Cour de cassation: Arrêt du 6 mai 2010 (Belgique). RG C.08.0588.N
- Section :
- Jurisprudence
- Source :
- Justel F-20100506-5
- Numéro de rôle :
- C.08.0588.N
Résumé :
Pour que le preneur qui se voit refuser le renouvellement du bail puisse prétendre à une indemnité d'éviction, il est requis, en raison du refus, que le fonds de commerce dont il est le propriétaire et qu'il exploite dans le bien loué, soit perdu (1). (1) Voir les conclusions du M.P. publiées à leur date dans A.C., qui a estimé qu'il fallait aussi répondre au moyen en sa première branche, dirigé contre la décision suivant laquelle le défendeur disposait d'un droit de renouvellement et qu'il devait être déclaré fondé, à partir du moment où l'indemnité d'éviction (objet du moyen en sa seconde branche) en dépendait.
Arrêt :
N° C.08.0588.N
1. V. G. R.,
2. D. R. B.,
Me Jean-Marie Nelissen Grade, avocat à la Cour de cassation,
contre
D. L. R. E.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les jugements rendus le 16 mars 2007 et le 29 juin 2007 par le tribunal de première instance d'Anvers, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Eric Stassijns a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir :
1. Le défendeur soutient que le moyen est irrecevable dès lors qu'il n'indique pas l'article 1134 du Code civil comme étant une disposition violée.
Le contrat de bail conclu entre les parties n'est, en effet, pas soumis de plein droit à l'application de la loi du 30 avril 1951 sur le bail commercial, mais uniquement en vertu de leur contrat.
2. Les demandeurs ne contestent pas la décision des juges d'appel suivant laquelle leur contrat est soumis à l'application de la loi du 30 avril 1951 en raison de la volonté des parties, de sorte qu'ils ne devaient pas indiquer l'article 1134 du Code civil comme étant une disposition violée. Les griefs concernent uniquement les dispositions de la loi du 30 avril 1951 qu'ils indiquent comme étant les dispositions violées.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Quant à la seconde branche :
3. En vertu de l'article 25 de la loi du 30 avril 1951 sur le bail commercial, le preneur qui s'est vu refuser le droit au renouvellement a droit, dans certains cas, à une indemnité d'éviction.
Pour que le preneur puisse prétendre à cette indemnité, il est requis qu'en raison du refus le fonds de commerce dont il est le propriétaire et qu'il exploite dans le bien loué, se perde.
4. Les juges d'appel ont constaté que :
- les parties ont conclu un nouveau contrat de bail commercial le 29 février 1996 ;
- lorsque ce contrat est devenu obligatoire, le point de vente de la boucherie du défendeur avait déjà été déplacé dans l'immeuble voisin ;
- l'atelier de la boucherie est demeuré à l'arrière du fonds loué ;
- la partie antérieure du fonds loué a été donné en sous-location par le défendeur ;
- le défendeur a sous-loué la partie antérieure, par contrat du 16 juillet 1999, à partir du 1er septembre 1999 à la friterie ‘t Dorp.
Les juges d'appel ont condamné les demandeurs à payer une indemnité d'éviction au défendeur dès lors que l'activité de ce dernier (l'atelier de la boucherie) bénéficie de la protection de la loi du 30 avril 1951 et dès lors que le droit au renouvellement du bail du défendeur ne doit être considéré qu'en tenant compte de ses activités dans le bien loué et parce que la nature et l'exploitation du sous-locataire est sans intérêt.
Ils ont admis, en outre, l'argument du défendeur suivant lequel la disparition de l'atelier de sa boucherie a diminué la valeur de son fonds de commerce.
5. Il ressort des constatations précitées que :
- au cours du contrat, le défendeur n'a pas exploité de fonds de commerce dans le bien loué mais ne l'a utilisé que partiellement, en tant qu'atelier pour sa boucherie située à proximité et qu'il l'a sous-loué partiellement, notamment à la friterie ‘t Dorp ;
- l'indemnité d'éviction à laquelle prétendait le défendeur ne concerne pas la perte du commerce de détail exploité dans le bien mais la diminution de valeur de son fonds de commerce situé ailleurs.
6. Dès lors que suivant leurs constatations, le défendeur n'a pas exploité son commerce dans le bien loué et qu'il n'était pas davantage propriétaire du fonds de commerce exploité dans le bien, les juges d'appel ne pouvaient, sans violer l'article 25 de la loi du 30 avril 1951, condamner les demandeurs à payer une indemnité d'éviction au défendeur.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
7. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Etendue de la cassation :
8. Eu égard à la décision rendue sur le moyen, en sa seconde branche, la décision relative au renouvellement du bail qui y est étroitement liée doit aussi être cassée.
Par ces motifs,
La Cour
Casse les jugements attaqués en tant qu'ils statuent sur le renouvellement du bail et sur l'indemnité d'éviction et les dépens ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Malines, siégeant en degré d'appel ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Robert Boes, les conseillers Eric Stassijns, Beatrijs Deconinck et Geert Jocqué, et prononcé en audience publique du six mai deux mille dix par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Didier Batselé et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,