Cour constitutionnelle (Cour d'Arbitrage): Arrêt du 14 juillet 1997 (Belgique). RG 45/97;959;960

Date :
14-07-1997
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
1 page
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-19970714-7
Numéro de rôle :
45/97;959;960

Résumé :

la Cour dit pour droit : - La loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une mesure de sursis. - La loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous des minima légaux lorsque, pour une même infraction, elles peuvent bénéficier, devant le tribunal correctionnel, de l'application de l'article 85 du Code pénal. (I. OBJET DES QUESTIONS PREJUDICIELLES. Par jugement du 20 mai 1996 en cause de R. Baglio contre le ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 mai 1996, le Tribunal du travail de Mons a posé la question préjudicielle suivante : " La loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infractions sociales (viole-t-elle) les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas au juge du tribunal, à l'instar du juge répressif, de réduire le montant de l'amende administrative en dessous des minima légaux, en raison de circonstances atténuantes dûment motivées ou, à tout le moins, d'octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende prononcée ? " Par jugement du 20 mai 1996 en cause de C. Di Fato contre le ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 mai 1996, le Tribunal du travail de Mons a posé la même question préjudicielle. QUANT A L'OBJET DES QUESTIONS PREJUDICIELLES. B.1. Il ressort des termes des questions préjudicielles qu'est soumise au contrôle de la Cour la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales en ce qu'elle ne permet pas aux juridictions du travail, contrairement aux juridictions pénales, de réduire le montant de l'amende administrative en deça des minima légaux, en raison de circonstances atténuantes dûment motivées ou à tout le moins d'octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende prononcée. QUANT AU FOND. B.2. Lorsque le législateur estime que certains manquements à des obligations légales doivent faire l'objet d'une répression, il relève de son pouvoir d'appréciation de décider s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales ou pour des sanctions administratives. Le choix de l'une ou l'autre catégorie de sanctions ne peut être considéré comme établissant, en soi, une discrimination. B.3.1. Lorsqu'un même manquement à des obligations légales fait l'objet, tantôt de sanctions pénales, tantôt de sanctions administratives, la différence de traitement qui pourrait en résulter n'est admissible que si elle est raisonnablement justifiée. B.3.2. La possibilité de recourir à des sanctions administratives pour réprimer certaines infractions à la législation sociale repose sur un fondement objectif et raisonnable. En effet, il ressort de l'exposé des motifs de la loi du 30 juin 1971 que l'application de la procédure ordinaire à certaines infractions à la législation sociale était inadéquate en ce que l'action répressive était trop lourde dans ses effets, en ce que les sanctions pénales étaient rarement appliquées et en ce que le caractère préventif du droit pénal social s'en trouvait fortement atténué (Doc. parl., Chambre, 1970-1971, n° 939/1). La procédure instaurée par la loi du 30 juin 1971 évite à l'intéressé les inconvénients d'une comparution devant une juridiction répressive, lui épargne le caractère infamant qui s'attache aux condamnations pénales et lui permet d'échapper aux conséquences d'une inscription au casier judiciaire (Doc. parl. Sénat, 1970-1971, n° 514, rapport de la Commission, p. 2). B.4. Il reste cependant à examiner si le choix du législateur n'a pas des effets discriminatoires en ce qu'il conduit aux différences de traitement dénoncées dans les questions préjudicielles. B.5.1. Alors qu'elle entend réprimer des faits passibles de sanctions pénales, la loi du 30 juin 1971 établit un régime qui traite différemment deux catégories de personnes comparables. En effet, contrairement à a personne qui est citée à comparaître devant le tribunal correctionnel, la personne physique qui exerce, devant le tribunal du travail, un recours contre la décision lui infligeant une amende administrative ne peut bénéficier de certaines modalités légales d'individualisation de la peine. B.5.2. La personne poursuivie devant le tribunal correctionnel par l'auditeur du travail peut, s'il existe des circonstances atténuantes, se voir infliger une peine inférieure au minimum légal, si la loi réprimant l'infraction qu'elle a commise rend applicable l'article 85 du Code pénal. La même personne peut en outre bénéficier de l'application des articles 3 et 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation. B.5.3. En revanche, la personne qui a commis une infraction à la même dispodsition, dont le dossier a été classé sans suite par l'auditeur du travail, qui s'est vu infliger une amende administrative et qui a exercé le recours prévu par la loi devant le tribunal du travail ne peut pas bénéficier de mesures comparables : le tribunal ne peut infliger à cette personne une amende inférieure au minimum légal, alors même que, en raison des circonstances, le montant de l'amende lui paraîtrait disproportionné. Il ne peut pas davantage la faire bénéficier d'une mesure de suspension, de sursis ou de probation, ces mesures ne pouvant être ordonnées que par une juridiction pénale. B.6.1. Les modalités d'individualisation des peines permettent notamment de prendre en considération les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise, d'avoir égard à l'amendement du délinquant, de favoriser sa réintégration, de tenir compte de considérations socio-professionneles et de proportionner la peine à la gravité des faits. B.6.2. Les mesures prévues par la loi du 29 juin 1964 ont été conçues comme des mesures étroitement liées aux sanctions pénales. Il s'agit de " permettre au juge de mettre l'auteur d'une infraction à l'épreuve pendant un certain temps, à la suite duquel, si son comportement est satisfaisant, aucune condamnation n'est prononcée, ni aucune peine d'emprisonnement subie " (Ann., Sénat, 1963-1964, n° 5, discussion, séance du 26 novembre 1963, p. 80). Ces mesures ont été prévues dans le but d'éliminer ou d'atténuer les effets infamants qui s'attachent à une condamnation pénale. Le législateur peut, sans méconnaître le principe d'égalité, estimer qu'une mesure de suspension, de sursis ou de probation n'est pas applicable aux amendes administratives. Celles-ci sont des mesures exclusivement pécuniaires, elles n'ont pas le caractère infamant qui s'attache aux comdamnations pénales, elles ne sont pas inscrites au casier judiciaire et elles ne sont pas de nature à compromettre la réintégration de celui auquel elles sont infligées. En ce qu'elle ne permet pas au tribunal du travail d'accorder le sursis pour tout ou partie de l'amende administrative, seule mesure de la loi du 29 juin 1964 visée par les questions préjudicielles, la loi du 30 juin 1971 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. B.7.1. Par contre, les amendes administratives atteignent des montants tels que, même si elles se situent entre un minimum et un maximum, elles peuvent être, dans certains cas, disproportionnées par rapport à la gravité des faits et par rapport au but répressif et préventif poursuivi par la sanction administrative. A cet égard, ni les raisons rappelées en B.3.2, ni aucune autre considération ne permettent de justifier que le tribunal du travail ne puisse descendre en deça du minimum légal alors que, pour une même infraction à une loi permettant l'application de l'artice 85 du Code pénal, le tribunal correctionnel peut infliger une amende inférieure au minimum légal s'il existe des circonstances atténuantes. B.7.2. La différence de traitement est d'autant moins justifiable que, alors que c'est la loi elle-même (article 5) qui subordonne à la gravité de l'infraction l'option pour la voie pénale, cette différence aboutit à traiter plus favorablement les personnes dont le manquement est, aux yeux du législateur, plus grave puisque l'auditeur du travail a estimé qu'elles ne pouvaient bénéficier d'une mesure de classement. B.7.3. Sans doute les personnes physiques qui comparaissent devant le tribunal du travail échappent-elles aux inconvénients d'une condamnation pénale, tels que le déshonneur qui s'y attache et l'inscription de la condamnation au casier judiciaire. Mais ces avantages ne suffisent pas, dans une telle matière, à compenser le désavantage de ne pouvoir bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous du minimum légal. B.8. Les questions préjudicielles appelent une réponse négative en ce qu'elles dénoncent l'impossibilité pour celui qui comparaît devant le tribunal du travail de se voir octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende administrative. Elles appelent une réponse positive en ce que celui qui comparaît devant le tribunal du travail ne peut se voir infliger une amende inférieure au minimum légal alors que, pour une infraction à la même disposition, celui qui comparaît devant le tribunal correctionnel pourrait bénéficier de l'application de l'article 85 du Code pénal.)

Arrêt :

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