Cour de cassation: Arrêt du 11 juin 2010 (Belgique). RG C090525F-C090526F

Date :
11-06-2010
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
16 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20100611-2
Numéro de rôle :
C090525F-C090526F

Résumé :

Nonobstant leur caractère commercial, les activités de courtage immobilier, tendant à prospecter des acquéreurs, ne sont pas, en règle, interdites au notaire qui est appelé à passer l'acte authentique de vente; le notaire qui exerce ces activités n'est pas soumis aux obligations de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 (1). (1) Voir les concl. du M.P.

Arrêt :

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N° C.09.0525.F

1. FÉDÉRATION ROYALE DU NOTARIAT BELGE, association sans but lucratif dont le siège est établi à Bruxelles, rue de la Montagne, 30 - 34,

2. CHAMBRE DES NOTAIRES DU HAINAUT, dont le siège est établi à Mons, rue de la Halle, 38,

demanderesses en cassation,

représentées par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l'Athénée, 9, où il est fait élection de domicile,

contre

INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, rue du Luxembourg, 16 B,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile,

en présence de

D. G.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

N° C.09.0526.F

D. G.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, rue du Luxembourg, 16 B,

défendeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile,

en présence de

1. FÉDÉRATION ROYALE DU NOTARIAT BELGE, association sans but lucratif dont le siège est établi à Bruxelles, rue de la Montagne, 30 - 34,

2. CHAMBRE DES NOTAIRES DU HAINAUT, dont le siège est établi à Mons, rue de la Halle, 38,

parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

La procédure devant la Cour

Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 15 juin 2009 par la cour d'appel de Mons.

Le président Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

Les moyens de cassation

À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.09.0525.F, les demanderesses présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 159 de la Constitution ;

- articles 1er, 6, alinéa 1er, 6°, et 91 de la loi du 25 ventôse - 5 germinal an XI (16 mars 1803) contenant organisation du notariat ;

- articles 1er, 93 (dans sa version antérieure à sa modification par la loi du 5 juin 2007) et 93/4 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection des consommateurs ;

- articles 1er et 2 du Code de commerce ;

- articles 3 et 4 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier ;

- article 1er de l'arrêté royal du 21 septembre 2005 portant approbation du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires le 22 juin 2004 et article 36 dudit code de déontologie ;

- arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par les notaires de ventes amiables ou judiciaires de biens immobiliers adoptées le 20 juin 2006 par la Chambre nationale des notaires et articles 1er à 5 desdites règles.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir indiqué que

« La loi sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur définit

- le ‘vendeur' comme toute personne, physique ou morale, qui offre en vente ou vend des produits ou des services dans le cadre d'une activité professionnelle ;

- les ‘services' comme toutes prestations constituant un acte de commerce ;

L'article 2 du Code de commerce range dans la catégorie des actes de commerce par nature le courtage, à savoir le contrat par lequel un intermédiaire indépendant se charge, à titre professionnel, de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique à laquelle il n'est pas lui-même partie ;

L'activité de négociation immobilière, telle que celle qui est pratiquée par les agents immobiliers, relève du courtage ;

La loi de ventôse, organique du notariat, interdit aux notaires d'exercer le commerce, directement ou par personnes interposées ;

La circonstance que le notaire jouit du monopole de l'authentification du contrat de vente immobilière ne fait pas de lui une partie à cet acte de vente dont le negotium entre vendeur et acquéreur préexiste à l'instrumentum qui est l'acte authentique ;

La [partie appelée en déclaration d'arrêt commun] et les [demanderesses] soutiennent, en substance, que la négociation immobilière pratiquée par les notaires en général et par [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en particulier ne viole pas les prescriptions de cette loi, dès lors qu'elle constitue un service non détachable de la mission notariale sensu stricto, reliée à l'acte notarial d'authentification, et que, présentant ainsi un caractère accessoire à l'activité principale, elle perd sa ‘commercialité', s'inscrit dans le prolongement de la mission du notaire et s'accomplit dans l'exercice de sa profession civile et libérale »,

et encore que, si le notaire peut et doit accomplir des prestations juridiques préalables à l'authentification de la vente,

« La pratique dénoncée par [le défendeur] vise le rôle actif du notaire dans la négociation économique préalable à la passation de l'acte authentique de vente et plus spécifiquement la recherche d'un cocontractant telle qu'elle est définie dans la convention-type de la Compagnie des notaires du Hainaut, utilisée par [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun], relative à la mise en vente de gré à gré d'un immeuble aux termes de laquelle

- le vendeur charge le notaire d'une mission définie contractuellement comme :

• la constitution du dossier de mise en vente ;

• l'information au public de la vente, par inscription dans le réseau informatique de la Compagnie des notaires du Hainaut, affichage sur le bien, descriptif et photos exposés à l'intérieur de l'étude du notaire ;

• ‘être le notaire du vendeur lors de l'acte notarié de vente, le vendeur faisant expressément choix du notaire ci-avant pour cet acte' ;

- le vendeur assure au notaire l'exclusivité de cette mission et s'engage à n'entamer personnellement aucune négociation et à ne charger aucun tiers d'une semblable mission sous peine - notamment si le vendeur charge une agence immobilière ou un autre notaire de la vente dudit bien pendant la durée du mandat - de devoir payer immédiatement à titre indemnitaire une somme égale à deux p.c. du prix demandé pour la vente du bien ;

- en rémunération de sa mission, il revient au notaire

• un ‘émolument' s'élevant à maximum deux p.c. du prix de la vente, que le vendeur s'engage à imposer à l'acheteur dans la promesse de vente ‘comme condition essentielle de la vente', à défaut de quoi le vendeur devient personnellement redevable envers le notaire de cet émolument, payable au plus tard au jour de la signature de la promesse de vente ;

• les frais et débours, dont les frais des annonces immobilières »,

l'arrêt réforme le jugement entrepris et, disant l'action originaire du défendeur fondée, « constate l'existence dans le chef [de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] d'une activité contraire aux usages honnêtes en matière commerciale et portant atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers », et « ordonne la cessation dans son chef, dans les huit jours de la signification qui lui sera faite [de l']arrêt, de tout acte relevant de la négociation immobilière économique, définie comme la recherche d'acquéreurs en vue de la vente immobilière de gré à gré, au moyen de publicités et annonces dans la presse ou sur support informatique, en contrepartie d'une rémunération proportionnelle au prix de vente annoncé et en vertu de conventions garantissant au notaire l'exclusivité de l'activité de courtage et imposant au vendeur le ministère du même notaire pour la passation de l'acte authentique de vente », ordonnant la publication de l'arrêt dans les quotidiens « Le Soir » et « La Nouvelle Gazette », ainsi que dans le bulletin de l'Institut professionnel des agents immobiliers, et délaisse aux demanderesses leurs frais et leurs dépens dans les deux instances, aux motifs que

« [Le défendeur] affirme sans être sérieusement contesté que l'étude [de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun], qui expose à la vente, en permanence, une vingtaine d'immeubles pour un prix moyen supérieur à cent mille euros par immeuble

- dispose d'une infrastructure spécifique imposant un investissement humain et matériel substantiel pour la préparation de la publicité, les réponses aux amateurs, l'organisation des visites, la réception des offres, le contact permanent avec les vendeurs, et utilise en outre un numéro téléphonique d'appel spécifique pour la vente d'immeubles, distinct de celui de l'étude [notariale] ;

- met en oeuvre des moyens publicitaires à tout le moins comparables à ceux des meilleures agences immobilières (site internet et toutes-boîtes) ;

- pratique [...] un mode de rémunération de ses activités de négociation immobilière aligné sur celui de l'agent immobilier et calculé au prorata du prix de vente ;

[...] Dès lors qu'elles répondent à la définition [...] du courtage en matière immobilière et ne se limitent pas aux seuls aspects nécessaires à la préparation juridique de l'acte de vente immobilière, qu'elles s'inscrivent dans un rapport contractuel dans lequel le notaire se garantit l'exclusivité de la recherche d'amateurs potentiels, qu'elles présentent un caractère répétitif et organisé et qu'elles sont exercées en contrepartie d'une rémunération substantielle révélant un but de lucre dans son acception propre, les pratiques litigieuses relèvent du courtage auquel est attachée une présomption de commercialité par le Code de commerce ;

Dès lors également que les opérations de courtage se terminent nécessairement une fois rencontré l'accord des vendeur et acheteur sur l'objet ainsi que sur le prix de la vente et que, par la convention conclue entre le vendeur et le notaire, le premier s'est engagé à désigner le second pour authentifier la vente, il doit être considéré qu'en réalité cette activité d'authentification devient l'accessoire de l'activité de courtage et non l'inverse, comme le soutiennent [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] et [les demanderesses], et que la pratique du courtage par [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun], à l'instar des notaires de la province de Hainaut, se heurte à l'interdiction posée par la loi de ventôse organique du notariat. [La partie appelée en déclaration d'arrêt commun] et [les demanderesses] ne sont dès lors pas fondées à se retrancher derrière le caractère prétendument accessoire de l'activité de courtage économique pour en affirmer la licéité »,

et que

« [La partie appelée en déclaration d'arrêt commun] et [les demanderesses] excipent, d'autre part, de la dérogation de l'article 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, disposition qui exclut du champ d'application de cet arrêté royal ‘la personne qui exerce une des activités visées à l'article 3 en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline relevant d'une instance professionnelle reconnue', et considèrent que les arrêtés royaux des 21 septembre 2005 approuvant le code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires et 14 novembre 2006 approuvant les règles applicables à la négociation par les notaires de ventes judiciaires ou amiables de biens immobiliers confirment la pratique de la négociation immobilière et consacrent réglementairement les règles de cette négociation ;

Comme l'a souligné le jugement entrepris, l'activité de négociation des notaires en matière immobilière s'appuyait de manière précaire sur l'évolution de la pratique notariale alors qu'il n'existe pas d'usage constant et reconnu qui permettrait en toute impunité au notaire de procéder de manière systématique à une activité de négociation immobilière ;

L'article 159 de la Constitution impose aux cours et tribunaux de n'appliquer les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux que pour autant qu'ils soient conformes aux lois ;

La circonstance que l'arrêté royal du 14 novembre 2006 précité fasse l'objet d'un recours sur lequel le Conseil d'État ne s'est pas encore prononcé est sans incidence sur la règle constitutionnelle prérappelée [...]. Force est de constater que

- l'article 36 du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires se borne à énoncer que le notaire qui pratique la négociation immobilière doit respecter les règles relatives à la pratique notariale en la matière, ce qui revient à autoriser implicitement des opérations qui, lorsqu'elles revêtent les caractéristiques des pratiques litigieuses, relèvent du courtage, acte de commerce prohibé en tant que tel par la loi du 25 ventôse

an XI, laquelle est d'ordre public ;

- l'arrêté royal du 14 novembre 2006 se heurte tout autant à cette loi d'ordre public en ce qu'il approuve les règles applicables arrêtées le 20 juin 2006 par la Chambre nationale des notaires, en ce que celles-ci autorisent explicitement des activités susceptibles d'être qualifiées, comme c'est le cas en l'espèce, de courtage immobilier et, dès lors, prohibé par la loi de ventôse ;

Il ne peut en conséquence être considéré qu'en se livrant aux pratiques litigieuses [...], [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] puisse bénéficier de la dérogation prévue par l'arrêté royal du 6 septembre 1993, en sorte que, exerçant des activités de courtage immobilier visée à l'article 3 de cet arrêté royal sans être inscrit au tableau des titulaires de la profession d'agent immobilier ou sur la liste des stagiaires tenus par [le défendeur], il pose des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale et portant atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers, actes dont la cessation doit être ordonnée au titre de violation des dispositions réglementant l'accès à la profession d'agent immobilier. [...] [Les demanderesses] supporteront leurs propres dépens dans les deux instances ».

Griefs

Première branche

S'il est exact qu'en vertu de l'article 6, alinéa 1er, 6°, de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, le notaire ne peut exercer, par lui-même ou par personne interposée, un commerce, cette loi étant d'ordre public, en sorte que des usages professionnels constants contraires à cette loi, fussent-ils soumis au contrôle exercé par une instance professionnelle, ne peuvent dispenser ce notaire de la respecter, et si, par ailleurs, selon l'article 2 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, nul ne peut exercer la profession d'agent immobilier s'il n'est inscrit au tableau requis, les activités pour lesquelles cette inscription est exigée étant notamment celles d'intermédiaire en vue de la vente, l'achat, l'échange, la location ou la cession de biens immobiliers, en revanche, l'article 4 de cet arrêté royal exonère de cette inscription toute personne qui exerce ces activités en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline d'une instance professionnelle légalement reconnue, ce qui est assurément le cas des notaires.

Nonobstant leur caractère en principe commercial, les activités d'agence immobilière poursuivies par les notaires dans le respect des règles et usages de la profession ne leur sont pas toutes interdites, l'agence qui constitue un accessoire de la mission notariale principale, soit la passation des actes authentiques, n'étant pas contraire à la loi de ventôse an XI et entrant dans le champ d'application de l'article 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993.

De surcroît, pour que le notaire, qui est chargé de recevoir l'acte authentique de vente immobilière et d'accomplir tous les devoirs inhérents à cette mission, puisse être considéré, lorsque, préalablement à la passation de cet acte, il se voit confier la mission de trouver acquéreur moyennant rémunération, comme exerçant une activité commerciale prohibée, encore faudrait-il qu'il en fasse, à titre principal ou, au moins, d'appoint, sa profession habituelle au sens de l'article 1er du Code de commerce, étant indifférent que cette activité soit rémunérée et fasse l'objet d'une publicité, dans le respect des règles déontologiques, et quel que soit le mode de calcul des émoluments perçus à cette occasion.

En décidant que toute activité d'agence qui ne se limite pas aux seuls aspects nécessaires à la préparation juridique de l'acte authentique de vente et comporte la prospection d'amateurs potentiels, de caractère répétitif et organisé, en contrepartie d'une rémunération qui révèlerait un but de lucre, est interdite aux notaires, peu important qu'elle soit poursuivie en vue de l'accomplissement de la mission de réception de l'acte authentique de vente, la pratique du courtage poursuivie par tous les notaires de la province de Hainaut étant dès lors prohibée et contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, l'arrêt viole les articles 1er, 2 du Code de commerce, 1er, 93 et 94 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, 6, alinéa 1er, 6°, de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, 3, 1°, et 4, 1°, de l'arrêté royal du

6 septembre 1993.

Deuxième branche

La prospection d'acquéreurs fait partie et, à tout le moins, est la conséquence des prestations de service auxquelles le vendeur peut s'attendre de la part du notaire qui lui est indispensable, ce dernier étant tenu de passer l'acte authentique de vente, cette prospection constituant dès lors un accessoire de l'acte et étant considérée comme un usage notarial constant.

Contrairement à ce que décide l'arrêt, seules des négociations à caractère strictement économique qui ne seraient pas liées à la rédaction du ou des actes en constatant l'aboutissement pourraient être regardées comme n'étant pas l'accessoire de la passation de l'acte authentique et s'inscriraient dans le cadre d'une activité commerciale principale ou d'appoint. En revanche, le rôle actif assumé par le notaire dans les ventes de gré à gré en vertu de la convention-type élaborée par la seconde demanderesse est indissolublement lié à la passation par ce notaire de l'acte authentique en vertu d'une clause expresse du contrat et en constitue l'accessoire, une négociation qui, bien qu'ayant abouti à un compromis sous seing privé, ne serait pas suivie de la passation de l'acte authentique, étant dénuée d'intérêt et privée d'effet, en tout cas à l'égard des tiers.

Cette activité accessoire d'agence immobilière est autorisée tant en vertu des usages constants de la profession notariale que de l'article 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel d'agent immobilier.

Il s'ensuit que l'arrêt, qui décide que toute négociation économique immobilière poursuivie par un notaire en vue de la vente de gré à gré constitue un acte de courtage interdit à ce notaire parce que la passation de l'acte authentique qui relève de sa fonction publique ne serait jamais que l'accessoire de la négociation économique, viole toutes les dispositions visées au moyen.

Troisième branche

L'article 1er de l'arrêté royal du 21 septembre 2005 portant approbation du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires approuve et donne force obligatoire au code de déontologie établi par cette chambre le 22 juin 2004, dont l'article 36 dispose que « le notaire qui pratique la négociation immobilière respecte strictement les règles relatives à la pratique notariale en la matière émanant tant de la compagnie des notaires dont il dépend que de la Chambre nationale ainsi que les règles déontologiques en la matière émanant de la Chambre nationale ».

Par ailleurs, l'arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par les notaires de ventes amiables ou judiciaires de biens immeubles entérine les règles adoptées par l'assemblée générale de la Chambre nationale des notaires le 20 juin 2006, dont les articles 1er à 5 autorisent explicitement les activités des notaires relevant de la négociation immobilière économique telle qu'elle a été définie par l'arrêt.

Celui-ci refuse de les appliquer, au visa de l'article 159 de la Constitution, soutenant qu'ils seraient illégaux parce que contraires à la loi du 25 ventôse an XI.

C'est parfaitement inexact. Les deux arrêtés royaux dont l'arrêt refuse illicitement de faire application sont en tous points légaux. L'arrêté royal du 21 septembre 2005, l'article 36 du code de déontologie et l'arrêté royal du 14 novembre 2006, dont l'article 1er dispose qu'« un notaire peut être chargé d'exposer en vente de gré à gré et de négocier des biens immobiliers de ses clients pour autant que cette activité soit en relation avec un acte de son ministère et qu'elle s'effectue dans le respect des règles » établies par la Chambre nationale des notaires, sont conformes aux articles 6, alinéa 1er, 1°, de la loi du 25 ventôse an XI et 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 dès lors qu'ils autorisent et réglementent l'activité de négociation immobilière de gré à gré accessoire à la fonction publique du notaire, pareille activité n'étant pas interdite.

Il s'ensuit que l'arrêt, en refusant de faire application des arrêtés royaux et dispositions réglementaires litigieux sous prétexte de leur illégalité au regard des articles 6, alinéa 1er, 1°, de la loi du 25 ventôse au XI et 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993, viole toutes les dispositions visées en tête du moyen, et spécialement l'article 159 de la Constitution.

À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.09.0526.F, le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 159 de la Constitution ;

- articles 1er, spécialement §§ 2 et 6, 93 et 94/3 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection des consommateurs (l'article 93 dans son texte antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 5 juin 2007 et l'article 94/3 introduit par cette loi) ;

- articles 1er et 2 du Code de commerce ;

- articles 3 et 4 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier ;

- articles 1er, 6, alinéa 1er, 6°, et 91 de la loi du 25 ventôse - 5 germinal an XI (16 mars 1803) contenant organisation du notariat (l'article 6, alinéa 1er, 6°, introduit par l'arrêté royal n° 213 du 13 décembre 1935 et l'article 91 introduit par l'article 41 de la loi du 4 mai 1999) ;

- article 1er de l'arrêté royal du 21 septembre 2005 portant approbation du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires ;

- article 36 du code de déontologie établi le 22 juin 2004 par la Chambre nationale des notaires, annexé à l'arrêté royal précité ;

- arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par les notaires de ventes amiables ou judiciaires de biens immeubles, adoptées par l'assemblée générale de la Chambre nationale des notaires le 20 juin 2006 ; articles 1er à 5 de ce règlement, annexé à l'arrêté royal précité.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir fait les constatations suivantes : « [le défendeur] ne conteste pas que le notaire puisse accomplir, avant d'authentifier la vente, diverses prestations - essentiellement juridiques - dans le cadre de la mise au point du compromis sous seing privé et des questions relatives à l'urbanisme, aux hypothèques, etc. ; la pratique dénoncée vise le rôle actif du notaire dans la négociation économique préalable à la passation de l'acte authentique de vente et plus spécifiquement la recherche d'un cocontractant telle qu'elle est définie dans la convention-type de la Compagnie des notaires du Hainaut, utilisée par [le demandeur], relative à la mise en vente de gré à gré d'un immeuble, aux termes de laquelle : a) le vendeur charge le notaire d'une mission définie contractuellement comme : la constitution du dossier de mise en vente, l'information au public de la vente, par inscription dans le réseau informatique de la Compagnie des notaires du Hainaut, affichage sur le bien, descriptif et photos exposés à l'intérieur de l'étude du notaire ; réception des offres et examens des propositions des amateurs ; rédaction de la promesse de vente et organisation de sa signature ; ‘être le notaire du vendeur lors de l'acte notarié de vente, le vendeur faisant expressément choix du notaire ci-avant pour cet acte' ; b) le vendeur assure au notaire l'exclusivité de cette mission et s'engage à ‘n'entamer personnellement aucune négociation et à ne charger aucun tiers d'une semblable mission' sous peine - notamment ‘si le vendeur charge une agence immobilière ou un autre notaire de la vente dudit bien pendant la durée du mandat' - de devoir payer ‘immédiatement à titre indemnitaire une somme égale à deux p.c. du prix demandé' pour la vente du bien ; c) en rémunération de sa mission, il revient au notaire : 1° un ‘émolument' s'élevant à maximum deux p.c. du prix de la vente [...] ; 2° des frais et débours, dont les frais des annonces immobilières ; [le défendeur] affirme sans être sérieusement contesté que l'étude du [demandeur], qui expose à la vente, en permanence, une vingtaine d'immeubles pour un prix moyen de vente supérieur à cent mille euros par immeuble, dispose d'une infrastructure spécifique imposant un investissement humain et matériel substantiel pour la préparation de la publicité, les réponses aux amateurs, l'organisation des visites, la réception des offres, le contact permanent avec les vendeurs, et utilise en outre un numéro téléphonique d'appel spécifique pour la vente d'immeubles, distinct de celui de l'étude [notariale] ; met en oeuvre des moyens publicitaires à tout le moins comparables à ceux des meilleures agences immobilières (site internet et toutes-boîtes), et pratique un mode de rémunération de ses activités de négociation immobilière aligné sur celui de l'agent immobilier et calculé au prorata du prix de vente ; [le défendeur] en déduit que le [demandeur] multiplie les actes de courtage immobilier, dans un cadre professionnel, en vue d'en tirer un gain et exerce ainsi un commerce prohibé par les règles organiques du notariat et sans y être autorisé en application des règles relatives à la profession d'agent immobilier, ce qui constitue une pratique contraire aux usages honnêtes en matière commerciale »,

l'arrêt, rendu sur l'avis contraire du ministère public, constate l'exercice par le demandeur d'une activité contraire aux usages honnêtes en matière commerciale et portant atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers ; lui ordonne la cessation, dans les huit jours de la signification qui lui sera faite de l'arrêt, de tout acte relevant de la négociation immobilière économique, définie comme la recherche d'acquéreurs en vue d'une vente immobilière de gré à gré, au moyen de publicités et annonces dans la presse ou sur support informatique, en contrepartie d'une rémunération proportionnelle au prix de vente annoncé et en vertu de conventions garantissant au notaire l'exclusivité de l'activité de courtage et imposant au vendeur le ministère du même notaire pour la passation de l'acte authentique de vente ; ordonne la publication du dispositif de l'arrêt, à l'initiative du défendeur et aux frais du demandeur - lesdits frais étant récupérables sur simple présentation des quittances -, dans les quotidiens « Le Soir » et « La Nouvelle Gazette » ainsi que dans le périodique « I.P.I. News », bulletin officiel de l'Institut professionnel des agents immobiliers, et condamne le demandeur aux dépens des deux instances du défendeur.

L'arrêt fonde cette décision sur les motifs suivants :

1. « La loi sur les pratiques du commerce définit le ‘vendeur' comme toute personne, physique ou morale, qui offre en vente ou vend des produits ou des services dans le cadre d'une activité professionnelle ; les ‘services', comme toutes prestations constituant un acte de commerce ;

L'article 2 du Code de commerce range dans la catégorie des actes de commerce par nature le courtage, à savoir le contrat par lequel un intermédiaire indépendant se charge, à titre professionnel, de mettre en rapport deux ou plusieurs personnes en vue de leur permettre de conclure entre elles une opération juridique à laquelle il n'est pas lui-même partie. L'activité de négociation immobilière, telle que celle qui est pratiquée par les agents immobiliers, relève du courtage ;

La loi de ventôse, organique du notariat, interdit aux notaires d'exercer le commerce, directement ou par personne interposée ;

La circonstance que le notaire jouit du monopole de l'authentification du contrat de vente immobilière ne fait pas de lui une partie à cet acte de vente dont le negotium entre vendeur et acquéreur préexiste à l'instrumentum qu'est l'acte authentique ;

[...] Dès lors qu'elles répondent à la définition du courtage [...] en matière immobilière et ne se limitent pas aux seuls aspects nécessaires à la préparation juridique de l'acte de vente immobilière, qu'elles s'inscrivent dans un rapport contractuel dans lequel le notaire se garantit l'exclusivité de la recherche d'amateurs potentiels, qu'elles présentent un caractère répétitif et organisé et qu'elles sont exercées en contrepartie d'une rémunération substantielle révélant un but de lucre dans son acception propre, les pratiques litigieuses relèvent du courtage auquel est attachée une présomption de commercialité par le Code de commerce ;

Dès lors également que les opérations de courtage se terminent nécessairement une fois rencontré l'accord des vendeur et acheteur sur l'objet ainsi que sur le prix de la vente et que, par la convention conclue entre le vendeur et le notaire, le premier s'est engagé à désigner le second pour authentifier la vente, il doit être considéré qu'en réalité cette activité d'authentification devient l'accessoire de l'activité de courtage et non l'inverse, comme le soutiennent [le demandeur] et [les parties appelées en déclaration d'arrêt commun], et que la pratique de ce courtage par le [demandeur], à l'instar des notaires de la province de Hainaut, se heurte à l'interdiction posée par la loi de ventôse organique du notariat ;

[Le demandeur] et [les parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ne sont dès lors pas fondés à se retrancher derrière le caractère prétendument accessoire de l'activité de courtage économique pour en affirmer la licéité ;

2. Ceux-ci excipent, d'autre part, de la dérogation prévue par l'article 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, disposition qui exclut du champ d'application de cet arrêté royal ‘la personne qui exerce une des activités visées à l'article 3 en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline relevant d'une instance professionnelle reconnue', et considèrent que les arrêtés royaux des 21 septembre 2005, approuvant le code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires, et 14 novembre 2006, approuvant les règles applicables à la négociation par les notaires de ventes judiciaires ou amiables de biens immobiliers, confirment la pratique de la négociation immobilière et consacrent réglementairement les règles de cette négociation ;

Comme l'a souligné le [premier juge], l'activité de négociation des notaires en matière immobilière s'appuyait de manière précaire sur l'évolution de la pratique notariale alors qu'il n'existe pas d'usage constant et reconnu qui permettrait en toute impunité au notaire de procéder de manière systématique à une activité de négociation immobilière ;

L'article 159 de la Constitution impose aux cours et tribunaux de n'appliquer les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux que pour autant qu'ils soient conformes aux lois ;

La circonstance que l'arrêté royal du 14 novembre 2006 précité fasse l'objet d'un recours sur lequel le Conseil d'État ne s'est pas prononcé est sans incidence sur la règle constitutionnelle prérappelée : la décision du juge d'écarter l'application d'un arrêté royal en raison de son illégalité n'a d'effet et de portée que dans le cadre du litige qui lui est soumis alors que l'annulation éventuellement prononcée par le Conseil d'État vaut erga omnes ;

Force est de constater que : a) l'article 36 du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires se borne à énoncer que le notaire qui pratique la négociation immobilière doit respecter les règles relatives à la pratique notariale en la matière, ce qui revient à autoriser implicitement des opérations qui, lorsqu'elles revêtent les caractéristiques des pratiques litigieuses, relèvent du courtage, acte de commerce prohibé en tant que tel par la loi de ventôse, laquelle est d'ordre public ; b) l'arrêté royal du 14 novembre 2006 se heurte tout autant à cette loi d'ordre public en ce qu'il approuve les règles applicables arrêtées le 20 juin 2006 par la Chambre nationale des notaires, en ce que celles-ci autorisent explicitement des activités susceptibles d'être qualifiées, comme c'est le cas en l'espèce, de courtage immobilier et, dès lors, prohibé par la loi de ventôse ;

3. Il ne peut en conséquence être considéré qu'en se livrant aux pratiques litigieuses décrites ci-avant, le [demandeur] puisse bénéficier de la dérogation prévue à l'arrêté royal du 6 septembre 1993, en sorte que, exerçant des activités de courtage immobilier visées à l'article 3 de cet arrêté royal sans être inscrit au tableau des titulaires de la profession d'agent immobilier ou sur la liste des stagiaires tenus par [le défendeur], il pose des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale et portant atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers, actes dont la cessation doit être ordonnée au titre de violation des dispositions réglementant l'accès à la profession d'agent immobilier ».

Griefs

1. L'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, pris en exécution de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection du titre professionnel et l'exercice de professions intellectuelles prestataires de services, réserve aux agents immobiliers agréés par le défendeur l'exercice habituel et à titre indépendant, pour le compte de tiers, « des activités d'intermédiaire en vue de la vente, l'achat, l'échange, la location ou la cession de biens immobiliers, droits immobiliers ou fonds de commerce » (article 3, 1°).

Ne tombe toutefois pas dans le champ d'application dudit arrêté la personne qui exerce ces activités « en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline relevant d'une instance professionnelle reconnue » (article 4, 1°).

Cette exception au monopole des agents immobiliers vise évidemment les notaires (on ne voit pas qui d'autre elle pourrait viser).

L'arrêt ne dénie pas que les activités des notaires sont « soumises à la discipline relevant d'une instance professionnelle reconnue ».

Contrairement à ce que décide l'arrêt, si les notaires exercent pour le compte de tiers des activités d'intermédiaire en vue de la vente de biens immobiliers, ces activités présentent un caractère accessoire par rapport à la fonction publique des notaires qui consiste notamment à donner le caractère d'authenticité aux actes de vente immobilière, qu'il s'agisse de ventes publiques dont les notaires ont le monopole ou de ventes de gré à gré (article 1er de la loi contenant organisation du notariat visée en tête du moyen) et ce, en vertu d'un usage professionnel constant.

Un usage professionnel ne peut assurément se développer valablement contra legem mais l'usage en question n'est nullement illégal.

Certes, la loi contenant organisation du notariat visée en tête du moyen interdit aux notaires d'exercer un commerce (article 6, alinéa 1er, 6°) et le Code de commerce répute actes de commerce notamment toutes opérations de courtage (article 2).

Toutefois, pour être commerçant, il ne suffit pas d'accomplir des actes qualifiés commerciaux par la loi : il faut en outre en faire sa profession habituelle, « soit à titre principal, soit à titre d'appoint » (Code de commerce, article 1er).

Or, contrairement à ce que décide l'arrêt, le rôle actif assumé par un notaire dans les ventes de gré à gré en vertu de la convention-type dont l'arrêt rappelle la teneur est indissolublement lié à la passation par ce notaire de l'acte authentique de vente en vertu d'une clause explicite de la convention et constitue dès lors l'accessoire de la passation de l'acte authentique par ce notaire, même si ces devoirs donnent lieu à un émolument distinct des honoraires faisant l'objet du tarif prévu par l'arrêté royal du 16 décembre 1950 portant tarif des honoraires des notaires, lequel ne s'applique pas, notamment, « aux négociations préalables en vue d'arriver à la conclusion d'un contrat » (article 1er, 1°).

Cet émolument distinct est exempté de la taxe sur la valeur ajoutée car il rémunère des « prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les notaires » (Code de la taxe sur la valeur ajoutée, article 44, § 1er, 1°).

En raison de leur caractère accessoire par rapport à la profession libérale des notaires, ces activités ne peuvent être considérées comme des activités d'appoint au sens de l'article 1er du Code de commerce et n'ont donc pas pour effet de conférer aux notaires la qualité de commerçant.

2. L'usage professionnel constant rappelé supra, 1, est consacré, depuis 2005, par les dispositions réglementaires suivantes :

a) L'arrêté royal du 21 septembre 2005 portant approbation du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires, en son article 1er, approuve et donne force obligatoire au code de déontologie établi le 22 juin 2004 par la Chambre nationale des notaires, reproduit en annexe à l'arrêté royal. L'article 36 de ce code dispose : « le notaire qui pratique la négociation immobilière respecte strictement les règles relatives à la pratique notariale en la matière émanant tant de la compagnie des notaires dont il dépend que de la Chambre nationale ainsi que les règles déontologiques en la matière émanant de la Chambre nationale » ;

b) L'arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par les notaires de ventes amiables ou judiciaires de biens immeubles approuve lesdites règles adoptées par l'assemblée générale de la Chambre nationale des notaires le 20 juin 2006. Les articles 1er à 5 de ce règlement, annexé à l'arrêté royal, autorisent explicitement les activités des notaires relevant de la négociation immobilière économique telle qu'elle est définie par l'arrêt.

Celui-ci le reconnaît mais refuse l'application des deux arrêtés en vertu de l'article 159 de la Constitution.

Toutefois, contrairement à ce que décide l'arrêt, ces deux arrêtés ne sont nullement illégaux, pas plus que l'usage professionnel qu'ils consacrent. Leur légalité a été reconnue par le Conseil d'État dans son arrêt n° 193.065 du 6 mai 2009 qui a rejeté le recours en annulation introduit contre ces arrêtés par le défendeur (recours auquel l'arrêt fait allusion dans les motifs reproduits sub 2).

3. En conclusion, l'arrêt viole :

a) les articles 1er et 2 du Code de commerce, en considérant que les activités du demandeur qui « relèvent de la négociation immobilière économique » (recherche d'acquéreurs en vue d'une vente immobilière de gré à gré au moyen de publicités et annonces dans la presse ou sur support informatique), « en contrepartie d'une rémunération proportionnelle au prix de vente annoncé et en vertu de conventions garantissant au notaire l'exclusivité de l'activité de courtage et imposant au vendeur le ministère du notaire contractant pour la passation de l'acte authentique de vente, constituent une profession habituelle du demandeur exercée à titre d'appoint consistant à accomplir des actes commerciaux » ;

b) l'article 1er, spécialement §§ 2 et 6, de la loi du 14 juillet 1991 visée en tête du moyen, en considérant que le demandeur vend des services consistant en prestations constituant des actes de commerce, ainsi que l'article 93 de ladite loi dans son texte antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 5 juin 2007 et l'article 94/3 de cette loi introduit par ladite loi du 5 juin 2007, en considérant que cette activité comporte des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale par lesquels un vendeur porte atteinte aux intérêts professionnels d'autres vendeurs ;

c) l'article 6, alinéa 1er, 6°, de la loi contenant organisation du notariat visée en tête du moyen, en considérant que ces activités constituent l'exercice d'un commerce interdit aux notaires ;

d) les articles 3, 1°, et 4, 1°, de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, en considérant que les activités exercées par les notaires pour compte de tiers en vue de la vente de biens immobiliers ne sont pas accomplies par des personnes qui exercent ces activités en vertu de dispositions légales ou réglementaires ou d'usages professionnels constants.

L'arrêt viole en outre l'article 1er de l'arrêté royal du 21 septembre 2005 portant approbation du code de déontologie établi par la Chambre nationale des notaires et l'article 36 dudit code de déontologie, ainsi que l'arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par les notaires de ventes amiables ou judiciaires de biens immeubles adoptées par l'assemblée générale de la Chambre nationale des notaires le 20 juin 2006, dispositions réglementaires dont il résulte que les activités des notaires critiquées par l'arrêt sont exercées, non seulement en vertu d'usages professionnels constants, mais, en outre, en vertu de dispositions réglementaires.

L'arrêt fait enfin une fausse application de l'article 159 de la Constitution en refusant d'appliquer les deux arrêtés précités.

La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.

Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le défendeur à chacun des pourvois a poursuivi devant le juge du fond, sur la base des articles 93 et suivants de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur et des articles 2 et 3 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, la cessation des activités de courtage immobilier exercées par le notaire G. D., qui utilisait la convention-type de la Compagnie des notaires du Hainaut relative à la mise en vente de gré à gré d'un immeuble.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.09.0526.F :

Sur le moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de ce qu'il n'indique parmi les dispositions légales dont il invoque la violation ni l'article 1134 ni les articles 1319, 1320 et 1321 du Code civil :

Le moyen, qui ne fait grief à l'arrêt ni de méconnaître la force obligatoire de la convention-type de la Compagnie des notaires du Hainaut ni de violer la foi due à l'acte qui contient cette convention, ne devait indiquer comme violée aucune des dispositions légales qui peuvent fonder pareils griefs.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen :

Aux termes de l'article 6, alinéa 1er, 6°, de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, le notaire ne peut exercer, par lui-même ou par personne interposée, un commerce.

Si le courtage est réputé acte de commerce par l'article 2 du Code de commerce, cet acte est toutefois autorisé au fonctionnaire public qu'est le notaire lorsqu'il est l'accessoire de la mission principale en vue de laquelle ce fonctionnaire a été établi et qui est, conformément à l'article 1er de la loi du 25 ventôse an XI, de recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et d'en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses ou expéditions.

Il s'ensuit que, nonobstant leur caractère commercial, les activités de courtage immobilier, tendant à prospecter des acquéreurs, ne sont pas, en règle, interdites au notaire qui est appelé à passer l'acte authentique de vente.

Le notaire qui exerce ces activités n'est pas soumis aux obligations de l'arrêté royal du 6 septembre 1993, dont l'article 4, 1°, exclut de son champ d'application la personne qui exerce pareilles activités en vertu d'usages professionnels constants, pour autant qu'elle soit soumise à la discipline relevant d'un instance professionnelle reconnue.

Par les motifs que le moyen reproduit, l'arrêt décrit l'activité de courtage immobilier du demandeur en relevant que, en vertu de la convention conclue avec ses clients, il serait « le notaire du vendeur lors de l'acte notarié de vente, le vendeur faisant expressément choix du [demandeur] [...] pour cet acte ».

En considérant, pour faire droit à la demande du défendeur, que, « dès lors [...] que les opérations de courtage se terminent nécessairement une fois rencontré l'accord des vendeur et acheteur sur l'objet ainsi que sur le prix de la vente et que, par la convention conclue entre le vendeur et le notaire, le premier s'est engagé à désigner le second pour authentifier la vente, il doit être considéré qu'en réalité cette activité d'authentification devient l'accessoire de l'activité de courtage, et non l'inverse, comme le soutiennent [le demandeur] et les parties appelées en déclaration d'arrêt commun, et que la pratique de ce courtage par le [demandeur], à l'instar des notaires de la province de Hainaut, se heurte à l'interdiction posée par la loi de ventôse organique du notariat », l'arrêt viole les dispositions légales précitées.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.09.0525.F :

Sur le moyen :

Quant à la deuxième branche :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par le défendeur et déduite de son imprécision :

Le moyen, en cette branche, expose avec une précision suffisante en quoi aurait été violée chacune des dispositions légales qui, s'il était fondé, suffiraient à entraîner la cassation.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par le défendeur et déduite de ce qu'il n'indique parmi les dispositions légales dont il invoque la violation ni l'article 1134 ni les articles 1319, 1320 et 1321 du Code civil :

Pour les raisons indiquées en réponse à la fin de non-recevoir identique opposée au moyen présenté à l'appui du pourvoi C.09.0526.F, la recevabilité du moyen, en cette branche, n'est pas subordonnée à l'invocation de ces dispositions légales.

Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

Il ressort de la réponse au moyen présenté à l'appui du pourvoi C.09.0526.F que le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs de chacun des pourvois, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.09.0525.F et C.09.0526.F ;

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il dit la demande du défendeur fondée et qu'il statue sur les dépens des parties à l'instance en cassation ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, le président de section Paul Mathieu, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis et Martine Regout, et prononcé en audience publique du onze juin deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.