Cour du Travail: Arrêt du 20 juin 2013 (Bruxelles). RG 2012/AB/92

Date :
20-06-2013
Langue :
Français
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20130620-8
Numéro de rôle :
2012/AB/92

Résumé :

L'article 19, al. 2 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 qui dispose que les avantages qui sont accordés dans le cadre d'une formation, d'études ou d'un apprentissage ne sont pas considérés comme rémunération au sens de l'article 46, § 1er, de l'arrêté royal dans le chef du chômeur qui a obtenu dispense sur base des articles 92 à 94 de l'arrêté royal ou dans le chef de la personne avec laquelle le chômeur cohabite, ne fait pas obstacle au pouvoir d'appréciation du directeur du bureau de chômage. Lorsque le règlement de stage impose que le stagiaire exécute le stage dans le cadre d'un contrat de prestations de service indépendant et que le stagiaire doit obligatoirement être rémunéré, la décision du directeur du bureau de chômage de considérer que l'exercice de cette profession indépendante est incompatible avec le bénéfice des allocations de chômage et que, à défaut de pouvoir bénéficier des allocations, la dispense doit être refusée, est prise dans les limites de son pouvoir d'appréciation.

Arrêt :

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Rep.N°.

COUR DU TRAVAIL DE

BRUXELLES

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 20 juin 2013

8ème Chambre

SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS SALARIES - chômage

Not. Art. 580, 2e du C.J.

Arrêt contradictoire

Définitif

En cause de:

B. , ,

partie appelante,

représentée par Maître SIPHANTHAVONE loco Maître MBOLO EBUBU Camille Paul, avocat à BRUXELLES.

Contre :

ONEM, dont le siège social est établi à 1000 BRUXELLES, Boulevard de l'Empereur, 7,

partie intimée,

représentée par Maître TITI S. loco Maître HALLUT Céline, avocat à ANGLEUR.

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La Cour du travail, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant:

La présente décision applique notamment les dispositions suivantes :

Le code judiciaire,

La loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, et notamment l'article 24.

Vu produites en forme régulière les pièces de la procédure légalement requises;

Vu le jugement du 23 décembre 2011 et sa notification, le 30 décembre 2011,

Vu la requête d'appel du 27 janvier 2012,

Vu l'ordonnance du 1er mars 2012 fixant les délais de procédure sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire,

Vu les conclusions déposées par l'appelante le 2 mai 2012, et par l'intimé les 2 et 25 avril 2012,

Entendu les parties à l'audience publique du 23 mai 2013,

Entendu Monsieur Michel PALUMBO, avocat général, en son avis oral conforme, auquel il n'a pas été répliqué.

LA DECISION CONTESTEE

Par formulaire C94A portant la date du 15.04.2010, Madame B. introduit auprès de l'Office National de l'Emploi ("ONEm") une demande de dispense de disponibilité sur le marché de l'emploi pour suivre un stage, sur la base de l'article 94 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.

Il s'agit d'un stage de 17 mois, organisé par l'Institut Professionnel des Agents Immobiliers ("IPI"), dispensé à concurrence de 6 demi-jours par semaine; il comporte un volet théorique et un volet pratique préparant à l'agréation comme agent immobilier.

Madame B. expose que son stage n'est pas rémunéré.

Par décision portant la date du 29.04.2010, l'ONEm refuse la dispense pour les motifs exprimés comme suit:

« Conformément à l'art 49 de l'AR le statut d'indépendant n'est pas cumulable avec les allocations de chômage. »

II. LA PROCEDURE ANTERIEURE ET L'APPEL

Par requête reçue au greffe du tribunal du travail de Bruxelles le 17.05.2010, Madame B. conteste la décision décrite ci-dessus.

Par jugement du 23.12.2011, le tribunal du travail de Bruxelles déclare non fondée la demande de Madame B..

Le jugement est notifié aux parties le 30.12.2011.

Par requête reçue au greffe le 27.01.2012, Madame B. interjette appel de ce jugement.

Elle sollicite la mise à néant du jugement et la réformation de la décision du 29.04.2010 de l'ONEm. Elle demande à la Cour de lui accorder la dispense prévue à l'article 94 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 pour une durée de 17 mois.

III. DISCUSSION

Thèse des parties

a.

Selon Madame B. la motivation de la décision de l'ONEm est erronée dans la mesure où le refus de stage est fondé sur l'article 48 de l'arrêté royal concernant les conditions d'exercice d'une activité complémentaire. Aucune disposition légale expresse n'interdit le cumul du bénéfice des allocations de chômage avec le statut de travailleur indépendant. Une formation comportant des cours théoriques et un stage pratique ne doit pas être considérée comme un travail au sens de l'article 44 de l'arrêté royal.

b.

En ce qui concerne l'article 94 de l'arrêté royal, le directeur du bureau de chômage doit se limiter à constater que les conditions et critères d'application de cet article sont remplis de telle sorte qu'il ne bénéficie pas d'une compétence discrétionnaire.

Pour sa part, l'ONEm fait valoir, pour l'essentiel, que le stage organisé par l'IPI doit être effectué dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants et qu'il est obligatoirement rémunéré. Dès lors, le stage envisagé par Madame B. n'est pas simplement une formation mais constitue, en réalité, l'exercice de la profession indépendante d'agent immobilier. Si elle exerçait une telle activité, Madame B. perdrait la qualité de chômeuse et donc ne pourrait revendiquer la dispense organisée par l'article 94 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.

Position de la Cour

Le siège de la matière réside dans l'article 94, § 1er de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 rédigé comme suit:

« Le chômeur complet peut être dispensé à sa demande de l'application des articles 51, § 1er, alinéa 2, 3° à 6°, 56 et 58 pendant la période durant laquelle il suit une formation ou des études qui ne sont pas visées aux articles 91 à 93, si la formation ou les études sont acceptées par le directeur. Ce dernier décide en prenant notamment en considération l'âge du chômeur, les études déjà suivies, ses aptitudes, son passé professionnel, la durée de son chômage, la nature de la formation et les possibilités que ces études ou cette formation peuvent offrir au chômeur sur le marché de l'emploi. Le directeur peut demander à cette fin l'avis du service régional de l'emploi [...] ».

Il ressort clairement de la rédaction de cette disposition que le directeur du bureau de chômage dispose d'un pouvoir d'appréciation puisqu'il décide en prenant en compte un certain nombre de critères qui, eux mêmes, exigent une appréciation. Partant, la Cour dispose du même pouvoir d'appréciation.

Il apparaît du dossier complémentaire déposé par l'ONEm à l'audience du 23.05.2013 que le règlement du stage adopté par l'IPI impose que:

le stagiaire exécute le stage dans la cadre d'un contrat de prestation de service indépendant ;

le stagiaire doit être obligatoirement rémunéré à concurrence de 637,60 euro par mois minimum.

Il se déduit de ce qui précède que, pendant son stage, le stagiaire effectue des prestations de travail indépendant rémunérées qui, nécessairement, imposent une affiliation à une caisse d'assurances sociales pour travailleurs indépendants, ce qui a d'ailleurs été reconnu par le conseil de Madame B. dans son courrier adressé à l'ONEm le 19.04.2010 (pièce 13 du dossier administratif). La mention apposée par Madame B. dans sa demande de dispense ("Je ne perçois pas d'avantages financiers") est donc inexacte.

Certes, l'article 19, alinéa 2 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage dispose que:

« Les avantages qui sont accordés dans le cadre d'une formation, d'études ou d'un apprentissage ne sont pas considérés comme rémunération au sens de l'article 46, § 1er, de l'arrêté royal dans le chef du chômeur qui a obtenu dispense sur base des articles 92 à 94 de l'arrêté royal ou dans le chef de la personne avec laquelle le chômeur cohabite. »

Cette disposition ne suffit cependant pas pour accorder à Madame B., de plein droit, la dispense qu'elle demande.

Comme il l'a été rappelé ci-dessus, le directeur du bureau de chômage dispose d'un pouvoir d'appréciation. Il a estimé dans une motivation, certes très brève mais adéquate, que le stage à l'IPI supposait l'exercice effectif d'un travail indépendant. Il a considéré l'exercice de cette profession indépendante était incompatible avec le bénéfice des allocations de chômage et, que, à défaut de pouvoir bénéficier des allocations, la dispense devait être refusée.

La décision du directeur a été prise dans les limites de son pouvoir d'appréciation et sa décision doit être confirmée.

L'appel n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL,

Statuant après un débat contradictoire,

Après avoir entendu Monsieur M. PALUMBO, avocat général, en son avis oral conforme auquel il n'a pas été répliqué,

Dit l'appel de Madame B. non fondé,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal du travail de Bruxelles du 23.12.2011,

Confirme la décision de l'Office National de l'Emploi du 29.04.2010,

Condamne l'Office National de l'Emploi à payer à Madame B. les frais et dépens des deux instances, non liquidés à ce jour par cette dernière.

Ainsi arrêté par :

. J. M. QUAIRIAT Conseiller

. D. DETHISE Conseiller social au titre d'employeur

. R. PARDON Conseiller social au titre de travailleur employé

et assisté de B. CRASSET Greffier

B. CRASSET D. DETHISE R. PARDON J. M. QUAIRIAT

et prononcé à l'audience publique de la 8e chambre de la Cour du travail de Bruxelles, le vingt juin deux mille treize, par :

J. M. QUAIRIAT Conseiller

et assisté de B. CRASSET Greffier

B. CRASSET J. M. QUAIRIAT