Commission pour la Protection de la Vie Privée: Avis du 28 novembre 2002 (Belgique). RG 50/2002

Date :
28-11-2002
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20021128-3
Numéro de rôle :
50/2002

Résumé :

Sommaire 1

Avis :

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La Commission de la protection de la vie privée,
Vu la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, en particulier l'article 29;
Vu la lettre du 30 juillet 2002 du Secrétaire général du Ministère de la Communauté flamande, Département Environnement et Infrastructure;
Vu le rapport de M. E. VAN HOVE,
Émet d'initiative, le 28 novembre 2002, l'avis suivant :
I. OBJET DE L'AVIS :
Un programme informatique est développé au Département Environnement et Infrastructure du Ministère de la Communauté flamande en vue d'assurer le suivi des plaintes en matière d'environnement. Ce programme sera mis à la disposition des communes, des provinces, des services de police et des services régionaux d'inspection de l'environnement via Internet. Initialement conçu comme un simple instrument d'enregistrement, l'application a évolué vers un système complet de suivi des plaintes.
Sont enregistrées dans ce traitement des données à caractère personnel concernant tant le déclarant que le plaignant (qui peut être une autre personne que le déclarant), à savoir des données d'identification et des coordonnées. Des données de même nature sont également encodées concernant la personne qui fait l'objet de la plainte ainsi qu'éventuellement concernant le véritable auteur s'il s'avère après enquête qu'il s'agit d'une autre personne. Les données à caractère personnel les plus délicates dans le traitement sont évidemment celles qui indiquent le déclarant, le plaignant, le suspect ou l'auteur. La mesure dans laquelle ces données seront rendues accessibles sur Internet n'est pas encore tout à fait arrêtée ; cette question constitue le principal objet de la lettre adressée à la Commission. L'avis porte sur l'application telle qu'elle est décrite dans le manuel communiqué à la Commission et non sur d'autres développements dont la Commission n'est pas informée.
II. MISE EN CONTEXTE DU TRAITEMENT DANS LA LOI :
La réception et le traitement de plaintes en matière d'environnement s'inscrivent dans le cadre de la mission générale de contrôle de l'exécution de la législation relative à l'environnement prévue aux articles 29 à 35 du décret du 28 juin 1985 relatif à l'autorisation anti-pollution. Outre les services de police, ce sont en premier lieu les fonctionnaires de l'Exécutif flamand désignés à cette fin qui exercent un contrôle à partir des services extérieurs provinciaux sur les établissements de classe 1 (les établissements qui présentent potentiellement le plus grand danger ou la plus grande nuisance) et en deuxième lieu le bourgmestre de la commune concernée et les fonctionnaires désignés par lui qui exercent un contrôle sur les établissements de classes 2 et 3. Ces fonctionnaires ont une compétence d'investigation à part entière et peuvent prendre des mesures coercitives adaptées. L'expérience montre que bon nombre d'opérations de contrôle sont initiées par une plainte émanant de citoyens riverains ou concernés. Dans la mesure où l'enregistrement et le suivi des plaintes en matière d'environnement constituent des éléments du contrôle sur le respect de la législation relative à l'environnement, les fonctionnaires chargés de ce contrôle sont légalement habilités à traiter ces plaintes et les données à caractère personnel requises pour ce faire.
Toutes les plaintes de nuisance environnementale ne sont toutefois pas nécessairement occasionnées par une infraction à la législation relative à l'environnement. On peut même partir du principe qu'un grand nombre de plaintes émanant de citoyens, même formulées en termes de nuisance environnementale, sont fondées sur des sujets de mécontentement autres que des préoccupations liées à l'environnement. On peut dire que le traitement de l'ensemble de ces plaintes, indépendamment de leur nature, est de la compétence générale du bourgmestre. Concernant les plaintes qui se révèlent non fondées sur une infraction à la législation relative à l'environnement, il n'existe toutefois pas de base légale pour leur traitement et leur suivi par les fonctionnaires chargés du contrôle dans le cadre de la législation relative à l'environnement.
Quant aux fonctionnaires communaux qui traitent des plaintes qui sont de leur compétence exclusive, ils ne sont pas davantage habilités à faire circuler sur ce plan des informations à caractère personnel, que ce soit sous la forme d'un enregistrement ou d'un autre mode, sans que les intéressés les y aient autorisés de leur plein gré.
A défaut de réglementation spécifique offrant une base légale à l'enregistrement proposé, les possibilités d'introduire un enregistrement général et un système de suivi des plaintes en matière d'environnement sont limitées de la manière suivante :
&§61623; Les données à caractère personnel d'une plainte peuvent uniquement être consultées et traitées par le fonctionnaire compétent chargé du traitement de la plainte;
&§61623; Les données à caractère personnel d'une plainte peuvent uniquement être transmises à des tiers si la ou les personnes concernées donnent leur consentement.
Néanmoins, la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel prévoit à l'article 4, § 1er, 2°, le traitement ultérieur des données à caractère personnel qui ont été collectées pour une autre finalité, mais uniquement à des fins scientifiques, historiques ou statistiques. Un enregistrement adapté des données à caractère personnel collectées dans le cadre du traitement de plaintes peut dès lors être organisé pour de telles finalités si les conditions prévues aux articles 2 à 23 de l'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 précitée sont remplies.
III. APPLICATION DE CES PRINCIPES A LA METHODE DE TRAVAIL PROPOSEE :
'application sous sa forme actuelle n'établit pas de distinction entre l'utilisation opérationnelle par les fonctionnaires compétents dans le cadre de l'exercice de leur mission et l'utilisation ultérieure en tant qu'instrument destiné au suivi de la politique, étant entendu que dans ce cadre le traitement global statistique est à l'avant-plan. De ce fait, l'accès aux données à caractère personnel identifiées est accordé à des personnes non habilitées qui n'en ont d'ailleurs pas besoin pour exercer leur mission.
Une première mesure qui devra dès lors être prise est l'établissement d'une distinction entre deux types de traitement :
1. Le traitement opérationnel qui offre un appui aux fonctionnaires compétents en matière de traitement de plaintes ;
2. Le traitement ultérieur réalisé par des personnes chargées de missions d'analyse statistique dans le cadre de l'élaboration de la politique à suivre.
Examinons plus en détail ces deux traitements proposés.
Le traitement opérationnel des plaintes en matière d'environnement.
Les parties susceptibles de figurer dans une plainte et mentionnées dans l'application actuelle sont les suivantes :
Le déclarant : la personne qui porte plainte;
Le plaignant : la personne qui subit la nuisance ou le dommage signalé par la plainte;
L'auteur présumé de la nuisance ou du dommage;
L'auteur réel de la nuisance ou du dommage.
Lorsque la victime de la nuisance ou du dommage ne peut agir elle-même (par exemple, un enfant en bas âge ou un vieillard sénile), il est normal que la personne qui s'occupe d'elle agisse en son nom. Hormis ces cas, on peut réellement se demander si la distinction déclarant-plaignant peut être pertinente. Le fait qu'une personne voulant être partie à une cause doit y avoir un intérêt est un principe général de droit. Si l'on applique ce principe dans ce cas-ci, on ne traitera pas les plaintes de personnes qui ne subissent pas de nuisance ni de dommage. Cela ne signifie nullement que le déclarant sera l'unique personne qui subit la nuisance ou le dommage et il peut être utile, dans le cadre du traitement d'une plainte, d'enregistrer les autres personnes ou catégories de personnes qui y sont éventuellement confrontées. Toutefois, si ces mentions sont des données plus précises que des descriptions générales du type " les habitants de X " ou " les fonctionnaires du bâtiment Y ", elles ne peuvent être enregistrées dans le traitement qu'après avoir fait l'objet de la notification spécifique prévue à l'article 9, § 2, de la loi relative à la protection de la vie privée. Cela ne signifie nullement que les citoyens ne peuvent faire de déclaration susceptible de donner lieu à une enquête des services d'inspection en matière d'environnement. Il ne faut toutefois pas traiter les déclarations comme des plaintes.
Dans le cadre d'un traitement opérationnel, la notion de " plainte anonyme " est sans objet. Par contre, il est possible de prévoir si l'identité du plaignant peut ou non être communiquée à l'auteur présumé ou réel lorsque le traitement de la plainte est possible sans communication.
En ce qui concerne l'auteur de la nuisance ou du dommage, il est utile de noter quel est le degré de certitude, celui-ci pouvant aller de " suspicion du plaignant " à " confirmé par jugement ", avec toutes les formes intermédiaires possibles comme " non contesté ", " généralement admis " ou " confirmé par des mesures ", etc... Cependant, ne serait pas pertinent en la matière et donc contraire à la loi, d'enregistrer un auteur présumé dans le traitement si dans l'intervalle on s'est rendu compte qu'il n'est pas l'auteur réel. Dans bon nombre de cas, l'auteur ne sera pas une personne physique et ne profitera donc pas de la protection offerte par la loi relative à la protection de la vie privée.
Le fonctionnaire compétent peut transmettre un dossier à d'autres fonctionnaires compétents en la matière si cela s'avère nécessaire dans le cadre du traitement des plaintes et de la réglementation relative au contrôle du respect de la législation en matière d'environnement. Il ne peut toutefois communiquer des données à caractère personnel à des tiers qui ne sont pas concernés par le traitement d'une plainte spécifique.
Dans le cadre de la mise en place de ce traitement opérationnel des plaintes en matière d'environnement, toutes les mesures doivent être prises afin de garantir que seuls les fonctionnaires compétents aient accès aux dossiers qui relèvent de leur compétence. Toutes les mesures appropriées de cryptage, de tunneling, de logins et de contrôle d'accès doivent être prises à cette fin.
Le traitement ultérieur par des personnes chargées de l'analyse statistique dans le cadre de l'élaboration de la politique à suivre.
En procédant à un transfert de données du traitement opérationnel à des moments réguliers, il est possible d'effectuer un traitement ultérieur sur la base de l'article 4, § 1er, 2°, de la loi relative à la protection de la vie privée. La première question qu'il convient de poser est de savoir si on doit utiliser des données à caractère personnel anonymes, codées ou non codées pour réaliser les finalités du traitement. Vu la stricte définition de " anonyme ", il est probable que l'on devra partir de données à caractère personnel codées. Cela signifie qu'on laisse de côté les données permettant d'identifier directement des personnes et qu'on les remplace éventuellement par un code d'identification dans le cas où il faut garder une possibilité de retrouver les dossiers originaux en vue de procéder à des contrôles. En outre, les personnes concernées sont définies par des catégories générales selon qu'elles sont nécessaires à l'analyse statistique : le sexe, la catégorie d'âge, la commune du domicile, etc. Des schémas d'encodage sont d'ores et déjà prévus pour la caractérisation des plaintes, l'issue, la nature de l'activité, etc. En fonction de la règle d'extraction, on obtient un fichier qui permet des analyses statistiques : "toutes les plaintes traitées dans une année donnée" ou "toutes les plaintes en cours de traitement au 31 décembre" ou toute catégorie de plaintes que l'on considère comme importante dans le cadre de la politique à mener.
Les règles applicables concernant la déclaration, l'information et la consultation figurent aux articles 2 à 23 de l'arrêté royal portant exécution de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel. Dans la mesure où il subsiste une possibilité de retrouver l'identité des personnes concernées, il faudra prévoir pour ce traitement également les mesures de sécurité appropriées concernant l'accès et la protection de l'intégrité des données.
PAR CES MOTIFS,
La Commission émet un avis favorable, sous réserve des remarques formulées.