Pas de titre

Date :
10-06-2020
Langue :
Allemand Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Législation
Source :
Numac 2020201717
Auteur :
Cour Constitutionnelle

Texte original :

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Extrait de l'arrêt n° 166/2019 du 7 novembre 2019
Numéro du rôle : 6966
En cause : la question préjudicielle concernant le décret de la Région wallonne du 21 décembre 1989 « relatif au service de transport public de personnes en Région wallonne », posée par le Tribunal de police du Hainaut, division Charleroi.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen et M. Pâques, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 22 juin 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 juin 2018, le Tribunal de police du Hainaut, division Charleroi, a posé la question préjudicielle suivante :
« Une différence de traitement entre un mineur d'âge faisant l'objet d'une sanction administrative en application du décret du 21 décembre 1989 relatif au service de transport public de personnes en Région wallonne, lequel ne prévoit aucune(s) disposition(s) particulière(s) relative(s) aux mineurs et un mineur d'âge faisant l'objet d'une sanction administrative en application de la loi du 27 avril 2018 sur la police des chemins de fer ou, encore, de la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales, lesquelles organisent un régime propre aux mineurs d'âge quant aux personnes pouvant exercer un recours contre la décision administrative, à la gratuité du recours, à la compétence du tribunal devant connaître du recours, à l'assistance d'un avocat et aux mesures préalables à une sanction financière, est-elle justifiée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution ? ».
(...)
III. En droit
(...)
B.1. La question préjudicielle porte sur le décret du 21 décembre 1989 « relatif au service de transport public de personnes en Région wallonne » (ci-après : le décret du 21 décembre 1989).
B.2. Il ressort des faits de la cause et de la motivation de la décision de renvoi que la question préjudicielle porte plus précisément sur l'article 36quater, § 3, du décret du 21 décembre 1989, qui concerne le recours pouvant être introduit contre une amende administrative en raison d'une infraction au règlement sur la police des transports de personnes par tram, pré-métro, métro, autobus et autocar.
La Cour limite son examen à l'article 36quater, § 3, du décret du 21 décembre 1989.
B.3.1. L'article 36bis du décret du 21 décembre 1989, tel qu'il a été inséré par l'article 2 du décret du 6 décembre 2007, dispose :
« Le Gouvernement peut établir des amendes administratives contre les infractions aux dispositions du Titre II de l'arrêté royal du 15 septembre 1976 portant règlement sur la police des transports de personnes par tram, pré-métro, métro, autobus et autocar.
Le montant de l'amende ne peut excéder 500 euros. Au 1 er janvier de chaque année, ce montant de 500 euros sera automatiquement et de plein droit indexé sur la base de l'indice des prix à la consommation en vigueur six semaines avant la date de l'indexation (base 2004 = 100) ».
Cette disposition a été exécutée par l'arrêté du Gouvernement wallon du 22 mai 2008 « relatif aux amendes administratives en matière de service de transport public de personnes en Région wallonne ».
B.3.2. L'article 36quater, § 3, du décret du 21 décembre 1989, tel qu'il a été inséré par l'article 4 du décret du 6 décembre 2007, dispose :
« Le contrevenant dispose d'un droit de recours contre la décision d'appliquer l'amende. Ce recours est introduit, sous peine de forclusion, dans le mois de la notification de la décision d'appliquer l'amende par voie de requête devant le tribunal de police, selon la procédure civile. Le recours devant le Tribunal de police est un recours de pleine juridiction. Il est suspensif. Le jugement du tribunal n'est pas susceptible d'appel ».
B.4. Le recours porté devant le juge a quo contre l'amende administrative infligée à la suite d'une infraction commise par une mineure d'âge a été introduit par la personne qui a la charge de cette mineure d'âge, celle-ci lui ayant été confiée en famille d'accueil à la suite d'une décision du Service d'aide à la jeunesse. La partie défenderesse soulève l'irrecevabilité de ce recours.
Le juge a quo constate qu'un mineur ne peut agir en justice sans être dûment représenté par ses représentants légaux, voire par un tuteur ad hoc. Il compare dès lors la situation du mineur d'âge faisant l'objet d'une amende administrative pour avoir circulé sans titre de transport valable en autobus à la situation de mineurs faisant l'objet d'une amende administrative conformément à d'autres régimes.
B.5.1. La Cour est invitée à examiner la compatibilité de l'article 36quater, § 3, du décret du 21 décembre 1989 avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition créerait une différence de traitement entre, d'une part, un mineur d'âge faisant l'objet d'une sanction administrative en application du décret du 21 décembre 1989, « lequel ne prévoit aucune(s) disposition(s) particulière(s) relative(s) aux mineurs » et, d'autre part, un mineur d'âge faisant l'objet d'une sanction administrative en application de la loi du 27 avril 2018 « sur la police des chemins de fer » ou encore de la loi du 24 juin 2013 « relative aux sanctions administratives communales », « lesquelles organisent un régime propre aux mineurs d'âge quant aux personnes pouvant exercer un recours contre la décision administrative, à la gratuité du recours, à la compétence du tribunal devant connaître du recours, à l'assistance d'un avocat et aux mesures préalables à une sanction financière ».
B.5.2. Dans la motivation de la décision de renvoi, le juge a quo se réfère plus précisément à certaines dispositions de la loi du 27 avril 2018 « sur la police des chemins de fer » (ci-après : la loi du 27 avril 2018).
En vertu de la loi du 27 avril 2018, les voyageurs qui prennent place à bord d'un train sans être détenteurs d'un titre de transport valable peuvent être sanctionnés d'une amende administrative (articles 14, § 1 er, 15, 1°, et 31, § 3).
Si la procédure administrative est entamée pour une infraction commise par un mineur d'âge, l'agent sanctionnateur est en outre tenu de proposer une offre de médiation (article 43, § 2, alinéa 1 er). Il est veillé à ce que le mineur d'âge soit assisté d'un avocat (article 43, § 2, alinéas 4 et suivants).
L'article 47, § 2, de la loi du 27 avril 2018 dispose :
« Lorsque la décision est prise à l'encontre d'un mineur d'âge, le recours est introduit gratuitement par requête écrite auprès du tribunal de la jeunesse compétent. L'article 60 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et la réparation du dommage causé par ce fait est d'application.
Le recours peut également être introduit par les père et mère, les tuteurs ou les personnes qui ont la garde du mineur d'âge. Le tribunal de la jeunesse demeure compétent si le contrevenant est devenu majeur au moment où il se prononce.
Lorsque le tribunal de la jeunesse décide de remplacer la sanction administrative par une mesure de garde, de préservation ou d'éducation visée à l'article 37 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et la réparation du dommage causé par ce fait, sa décision est susceptible d'appel. Dans ce cas, les procédures prévues par la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d'infraction et la réparation du dommage causé par ce fait pour les faits qualifiés d'infractions sont d'application ».
B.5.3. Dans la motivation de la décision de renvoi, le juge a quo se réfère également à certaines dispositions de la loi du 24 juin 2013 « relative aux sanctions administratives communales » (ci-après : la loi du 24 juin 2013).
Lorsqu'un mineur d'âge est impliqué dans des faits pouvant donner lieu à des sanctions administratives communales, la loi du 24 juin 2013 organise des procédures d'implication parentale (article 17), de médiation locale (article 18) et de prestation citoyenne (article 19). Lorsqu'un mineur est soupçonné d'une infraction sanctionnée par une amende administrative communale, il est veillé à ce que l'intéressé puisse être assisté d'un avocat (article 16). Les père, mère et tuteurs ou les personnes qui ont la garde du contrevenant mineur sont également informés par lettre recommandée de l'ouverture de la procédure administrative; ils disposent des mêmes droits que le mineur (article 25, § 5).
L'article 31, § 1 er, alinéa 2, de la loi du 24 juin 2013 dispose :
« Lorsque la décision du fonctionnaire sanctionnateur se rapporte aux mineurs, le recours est introduit par requête gratuite auprès du tribunal de la jeunesse. Dans ce cas, le recours peut également être introduit par les père et mère, les tuteurs ou les personnes qui en ont la garde. Le tribunal de la jeunesse demeure compétent si le contrevenant est devenu majeur au moment où il se prononce ».
B.6. La question préjudicielle invite dès lors à comparer des mineurs d'âge selon qu'ils font l'objet d'une amende administrative prévue par le décret en cause ou d'une amende administrative organisée dans deux lois fédérales. Les mineurs d'âge soumis au décret du 21 décembre 1989 ne disposeraient pas des mêmes garanties, notamment en ce qui concerne le recours qui pourrait être introduit contre l'amende administrative.
B.7. Une différence de traitement entre les modalités, déterminées par le décret du 21 décembre 1989, selon lesquelles un recours peut être introduit contre une amende administrative pour infraction au règlement sur la police des transports de personnes par tram, pré-métro, métro, autobus et autocar et les modalités selon lesquelles l'autorité fédérale organise le recours qui peut être introduit contre une amende administrative imposée à un mineur d'âge résulte de l'autonomie accordée aux régions et à l'autorité fédérale par ou en vertu de la Constitution, dans les matières qui relèvent de leurs compétences respectives.
B.8. Pour le surplus, la Cour constate que les accueillants familiaux bénéficient de prérogatives élargies, en vertu de la loi du 19 mars 2017 « modifiant la législation en vue de l'instauration d'un statut pour les accueillants familiaux ». C'est au juge a quo d'apprécier dans quelle mesure ce statut peut, le cas échéant, influencer la recevabilité du recours dont il est saisi.
B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L'article 36quater, § 3, du décret de la Région wallonne du 21 décembre 1989 « relatif au service de transport public de personnes en Région wallonne » ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 7 novembre 2019.
Le greffier,
P.-Y. Dutilleux
Le président,
F. Daoût