Cour de cassation: Arrêt du 28 juin 1999 (Belgique). RG S970103N
Summary :
Lorsque le directeur du bureau de chômage exclut un chômeur du bénéfice des allocations de chômage, en application de l'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, et que le chômeur conteste cette sanction administrative, il existe entre l'Office national de l'emploi et le chômeur une contestation relative au droit aux allocations pendant la période de son exclusion, et le tribunal du travail est compétent pour statuer sur cette contestation; le tribunal du travail qui connaît de pareille contestation, dispose de la pleine juridiction en matière de contrôle des décisions du directeur; moyennant le respect des droits de la défense et dans les limites de la cause, ainsi que définies par les parties, tout ce qui relève de la compétence d'appréciation du directeur, est soumis au contrôle du juge.
Arrêt :
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 24 avril 1997 par la cour du travail de Bruxelles;
Sur le premier moyen, libellé comme suit: violation des articles 33, spécialement alinéa 2, 37, 40, 144, 145, 159 de la Constitution coordonnée, 580, 1° et 2°, du Code judiciaire, 7, § 11, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (article 7 tel qu'intégralement remplacé par la loi du 14 juillet 1951, M. B., 16 décembre 1951, et § 11, tel qu'inséré par l'article 3-63, § 2, avenant à la loi du 10 octobre 1967, M. B., 31 octobre 1967), 45, alinéa 3, 142, 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage (abrégé ci-après en arrêté relatif au chômage; article 45 tel que modifié par l'article 1er de l'arrêté royal du 31 décembre 1992, M. B., 26 janvier 1993), 18, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage (article 18 tel que modifié par l'arrêté ministériel du 4 janvier 1993, M. B., 26 janvier 1993), du principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs et, pour autant que de besoin, de la doctrine de la compétence marginale de contrôle,
en ce que l'arrêt attaqué confirme le jugement du tribunal du travail, alors qu'il avait réformé la décision administrative du demandeur du 4 août 1994, en ce qui concerne l'exclusion du droit à des allocations de chômage à compter du 8 août 1994 sur la base de l'article 153 de l'arrêté relatif au chômage, en ce sens que la durée de l'exclusion avait été ramenée de six semaines à une semaine et ce, sur la base des considérations suivantes: "(...) que lorsque le juge est confronté à un acte administratif découlant de l'exercice de la compétence discrétionnaire de l'autorité administrative, cet acte est ainsi aussi soumis au droit de contrôle du juge qui ne se bornera pas seulement à un contrôle de légalité (...). Par ce contrôle, le juge condamnera ainsi le comportement déraisonnable ou injuste de l'organe concerné lorsque le caractère déraisonnable ou injuste est à ce point évident que la décision du juge correspond à la notion communément admise du droit (...). De cette façon, les juridictions du travail ne sont pas seulement compétentes pour contrôler le fondement légal de la décision administrative qui est prise mais elles peuvent aussi statuer sur l'opportunité des décisions administratives contestées au regard de la base légale sur laquelle elles se fondent. L'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage prévoit que le chômeur est exclu du bénéfice des allocations durant une semaine au moins et treize semaines au plus lorsqu'il a omis de faire une déclaration requise ou l'a faite tardivement. En l'espèce, le (défendeur) devait, conformément à l'article 45, alinéa 3, de l'arrêté royal précité et à l'article 18, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage, déclarer préalablement l'activi
té bénévole dans la maison de jeunes, avec maintien de son droit aux allocation de chômage. Le 18 mai 1994, le (défendeur) déclare qu'il est président de l'ASBL De Schakel, rue de Roodebeek, 1200 Bruxelles et qu'ils organisent des activités de détente (café) et récréatives pour les jeunes, qu'il y effectue des travaux administratifs (conclusion de contrats d'assurance) et tient le café le mercredi, le vendredi, le samedi et le dimanche. La cour du travail est d'avis qu'en appliquant la sanction moyenne, que le (demandeur) considère comme justifiée eu égard à la nature de l'activité exercée, qui entre plutôt dans le circuit économique que dans le cadre d'une association sans but lucratif, le (demandeur) est déraisonnable. Il n'est pas contesté que le (défendeur) n'était pas au courant de l'obligation de déclaration préalable de son activité et qu'il a immédiatement déclaré cette activité lors de la visite de contrôle du 18 mai 1994. En outre, il est vrai que le fait de se consacrer à l'organisation d'activités récréatives pour les jeunes ne s'inscrit pas dans le circuit économique mais concerne beaucoup plus les secteurs sociaux et culturels. La sanction minimum d'une semaine d'exclusion des allocations de chômage en sus de l'exclusion à compter du 1er avril 1993 est juste et raisonnable." (arrêt, pp. 9, 10 et 11),
alors que, première branche, en vertu de l'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, est exclu du bénéfice des allocations durant une semaine au moins et treize semaines au plus, le chômeur qui a perçu ou peut percevoir indûment des allocations du fait qu'il a omis de faire une déclaration requise (...) ou l'a faite tardivement; qu'en vertu de l'article 45, alinéa 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le Ministre détermine les conditions et les modalités qui doivent être remplies aussi bien par le chômeur que par le tiers afin qu'une activité bénévole pour le compte d'un tiers puisse être effectuée avec maintien de droit aux allocations; que l'article 18, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précise ces modalités en exécution dudit article 45, alinéa 3; qu'ainsi que l'arrêt le constate, la décision du demandeur tendait, sur la base d'une infraction à l'article 45, alinéa 3, de l'arrêté relatif au chômage en combinaison avec l'article 18, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991, à exclure le défendeur du bénéfice des allocations de chômage pendant six semaines, en application dudit article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté relatif au chômage; qu'en vertu de l'article 7, § 11, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, et de l'article 580, 1° et 2°, du Code judiciaire, le tribunal du travail est compétent pour statuer sur le droit subjectif d'un chômeur à des allocations de chômage; qu'ainsi, sur la base des articles 33, alinéa 2, 40, 144, 145 et 159 de la Constitution, la cour du travail pouvait et devait contrôler la légalité externe et interne de la décision prise par le demandeur, et spécialement, vérifier, sur la base du contexte de tous les autres éléments régulièrement produits, si cette décision
ne reposait pas sur un détournement de pouvoir; qu'il n'appartient toutefois pas au juge d'apprécier l'opportunité de la décision de l'autorité; qu'il dépasserait ainsi les limites du pouvoir judiciaire et qu'il porterait atteinte à l'indépendance du pouvoir exécutif et au principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs; qu'ainsi la cour du travail était tenue de vérifier si la décision du demandeur avait été prise conformément à l'article 153 de l'arrêté relatif au chômage, et notamment si l'infraction du chef de laquelle la sanction a été infligée était établie, si la sanction pouvait dès lors être infligée, si les limites légales minimales ou maximales (une à douze semaines) de l'exclusion avaient été prises en compte et si la décision ne reposait pas sur un détournement de pouvoir; qu'eu égard à cette infraction du défendeur, le demandeur était tenu d'imposer les sanctions prévues à l'article 153 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991; qu'en vertu de l'article 153, en combinaison avec l'article 142, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, il dispose d'une compétence discrétionnaire lors de la fixation du taux de la peine, à condition qu'il prenne en considération la sanction légale minimale (une semaine) et maximale (treize semaines); qu'en l'espèce, le demandeur a infligé une sanction de six semaines d'exclusion, qui se situe dans les limites légales minimales et maximales, et qui est justifiée par le demandeur comme étant une sanction moyenne: conformément à la norme de politique générale, "alors que la réglementation prévoit une période minimale et une période maximale, une exclusion ou sanction moyenne (...) (est) imposée; qu'en fonction de l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes, la durée de l'exclusion est respectivement augmentée ou diminuée" (requête d'appel du demandeur, p. 4); que le demandeur avait ainsi fait valoir que l'activité exercée par le défendeur (tenir un café et effectuer des travaux administratifs) entrait plutôt dans le circuit économique que dans le cadre d'une association sans but lucratif, ce qui justifiait une sanction moyenne (ibidem); que le demandeur avait ainsi établi que sa décision ne se fondait pas sur des motifs arbitraires mais raisonnables; que l'arrêt admet cependant que: "lorsque le juge est confronté à un acte administratif découlant de l'exercice de la compétence discrétionnaire de l'autorité administrative, cet acte est ainsi aussi soumis au droit de contrôle du juge qui ne se bornera pas seulement à un contrôle de légalité (...)" et que "par ce contrôle (...), le juge condamnera ainsi le comportement déraisonnable ou injuste de l'organe concerné lorsque le caractère déraisonnable ou injuste est à ce point évident que la décision du juge correspond à la notion communément admise du droit (...)" (arrêt, p. 10) et que "de cette façon (...), les juridictions du travail ne sont pas seulement compétentes pour contrôler le fondement légal de la décision administrative mais (...) elles (peuvent) aussi statuer sur l'opportunité des décisions administratives contestées au regard de la base légale sur laquelle elles se fo
ndent (arrêt, p. 10). L'arrêt indique de la sorte que le juge est compétent pour sanctionner une décision administrative en vérifiant, sur la base d'une appréciation personnelle, si la décision n'est pas à ce point déraisonnable que la décision du juge correspond à la notion communément admise du droit; que, sans vérifier si la décision ne reposait pas sur un détournement de pouvoir et, dès lors, était arbitraire, l'arrêt contrôle, sur la base de ce qu'il est convenu d'appeler la compétence marginale de contrôle, la décision au regard de la propre conception de la cour du travail de ce qui est raisonnable et juste et conclut ensuite que la sanction de six semaines doit être ramenée à une sanction d'une semaine d'exclusion, sanction qui, selon l'arrêt est juste et raisonnable, sur la base de la considération qu'il n'est pas contesté que le (défendeur) n'était pas au courant de l'obligation de déclaration préalable de son activité et qu'il a immédiatement déclaré cette activité lors de la visite de contrôle du 18 mai 1994 (...)" et qu'en outre, (...) il est vrai que le fait de se consacrer à l'organisation d'activités récréatives pour les jeunes ne s'inscrit pas dans le circuit économique mais concerne beaucoup plus les secteurs sociaux et culturels" (arrêt p. 11); qu'ainsi, en violation des dispositions constitutionnelles et légales relatives à la compétence du pouvoir judiciaire (articles 33, 40, 144, 145 et 159 de la Constitution), en particulier des juridictions du travail (article 580, 1° et 2°, du Code judiciaire, article 7, § 11, de l'arrêté-loi) de même que de celles relatives à la compétence du pouvoir exécutif (articles 33 et 37 de la Constitution) et spécialement des dispositions de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant sur la compétence du demandeur (article 153 en combinaison avec l'article 142 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991), et en violation du principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs, l'arrêt s'est subrogé au demandeur, et a privé celui-ci de sa compétence discrétionnaire d'appréciation pour la fixation du taux de la peine en vertu de l'article 153 de l'arrêté relatif au chômage, en fixant lui-même le taux de la sanction sur la base d'une appréciation personnelle de l'opportunité de la décision prise par le demandeur,
de sorte que l'arrêt a violé toutes les dispositions et le principe général du droit cités au moyen;
Quant à la première branche:
Attendu qu'en vertu de l'article 45, alinéa 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, en combinaison avec l'article 18, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage, un chômeur peut avec l'accord du directeur effectuer une activité bénévole et gratuite pour le compte d'une association sans but lucratif lorsque l'activité a fait l'objet d'une déclaration préalable au bureau de chômage;
Que l'article 153, alinéa 1er, 2° de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, prévoit qu'est exclu du bénéfice des allocations durant une semaine au moins et treize semaines au plus, le chômeur qui a perçu ou peut percevoir indûment des allocations du fait qu'il a omis de faire une déclaration requise autre que celle visée à l'article 134, § 3, ou l'a faite tardivement;
Attendu qu'en vertu de l'article 580, 1° et 2°, du Code judiciaire, le tribunal du travail connaît des contestations relatives aux droits et obligations résultant de la législation en matière de chômage;
Attendu qu'il suit des dispositions précédentes que, lorsque le directeur du bureau de chômage exclut un chômeur du bénéfice des allocations de chômage, en application de l'article 153, alinéa 1er, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, et que le chômeur conteste cette sanction administrative, il existe entre l'Office national de l'emploi et le chômeur une contestation relative au droit aux allocations pendant la période de son exclusion, et que le tribunal du travail est compétent pour statuer sur cette contestation;
Que le tribunal du travail qui connaît de pareille contestation, dispose de la pleine juridiction en matière de contrôle des décisions du directeur;
que, moyennant le respect des droits de la défense et dans les limites de la cause, ainsi que définies par les parties, tout ce qui relève de la compétence d'appréciation du directeur, est soumis au contrôle du juge;
Que le moyen manque en droit;
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.