matière civile, modifier d'office la cause de la demande dont il est saisi; la cause est le fait ou l'acte juridique qui sert de fondement à la demande, en d'autres termes, le titre invoqué par une partie à l'appui de sa demande; en l'espèce la demande en garantie introduite par la défenderesse contre la société en faillite et le demandeur est fondée sur les fautes délictuelle et quasi-délictuelle de Monsieur Lammers et de la s.p.r.l. "Madison International Gifts" qui ont conclu un contrat au nom de la défenderesse, alors qu'ils agissaient pour leur compte personnel, de sorte que, dans la mesure où la Cour estimerait que le jugement attaqué a retenu l'occupation de fait de l'immeuble en question par la s.p.r.l. "Madison", organisée et tolérée par la défenderesse, comme cause de la demande, le tribunal a modifié d'office la cause de la demande de la défenderesse (violation des articles 702 et 807 du Code judiciaire et du principe général du droit, dénommé principe dispositif, déduit de l'article 1138, alinéa 2, du Code judiciaire);
troisième branche, le demandeur a fait valoir dans ses conclusions d'appel que c'est à tort que la défenderesse a appelé son sous-locataire en garantie, le bail principal et le manquement éventuel du locataire principal à ses obligations étant étrangers au sous-locataire; le demandeur a ensuite allégué qu'au cas où le sous-locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles à l'égard du locataire principal, ce dernier dispose d'une action distincte, par ailleurs exercée en l'espèce par l'introduction d'une déclaration de créance tendant à des indemnités d'occupation sous toute réserve de loyers, et que la créance précitée, pendante devant le tribunal de commerce sous le numéro 30, a été renvoyée au rôle dans l'attente des débats, de sorte qu'en accueillant la demande sans répondre préalablement à cette défense, le jugement attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution);
quatrième branche, dans la mesure où la Cour estimerait que le juge d'appel a admis le fondement quasi-délictuel de la demande en garantie, il ressort cependant du jugement attaqué qu'une faute a été retenue dans le seul chef de Monsieur Lammers, administrateur de la s.a. Waterford Crystal, défenderesse actuelle, entraînant la responsabilité de celui-ci, tant en sa qualité d'auteur du quasi-délit qu'en sa qualité d'administrateur; qu'en revanche, aucune faute n'a été retenue dans le chef de la société en faillite et/ou du demandeur et que la faute de Monsieur Lammers ne peut leur être imputée; il a été uniquement constaté que la défenderesse a organisé l'occupation de fait, par l'intermédiaire de son administrateur, de sorte que le tribunal n'a pu légalement décider dans son jugement attaqué, sur la base de ces constatations, que la responsabilité quasi délictuelle de la société en faillite et/ou du demandeur était engagée et, partant, qu'il y avait lieu de les condamner à garantir la défenderesse (violation des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil) :
Quant à la deuxième branche :
Attendu que la défenderesse a fait valoir dans ses conclusions que :" (...) la demande en garantie est fondée sur les fautes délictuelle et quasi délictuelle que Monsieur Lammers et la s.p.r.l. "Madison International Gifts" ont commises en concluant un contrat au nom de la défenderesse, alors qu'ils agissaient pour leur compte personnel"; que le jugement attaqué condamne la s.p.r.l. "Madison International Gifts" par le motif que "l'occupation de fait (...) a été organisée et tolérée par la locataire (...) au bénéfice de "Madison Gifts"";
Attendu qu'en condamnant la société en faillite à la garantie pour ce motif, le jugement modifie la cause de la demande et viole ainsi le droit suivant lequel seules les parties déterminent les limites de la demande;
Que le moyen, en cette branche, est fondé;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen et les autres moyens, casse le jugement attaqué dans la mesure où, par confirmation partielle du jugement dont appel, il condamne le demandeur q.q. à garantir la défenderesse et le condamne aux dépens de l'appel; rejette le pourvoi pour le surplus; déclare l'arrêt commun à Lammers Roland et à la s.a. "A.G. de 1824"; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé; condamne le demandeur aux dépens du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre Lammers Roland et la s.a. "A.G. de 1824"; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Louvain, siégeant en degré d'appel.