Cour d'appel: Arrêt du 27 juin 2013 (Bruxelles). RG 2012/AR/2282

Date :
27-06-2013
Langue :
Français
Taille :
17 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20130627-6
Numéro de rôle :
2012/AR/2282

Résumé :

I. La publicité pour un fournisseur d'accès à la télévision diffusant les matchs du championnat belge de football est trompeuse si elle donne la fausse impression que le contenu de l'offre comprend les matchs phares de chaque journée de championnat. II. La publicité comparative entre des services de téléphonie est illicite si elle ne compare pas le coût des appels. III. La publicité incitant à résilier un abonnement auprès d'un concurrent constitue une publicité comparative. IV. La publicité comparant les services de diffusion à la télévision des matchs du championnat belge de football ne repose pas sur une comparaison objective par l'affirmation que l'offre de diffusion comprend les "affiches les plus alléchantes du week-end" ou les "plus belles affiches".

Arrêt :

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La cour d'appel de Bruxelles, 9ème chambre,

après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant :

R.G. : 2012/AR/2282

EN CAUSE DE :

TECTEO, société coopérative intercommunale à responsabilité limitée dont le siège social est établi à 4000 Liège, rue Louvrex, 95, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0204.245.277,

Appelante,

Représentée par Maîtres Emmanuel Cornu et Grégory Sorreaux, avocats à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149/20,

CONTRE :

BELGACOM, société anonyme de droit public dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, boulevard du Roi Albert II, 27, inscrite à la banque carrefour des entreprises sous le numéro 0202.239.951,

Intimée,

Représentée par Maître Herman De Bauw et Charline Desmecht, avocats à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 99,

Plaideur : Maître Charline Desmecht.

****

I. La décision entreprise

L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement le 18 juin 2012 par le président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en cessation, dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (LPMC).

Il n'est pas produit d'acte de signification de cette décision.

II. La procédure devant la cour

L'appel est formé par requête, déposée par Tecteo au greffe de la cour, le 29 août 2012.

L'appel incident est introduit par conclusions, déposées par Belgacom au greffe de la cour, le 31 octobre 2012.

La procédure est contradictoire.

Il est fait application de l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

III. Les faits et antécédents de la procédure

1. Tecteo et Belgacom sont des entreprises concurrentes dans le secteur des services d'accès à la télévision, à l'internet et au téléphone.

Tecteo et Belgacom proposent toutes deux des offres, sous forme de « packs », combinant la télévision et/ou l'internet et/ou le téléphone. Il est également possible de souscrire des abonnements séparés.

Belgacom propose ses packs sous les dénominations « Pack Comfort », « Pack Favorite » ou encore « Pack intense ». Elle utilise généralement la couleur bleue dans ses communications.

Tecteo qui offre ses services sous la marque « Voo » propose pour sa part des packs dénommés « Voo Beaucoup », « Voo Passionnément » et « Voo à la Folie ». Elle utilise généralement la couleur rose dans ses communications.

2. Il est constant que depuis 2005, Belgacom dispose de l'exclusivité des droits de diffusion télévisuelle des matchs de la Jupiler Pro League, matchs du championnat belge de football.

En juin 2011, l'asbl Pro League procède à l'attribution des droits de diffusion des matchs de la Jupiler Pro League pour les saisons 2011-2012, 2012-2013 et 2013-2014.

Ces droits sont attribués sous la forme de lots numérotés de 1 à 6.

Au terme d'une procédure d'appel d'offres, cinq de ces lots sont attribués à Telenet. Belgacom remporte le lot 3 qui comporte « les autres matchs et le multilive ».

Telenet sous-licencie à Tecteo les droits de diffusion des matchs des lots 1 (« match d'intérêt 1 et 3 », cf. pièce 6 de Tecteo) et 2 (« match 2 », cf. pièce 6 de Tecteo) sur la zone desservie par son réseau. Ces deux lots couvrent les droits de diffusion des trois matchs phares de chaque journée de championnat (cf. pièce 6 de Tecteo).

3. Le 30 juin 2011, Tecteo fait paraître, dans le journal « Le Soir », la publicité suivante dont la première partie se situe en première page du journal, tandis que la seconde partie figure au verso de celle-ci :

[image non publiée]

Tecteo y indique notamment « Abonnez-vous tout de suite à cette super offre de lancement et assistez chaque week-end à partir de ce 29 juillet aux trois meilleurs matchs de la saison 2011-2012 de la Jupiler Pro League ».

Sur la dernière page du journal, paraît également une publicité par laquelle Tecteo invite les abonnés des formules « My Club » et « All Foot » de Belgacom à résilier leur abonnement en ces termes : « Vous êtes abonné à My Club / All Foot chez Belgacom ? Vous avez jusqu'au 15 juillet pour résilier sans frais votre abonnement à Belgacom TV ou votre Pack (si Belgacom TV en fait partie) ».

[image non publiée]

Cette publicité de Tecteo est également publiée dans le journal « Metro » du 1er juillet 2011.

Sur son site internet de l'époque, Tecteo invite aussi les abonnés « All Foot » et « My Club » à résilier leur abonnement auprès de Belgacom pour souscrire un abonnement à Voo.

4. Le lundi 4 juillet 2011, Belgacom fait publier la publicité suivante dans le journal « Le Soir », à la même place que la précédente publicité de Tecteo :

[image non publiée]

Sur la dernière page du journal, paraît également la publicité dans laquelle Belgacom expose que « Aujourd'hui, Voo propose de résilier votre abonnement Belgacom TV. Parce qu'ils vous offrent 3 matchs de foot gratuits par semaine à partir de euro 61,5 / mois.

Par contre, chez Belgacom tous les clients Belgacom TV reçoivent en cadeau chaque week-end 5 matchs de la Jupiler Pro League. Soit 180 matchs gratuits, avec au minimum 8 matchs du Standard, d'Anderlecht, du Club de Bruges, du Racing Genk ou de La Gantoise. Et vous pourrez suivre en moyenne plus de 75% des matchs des autres clubs ! ».

De cette publicité sont extraites les images suivantes :

[image non publiée]

5. Estimant que la publicité de Belgacom engendre un risque de confusion entre le contenu des offres « foot » des deux parties, qu'elle constitue un acte de concurrence parasitaire et que la publicité de Belgacom est trompeuse, Tecteo fait citer Belgacom, dès le lendemain, soit le 5 juillet 2011, devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en cessation, dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (LPMC).

6. Par un premier jugement rendu le 8 juillet 2011, le président du tribunal de commerce déboute Tecteo de sa demande de mesures provisoires formée sur pied des articles 19, alinéa 2 et 735 du Code judiciaire.

7. Aux termes de ses dernières conclusions devant le premier juge, Tecteo demande de :

- constater que la publicité de Belgacom, telle que parue dans le journal « Le Soir » du lundi 4 juillet 2011, viole l'article 95 LPMC ;

- constater que la publicité de Belgacom, dans laquelle celle-ci présente le contenu de son offre de football sans préciser que celle-ci ne comprend pas les trois matchs phares de la Jupiler Pro League, c'est-à-dire les matchs des lots 1 et 2 de la décision d'attribution de l'asbl Pro League, viole les articles 88, 2° et 89, 1° LPMC ;

- constater que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant tout ou partie de tels abonnements avec des abonnements ou packs de Tecteo présentant à la fois une vitesse et un volume de téléchargement supérieurs, viole l'article 19, § 1, 2° LPMC ;

- constater que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant tout ou partie de tels abonnements avec des abonnements ou packs de Tecteo, sans mentionner le volume ou la vitesse de téléchargement supérieur de ces derniers, ou le fait qu'un abonnement ou pack de Tecteo donne droit à des communications téléphoniques gratuites, viole l'article 19 § 1, 1° LPMC ;

- ordonner en conséquence à Belgacom de cesser ces infractions, en ce compris lorsqu'elles sont commises dans des publicités faites en soutien d'abonnements séparés à l'internet, à la télévision ou à la téléphonie fixe, sous peine d'une astreinte d'un million d'euros par jour auquel il ne serait pas satisfait à l'arrêt à intervenir dans les 24 heures de sa signification ;

- autoriser Tecteo à publier le jugement dans deux quotidiens, aux frais avancés par Tecteo et remboursables par Belgacom sur simple présentation de facture, même « pro forma » ;

- condamner Belgacom aux frais et dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure (1.320 euros).

Belgacom introduit une demande reconventionnelle par laquelle elle demande de :

- constater que la publicité dans laquelle Tecteo identifie Belgacom sans comparer objectivement les caractéristiques des services de télévision digitale offerts par Belgacom d'une part et par elle-même d'autre part, viole l'article 19 LPMC ;

- constater que la publicité dans laquelle Tecteo compare les caractéristiques de ses services de télévision digitale de manière subjective avec les caractéristiques des services de télévision digitale de Belgacom, et/ou compare les caractéristiques de ses services de télévision digitale en entraînant le discrédit et en dénigrant les caractéristiques des services de télévision digitale de Belgacom, viole l'article 19 LPMC ;

- ordonner à Tecteo de cesser ces infractions, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 euro par support publicitaire et par infraction, le cas échéant indépendamment du nombre d'exemplaires, et par jour auquel il ne serait pas satisfait au jugement, dans le 24 heures de sa signification ;

- condamner Tecteo aux frais et dépens, en ce compris l'indemnité de procédure qui s'élève à 1.320,00 euro .

8. Par un seconde jugement, lequel est entrepris, le président du tribunal de commerce déboute Tecteo de sa demande de cessation. Il fait en revanche partiellement droit à la demande reconventionnelle de Belgacom et :

- constate que la publicité dans laquelle Tecteo identifie Belgacom sans comparer objectivement les caractéristiques des services de télévision digitale offerts par Belgacom d'une part et par elle-même d'autre part, viole l'article 19 LPM ;

- constate que la publicité dans laquelle Tecteo compare les caractéristiques de ses services de télévision digitale de manière subjective avec les caractéristiques des services de télévision digitale de Belgacom, et/ou compare les caractéristiques de ses services de télévision digitale en entraînant le discrédit et en dénigrant les caractéristiques des services de télévision digitale de Belgacom, viole l'article 19 LPM ;

- ordonne à Tecteo de cesser ces infractions, sous peine d'une astreinte de 100.000,00 euro par support publicitaire et par infraction, astreinte plafonnée à 250.000,00 euro maximum au total, à partir de 24 heures après la date de la signification du jugement.

9. En appel, Tecteo demande à la cour de :

- « Dire l'appel recevable et fondé ;

- Réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a jugé l'action originaire de l'appelante recevable et, émendant le jugement dont appel et faisant ce que le premier juge eût dû faire :

Statuant sur la demande principale originaire de Tecteo :

- Constater que la publicité de Belgacom, telle que parue dans le journal « Le Soir » du lundi 4 juillet 2011, viole l'article 95 LPMC ;

- Constater que la publicité de Belgacom, dans laquelle celle-ci présente le contenu de son offre de football sans préciser que celle-ci ne comprend pas les trois matchs phares de la Jupiler Pro League, c'est-à-dire les matchs des lots 1 et 2 de la décision d'attribution de l'asbl Pro League, viole les articles 88, 2° et 89, 1° LPMC ;

- Constater que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant des abonnements à l'internet, à la télévision et/ou à la téléphonie fixe avec des abonnements ou packs de Tecteo présentant à la fois une vitesse et un volume de téléchargement supérieurs, viole l'article 19, § 1, 2° LPMC ;

- Constater que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant des abonnements à l'internet, à la télévision et/ou à la téléphonie fixe avec des abonnements ou packs de Tecteo, sans mentionner le volume ou la vitesse de téléchargement supérieur de ces derniers, ou le fait qu'un abonnement ou pack de Tecteo donne droit à des communications téléphoniques gratuites, viole l'article 19 § 1, 1° LPMC ;

- Ordonner en conséquence à Belgacom de cesser ces infractions, en ce compris lorsqu'elles sont commises dans des publicités faites en soutien d'abonnements séparés à l'internet, à la télévision ou à la téléphonie fixe, sous peine d'une astreinte d'un million d'euros par jour auquel il ne serait pas satisfait à l'arrêt à intervenir dans les 24 heures de sa signification ;

- Autoriser Tecteo à publier l'arrêt à intervenir dans deux quotidiens, aux frais avancés par Tecteo et remboursables par Belgacom sur simple présentation de facture, même « pro forma » ;

Statuant sur les demandes reconventionnelles originaires de Belgacom et sur son appel incident :

- Dire les demandes reconventionnelles de Belgacom non fondées et l'en débouter ;

- Dire l'appel incident de Belgacom non fondé ;

- En tout état de cause, condamner Belgacom aux dépens des deux instances, en ce compris les indemnités de procédure (1.320 euros par instance) ».

Belgacom demande, quant à elle, de :

« A titre principal

Dire l'appel de Tecteo non fondé.

Confirmer le jugement dont appel et, sur l'appel incident formé par Belgacom, en ce qui concerne la condamnation de Tecteo sous peine d'astreinte à la suite de la demande reconventionnelle initiale de Belgacom, ordonner à Tecteo de cesser ces infractions, sous peine d'une astreinte de 1.000.000 EUR par support publicitaire et par infraction, le cas échéant indépendamment du nombre d'exemplaires, et par jour auquel il ne serait pas satisfait au jugement à intervenir, dans les 24 heures de sa signification.

A titre subsidiaire

Pour le cas où la Cour constaterait une infraction aux articles 88, 2° et/ou 89, 1° LPMC dans le chef de Belgacom parce que la publicité de Belgacom créerait un risque de confusion avec le contenu de l'offre de foot de Tecteo, reformuler l'ordre de cessation proposé par Tecteo de la manière suivante:

Ordonner à Belgacom de cesser toute publicité présentant le contenu de son offre foot qui ne mentionne pas que les matchs qu'elle diffuse sont les matchs du lot 3 de la décision d'attribution de l'asbl Pro League ;

Pour le cas où Belgacom serait condamnée sous peine d'astreintes,

- limiter les astreintes à 100.000 EUR par campagne publicitaire ;

- dire pour droit que la condamnation aux astreintes cessera de produire ses effets lorsque les astreintes auront atteint un montant de 500.000 EUR;

Pour le cas où la Cour autoriserait la publication du jugement à intervenir dans la presse, dire pour droit que Belgacom devra publier un extrait du jugement dans un seul quotidien, disponible uniquement en Région wallonne (éventuellement par le biais des pages régionales).

En tout état de cause,

Condamner Tecteo aux entiers frais et dépens, en ce compris l'indemnité de procédure qui s'élève à la somme de 1.320,00 EUR en première instance et à 1.320,00 EUR en appel ».

IV. Discussion

1. Préambule

10. Les parties s'imputent mutuellement des comportements contraires à la LPMC et chacune entend minimiser son propre comportement au regard de celui de l'autre.

Ce moyen n'est toutefois pertinent ni dans le chef de l'une, ni dans le chef de l'autre. Le fait que le demandeur se livre ou se soit livré à des pratiques qu'il réprouve lui-même ne constitue pas une excuse ou une exception d'irrecevabilité de l'action (cf. A. De Caluwé et A. Tallon, Les pratiques du commerce, la procédure, Larcier, 2008, p.147).

2. Sur le caractère trompeur de la publicité de Belgacom du 4 juillet 2011

11. Selon Tecteo, la publicité litigieuse de Belgacom crée un risque de confusion avec le contenu de son offre de football car elle donne l'impression que l'offre de football de Belgacom serait à tout le moins largement similaire à celle de Tecteo, la seule différence résidant dans le nombre de matchs de la Jupiler Pro League que l'abonné peut visionner chaque week-end -3 pour l'abonné de Tecteo et 5 pour l'abonné de Belgacom-. Pour Tecteo, la publicité de Belgacom constitue une pratique commerciale trompeuse au sens des articles 88,2° et 89,1° LPMC.

12. L'article 88 LPMC prévoit que :

« Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne un ou plusieurs des éléments suivants, même si les informations présentées sont factuellement correctes, et que, dans un cas comme dans l'autre, elle l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement: (...) 2° les caractéristiques principales du produit, telles que (...) sa composition (...) » ;

Selon l'article 89 LPMC :

« Est également réputée trompeuse, une pratique commerciale qui, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, amène ou est susceptible d'amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, lorsqu'elle implique:

1° toute activité de marketing concernant un produit, y compris la publicité comparative, créant une confusion avec un autre produit, marque, nom commercial ou autre signe distinctif d'un concurrent ».

L'article 2.35° LPMC définit la « décision commerciale » comme « toute décision prise par un consommateur concernant l'opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d'acheter, de faire un paiement intégral ou partiel, de conserver, de se défaire ou d'exercer un droit contractuel en rapport avec le produit, qu'elle l'ait amené soit à agir, soit à s'abstenir d'agir ».

L'article 2.3 LPMC définit le « consommateur » comme « toute personne physique qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits mis sur le marché ». Pour déterminer si la publicité en cause est ou non de nature à induire le consommateur en erreur, il y a lieu de se référer à l'attente présumée d'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (C.J.C.E. 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31, Rec. 1998, I-04657).

13. En l'espèce, le consommateur moyen, à savoir le lecteur du quotidien « Le Soir » susceptible de souscrire un abonnement à la télévision pour voir les matchs de football du championnat belge, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne peut avoir été induit en erreur quant à l'identité de l'annonceur. L'indication du nom de l'annonceur et la couleur utilisée traditionnellement par l'un et l'autre pour promouvoir leurs services font obstacle à une confusion sur ce point.

En revanche, la publicité de Belgacom qui vise à répondre à la publicité précédente de Tecteo (qui invite notamment les « fans de foot » à « résilier » leur abonnement auprès de Belgacom TV ou leur « pack » si Belgacom TV en fait partie) puisqu'elle lui en emprunte la présentation graphique et s'insère dans le même journal, au même endroit, à deux éditions d'intervalle, reste muette sur une différence pourtant essentielle entre les offres de ces deux sociétés concurrentes, à savoir le type de match de football proposé au consommateur. L'offre de Belgacom se distingue, en effet, fondamentalement de celle de Tecteo sur ce point, la première ayant les droits de diffusion des matchs du lot 3 de la Jupiler Pro League alors que l'offre de la seconde porte sur les matchs des lots 1 et 2 (dits les « matchs phares » de chaque journée de championnat, cf. ci-après).

Contrairement aux affirmations de Belgacom, cette différence quant aux types des matchs n'est pas subjective. Elle résulte d'une distinction opérée par l'ASBL Pro League elle-même dans le cadre de sa procédure d'appel d'offres à laquelle Belgacom et Tecteo ont soumissionné.

Cette différence est également essentielle aux yeux du consommateur. Un match de football en D1 joué dans le cadre du championnat de Belgique n'est pas équivalent à un autre. Une distinction est ainsi notamment opérée en fonction du jour où se joue le match, le vendredi, le samedi ou le dimanche, les matchs diffusés certains de ces jours (les matchs phares) étant plus prisés que les autres.

Si le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé n'ignorait pas que les droits de diffusion à la télévision des matchs de la Jupiler Pro League n'étaient plus exclusivement attribués à Belgacom et que Telenet et Tecteo offraient dorénavant également la possibilité de voir les matchs du championnat de Belgique, la presse ayant relayé la nouvelle de la réattribution des droits de rediffusion par l'ASBL Pro League, il demeure que celui-ci n'était pas nécessairement au fait des détails de cette réattribution et du type de matchs de football diffusé tantôt par Belgacom, tantôt par Telenet/Tecteo.

Or, cette caractéristique relative à la composition de l'offre de football de Belgacom est une circonstance qui, si elle est connue, est de nature à faire renoncer un nombre significatif de consommateurs à leur décision d'achat de Belgacom TV.

En passant sous silence cette différence essentielle et objective dans sa publicité, tout en donnant l'impression que son offre foot est à tout le moins largement similaire à celle de Tecteo, la seule différence résidant dans le nombre de matchs de la Jupiler Pro League que l'abonné peut visionner chaque week-end (3 pour l'abonné de Tecteo et 5 pour l'abonné de Belgacom), Belgacom se rend coupable d'une publicité trompeuse en ce qu'elle induit le consommateur en erreur sur la composition du service qu'elle offre et crée la confusion avec le service offert par Tecteo.

Cette omission altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du lecteur moyen du quotidien « Le Soir » susceptible de souscrire un abonnement à la télévision pour voir les matchs de football du championnat belge, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En l'absence de cette information relative à la composition de l'offre de football de Belgacom, ce consommateur est induit ou est susceptible d'être induit en erreur en ce qui concerne la composition de l'offre de football de Belgacom, et être amené ou être susceptible d'être amené à souscrire à un abonnement à Belgacom TV alors que s'il avait connu le contenu de l'offre de football de cette dernière, il n'aurait pas pris une telle décision.

3. Sur le caractère parasitaire de la publicité de Belgacom du 4 juillet 2011

14. Tecteo considère ensuite que l'offre de Belgacom constitue un acte de concurrence parasitaire.

15. Ne commet, en principe, pas d'acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, le vendeur qui :

- copie l'offre d'un autre acteur du marché relative à des services ou produits, à moins que le vendeur soit méconnaisse un droit protégé par la législation sur la propriété intellectuelle soit fasse cette offre dans des circonstances contraires aux exigences des usages honnêtes en matière commerciale ;

- sans fournir lui-même un effort créatif, retire directement un avantage d'efforts ou investissements importants dans une création à valeur économique d'un autre vendeur ; toutefois, le juge peut considérer ces pratiques comme étant illicites à un motif autre que le simple fait de copier ; ces autres motifs ne consistent pas uniquement en la méconnaissance des droits de propriété intellectuelle ou de publicité créant la confusion mais peuvent consister en toute forme de comportement illicite (Cass., 29 mai 2009, C.06.0139.N).

16. Il ressort des pièces versées au dossier que la publicité de Tecteo est le fruit d'efforts créatifs et d'investissements financiers. Tecteo a, en effet, fait appel aux services d'une agence de publicité qu'elle a rémunérée. Tecteo y a consacré du temps. Cette publicité représente une valeur économique.

Or, la publicité de Belgacom consiste en une copie servile ou quasi servile, tant sur le plan graphique que verbal. Elle est par ailleurs diffusée dans des conditions identiques (même journal, même endroit) et surtout à deux éditions d'intervalle.

Dans le contexte particulier de la cause où la publicité de Belgacom constitue en définitive une réponse à celle de Tecteo et où Belgacom ne fait à dessein que copier largement celle de Tecteo, Belgacom s'est délibérément placée dans le sillage de Tecteo, son concurrent direct, pour indûment tirer profit des efforts et investissements de Tecteo et s'économiser la charge d'un effort créatif ou un investissement personnel, tout en jouant sur l'homonyme entre les signes « vous » et « voo ».

En agissant de la sorte, Belgacom a posé un acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel elle porte atteinte aux intérêts professionnels de Tecteo.

4. Sur le caractère illicite de la publicité comparative du 4 juillet 2011

17. Tecteo critique également la publicité du 4 juillet 2011 de Belgacom aux motifs que le tableau comparatif repris en quatrième de couverture, ci-après reproduit, ne repose pas sur une comparaison de services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et est trompeur.

[image non publiée]

18. Aux termes de l'article 19 LPMC :

« § 1er. La publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satisfaites, en ce qui concerne la comparaison:

1° elle n'est pas trompeuse au sens des articles 88 à 91 et de l'article 96, 1°;

2° elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;

3° elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, dont le prix peut faire partie;

4° elle n'engendre pas de confusion parmi les entreprises entre l'annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l'annonceur et ceux d'un concurrent;

5° elle n'entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situations d'un concurrent;

6° pour les biens ayant une appellation d'origine, elle se rapporte dans chaque cas à des biens ayant la même appellation;

7° elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou de l'appellation d'origine de biens concurrents;

8° elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service portant une marque ou un nom commercial protégés.

§ 2. Est interdite, toute publicité comparative qui ne respecte pas les conditions fixées au § 1er ».

19. In casu, si Belgacom est libre de choisir les caractéristiques des produits ou services qu'elle compare et donc celles qu'elle n'entend pas comparer, sans que Tecteo ne puisse lui imposer d'y inclure d'autres caractéristiques, encore faut-il que sa publicité satisfasse au prescrit de l'article 19 LPMC dont les huit conditions sont cumulatives.

L'examen de ces conditions conduit au fondement de l'appel de Tecteo sur ce point.

20. La publicité comparative de Belgacom ne répond, en effet, pas au prescrit de l'article 19, §1er, 2° LPMC. Elle ne compare pas des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif.

En effet, Belgacom opère dans son tableau une comparaison des prix des « packs avec foot gratuit » proposés de part et d'autre en présentant le contenu des packs par des icones - en précisant que chez Tecteo, il s'agit des packs « Duo passionnément » et « Trio passionnément » mais sans apporter de précision quant à ses propres packs - et en laissant penser que les services que ces packs contiennent seraient équivalents ainsi que le contenu de l'offre de football.

Or, comme exposé précédemment, l'offre de football de Belgacom et de Tecteo est essentiellement et objectivement différente (cf. ci-avant). Le contenu de l'offre de football, à l'instar du prix lui-même, est par nature susceptible de conditionner d'une façon sensible le choix du consommateur.

Ensuite, face aux icones utilisées par Belgacom, le consommateur moyen pensera que les moyens de communications offerts sont identiques chez Belgacom et Tecteo. Il pensera que pour 43,87 euro chez Belgacom, il obtiendra un accès à l'internet et à la télévision alors que chez Voo, il devra débourser 61,50 euro pour un accès à l'internet et à la télévision dans un pack dénommé « Duo passionnément ». Il imaginera également que pour 51,92 euro chez Belgacom, il obtiendra un accès au téléphone, à l'internet et à la télévision alors que chez Voo, il devra débourser 64,50 euro pour ces trois mêmes services dénommés « Trio passionnément ».

Or, les packs « Duo Passionnément » et « Trio Passionnément » offerts par Tecteo présentent des caractéristiques fondamentalement différentes par rapport aux packs de Belgacom, présentés comme offerts à 43,87 euro et à 51,92 euro , notamment en termes de volume et de vitesse de téléchargement compris dans les abonnements internet ou de coût des appels téléphoniques couverts par les abonnements téléphoniques. Ces caractéristiques sont pourtant également essentielles dans le choix du consommateur moyen visé par la publicité comparative litigieuse. Celui-ci désire non seulement regarder le football sur son poste de télévision mais également téléphoner et/ou accéder à l'internet. Si ces derniers services ne l'intéressaient pas ou n'étaient pas susceptibles de l'intéresser, la publicité litigieuse n'en ferait pas état et se limiterait à une comparaison des abonnements au seul service de télévision. Comme le souligne à juste titre Tecteo, un amateur de football intéressé par un « pack » comprenant des services d'accès à internet ou de la téléphonie n'est en effet pas qu'un amateur de football : il désire également surfer sur internet ou téléphoner, comme tout autre consommateur souscrivant à un « pack ».

Les packs mis en exergue par Belgacom dans sa comparaison ne présentant pas un degré suffisant d'interchangeabilité pour le consommateur, la publicité incriminée ne compare pas des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. Elle est dès lors illicite et doit être interdite.

21. La publicité comparative de Belgacom est également trompeuse. Etant adressée au consommateur, son caractère trompeur doit s'examiner au regard des articles 88 à 91 LPMC.

L'article 90 LPMC prévoit que :

« § 1er. Une pratique commerciale est considérée comme une omission trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

(...) ».

Interrogée sur l'interprétation de l'article 3 bis de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (JO L 250, p. 17), telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (JO L 290, p. 18, ci-après la «directive 84/450»), la C.J.U.E. considère que (CJUE, 18 nov. 2010, Lidl / Vierzon, C-159/09) :

« 20. Auparavant, il importe toutefois de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que les diverses conditions de licéité de la publicité comparative qu'énumère ledit article 3 bis, paragraphe 1, visent une mise en balance des différents intérêts susceptibles d'être touchés par l'autorisation de la publicité comparative. Ainsi, il ressort d'une lecture combinée des deuxième, septième et neuvième considérants de la directive 97/55 que cet article 3 bis a pour objectif de stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services, dans l'intérêt des consommateurs, en permettant aux concurrents de mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables et en interdisant, dans le même temps, des pratiques pouvant entraîner une distorsion de concurrence, porter préjudice aux concurrents et avoir une incidence négative sur le choix des consommateurs (arrêt L'Oréal e.a., précité, point 68).

21. Il en résulte que les conditions énumérées audit article 3 bis, paragraphe 1, doivent être interprétées dans le sens le plus favorable, afin de permettre les publicités comparant objectivement les caractéristiques de biens ou de services, tout en assurant que la publicité comparative ne soit pas utilisée de manière anticoncurrentielle et déloyale ou de manière à porter atteinte aux intérêts des consommateurs (arrêt L'Oréal e.a., précité, point 69 et jurisprudence citée).

22. Il y a lieu, de même, de rappeler que la directive 84/450 a procédé à une harmonisation exhaustive des conditions de licéité de la publicité comparative dans les États membres et qu'une telle harmonisation implique, par nature, que la licéité de la publicité comparative dans toute l'Union doit être appréciée uniquement à la lumière des critères établis par le législateur de l'Union (voir arrêt du 8 avril 2003, Pippig Augenoptik, C-44/01, Rec. p. I-3095, point 44).

23. Enfin, s'agissant, comme dans l'affaire au principal, d'une comparaison portant sur les prix, il convient de rappeler que la confrontation des offres concurrentes, notamment en ce qui concerne les prix, relève de la nature même de la publicité comparative (arrêt du 19 septembre 2006, Lidl Belgium, C 356/04, Rec. p. I 8501, point 57 et jurisprudence citée).

24. Le huitième considérant de la directive 97/55 souligne en outre, à cet égard, que la comparaison du seul prix des biens et des services devrait être possible si cette comparaison respecte certaines conditions, en particulier si elle n'est pas trompeuse.

25. L'article 3 bis, paragraphe 1, sous b), de la directive 84/450 subordonne la licéité de la publicité comparative à la condition que celle-ci compare des biens ou des services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. La Cour a déjà jugé que ladite condition implique que les biens faisant l'objet de la comparaison présentent un degré d'interchangeabilité suffisant pour le consommateur (arrêts Lidl Belgium, précité, point 26, et du 19 avril 2007, De Landtsheer Emmanuel, C 381/05, Rec. p. I 3115, point 44).

(...)

51. Une publicité telle que la publicité litigieuse pourrait également s'avérer trompeuse s'il devait être constaté par la juridiction de renvoi que, aux fins de la comparaison par les prix à laquelle procède ladite publicité, ont été sélectionnés des produits alimentaires qui présentent en réalité des différences objectives de nature à conditionner de manière sensible le choix de l'acheteur.

52. En effet, à défaut de faire apparaître lesdites différences, une telle publicité, dès lors qu'elle est effectuée sous l'angle exclusif du prix, est susceptible d'être perçue par le consommateur moyen comme comportant implicitement l'affirmation de l'existence d'une équivalence entre celles des autres caractéristiques desdits produits qui sont également de nature à exercer une influence sensible sur le choix dudit consommateur.

53. À cet égard, la Cour a notamment déjà jugé, au sujet d'une comparaison portant sur les prix pratiqués entre deux magasins concurrents, que, dans les cas où la marque des produits peut conditionner d'une façon sensible le choix de l'acheteur et où la comparaison concerne des produits concurrents dont les marques respectives présentent une importante différence en termes de notoriété, le fait d'omettre la marque la plus renommée va à l'encontre de l'article 3 bis, paragraphe 1, sous a), de la directive 84/450 (arrêt Pippig Augenoptik, précité, point 53).

54. Il peut, le cas échéant, en aller de même en ce qui concerne d'autres caractéristiques des produits comparés, telles que leur composition ou leurs mode et lieu de fabrication auxquels se réfère la question préjudicielle, lorsqu'il apparaît que de telles caractéristiques sont, à l'instar du prix lui-même, par nature susceptibles de conditionner d'une façon sensible le choix de l'acheteur.

55. En pareils cas, le fait de ne pas informer le consommateur sur les différences existant ainsi entre des produits faisant l'objet d'une comparaison sous l'angle du seul prix est de nature à induire celui-ci en erreur quant aux raisons permettant d'expliquer l'écart de prix vanté et quant à l'avantage financier réellement susceptible d'être obtenu par ce consommateur en faisant ses achats auprès de l'annonceur plutôt qu'auprès d'un concurrent déterminé, et à affecter, dans une mesure correspondante, le comportement économique dudit consommateur. En effet, ce dernier peut alors être conduit à croire qu'il obtiendra effectivement un avantage financier s'expliquant par le caractère compétitif de l'offre de l'annonceur et non par l'existence de différences objectives entre les produits comparés ».

En l'espèce, en présentant le contenu des packs comparés par de simples icones, laissant penser que les services que ces « packs » contiennent seraient équivalents, de même que le contenu de l'offre de football, alors que ce n'est pas le cas pour les motifs déjà exposés ci-avant, Belgacom induit le consommateur, amateur de football intéressé par un « pack » comprenant des services d'accès à internet ou de la téléphonie, en erreur (cf. ci-avant) et commet une omission trompeuse au sens de l'article 90 LMPC.

5. Sur les mesures de constat et de cessation sollicitées par Tecteo

22. Belgacom critique également la formulation de la première mesure de constat postulée par Tecteo car il serait impossible de déterminer précisément quels seraient les « matchs phares » dès lors que la sélection de ces matchs phares dépend du choix opéré par Telenet. Dès lors que le caractère trompeur de la publicité de Belgacom réside dans le fait de ne pas préciser le contenu de son offre de football (qui correspond aux matchs du lot 3) et non dans le fait de ne pas préciser ce qu'elle ne contient pas (à savoir les matchs des lots 1 et 2), il y a lieu de formuler le constat comme suit :

La cour constate que la publicité de Belgacom, telle que parue dans le journal « Le Soir » du lundi 4 juillet 2011 dans laquelle celle-ci omet de préciser que le contenu de son offre de football de la Jupiler Pro League correspond aux matchs du lot 3 selon la décision d'attribution de l'asbl Pro League, viole les articles 88, 2° et 89, 1° LPMC.

Les autres constats et ordres de cessation sollicités ne font l'objet d'aucune critique comme telle de la part de Belgacom.

6. Sur les publicités de Tecteo invitant les abonnés « All Foot » et « My Club » à résilier leur abonnement auprès de Belgacom

23. A titre reconventionnel, Belgacom reproche à Tecteo d'inciter, dans ses publicités parues dans le journal « Le Soir » du 30 juin 2011, dans le journal « Metro » du 1er juillet 2011 et sur son site web, les abonnés « All Foot » et « My Club » à résilier leur abonnement auprès de Belgacom pour s'abonner à Voo.

Dans les publicités parues dans « Le Soir » et « Metro », Tecteo mentionne :

- « Vous êtes chez Belgacom ? Regardez vite au dos de ce journal. » ;

- « Vous êtes abonné à My Club / All Foot chez Belgacom ? Vous avez jusqu'au 15 juillet pour résilier sans frais votre abonnement à Belgacom TV ou votre Pack (si Belgacom TV en fait partie » ;

- « résiliez votre contrat Belgacom avant le 15 juillet » ;

- « concerne : résiliation sans frais de mon contrat suite à l'arrêt de All Foot/My Club Belgacom ».

Sur son site web, Tecteo indique :

- « Clients Foot Belgacom Tv (AllFoot, My Club) Vous êtes abonnés à AllFoot/My Club chez Belgacom? Pas de problème, vous avez jusqu'au 31 août pour résilier sans frais votre abonnement à Belgacom TV ou votre pack (si Belgacom TV en fait partie) selon Belgacom. Pour ce faire (...) ».

24. Ces indications constituent non seulement une publicité, à savoir « toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits quels que soient le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre » (article 2.19 LPMC) mais également une publicité comparative, c'est-à-dire « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent » (article 2.20 LPMC).

Il appartient dès lors à Tecteo de satisfaire aux conditions relatives à la publicité comparative visées à l'article 19 LPMC et rappelées ci-avant, ce qu'elle ne fait pas.

Dans ces communications, Tecteo n'opère aucune comparaison entre son offre de football et celle de Belgacom qui, il ne faut pas l'oublier, s'est quand même vue attribuer le lot 3 de la Jupiler Pro League. Mettre en avant le fait que Tecteo allait diffuser les trois matchs phares de la saison 2011-2012 de la Jupiler Pro League, que ces matchs étaient offerts gratuitement dans le cadre des packs « Voo Passionnément » ou « Voo à la folie » et que les options « All Foot » et « My Club » étaient supprimées chez Belgacom n'est pas une comparaison entre des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. Dans sa publicité, Tecteo ne met pas en évidence de manière objective les avantages de différents produits ou services comparables. Elle se contente d'y inciter les abonnés foot de Belgacom à résilier leur contrat pour en souscrire un nouveau auprès de Voo.

Cette publicité comparative n'est donc pas licite.

7. Sur la publicité comparative illicite sur le site web de Voo

25. Sur le site web de Voo, Tecteo annonce :

« Le vrai cadeau foot »

« Aucun doute, le meilleur du foot et le plus de foot, c'est chez Voo »

Une photo compare « Le cadeau de Belgacom » (un homme présentant un petit paquet bleu), et « Le cadeau de Voo » (un homme présentant un gros paquet rose).

En cliquant sur « plus d'infos », s'affiche une autre page du site web comprenant deux tableaux dont le premier est le suivant :

[image non publiée]

Le deuxième tableau procède également à une comparaison entre les offres de football de Belgacom et Voo.

26. Belgacom critique cette publicité au motif qu'elle ne compare pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services et qu'elle entraîne le discrédit et dénigre les caractéristiques de ses services de télévision digitale.

27. A nouveau dès lors que la publicité Tecteo est une publicité comparative, elle se doit de satisfaire aux conditions cumulatives de l'article 19 LPMC.

Si les termes « matchs phares » répondent à une réalité objective puisqu'ils sont utilisés par l'ASBL Pro League elle-même, adjudicateur des lots 1 à 6, il n'en est pas de même des termes « affiches les plus alléchantes du weekend », « plus belles affiches » qui sont purement subjectifs. Tecteo ne démontre pas que ces termes correspondent comme tels à une réalité objective. Si ces termes sont peut-être utilisés par la presse, ils n'ont pas leur place dans une publicité comparative laquelle se doit de reposer sur une comparaison objective des caractéristiques des services en cause.

De même, les termes « dernier choix », « jamais contre les grands clubs » sont également subjectifs mais, en outre, jettent le discrédit et dénigrent l'offre de football de Belgacom. Si l'offre de football de Belgacom est différente de celle de Tecteo en raison de l'attribution par lots des droits de diffusion, et si Telenet dispose du droit de choisir les trois matchs qu'elle souhaite diffuser, les autres matchs étant alors laissés à Belgacom, l'utilisation de ces vocables est néanmoins de nature à porter atteinte, dans l'esprit des amateurs de football, au crédit ou à la réputation de Belgacom et des services de football qu'elle offre.

Partant, cette publicité comparative de Tecteo est également illicite et il y a lieu d'en ordonner la cessation.

8. Sur les astreintes sollicitées de part et d'autre

28. Il y a lieu d'assortir d'une astreinte les ordres de cessation prononcés de part et d'autre. Cette mesure accessoire est de nature à faire respecter par leurs destinataires respectifs les ordres qui leur sont adressés.

29. Le premier juge a assorti l'ordre de cessation adressé à Tecteo d'une astreinte de 100.000,00 euro , par support publicitaire et par infraction, avec un plafond de 250.000,00 euro .

Ces montants sont parfaitement justifiés et raisonnables.

A bon droit, le premier juge a décidé que l'astreinte est d'application par support publicitaire, et non par campagne publicitaire.

L'appel incident de Belgacom n'est pas fondé.

Il y a lieu d'appliquer ces mêmes montants à l'ordre de cessation adressé à Belgacom, également par support publicitaire.

9. Sur la mesure de publication

30. L'article 116 de la LPMC dispose que :

« Le président du tribunal de commerce peut autoriser l'affichage de sa décision ou du résumé qu'il en rédige, pendant le délai qu'il détermine, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des établissements du contrevenant et ordonner la publication de son jugement ou de son résumé par la voie de journaux ou de toute autre manière, le tout aux frais du contrevenant.

Ces mesures de publicité ne peuvent toutefois être autorisées que si elles sont de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets.

Le président du tribunal de commerce fixe le montant que la partie à qui une mesure de publicité a été accordée conformément à l'alinéa 1er et qui a exécuté la mesure malgré un recours introduit à temps contre le jugement, devra payer à la partie au détriment de laquelle la mesure de publicité a été prononcée, si celle-ci est annulée en appel ».

La mesure de publication n'a pas pour but la réparation du dommage éventuellement subi (Liège, 18 juin 1998, Annuaire Pratiques du commerce & Concurrence, 1998, 598). Elle ne peut être décidée qu'en vue d'aider au respect de l'ordre de cessation (Liège, 30 juin 2003, J.L.M.B. 2004, 1628).

31. En l'espèce, compte tenu notamment de l'ancienneté de la publicité incriminée, laquelle remonte à près de deux ans, il n'y a pas lieu de faire droit à la mesure de publication sollicitée par Tecteo. Ordonner une telle mesure contribuerait à assurer la publicité de Tecteo envers les consommateurs et non à contribuer à la cessation des actes incriminé ou de leurs effets.

La mesure d'astreinte est suffisante.

10. Sur les dépens

32. En vertu de l'article 1017, alinéa 4 du Code judiciaire, le juge peut compenser les dépens et donc les indemnités de procédure « si les parties succombent sur quelque chef ».

Dès lors que tant Tecteo que Belgacom succombent partiellement sur leurs demandes, il y a lieu de compenser les dépens.

V. Dispositif

Pour ces motifs, la cour,

Reçoit les appels principal et incident ;

Dit l'appel principal fondé dans la mesure ci-après indiquée ;

Dit l'appel incident non fondé ;

Confirme le jugement entrepris sauf en tant qu'il dit la demande principale non fondée et condamne Tecteo aux dépens ;

Statuant à nouveau à cet égard ;

Dit la demande principale de Tecteo fondée dans la mesure ci-après indiquée ;

1. Constate que la publicité de Belgacom dans laquelle celle-ci omet de préciser que le contenu de son offre de football de la Jupiler Pro League correspond aux matchs du lot 3 selon la décision d'attribution de l'asbl Pro League, viole les articles 88, 2° et 89, 1° LPMC ;

2. Constate que la publicité de Belgacom, telle que parue dans le journal « Le Soir » du lundi 4 juillet 2011, constitue un acte de concurrence parasitaire et viole l'article 95 LPMC ;

3. Constate que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant des abonnements à l'internet, à la télévision et/ou à la téléphonie fixe avec des abonnements ou packs de Tecteo présentant à la fois une vitesse et un volume de téléchargement supérieurs, viole l'article 19, § 1, 2° LPMC ;

4. Constate que la publicité dans laquelle Belgacom compare certains de ses packs combinant des abonnements à l'internet, à la télévision et/ou à la téléphonie fixe avec des abonnements ou packs de Tecteo, sans mentionner le volume ou la vitesse de téléchargement supérieur de ces derniers, ou le fait qu'un abonnement ou pack de Tecteo donne droit à des communications téléphoniques gratuites, viole l'article 19 § 1, 1° LPMC ;

Ordonne en conséquence à Belgacom de cesser ces infractions, sous peine d'une astreinte de 100.000,00 euro par support publicitaire et par infraction, astreinte plafonnée à 250.000,00 euro maximum au total à partir de 24 heures après la date de signification du présent arrêt ;

Compense les dépens de première instance et d'appel ;

Cet arrêt a été rendu par la 9ème chambre de la cour d'appel de Bruxelles, composée de M. Henry Mackelbert, conseiller, président f.f. de la chambre, Mme Marie-Françoise Carlier, conseiller et M. Marc van der Haegen, conseiller suppléant, qui ont assisté à toutes les audiences et ont délibéré à propos de l'affaire.

Il a été prononcé en audience publique par M. Henry Mackelbert, conseiller, président f.f. de la chambre, assisté de Mme Patricia Delguste, greffier, le

Patricia DELGUSTE Marc van der HAEGEN

Marie-Françoise CARLIER Henry MACKELBERT