Commission pour la Protection de la Vie Privée: Avis du 14 avril 2003 (Belgique). RG 21/2003

Date :
14-04-2003
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20030414-2
Numéro de rôle :
21/2003

Résumé :

Sommaire 1 x

Avis :

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La Commission de la protection de la vie privée,
Vu la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, notamment l'article 29 ;
Vu la demande d'avis du 25 mars 2003 du Ministre flamand des Sports et des Affaires de Ville-Capitale, reçue le 31 mars 2003 ;
Vu le rapport de Monsieur E. Van Hove,
Emet, le 14 avril 2003, l'avis suivant :
I. OBJET DE LA DEMANDE D'AVIS
Le présent projet de décret vise à actualiser le décret du 27 mars 1991 relatif à la pratique du sport dans le respect des impératifs de santé. Cette actualisation se traduit par un renforcement du contrôle de l'utilisation de moyens interdits qui augmentent artificiellement les performances des sportifs, dans un premier temps en élargissant la possibilité de prélever des échantillons en dehors des périodes de compétition, puis en prévoyant des sanctions non seulement à l'égard du sportif, mais également de son entourage, et cela en concertation étroite avec le pouvoir judiciaire. Pour ce faire, les compétences des médecins-contrôle sont sensiblement étendues jusqu'à leur conférer la qualité d'officier de la police judiciaire.
Le projet de décret prévoit également le traitement électronique des données à caractère personnel qui sont collectées lors des contrôles en vue du suivi des dossiers individuels ainsi que pour établir des données statistiques à des fins politiques. L'avis de la Commission est spécifiquement demandé sur ce point. Par ailleurs, la disposition qui prévoit la publication des mesures disciplinaires sur un site web et via d'autres canaux de communication, qui doivent encore être déterminés, est également soumise à la Commission.
II. LE TRAITEMENT DES DONNEES A CARACTERE PERSONNEL COLLECTEES LORS DU CONTROLE
Le projet de décret veut créer une base légale spécifique pour le traitement électronique des données à caractère personnel qui sont collectées dans le cadre de l'activité des services de contrôle et communiquées à l'administration, ce dans un double objectif :
1. le suivi de dossiers individuels ;
2. l'établissement de données statistiques.
Premièrement, il faut noter que la loi relative à la protection de la vie privée ne s'applique pas seulement aux traitements électroniques des données à caractère personnel, mais aussi aux dossiers traités manuellement pour autant qu'ils utilisent systématiquement des données à caractère personnel. Le suivi de dossiers individuels par les fonctionnaires chargés de la surveillance est inhérente à l'accomplissement de leur tâche, que des moyens électroniques soient mis en oeuvre ou non. Lors du traitement des données à caractère personnel, ces fonctionnaires sont tenus de respecter toutes les obligations contenues dans la loi relative à la protection de la vie privée. Ceci implique :
x que les données collectées doivent être proportionnelles à l'objectif et pertinentes ;
x que la personne concernée doit être informée de ce traitement au moment où elle en fait l'objet, ainsi que de ses droits et obligations en la matière ;
x que, puisque les données à caractère personnel collectées sont de nature médicale, le traitement doit normalement être effectué sous la surveillance d'un professionnel des soins de santé ;
x que la personne concernée doit avoir un droit de regard et de correction ;
x que les données ne peuvent pas être conservées plus longtemps que nécessaire à la réalisation de l'objectif ;
x que le traitement doit faire l'objet d'une déclaration.
Le responsable du traitement est également tenu de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires au traitement de telles données sensibles, p. ex. :
x déterminer de manière univoque qui est habilité à utiliser ces données et sous quelles conditions et en assurer la réalisation technique grâce à des mots de passe, logins et logging .
x empêcher l'accès physique et électronique aux données à l'égard des personnes internes ou externes à l'administration spécifique qui ne sont pas habilitées.
La Commission recommande également de désigner un conseiller en sécurité pour le traitement des données à caractère personnel.
Vu que le traitement est inhérent à la surveillance et que le consentement à la surveillance est une condition légale de la pratique organisée du sport, la personne concernée ne peut se soustraire au traitement qu'en renonçant à la pratique organisée du sport.
Comme second objectif, le projet mentionne "l'établissement de données statistiques". Un traitement à cette fin suppose que des données soient extraites des dossiers individuels à intervalles réguliers et ce de manière plus ou moins informatisée, allant de modalités manuelles à des modalités entièrement électroniques avec un query script, en passant par l'utilisation de formulaires d'enregistrement. En toute hypothese, le résultat est une collecte de relevés individuels qui peuvent alors être analysés statistiquement. Ces relevés doivent à leur tour être proportionnels à l'objectif. Le traitement à des fins statistiques se caractérise par le fait qu'il n'a pas besoin de données d'identification et qu'il suffit que ces relevés contiennent des " données à caractère personnel codées ". Les résultats de l'analyse statistique, représentés sous forme de tableaux et de rapports, peuvent en outre, moyennant quelques précautions particulières, être totalement anonymes.
À l'égard de ce traitement prévalent mutatis mutandis les mêmes modalités que celles indiquées pour la surveillance. Il faut particulièrement veiller à éviter une extraction démesurée des données dans la mesure où l'accès à ces données sera sans aucun doute plus étendu que pour le suivi des dossiers.
Il serait utile que le décret prévoie certaines de ces conditions de traitement ou fasse mention d'un arrêté d'exécution, dans lequel les mesures seront concrétisées. La Commission rendra volontiers un avis sur les mesures d'exécution éventuelles.
III. LA PUBLICATION DES MESURES DISCIPLINAIRES SUR UN SITE WEB
Dans des dossiers précédents, la Commission a déjà fait remarquer que le caractère public de notre procédure judiciaire a pour but de garantir un traitement équitable de l'accusé et ne constitue en aucune manière un élément de peine. La publicité ne peut donc pas aller plus loin que ce que cette optique exige. La publicité des audiences est justifiée, l'établissement de "listes noires" ne l'est pas. Dans le cas de certaines décisions judiciaires, la publication sert une fin d'ordre public, comme p. ex. la publication des faillites. Dans le cas d'une mesure disciplinaire à l'égard d'un sportif, il ne semble pas immédiatement y avoir d'autre finalité qu'une mise au pilori virtuelle.
On pourrait argumenter que cela serait quand même approprié dans le cas de la pratique organisée du sport.
Premièrement, il s'agit en l'occurrence d'une activité qui, par définition, recherche la publicité. Encourir une sanction pour dopage est une forme de "défaite", qui tout comme la victoire doit occuper les devants de la scène. En outre, on pourrait prétendre qu'en l'occurrence il ne s'agit pas d'une procédure pour faits criminels mais plutôt de mesures pédagogiques pour fautes morales. Dans ce contexte, l'humiliation publique est encore mieux acceptée que dans le contexte criminel. À y regarder de plus près, ces arguments sont toutefois difficilement défendables.
L'exposé des motifs inscrit la publication sur un site web dans le cadre des missions des fonctionnaires chargés de la surveillance. Ils doivent pouvoir vérifier que la personne sanctionnée ne s'y soustrait pas en prenant une autre affiliation etc. Une forme limitée de publication électronique pour les fonctionnaires de surveillance et les responsables des associations sportives chargés de l'exécution des sanctions peut alors se justifier. La diffusion proposée, via un site web public et puis encore dans des publications sportives et des sites web d'associations sportives, est excessive.
PAR CES MOTIFS,
La Commission émet un avis favorable sous réserve des remarques formulées ci-avant, en particulier l'abandon d'une publication générale des sanctions.