Cour de cassation: Arrêt du 9 février 1995 (Belgique). RG C930084N

Date :
09-02-1995
Language :
French Dutch
Size :
6 pages
Section :
Case law
Source :
Justel F-19950209-14
Role number :
C930084N

Summary :

Au cours de la procédure de déclaration de faillite d'office, le respect des droits de la défense impose que soit le débiteur soit convoqué préalablement à l'examen de la cause, soit que le juge énonce les motifs d'urgence exceptionnelle par lesquels il ne convoque pas celui-ci; seul le juge qui prononce la faillite peut indiquer et apprécier les circonstances d'urgence exceptionnelle.

Arrêt :

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LA COUR,
Vu les arrêts attaqués, rendus le 10 novembre 1992 par la cour d'appel de Bruxelles, statuant sur renvoi;
Vu l'arrêt de la Cour du 25 septembre 1989;
Sur le premier moyen, libellé comme suit : violation des articles 442, 473 de la loi du 24 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis, constituant le livre III du Code de commerce, 1122, 1130 du Code judiciaire, 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955, et 14, alinéa 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, fait à New York le 19 décembre 1966 et approuvé par la loi du 15 mai 1981, ainsi que du principe général du droit relatif aux droits de la défense,
en ce que l'arrêt attaqué, inscrit au rôle général sous le numéro 465190, confirme le jugement dont appel rendu par le tribunal de commerce d'Anvers qui a rejeté l'opposition au jugement déclaratif de faillite formée par les demandeurs, sur la base des considérations "(...) que (les demandeurs) font grief au premier juge d'avoir, dans le jugement rendu le 31 janvier 1985, prononcé la faillite d'office, sans les avoir préalablement entendus; (...) qu'il est établi que (les demandeurs) n'ont été ni convoqués ni entendus avant la déclaration de faillite du 31 janvier 1985; (...) que le respect des droits de la défense, qui constitue un principe général du droit également consacré par l'article 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose qu'au cours de la procédure de déclaration de faillite d'office, le débiteur soit, sauf en cas d'urgence exceptionnelle, entendu en ses moyens avant la décision; (...) que le juge qui statue sur l'opposition, en première instance ou en degré d'appel, peut suppléer au défaut éventuel de motivation relative à l'urgence exceptionnelle en indiquant les circonstances qui, suivant son opinion, revêtent un caractère exceptionnellement urgent; qu'il est tenu, pour ce faire, de se fonder sur les éléments dont le juge qui a prononcé la faillite disposait à cette époque; (...) que, les éléments connus du premier juge étant contenus dans la requête que le curateur à la faillite de la SA Bouwonderneming Van Ammel avait déposée devant lui le 31 janvier 1985, le délai qui s'est écoulé entre-temps ne constitue pas un empêchement; (...) que, dans cette requête, il a été démontré par référence aux pièces y afférentes, qu'Achiel Van Ammel, Julia Theunis, la SA Bouwonderneming Van Ammel, la SA Verkoopkantoor Van Ammel et la SA Beleggingsmaatschappij Groot Hoefijzer constituaient en fait une société en nom collectif; (...) que, par cette requête, la procuration du 2 janvier 1985 (...) et l'acte de vente du 9 janvier 1985 (...) ont également été soumis à l'appréciation du juge; (...) que, par acte du 2 janvier 1985, Achiel Van Ammel, agissant comme seul directeur de la SA Beleggingsmaatschappij Groot Hoefijzer Wassenaar, a désigné deux clercs de notaire, résidant respectivement à Zele et Hansbeke, comme mandataires spéciaux ayant le pouvoir d'intervenir individuellement 'aux fins de vendre tous les immeubles situés en Belgique appartenant à celle-ci'; (...) que cet acte cont
ient 'plus particulièrement' une liste de quatre pages dactylographiées faisant état d'immeubles à appartements, de maisons, de villas, d'appartements et de terrains, situés à Kalmthout, Turnhout, Oud-Turnhout, Aartselaar, Berchem-Antwerpen, Antwerpen, Schelle, Kontich et Brasschaat; (...) que les ventes pouvaient avoir lieu 'à l'amiable, judiciairement, de gré à gré, par adjudication ou enchères, dans les formes, pour les prix, moyennant des charges, clauses ou conditions dans le chef d'une ou de plusieurs personnes, à la convenance du mandataire'; (...) qu'en vertu de cette procuration, le premier mandataire a vendu, par acte passé le 9 janvier 1985 devant le notaire Bouckaert de Kalken (Laarne), un immeuble à appartements avec garage, situé à Kalmthout, à une certaine SA Santuario Fenix, ayant son siège à San José (Costa Rica), moyennant le prix de 12.500.000 francs qui, suivant les déclarations du vendeur, a été reçu lors de la passation de l'acte; (...) que, dès lors, l'intention de substituer des fonds aisément mis hors de portée des créanciers à la totalité de l'actif immobilier, quelques jours après la déclaration de faillite de la SA Bouwonderneming Van Ammel, est manifeste; (...) qu'à cet égard, il est à relever que la procuration a été donnée à des personnes résidant en Flandre orientale alors que tous les biens immobiliers à vendre étaient situés dans la région d'Anvers où (les demandeurs) étaient établis et exerçaient leurs activités; que les mandataires étaient même autorisés à vendre de gré à gré et à déterminer les conditions ainsi qu'à choisir les acquéreurs suivant leur propre convenance; (...) que l'intention de réaliser au plus vite et à tout prix les propriétés immobilières, au détriment des créanciers, ressort particulièrement de ces dernières clauses; qu'eu égard à l'acte du 9 janvier 1985, il a rapidement été passé de l'intention à l'action; (...) que, dès lors, l'urgence exceptionnelle dispensant le juge d'entendre (les demandeurs) avant la décision, existait au 31 janvier 1985; que c'est à bon droit que, nonobstant la possibilité d'appliquer des délais de convocation réduits, il a statué le jour même où il a eu connaissance des circonstances précitées; (...) que les pratiques précitées permettaient de détourner des éléments de l'actif, même si Achiel Van Ammel et Julia Theunis étaient provisoirement détenus et certaines pièces saisies; (...) qu'en tout cas, la citation d'Achiel Van Ammel et Julia Theunis à comparaître devant le premier juge n'aurait pas empêché les mandataires de poursuivre les ventes de gré à gré, sans que le fisc ou le conservateur des hypothèques n'en soient avisés",
alors que, première branche, le respect des droits de la défense impose que le débiteur soit entendu en ses moyens, préalablement à la décision de déclaration de faillite par le tribunal de commerce; que cette obligation d'entendre le débiteur est également applicable à la procédure de déclaration de faillite d'office et n'est, en ce cas, pas subordonnée au défaut d'urgence exceptionnelle de la cause; qu'en effet, le terme "d'office" implique en son sens habituel non pas que la décision peut être rendue sans que la défense ne soit préalablement entendue, mais que le juge peut rendre cette décision sans y avoir été sollicité, de sorte que l'arrêt attaqué n'a pu rejeter le moyen de défense des demandeurs suivant lequel la faillite a été déclarée d'office en violation de leurs droits de défense, en indiquant les circonstances desquelles il avait déduit le caractère exceptionnellement urgent de la décision de faillite d'office, sans violer les articles 442 de la loi du 18 avril 1851, 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 14, alinéa 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense;
deuxième branche, dans la mesure où le caractère exceptionnellement urgent de la cause justifierait la déclaration de faillite d'office d'un commerçant sans que celui-ci ne soit préalablement entendu en ses moyens, seul le juge qui prononce d'office la faillite peut apprécier et, le cas échéant, constater l'urgence exceptionnelle de la cause dans les motifs de sa décision; que le juge appelé à statuer sur l'opposition au jugement de déclaration de faillite d'office, formée par le failli conformément à l'article 473 de la loi du 18 avril 1851, et le juge d'appel appelé à statuer ensuite sur l'appel du jugement rendu sur opposition peuvent uniquement examiner la légalité et la régularité du jugement déclaratif de la faillite et, soit confirmer celui-ci, soit, lorsque le premier juge a décidé à tort que les conditions fondamentales de la faillite étaient remplies ou lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure précédant la déclaration de faillite d'office, décider que la faillite a été prononcée à tort et, en conséquence, annuler le jugement qui a fait l'objet de l'opposition; qu'en effet, l'opposition au jugement de déclaration de faillite d'office constitue une tierce opposition, qui, en ce cas, n'a pas d'effet dévolutif, de sorte que le juge appelé à statuer sur l'opposition ne peut examiner personnellement les conditions fondamentales de la faillite, fût-ce à la lumière des éléments dont le premier juge disposait, et ne peut davantage suppléer aux irrégularités éventuelles de la motivation du premier juge, en constatant notamment le caractère exceptionnellement urgent de la cause, même s'il y procédait à la lumière des éléments dont le premier juge disposait; que le juge d'appel appelé à statuer sur l'appel du jugement rendu sur opposition ne dispose pas de compétences plus étendues que celles du juge ayant statué sur l'opposition, de sorte qu'en considérant "que le juge
qui statue sur l'opposition, en première instance ou en degré d'appel, peut suppléer au défaut éventuel de motivation relative à l'urgence exceptionnelle en indiquant les circonstances qui, suivant son opinion, revêtent un caractère exceptionnellement urgent" et "qu'il est tenu, pour ce faire, de se fonder sur les éléments dont le juge qui a prononcé la faillite disposait à cette époque", en constatant ensuite les circonstances constitutives du caractère exceptionnellement urgent de la cause précitées et en confirmant finalement le jugement dont appel, l'arrêt attaqué viole toutes les dispositions légales citées par le moyen;
troisième branche, dans la mesure où le caractère exceptionnellement urgent de la cause justifierait la déclaration de faillite d'office d'un commerçant sans que celui-ci ne soit préalablement entendu en ses moyens, cette exception à l'obligation d'entendre le débiteur doit être interprétée d'une manière restrictive; que, dans l'arrêt rendu le 24 mai 1988 par la cour d'appel d'Anvers, inscrit au rôle général sous le numéro 1332/86, annulé par l'arrêt de votre Cour du 25 septembre 1989, les juges d'appel ont considéré "que, si la loi permet au tribunal de prononcer d'office la faillite d'un débiteur, sans entendre celui-ci préalablement, cette possibilité ne peut être appliquée que si la prononciation immédiate du jugement déclaratif de la faillite s'avère nécessaire; (...) qu'en l'espèce, la déclaration de faillite ne pouvait être différée, dès lors que, nonobstant l'arrestation (des premier et deuxième demandeurs), les droits des créanciers étaient menacés, notamment par la vente d'un appartement pour le prix de 12, 5 millions, effectuée le 9 janvier 1985 en vertu du mandat donné le 2 janvier 1985 aux deux clercs de notaire 'aux fins de vendre (...) tous les immeubles situés en Belgique appartenant à celle-ci'; (...) qu'il ressort de l'acte notarié du 9 janvier 1985 que l'immeuble a été vendu 'franc et quitte de toutes charges et inscriptions hypothécaires' et que les vendeurs ont déclaré avoir reçu le prix; (...) qu'il est plus aisé de placer des fonds hors de portée des créanciers qu'un immeuble et que, dès lors, c'est à bon droit que le mandat et la vente en question ont été considérés comme portant une atteinte grave au gage commun des créanciers de la société en nom collectif; (...) qu'en prononçant la faillite le jour même où le curateur lui a fourni toutes ces informations à charge (le 31 janvier 1995), le premier juge a reconnu le caractère exceptionnellement urgent de la faillite; (...) qu'il y a en outre lieu de relever qu'en l'espèce, le débiteur avait pris la précaution de mandater un notaire ayant son étude en dehors de la région où les biens étaient situés et où il exerçait ses activités commerciales et avait ses intérêts"; que dans son arrêt du 25 septembre 1989, votre Cour a décidé que les circonstances relevées par la cour d'appel d'Anvers étaient insuffisantes pour justifier l'urgence exceptionnelle et que, dès lors, en décidant sur la base des considérations précitées que la cause était exceptionnellement urgente, bien que les circons
tances énoncées à cet égard soient identiques à celles qui avaient été relevées dans l'arrêt rendu le 24 mai 1988 par la cour d'appel d'Anvers, que l'arrêt de votre Cour du 25 septembre 1989 avait considéré comme insuffisantes, l'arrêt violait la notion du "caractère exceptionnellement urgent" qui constituerait une exception à l'obligation d'entendre le débiteur préalablement à la déclaration de faillite d'office et, en conséquence, les articles 442 de la loi du 18 avril 1851, 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, alinéa 1er, du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ainsi que le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense;
quatrième branche, l'obligation d'entendre un commerçant en ses moyens, préalablement à la déclaration de faillite d'office, n'implique pas nécessairement que celui-ci doive être cité à comparaître à l'audience par exploit d'huissier de justice, dans le respect d'un délai de citation réduit ou non - et n'impose pas davantage, s'il est convoqué autrement que par une citation par exploit d'huissier de justice, le respect de certaines formalités ou certains délais de comparution; qu'au contraire, il est loisible au juge qui prononce la faillite d'entendre le commerçant de la manière qui, eu égard aux circonstances, lui semble la plus appropriée; que rien ne l'empêche de se rendre lui-même auprès du commerçant, notamment lorsque celui-ci est provisoirement détenu ou ne peut se déplacer par un motif quelconque; que, dans la mesure où le caractère exceptionnellement urgent de la cause justifierait la déclaration de faillite d'office d'un commerçant sans que celui-ci ne soit préalablement entendu en ses moyens, l'existence de l'urgence exceptionnelle doit être appréciée à la lumière des possibilités réelles d'entendre le commerçant et, le cas échéant, si des débats contradictoires sont impossibles, de préférer un exposé restreint des moyens à l'exclusion de tout exercice des droits de la défense, de sorte qu'en décidant, sur la base des considérations précitées, "que, dès lors, l'urgence exceptionnelle dispensant le juge d'entendre (les demandeurs) avant la décision, existait au 31 janvier 1985; que c'est à bon droit que, nonobstant la possibilité d'appliquer des délais de convocation réduits, il a statué le jour même où il a eu connaissance des circonstances précitées" et "qu'en tout cas, la citation d'Achiel Van Ammel et Julia Theunis à comparaître devant le premier juge n'aurait pas empêché les mandataires de poursuivre les ventes de gré à gré, sans que le fisc ou le conservateur des hypothèques n'en soient avisés", l'arrêt attaqué viole les articles 442, 473 de la loi du 18 avril 1851, 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, alinéa 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le principe général du droit relatif aux droits de la défense :
Quant à la deuxième branche :
Attendu que l'arrêt visé au moyen en cette branche constate (1) que, le 31 janvier 1985, les demandeurs Achiel Van Ammel, Julia Theunis et la société en nom collectif Van Ammel ont été déclarés d'office en état de faillite par le tribunal de commerce d'Anvers; (2) qu'ils n'ont été ni convoqués ni entendus avant la déclaration de faillite; (3) que, dans le jugement rendu le 24 avril 1986, le même tribunal, appelé à statuer sur l'opposition des demandeurs, a déclaré celle-ci non fondée;
Qu'après avoir considéré "que le juge qui statue sur l'opposition, en première instance ou en degré d'appel, peut suppléer au défaut éventuel de motivation relative à l'urgence exceptionnelle en indiquant les circonstances qui, suivant son opinion, revêtent un caractère exceptionnellement urgent et qu'il est tenu, pour ce faire, de se fonder sur les éléments dont le juge qui a prononcé la faillite disposait à cette époque", l'arrêt constate qu'il y avait urgence exceptionnelle et confirme le jugement dont appel;
Attendu qu'au cours de la procédure de déclaration de faillite d'office, le respect des droits de la défense impose que soit le débiteur soit convoqué préalablement à l'examen de la cause, soit que le juge énonce les motifs d'urgence exceptionnelle par lesquels il ne convoque pas celui-ci;
Que seul le juge qui prononce la faillite peut indiquer et apprécier les circonstances d'urgence exceptionnelle;
Attendu que l'opposition visée à l'article 473 de la loi du 18 avril 1851 ne rend pas le jugement déclaratif de la faillite caduc; que, dans la mesure où le juge déclare l'opposition non fondée, la décision originaire ainsi que les nullités dont elle est entachée sont maintenues;
Que le juge d'appel qui confirme une telle décision, s'approprie les nullités du jugement dont appel;
Attendu que l'arrêt qui omet d'examiner l'exception de nullité relative au jugement rendu sur opposition soulevée par les demandeurs, ne justifie pas légalement sa décision;
Que le moyen, en cette branche, est fondé;
Attendu que la cassation de l'arrêt inscrit au rôle général de la cour d'appel de Bruxelles sous le numéro 465190 entraîne l'annulation de l'arrêt inscrit au même rôle sous le numéro 443190 qui en découle;
PAR CES MOTIFS,
Casse les arrêts attaqués;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge des arrêts cassés;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand.