Commission pour la Protection de la Vie Privée: Avis du 25 novembre 2004 (Belgique). RG 15/2004

Date :
25-11-2004
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20041125-2
Numéro de rôle :
15/2004

Résumé :

Sommaire 1

Avis :

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La Commission de la protection de la vie privée ;
Vu la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, en particulier l'article 29 ;
Vu la demande d'avis du ministre de l'Intérieur, datée du 3 novembre 2004 ;
Vu le rapport de Monsieur B. De Schutter ;
Emet, le 25 novembre 2004, l'avis suivant :
1. OBJET DE LA DEMANDE D'AVIS
L'avant-projet vise la simplification de la procédure en matière de vérification des conditions de sécurité auxquelles doivent satisfaire les personnes occupées dans le secteur de la sécurité privée, conformément à la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée, intégrée par la loi du 9 juin 1999, remplacée et renouvelée par la loi du 7 mai 2004.
Il prévoit notamment un ajout à l'article 7 de ladite loi.
Le nouveau ,§ 3 règle l'accès direct au Casier judiciaire central pour les membres du personnel de la Direction Sécurité Privée qui sont chargés de ladite vérification et ce, de manière électronique. Ce projet vise à simplifier les procédures administratives et conduira ainsi à la suppression de l'obligation de présenter un certificat de bonnes vie et moeurs à l'administration. Ceci s'inscrit dans la politique de procédures plus efficaces en matière de transmission d'informations et de service au citoyen, prévue dans l'actuel accord gouvernemental.
Attendu que les données extraites du Casier judiciaire central ont trait à la vie privée des personnes qui y figurent, l'avant-projet doit donc être confronté à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel.
2. DISCUSSION DE LA MODIFICATION PROPOSEE
2.1. Afin de permettre l'enquête portant sur les antécédents des candidats à un emploi dans le secteur de la sécurité privée, le projet d'article 7 ,§ 3 prévoit que les personnes travaillant au sein de la Direction générale Politique de Sécurité et de Prévention, Direction Sécurité privée du SPF Intérieur, bénéficient gratuitement d'un accès électronique direct aux données reprises dans le Casier judiciaire central.
2.2. L'enquête concerne :
- les personnes qui assurent la direction effective d'une entreprise, d'un service ou d'un organisme, qualifiés d'entreprise de gardiennage, de service interne de gardiennage, d'entreprise de sécurité et d'entreprise de consultance en sécurité (articles 5 et 1 de la loi sur la sécurité privée du 7 mai 2004) ;
- les personnes qui siègent au conseil d'administration d'une entreprise, d'un organisme ou d'une entreprise exerçant une activité de contrôle sur des personnes en vue d'assurer la sécurité (articles 5 et 1 de la loi sur la sécurité privée du 7 mai 2004) ;
- d'autres personnes qui exercent une fonction dans de telles entreprises (articles 6 et 1 de la loi sur la sécurité privée du 7 mai 2004).
Pour chacune de ces catégories, l'exercice de la profession ou de la fonction est soumis à des conditions.
Notamment :
- ne pas avoir été condamné à une peine correctionnelle ou criminelle (amende, peine de travail, peine de prison) (article 5, premier alinéa, 1° et article 6, premier alinéa, 1°) ;
- ne pas avoir commis de faits qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, constituent un manquement grave à la déontologie professionnelle (article 5, premier alinéa, 8° et article 6, premier alinéa, 8°).
2.3. L'accès aux données du Casier judiciaire central n'est pas prévu pour :
- les décisions annulées sur la base des articles 416 à 442 ou de l'article 447bis du Code d'instruction criminelle (recours en cassation, demande de révision, révision des décisions en vertu de la loi de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude).
- les décisions de retrait d'une décision passée en force de chose jugée, prise par une juridiction répressive en vertu des articles 10 à 14 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
- les condamnations et décisions prononcées sur la base d'une disposition légale abrogée, portant abrogation du caractère punissable d'un fait.
Ces limitations sont conformes à l'article 593 du Code d'instruction criminelle.
La Commission de la protection de la vie privée (CPVP) reconnaît ces exceptions, étant donné que dans ces circonstances, les condamnations ou décisions de suspension ont été annulées et ne sont donc plus reprises dans le casier judiciaire.
2.4. Les modalités de l'accès au Casier judiciaire central, prévues dans l'avant-projet, seront développées dans un arrêté royal délibéré en conseil des ministres qui sera soumis pour avis à la CPVP et ce, pour la désignation des personnes qui obtiendront l'accès. L'exposé des motifs fait déjà observer que la désignation s'effectuera sur la base du grade des personnes et qu'elle ne comportera pas de liste nominative.
2.5. Point de vue de la CPVP concernant l'article 2 de l'avant-projet, premier alinéa du ,§ 3.
La Commission n'a aucune objection à la mesure proposée et prend acte du fait qu'elle sera consultée pour l'arrêté d'exécution.
Elle pense toutefois qu'en plus du caractère " gratuit " de la consultation, un renvoi explicite à son caractère " direct " en rendrait le texte plus clair.
La Commission estime également que dans l'arrêté d'exécution concernant les personnes qui bénéficient de l'accès, il faut prendre comme point de départ les responsabilités de la fonction au sein du service en question, éventuellement limitées par le niveau du grade des intéressés.
Elle suggère aussi dès à présent que l'arrêté royal d'exécution mentionne qu'une liste nominative des personnes disposant d'un accès autorisé sera tenue à jour par la direction concernée et tenue à la disposition de la CPVP.
2.6. Le paragraphe 2 du projet de ,§ 3 indique que ces personnes peuvent également prendre connaissance des données visées au ,§ 2, premier alinéa de l'article 7 de la loi du 7 mai 2004. Il s'agit de renseignements de la police judiciaire ou administrative ou de données professionnelles liées aux activités de détective privé, de fabricant ou de marchand d'armes ou de munitions ou à toute autre activité qui peut constituer un danger pour l'ordre public (articles 5 et 6, premier alinéa, 4° de la loi du 7 mai 2004) ou des manquements graves à la déontologie professionnelle (articles 5 et 6, premier alinéa, 8° de la loi du 7 mai 2004).
A ce sujet, la Commission n'a aucune remarque, mais précise que lors de l'application de ces dispositions, il faudra dûment tenir compte des principes de base d'exactitude, de complétude et de pertinence des données.
Par ailleurs, la condition déjà reprise dans la loi, à savoir que la personne soumise à une enquête doit donner son consentement, est importante (article 7, ,§ 2, alinéas 3 et 4).
2.7. Le troisième alinéa du projet de ,§ 3 inclut la conservation des données à caractère personnel demandées.
Celles-ci seront détruites dès que la personne concernée n'est plus susceptible de faire l'objet d'une enquête de sécurité ou lorsque les raisons pour lesquelles elles ont été recueillies ne sont plus d'actualité.
Dans l'exposé des motifs, en référence à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (Arrêt Kruslin 1990), il est explicitement stipulé que la conservation de telles données sensibles doit faire l'objet de " règles claires et détaillées ". Des délais maximums doivent donc être précisés.
2.8. Point de vue de la CPVP concernant l'article 2, troisième alinéa du ,§ 3.
La Commission pense que la formulation actuelle ne définit justement aucune règle claire ni détaillée.
Si l'on peut admettre que les données puissent être conservées aussi longtemps que les raisons pour lesquelles elles ont été recueillies sont toujours d'actualité (c.-à-d. vérifications des conditions de sécurité pour octroyer une autorisation à la personne faisant l'objet d'une enquête d'antécédents), la Commission estime que la conservation des données tant que la personne est susceptible de faire l'objet d'une enquête de sécurité, laisse à désirer en matière de clarté. Une demande d'autorisation est accordée ou refusée, après l'enquête prévue. En cas d'octroi, une autorisation est valable cinq ans, après quoi une nouvelle enquête a lieu. En cas de refus, une nouvelle demande peut être introduite ultérieurement. Dans ces deux cas, à notre avis, la procédure recommence ab novo et les données à caractère personnel doivent être redemandées au Casier judiciaire central. S'il peut y avoir des cas dans lesquels l'on soupçonne une personne disposant d'une autorisation d'avoir subi une condamnation pendant la durée de validité de cette autorisation et d'avoir omis de le mentionner, conformément à l'article 6, 1°, quatrième alinéa, seule une nouvelle consultation du Casier judiciaire central apportera une réponse définitive sur cette nouvelle donnée et les données demandées antérieurement ne seront plus d'aucune utilité. La destruction " dès que la personne concernée n'est plus susceptible de faire l'objet d'une enquête de sécurité " est très imprécise et engendre une durée de conservation qui va au-delà de la finalité initiale du traitement. La Commission plaide par conséquent pour la destruction immédiate après la clôture de l'enquête et la décision d'accord ou de refus.
3. Le projet d'article 3 vise un certain nombre de rationalisations administratives et n'a pas d'impact sur les données à caractère personnel.
4. Enfin, la Commission comprend parfaitement le souhait et la vision politique de l'Autorité dans sa recherche d'une simplification administrative en général et, dans le cas présent, en ce qui concerne l'obligation, pour le candidat, d'obtenir une autorisation. A cet égard, la Commission renvoie à un autre avant-projet de loi du Gouvernement sur lequel elle a été priée de rendre un avis, à savoir un avant-projet concernant la délivrance d'habilitations de sécurité (voir avis n° 09/2004 du 9 août 2004). La Commission se demande s'il n'est pas judicieux de tendre à plus d'uniformité dans ces avant-projets et suggère d'examiner s'il ne faut pas rechercher une harmonisation entre ces deux initiatives législatives.
POUR CES MOTIFS,
la Commission émet un avis favorable sous réserve des remarques formulées aux points 2.5. et 2.8.
Le secrétaire, Le président,
(sé) J. BARET P. THOMAS