Cour de cassation: Arrêt du 28 septembre 2001 (Belgique). RG F000082N

Date :
28-09-2001
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20010928-7
Numéro de rôle :
F000082N

Résumé :

L'importance des avantages sociaux octroyés au bénéficiaire qui, en vertu de l'article 38, 11° du Code des impôts sur les revenus 1992, sont exonérés dans le chef du bénéficiaire et ne sont pas déductibles dans le chef de l'employeur, ne peut être déterminée conformément aux dispositions de l'article 36 du Code des impôts sur les revenus 1992 qui sont relatives aux avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu'en espèces dont la valeur peut être forfaitairement évaluée par le Roi.

Arrêt :

Ajoutez le document à un dossier () pour commencer à l'annoter.
N° F.00.0082.N ETAT BELGE, (ministre des Finances), contre PORTLINK, société anonyme, Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation.
LA COUR, Ouï Monsieur le président Verougstraete en son rapport et sur les conclusions de Monsieur Goeminne, avocat général ;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 16 mai 2000 par la cour d'appel d'Anvers ;
Sur le moyen, libellé comme suit, pris de la violation des articles 38, 11° et 53, 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tels qu'ils étaient applicables aux exercices d'imposition de 1994, 1995 et 1996, en ce que, après avoir constaté qu'il n'est pas contesté qu'en principe, les chèques-repas peuvent aussi être considérés comme des avantages sociaux lorsqu'une série de conditions est remplie, dont le respect n'est pas contesté en l'espèce, la cotisation de la défenderesse dans le coût des chèques étant de 180 francs belges au maximum (à savoir 170 francs belges) et l'intervention des membres du personnel s'élevant à la somme de 44 francs belges au minimum (à savoir 50 francs belges), et appréciant la déductibilité de ces avantages sociaux en tant que frais professionnels dans le chef de la défenderesse, l'arrêt attaqué décide que le point de référence de l'article 53, 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992 est l'avantage social dans le chef du bénéficiaire et non les frais exposés par l'employeur pour l'octroi de cet avantage social, que l'avantage social visé à l'article 53, 14°, précité qui constitue des frais professionnels non déductibles est l'économie personnelle réalisée par le membre du personnel qui, en ce qui concerne les repas, coïncide avec le coût d'un repas préparé et consommé à domicile et que, dès lors, la part non déductible des frais exposés pour l'octroi de l'avantage social est fixée en fonction de la valeur de l'avantage dans le chef de son bénéficiaire et non de son coût dans le chef de l'employeur, et qu'après avoir considéré que la circulaire n° CIRN 243/379.832 du 30 novembre 1989 et l'article 18 du Code des impôts sur les revenus (lire : l'article 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992) fixent l'avantage obtenu pour un repas principal à la somme de 44 francs belges, soit le coût du repas économisé par le travailleur, l'arrêt attaqué décide que, l'intervention du membre du personnel étant de 44 francs belges au moins, son économie personnelle peut être supposée inexistante de sorte que les frais liés à l'octroi des chèques-repas sont intégralement déductibles dans le chef de la défenderesse et, en conséquence, annule les impositions contestées dans la mesure où elles rejettent les frais exposés pour l'octroi des chèques-repas et modifient la déduction des pertes antérieures (285.840 francs belges) pour cet exercice d'imposition, alors que l'article 53, 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992 dispose sans aucune réserve que ne constituent pas des frais professionnels, les avantages sociaux octroyés aux travailleurs, anciens travailleurs ou ayants droit de ceux-ci, et exonérés dans le chef des bénéficiaires conformément à l'article 38, 11°, du même code et que ni l'article 53, 14°, du Code des impôts s
ur les revenus 1992 ni l'article 38, 11°, du même code ne font état d'une scission entre la valeur de l'avantage social dans le chef du bénéficiaire d'une part et son coût dans le chef de l'employeur d'autre part, de sorte que l'avantage social est intégralement exonéré dans le chef du bénéficiaire ou ne l'est pas et qu'au cas où il l'est, son coût est écarté des frais professionnels conformément à l'article 53, 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ; que, l'article précité étant conforme aux travaux parlementaires concernant la loi du 4 août 1986 qui vise à abroger intégralement la déductibilité à titre de frais professionnels des avantages sociaux exonérés dans le chef de leur bénéficiaire, le coût global de ces avantages sociaux - de toute évidence diminué de l'intervention payée à l'employeur par les bénéficiaires de ces avantages - ne peut être considéré comme des frais professionnels dans le chef de la défenderesse ; qu'en décidant que l'avantage social visé à l'article 53, 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992 qui constitue des frais professionnels non déductibles est l'économie personnelle réalisée par le membre du personnel qui, en ce qui concerne les repas, coïncide avec le coût d'un repas préparé et consommé à domicile et évalué à 44 francs belges, l'arrêt attaqué ajoute un élément au texte des articles 53, 14°, et 38, 11°, du Code des impôts sur les revenus 1992, confond les articles 53, 14°, et 38, 11°, du Code des impôts sur les revenus 1992 qui sont relatifs aux avantages sociaux avec les articles 36 du Code des impôts sur les revenus 1992 et 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 qui sont relatifs aux avantages de toute nature et où, en ce qui concerne plus spécialement l'article 36 précité, il est expressément fait état de la valeur réelle dans le chef du bénéficiaire et, dès lors, viole les articles 53, 14°, et 38, 11°, du Code des impôts sur les revenus 1992 :
Attendu que les juges d'appel se fondent sur les constatations suivantes : 1. après avoir autorisé son personnel à consommer des repas dans la cantine de l'entreprise, la défenderesse a introduit le 1er janvier 1992 l'octroi de chèques-repas d'une valeur nominale de 170 francs belges dans laquelle les membres du personnel interviennent à concurrence de 50 francs belges ; 2. ces chèques sont uniquement destinés au paiement de repas ou à l'achat de vivres ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse déduite de ce que le dispositif de l'arrêt est légalement justifié par un fondement juridique autre que celui qui est critiqué au moyen, à savoir que : 1. les chèques-repas octroyés par une entreprise aux membres de son personnel ne constituent pas des avantages sociaux au sens de l'article 38, 11°, du Code des impôts sur les revenus 1992, 2. leur octroi relève des "avantages de toute nature", 3. l'évaluation des avantages de toute nature est réglée par les articles 36 du Code des impôts sur les revenus 1992 et 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, 4. il s'ensuit que, eu égard à son intervention (plus de 44 francs belges, montant constituant l'évaluation forfaitaire du coût d'un repas), le travailleur ne bénéficie d'aucun avantage :
Attendu que la fin de non-recevoir est fondée sur l'hypothèse que l'octroi des chèques-repas relève des avantages de toute nature ; que la question de savoir si, en l'espèce, les chèques-repas peuvent être considérés comme des avantages de toute nature est étroitement liée à la critique du moyen qui fait grief aux juges d'appel d'avoir donné une portée erronée à l'article 36 ; que l'examen du moyen est indissolublement lié à l'examen de la fin de non-recevoir ;
Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;
Sur le moyen :
Attendu qu'en vertu de l'article 36 du Code des impôts sur les revenus 1992, les avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu'en espèces sont comptés pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire ; qu'en vertu de la même disposition, le Roi peut fixer des règles d'évaluation forfaitaire de ces avantages ;
Que l'article 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 qui porte exécution de l'article 36 précité évalue les avantages de toute nature obtenus autrement qu'en espèces et, à cet égard, fixe notamment la valeur d'un repas principal à la somme de 44 francs belges ;
Que, dès lors, cette dernière disposition est applicable aux repas servis gratuitement qui, dans le chef des bénéficiaires, impliquent un avantage dont la valeur est fixée forfaitairement ;
Attendu que, au contraire, un régime particulier est applicable aux exercices d'imposition litigieux en ce qui concerne les "avantages sociaux" non imposables et, en outre, non déductibles dans le chef de l'employeur ;
Qu'en vertu de l'article 53, début et 14°, du Code des impôts sur les revenus 1992, ne constituent pas des frais professionnels, les avantages sociaux octroyés aux travailleurs, anciens travailleurs ou ayants droit de ceux-ci, et exonérés dans le chef des bénéficiaires conformément à l'article 38, 11°, du même code ;
Qu'en vertu de l'article 38, 11°, précité, tel qu'il est applicable en l'espèce, sont exonérés, les avantages sociaux suivants obtenus notamment par les travailleurs : a) les avantages dont il n'est pas possible en raison des modalités de leur octroi, de déterminer le montant effectivement recueilli par chacun des bénéficiaires, b) les avantages qui, bien que personnalisables, n'ont pas le caractère d'une véritable rémunération ; c) les menus avantages ou cadeaux d'usage obtenus à l'occasion ou en raison d'événements sans rapport direct avec l'activité professionnelle ;
Attendu que, pour l'application des dispositions précitées, la valeur de l'avantage dans le chef du bénéficiaire ne peut être déterminée conformément aux dispositions de l'article 36 du Code des impôts sur les revenus 1992 qui sont relatives aux avantages de toute nature obtenus autrement qu'en espèces dont la valeur peut être forfaitairement évaluée par le Roi ;
Attendu que l'arrêt décide en l'espèce qu'en principe, les chèques-repas peuvent être considérés comme un avantage social ; qu'il fixe ensuite la valeur de l'avantage en comparant la valeur forfaitaire d'un repas principal telle qu'elle est évaluée à l'article 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 (soit 44 francs belges) à l'intervention des membres du personnel (soit 50 francs belges) et qu'il en déduit qu'en réalité, l'avantage est inexistant, de sorte que les frais liés à l'octroi de ces chèques-repas sont intégralement déductibles ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt viole les dispositions légales citées au moyen ;
PAR CES MOTIFS, Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient Monsieur Verougstraete, président, Monsieur Waûters, Monsieur Londers, Monsieur Dirix et Monsieur Maffei, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit septembre deux mille un, par Monsieur Verougstraete, président, en présence de Monsieur Goeminne, avocat général, avec l'assistance de Madame De Prins, greffier adjoint principal.
Traduction établie sous le contrôle de Monsieur le président Verougstraete et transcrite avec l'assistance de Madame le greffier Massart.