Cour de cassation: Arrêt (Belgique). RG C.18.0121.F

Date :
10-01-2020
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20200110-1
Numéro de rôle :
C.18.0121.F

Résumé :

Sommaire 1

Arrêt :

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Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.18.0121.F

1. C. B. et

2. D. C.,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,


contre


1. CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE COMINES-WARNETON, dont les bureaux sont établis à Comines-Warneton (Comines), rue de Ten-Brielen, 160,

défendeur en cassation,

2. G. B. et

3. C. F,

défendeurs en cassation,

représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.


I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 6 septembre 2017 par le tribunal de première instance du Brabant wallon, statuant en degré d'appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 16 octobre 2015.

Le 20 décembre 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.


II. Les moyens de cassation

Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.



III. La décision de la Cour


Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par les deux derniers défendeurs et déduite de ce que les demandeurs ne sont pas partie au jugement attaqué :


Aux termes de l'article 815 du Code judiciaire, dans les causes où la clôture des débats n'a pas été prononcée, le décès d'une partie, son changement d'état ou la modification de la qualité en laquelle elle a agi, demeurent sans effet tant que la notification n'en a pas été faite.

En vertu de l'article 816 de ce code, les parties ou leurs ayants droit qui déclarent reprendre l'instance doivent déposer au greffe un acte relatant, à peine de nullité, les causes de la reprise d'instance, avec l'indication de leurs nom, prénom, profession et domicile ou à défaut de celui-ci l'indication de leur résidence et cet acte est notifié par le greffier, sous pli judiciaire, aux autres parties.

L'article 819 du même code dispose que, sur l'acte de reprise d'instance, la procédure est poursuivie selon ses derniers errements et les conclusions déposées précédemment sont censées maintenues, à moins qu'il n'en soit notifié de nouvelles dans l'acte.

Aux termes de l'article 820, alinéa 1er, dudit code, par le désistement d'instance, la partie renonce à la procédure qu'elle a engagée au principal ou incidemment.

Il suit des articles 815, 816 et 819 précités que la notification, avant la clôture des débats, de l'une des trois causes prévues à l'article 815 du Code judiciaire a uniquement pour effet d'interrompre l'instance et que le dépôt d'un acte de reprise d'instance met fin à cette interruption et entraîne la poursuite de cette procédure.

Partant, le dépôt par un tiers d'un acte de reprise de l'instance introduite par une partie n'implique pas le désistement par cette partie de cette instance mais la poursuite par ce tiers de la procédure introduite par la partie originaire.

Relatant les antécédents de la procédure, le jugement attaqué relève que :

  • - par leur citation, les demandeurs demandaient d'être subrogés dans les droits de propriétaires des deuxième et troisième défendeurs pour les biens désignés dans cette citation, à charge pour eux de rembourser le prix d'achat et les frais d'acte ;

  • - le jugement entrepris dit cette demande recevable mais non fondée et condamne les demandeurs aux dépens ;

  • - les demandeurs ont interjeté appel contre le jugement entrepris ;

  • - postérieurement à l'arrêt de la Cour du 16 octobre 2015, qui a cassé le jugement du 24 septembre 2014, les demandeurs ont cédé leur exploitation à leur fille, A. C. ;

  • - A. C. a déposé un acte de reprise d'instance le 14 novembre 2016 ;

  • - à l'audience du tribunal du 14 juin 2017, il a été acté que « le conseil d'A. C. précise que [les demandeurs] n'ont plus intérêt à être à la cause vu la cession privilégiée [de leur bail] en faveur de leur fille A. » et qu'« en conséquence, dans le dispositif de leurs conclusions, il convient de comprendre que le terme ‘les concluants' vise uniquement A. C. ».

  • Le jugement attaqué, qui précise être rendu en cause d'A. C. « déclarant reprendre l'instance aux noms [des demandeurs] » et des défendeurs, considère que la cession de bail en faveur d'A. C. en application de l'article 34 de la loi sur le bail à ferme « n'emporte aucune cession du droit de subrogation ou du droit à l'indemnité », dont les demandeurs se prévalaient à l'appui de leur demande, qu'« il s'en déduit [qu']A. C. n'a pas qualité à agir » et « que sa demande, en tant qu'elle tend à être subrogée dans les droits [des demandeurs], est irrecevable ou à tout le moins non fondée ».

    Ledit jugement considère également « de manière surabondante » que, pour les motifs que critique le pourvoi, les demandeurs « ne justifiaient pas d'un intérêt réel à agir ».


    En conséquence, ce jugement « donne acte à [...] A. C. de sa reprise d'instance aux noms [des demandeurs] », dit cette reprise d'instance « irrecevable ou à tout le moins non fondée » à défaut de qualité, dit que les demandeurs, « aux droits desquels vient [...] A. C., ne justifiaient pas d'un intérêt à la demande » et « confirme le jugement entrepris, mais pour d'autres motifs ».

    Il suit de ces énonciations qu'à la suite du dépôt de son acte de reprise d'instance, A. C. a poursuivi la procédure introduite par les demandeurs.

    Dès lors que le jugement attaqué dit cette reprise d'instance « irrecevable ou à tout le moins non fondée », au motif que le droit de subrogation ou le droit à l'indemnité, dont les demandeurs se prévalaient à l'appui de leur demande, n'a pas été cédé à A. C., les demandeurs ont qualité pour se pourvoir contre les dispositions de ce jugement relatives à leur demande originaire.

    La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.


    Sur le fondement du pourvoi :


    Sur le premier moyen :


    Quant à la première branche :


    Le jugement attaqué considère que « le demandeur doit avoir un intérêt à agir au sens qu'il doit pouvoir retirer de sa demande un avantage matériel ou moral, effectif mais non théorique », qu'« or, il ressort des pièces déposées qu'au moment de la vente des biens litigieux par le [premier défendeur], [les demandeurs] n'avaient pas les capacités financières de payer le prix de la vente, étant dans la déconfiture complète », qu'« en effet, il ressort des motifs du jugement du 24 novembre 2011 prononcé par le tribunal du travail de Tournai que [...] : les [demandeurs] ont été admis au bénéfice du règlement collectif de dettes par ordonnance du 28 avril 2009 ; selon le médiateur de dettes, l'exploitation agricole n'est pas viable ; le passif accumulé est de 1.299.225,20 euros ; même en cas de vente de la totalité de 1'exploitation au meilleur prix, les créanciers devront renoncer à une partie importante de leurs créances ; le projet présenté de créer une société immobilière ne repose sur aucune base concrète ; il n'y a dès lors pas d'autre alternative que de mettre en vente la totalité des deux exploitations agricoles » et que le jugement du 25 juin 2015 du tribunal du travail de Tournai « souligne que ‘les médiés sont d'une totale mauvaise foi, qu'ils ne collaborent nullement à la procédure de médiation, qu'ils ne font rien pour apurer cet important passif, et qu'au contraire, ils font tout pour gagner du temps et transférer les actifs et bénéfices de 1'exploitation sur la tête de leurs filles. Cette attitude est révélatrice d'une intention de se rendre insolvable afin d'échapper au remboursement des créanciers' pour en conclure que ‘la révocation de la décision d'admissibilité s'impose, les médiés ne respectant pas leurs obligations augmentant leur passif et diminuant fictivement leurs actifs' ».

    Il en déduit que les demandeurs « ne justifiaient pas d'un intérêt réel à agir, leur demande de subrogation avec paiement d'un prix ne pouvant en aucun cas se concrétiser vu l'absence manifeste de fonds ».

    Il suit de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, le jugement attaqué ne se prononce pas sur l'existence du droit subjectif dont se prévalaient les demandeurs ni ne dénie aux demandeurs leur qualité et leur intérêt à agir en raison de la reprise d'instance faite par leur fille mais qu'il déduit leur absence d'intérêt réel à agir de la circonstance que leur action n'était pas de nature à leur procurer un avantage effectif compte tenu de leur situation financière gravement obérée et de leur volonté de se rendre insolvables.


    Quant à la seconde branche :


    Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, le jugement attaqué ne considère pas que le fait pour le preneur de ne pas disposer personnellement, au moment de la vente des biens litigieux, des capacités financières nécessaires au règlement du prix de la vente, figure parmi les causes justifiant que le preneur ne puisse bénéficier du droit de préemption organisé en sa faveur par les dispositions citées au moyen, en cette branche, mais, ainsi qu'il résulte de la réponse à la première branche du moyen, qu'en raison de l'absence des capacités financières nécessaires au règlement du prix de la vente et de leur volonté de se rendre insolvables, l'action des demandeurs n'était pas de nature à leur procurer un avantage effectif.


    Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.


    Sur le second moyen :


    Le moyen, qui ne permet pas de déterminer en quoi la décision et les motifs reproduits par le moyen violent les articles 820, 821 et 824 du Code judiciaire et méconnaissent le principe général du droit visé au moyen, est imprécis, partant, irrecevable.


    Par ces motifs,


    La Cour


    Rejette le pourvoi ;

    Délaisse aux deuxième et troisième défendeurs les frais de signification de leur mémoire en réponse ;

    Condamne les demandeurs au surplus des dépens.

    Les dépens taxés à la somme de mille quatre-vingt-huit euros soixante-six centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de trois cent seize euros quarante-six centimes envers les deuxième et troisième parties défenderesses.

    Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix janvier deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.