Cour de cassation: Arrêt du 25 octobre 2010 (Belgique). RG S.09.0057.F

Date :
25-10-2010
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
8 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20101025-5
Numéro de rôle :
S.09.0057.F

Résumé :

La mission d'introduire le dossier du travailleur au bureau du chômage, en se conformant aux dispositions réglementaires, incombe aux organismes de paiement des allocations de chômage et si le dossier est incomplet, le bureau du chômage le renvoie à l'organisme de paiement, accompagné du formulaire prévu indiquant tous les documents et renseignements manquants; pour être complet et permettre de fixer le montant de l'allocation de chômage, le dossier doit permettre d'apprécier le passé professionnel précis en qualité de travailleur salarié (1). (1) Voir les concl. contr. du M.P.

Arrêt :

Ajoutez le document à un dossier () pour commencer à l'annoter.

N° S.09.0057.F

OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. Q. R.,

2. CAISSE AUXILIAIRE DE PAIEMENT DES ALLOCATIONS DE CHÔMAGE, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue de Brabant, 62,

défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 1er avril 2009 par la cour du travail de Mons.

Le conseiller Alain Simon a fait rapport.

Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur présente deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

Articles 17, 18 et 1050 du Code judiciaire

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare la requête d'appel du demandeur irrecevable en tant qu'elle était dirigée contre la défenderesse à défaut de lien d'instance noué avec cette dernière, aux motifs que, « en l'espèce, aucun lien d'instance n'a été noué en première instance entre (le demandeur) et (la défenderesse), lesquels avaient été mis à la cause en tant que co-défendeurs et ce, même si ces parties ont conclu en s'imputant réciproquement la responsabilité éventuelle du dommage allégué par (le défendeur). En effet, (le demandeur) et (la défenderesse) n'ont pas été revêtus de la qualité d'adversaire en première instance ».

Griefs

S'il est vrai que l'appel suppose pour être recevable un intérêt dans le chef de l'appelant et que, sous réserve des règles spécifiques prévues en matière de litiges indivisibles par l'article 1053 du Code judiciaire, un appel ne peut être formé que contre une partie qui était l'adversaire de l'appelant en première instance, il n'est requis ni que l'appelant ait articulé une demande contre cet adversaire ni qu'il ait été condamné envers lui devant le premier juge. Il suffit que les parties aient pris des conclusions l'une contre l'autre à propos d'un ou de plusieurs points litigieux et aient ainsi noué un lien d'instance. L'exigence de pareil lien d'instance au premier degré de juridiction se résume à l'existence, à ce stade de la procédure, d'une contestation sous-jacente entre les parties concernées qui a été exprimée dans les conclusions (articles 17, 18, 1050 du Code judiciaire).

En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, dont notamment les conclusions du demandeur et de la défenderesse déposées en première instance devant le tribunal du travail

- que le demandeur a conclu contre la défenderesse, tout comme la défenderesse a conclu contre le demandeur ;

- qu'ils étaient ainsi déjà devant le premier juge l'adversaire l'un de l'autre sur la question de leur responsabilité mise en cause par le défendeur et plus particulièrement sur la question à qui pouvait être imputée une faute ayant entraîné pour le défendeur la perte du complément d'ancienneté auquel il aurait pu prétendre entre le 30 juin 1997 et le 30 septembre 1998 ;

- que le demandeur faisait valoir à cet égard dans ses conclusions de première instance que son obligation d'information n'était que « résiduaire » par rapport à celle des organismes de paiement qui étaient ainsi en première ligne alors que la défenderesse faisait valoir dans ses conclusions de première instance que le demandeur avait une mission d'information active envers le chômeur, en sorte que [le demandeur] devait seul être condamné envers le défendeur sur la base de l'article 1382 du Code civil ;

- qu'enfin, le jugement [entrepris] exclut toute responsabilité de la défenderesse, considération faisant grief au demandeur et qu'il a critiquée dans sa requête d'appel, qui reproche au premier juge d'avoir décidé que le demandeur est le seul organisme à avoir commis une faute dans le dossier, à l'exclusion de la défenderesse.

Il s'ensuit qu'en déclarant irrecevable l'appel du demandeur en tant qu'il était dirigé contre la défenderesse au motif qu'aucun lien d'instance n'avait été noué entre les parties à défaut d'avoir formé entre elles une demande en garantie et « ce, même si ces parties ont conclu en s'imputant réciproquement la responsabilité éventuelle du dommage allégué par [le défendeur]», alors que pareilles conclusions prises par les parties l'une contre l'autre suffisent à créer un lien d'instance, l'arrêt viole les articles 17, 18 et 1050 du Code judiciaire.

Second moyen

Dispositions légales violées

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 7, §§ 1er, alinéa 3, i), et 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ;

- articles 18 (pour autant que de besoin), 24 (dans sa version applicable au moment des faits, donc avant sa modification par l'arrêté royal du 30 avril 1999), 126 (dans sa version applicable avant sa modification par l'arrêté royal du 9 juillet 2000), 133, §§ 1er, 1°, et 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage ;

- articles 3, alinéa 1er, et 4 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social ;

- articles 90, alinéas 1er et 2, 2°, et 93, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d'application de la réglementation du chômage.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare la requête d'appel du demandeur non fondée en tant qu'elle est dirigée contre le défendeur et confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, décidant que le demandeur a commis, seul, une faute dans la gestion du dossier du défendeur et le condamnant à payer au défendeur des dommages et intérêts équivalents au complément d'allocations de chômage (complément d'ancienneté) auquel il aurait pu prétendre entre le 3 juin 1997 et le 30 septembre 1998, aux motifs que, « aux termes de l'article 7, § 1er, i), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, la mission (du demandeur) consiste notamment à ‘assurer', avec l'aide des organismes créés ou agréés à cette fin, le paiement aux chômeurs involontaires et à leur famille des allocations qui leur sont dues.

Par ailleurs, l'article 133 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 prévoit que le chômeur doit introduire auprès de son organisme de paiement un dossier contenant une demande d'allocations et ‘tous les documents nécessaires au directeur pour statuer sur le droit aux allocations et fixer le montant de celles-ci'.

L'article 87 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 précise que le document de demande est, en principe, le certificat de chômage C4 remis par l'employeur au travailleur et l'article 90 du même arrêté souligne que, pour être complet, le dossier doit contenir tous les documents qui sont nécessaires pour statuer sur le droit et fixer le montant de [celui-ci].

A l'instar de Madame l'avocat général, la [cour du travail] considère qu'il appartient (au demandeur) de mettre à la disposition des assurés sociaux les documents et formulaires identifiant toutes les questions utiles pour statuer sur les droits des demandeurs d'allocations de chômage et que la thèse (du demandeur) ne peut être suivie lorsqu'il soutient qu'il appartient au chômeur de fournir les documents permettant d'établir qu'il réunit les conditions prescrites par la réglementation pour pouvoir prétendre aux suppléments d'allocations.

En l'espèce, (le défendeur) a introduit dès le 14 juin 1996 un formulaire C1 mentionnant un passé professionnel ayant débuté en 1965.

En effet, sur le formulaire C1, la seule question posée était la

suivante : ‘Quand avez-vous commencé à travailler comme salarié ou indépendant ?'

(Le demandeur) invoque que (la défenderesse) avait l'obligation d'informer le chômeur au sujet de ses droits et obligations.

Certes, il est exact que l'article 24 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 impose aux organismes de paiement plusieurs obligations (conseiller le chômeur et fournir toutes informations utiles sur ses droits et devoirs) mais ces obligations présentent un caractère secondaire par rapport aux devoirs imposés (au demandeur). Du reste, l'article 24, 1° et 2°, de l'arrêté royal susdit précise que les organismes de paiement tiennent à la disposition du travailleur les formulaires prescrits par [le demandeur] et qu'ils lui transmettent tous documents prescrits par ce dernier.

L'élaboration des documents est assurée par (le demandeur) et c'est à ce dernier qu'incombe la mission première (par rapport à celles des organismes de paiement) d'instruire les demandes des assurés sociaux.

En l'espèce, aucune demande d'information ne lui ayant été adressée, (le défendeur) était en droit de considérer que son dossier était complet.

(Le défendeur) n'a, dès lors, commis aucune faute.

Par contre, lorsque (le demandeur) reçut le formulaire C1 mentionnant un passé professionnel supérieur à vingt ans, il s'abstint de toute réaction, se bornant à renseigner sur la carte d'allocations C2 le code P, ce qui laisse supposer, comme le relève à bon droit le premier juge, que le passé professionnel (du défendeur) avait été calculé : en effet, lorsque le passé professionnel n'est pas calculé, (le demandeur) mentionne le code OP sur la carte d'allocations.

Si (le demandeur) avait considéré que le dossier (du défendeur) n'était pas complet et que ce dernier ne justifiait pas à suffisance l'exercice d'un passé professionnel en évoquant sur le formulaire C1 qu'il avait entamé une activité salariée en 1965, il lui appartenait de faire application de l'article 93 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 et de renvoyer le dossier (à la défenderesse) accompagné d'un formulaire C51 indiquant les renseignements manquants.

Il est incontestable que tel ne fut pas le cas en l'espèce.

La loi du 11 avril 1995 instituant la charte de l'assuré social impose aux institutions de sécurité sociale un devoir d'information concernant les droits et les devoirs des assurés sociaux et les oblige à les conseiller sur l'exercice de leurs droits ou l'accomplissement de leurs devoirs et obligations (articles 3 et 4).

Si, assurément, la réglementation du chômage impose une obligation d'information aux organismes de paiement, spécialement en ce qui concerne l'inscription comme demandeur d'emploi et les formalités administratives, il n'est, toutefois, indiqué nulle part que cette obligation évince celle (du demandeur). Il est permis, à cet effet, de soutenir que seul (le demandeur) peut fournir une information fiable sur la réglementation du chômage (...).

Les formulaires et les instructions notifiées par (le demandeur) aux organismes de paiement doivent permettre de recueillir auprès du chômeur les informations nécessaires pour déterminer les allocations dues et, plus particulièrement, lorsque, comme en l'espèce, les éléments inhérents au passé professionnel du demandeur d'allocations exercent une incidence sur le montant de ces derniers.

A l'instar du premier juge et par identité de motifs, la cour [du travail] estime, au regard des dispositions réglementaires, que (le demandeur) a commis, seul, une faute dans la gestion du dossier (du défendeur) résultant tout à la fois d'un manque d'informations à l'égard (du défendeur) et d'un manque d'instructions ou, à tout le moins, d'une information erronée (attribution du code P) transmise à (la défenderesse) ».

Griefs

1. En vertu de l'article 7, § 1er, alinéa 3, i), de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, le demandeur a, dans les conditions que le Roi détermine, notamment pour mission d'assurer, avec l'aide des organismes créés ou à créer à cette fin, le paiement aux chômeurs involontaires et à leur famille des allocations qui leur sont dues.

En vertu de l'article 7, § 2, du même arrêté-loi, les allocations de chômage sont payées à leurs bénéficiaires, soit par l'intermédiaire d'organismes de paiement institués par les organisations représentatives des travailleurs, à cette fin agréées par le Roi dans les conditions qu'Il détermine et dotées de ce fait de la personnification civile, soit par l'intermédiaire d'un établissement public administré par le comité de gestion de l'Office national de l'emploi.

En sa qualité d'organisme public de paiement visé à l'article 18 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 relatif à la réglementation du chômage, la défenderesse a, en vertu de l'article 24 de ce même arrêté royal, pour mission :

1° de tenir à la disposition du travailleur les formulaires dont l'usage est prescrit par l'Office ;

2° de faire au travailleur toutes communications prescrites par

l'Office ;

3° d'informer le travailleur de ses obligations, notamment en matière d'inscription comme demandeur d'emploi, de déclaration de la situation personnelle et familiale et de déclaration et de contrôle des périodes de chômage complet. Le ministre peut, après avis du comité de gestion, déterminer la manière dont l'organisme de paiement s'acquitte de cette

mission ;

4° d'introduire le dossier du travailleur au bureau du chômage, en se conformant aux dispositions réglementaires ;

5° de payer au travailleur les allocations et autres prestations qui lui reviennent, sur la base des indications mentionnées sur la carte d'allocations visée à l'article 146 et en se conformant aux dispositions légales et réglementaires ;

6° de délivrer au travailleur les documents prescrits par les dispositions légales et réglementaires.

En vertu de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social, les institutions de sécurité sociale sont tenues de fournir à l'assuré social qui en fait la demande écrite toute information utile concernant ses droits et obligations et de communiquer d'initiative à l'assuré social tout complément d'information nécessaire à l'examen de sa demande ou au maintien de ses droits, sans préjudice de l'article 7.

Dans les mêmes conditions, les institutions de sécurité sociale doivent, en vertu de l'article 4 de cette même loi du 11 avril 1995, dans les matières qui les concernent, informer tout assuré social qui le demande sur l'exercice de ses droits ou l'accomplissement de ses devoirs et obligations.

S'il incombe au demandeur d'établir les documents qui devront permettre de recueillir auprès du chômeur les informations nécessaires pour statuer sur ses droits, cela n'affecte en rien la mission des organismes de paiement en vertu de l'article 24, 4°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991

« d'introduire le dossier du travailleur au bureau du chômage en se conformant aux dispositions réglementaires ».

Ainsi, de par leur compétence en matière de réglementation du chômage, les organismes de paiement, telle la défenderesse, interviennent en tant que véritable intermédiaire entre le chômeur et le bureau du chômage afin d'assister le chômeur, peu versé dans cette matière, dans sa demande.

2. Le chômeur qui, pour la première fois, sollicite des allocations, doit introduire auprès de l'organisme de paiement un dossier contenant une demande d'allocations et tous les documents nécessaires au directeur pour statuer sur le droit aux allocations et fixer le montant de celles-ci (article 133, § 1er, 1°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991). Dans cette hypothèse, le dossier du chômeur doit notamment contenir une déclaration de la situation personnelle et familiale (article 133, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du

25 novembre 1991).

Aussi, lorsque le chômeur doit justifier une période de travail en tant que salarié, le dossier doit notamment contenir un ‘certificat de chômage- certificat de travail' C 4 (article 90, alinéa 2, 2°, de l'arrêté ministériel du

26 novembre 1991).

En vertu de l'article 126 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le montant journalier de l'allocation de chômage est majoré d'un complément d'ancienneté si le chômeur satisfait aux conditions 1° à 8° de l'article 126 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, dont la condition 5° de « justifier de vingt ans de passé professionnel en tant que salarié au sens de l'article 114, § 4 ».

La seule déclaration d'un chômeur sur un formulaire émis par le demandeur d'avoir commencé à travailler en 1965 n'implique pas que le chômeur ait « justifié » d'un passé professionnel au sens de l'article 126, 5°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, dans la mesure où il est tout à fait possible que ce travail commencé en 1965 ait été interrompu par une période d'inactivité professionnelle pour quelque cause que ce soit.

Par conséquent, un organisme de paiement, chargé de la mission d'instruire correctement la demande du chômeur auprès du demandeur, devra joindre à la demande du chômeur pouvant bénéficier du complément toutes les pièces « justifiant de vingt ans de passé professionnel », à défaut de quoi le montant de l'allocation du chômeur sera calculé sur la base du passé professionnel réellement justifié.

L'article 90, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 exige que le dossier, pour être complet, contienne tous les documents qui sont nécessaires pour statuer sur le droit aux allocations et pour fixer le montant de celles-ci.

Un dossier n'est donc pas complet s'il ne permet pas au bureau de statuer sur les droits du chômeur, notamment parce qu'il ne contient pas les documents prescrits par la réglementation (pas de formulaire C4, pas de formulaire de déclaration de situation personnelle et familiale alors qu'il est requis) et ne permet pas l'admission du chômeur au bénéfice des allocations.

L'article 93, § 2, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités de l'application de la réglementation du chômage dispose que le bureau du chômage renvoie le dossier, s'il est incomplet, à l'organisme de paiement, accompagné d'un formulaire « renvoi de dossier » C 51 indiquant tous les documents et renseignements manquants.

L'article 93, § 2, de l'arrêté ministériel n'impose pas au demandeur de se renseigner d'initiative auprès de chaque assuré social pour vérifier s'il n'existerait pas d'autres éléments en sa possession permettant de lui accorder des droits plus importants que ceux auxquels il peut prétendre sur la base du dossier tel qu'il a été instruit par son organisme de paiement.

3. Il ressort des faits ainsi que des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :

- le défendeur a introduit sa demande en déclarant avoir

« commencé à travailler » en 1965 ;

- son dossier contenait un formulaire C4 justifiant d'un passé professionnel de quinze ans ;

- disposant de tous les documents lui permettant de statuer sur le droit du défendeur aux allocations de chômage, le demandeur lui a accordé des allocations en fonction de son passé professionnel tel qu'il est justifié dans son dossier.

4. En décidant que « les obligations (des organismes de paiement) [de] conseiller le chômeur et de fournir toutes informations utiles sur ses droits et ses devoirs présentent un caractère secondaire aux devoirs imposés [au demandeur], dès lors que l'élaboration des documents est assurée par le demandeur et que c'est à ce dernier qu'incombe la mission première (par rapport à celles des organismes de paiement) d'instruire les demandes des assurés sociaux », et que le demandeur a commis, seul, une faute en ce que ses documents n'auraient pas permis de recueillir auprès du demandeur les informations requises, l'arrêt viole les dispositions légales visées au moyen délimitant la mission du demandeur, d'une part, de statuer sur les droits des assurés sociaux et celle de la défenderesse, d'autre part, d'informer le chômeur et de correctement instruire sa demande en y joignant les documents et les pièces justificatives requises par la réglementation [violation des articles 7,

§§ 1er, alinéa 3, i), et 2, de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, 18 (pour autant que de besoin), 24, 133, §§ 1er, 1°, et 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du

25 novembre 1991, 3, alinéa 1er, et 4 de la charte].

En décidant que le demandeur a manqué à son obligation d'instruction vis-à-vis de la défenderesse, dans la mesure où les formulaires mis à la disposition des organismes de paiement n'auraient pas permis de recueillir les éléments inhérents au passé professionnel du défendeur, l'arrêt fait fi de l'obligation de la défenderesse d'instruire correctement les demandes du chômeur conformément à l'article 24 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de « justifier » de vingt ans de passé professionnel dans le chef du chômeur conformément à l'article 126, 5°, du même arrêté royal (violation des articles 24 et 126, plus particulièrement 5°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991).

En décidant que le demandeur aurait dû faire application de l'article 93 de l'arrêté ministériel en renvoyant la demande du chômeur à défaut de pièces justificatives de vingt ans de carrière professionnelle, l'arrêt viole cette disposition ainsi que l'article 90 du même arrêté ministériel, dans la mesure où le dossier était complet au sens de l'article 90 en ce qu'il permettait au demandeur de statuer sur les droits du chômeur sur la base des documents fournis et où l'article 93 n'oblige pas le demandeur à rechercher activement si le chômeur peut prétendre à des avantages plus élevés sur la base d'éléments non présents dans le dossier (violation des articles 90 et 93 de l'arrêté ministériel).

En considérant que le demandeur, par sa déclaration de situation personnelle et familiale (le formulaire C1) « mentionnant un passé professionnel supérieur à vingt ans », a fait état d'un passé professionnel de plus de vingt ans, alors qu'il n'a déclaré qu'avoir « commencé à travailler en

1965 », ce qui n'équivaut pas à la mention d'un passé professionnel de plus de vingt ans, la période de travail pouvant avoir été interrompue pour quelque cause que se soit, l'arrêt donne à cette déclaration une portée qu'elle n'a pas en vertu de la réglementation du chômage et, partant, viole l'article 133, § 2, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991.

En décidant que le demandeur a commis une faute vis-à-vis de l'organisme de paiement en lui donnant une information erronée (en attribuant un code P), alors que, comme le constate l'arrêt, « [ceci] laisse supposer que le passé professionnel (du chômeur) a été calculé », l'arrêt n'est pas légalement justifié, dès lors que le demandeur n'a commis aucune faute en calculant les allocations dues sur la base du passé professionnel réellement justifié par le chômeur et en lui refusant le complément d'ancienneté étant donné qu'il ne justifiait pas d'un passé professionnel de vingt ans (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, 126, 5°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et 90, alinéa 2, 2°, de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991).

III. La décision de la Cour

Sur le second moyen :

Dans les cas déterminés par l'article 133, § 1er, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, le chômeur doit introduire auprès de l'organisme de paiement un dossier contenant une demande d'allocations de chômage et tous les documents nécessaires pour statuer sur le droit aux allocations et fixer le montant de celles-ci.

En vertu de l'article 90 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant réglementation du chômage, le dossier doit, pour être complet, contenir tous les documents qui sont nécessaires pour statuer sur le droit aux allocations et pour fixer le montant de celles-ci.

Aux termes de l'article 93, § 2, alinéa 1er, de cet arrêté ministériel, si le dossier est incomplet, le bureau du chômage le renvoie à l'organisme de paiement, accompagné d'un formulaire de « renvoi du dossier » C51 indiquant tous les documents et renseignements manquants.

Suivant l'article 126, 5°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le montant de l'allocation de chômage est majoré d'un complément d'ancienneté si le chômeur justifie de vingt ans de passé professionnel en qualité de travailleur salarié.

Il résulte de ces dispositions que, pour être complet et permettre de fixer le montant de l'allocation de chômage, le dossier doit permettre d'apprécier si le chômeur a vingt ans de passé professionnel en qualité de travailleur salarié.

L'arrêt constate que le défendeur a demandé des allocations de chômage le 3 juin 1996 et que, introduisant auprès de l'organisme de paiement un dossier contenant l'ensemble des documents prescrits et des informations sollicitées par ces documents, il a, d'une part, déclaré avoir commencé à travailler en 1965 et, d'autre part, prouvé quinze années de travail salarié par un « certificat de chômage » C4.

L'arrêt énonce que le demandeur a fixé le montant des allocations de chômage du défendeur sans renvoyer le dossier à l'organisme de paiement et sans tenir compte du complément d'ancienneté.

En décidant que le demandeur a commis une faute dans la gestion du dossier du défendeur, qu'il a été seul à commettre cette faute à l'exclusion de l'organisme de paiement et que cette faute engage sa responsabilité, l'arrêt ne viole aucune des dispositions invoquées au moyen.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le premier moyen :

Dès lors que, ainsi qu'il résulte de la réponse au second moyen, l'arrêt décide légalement que seul le demandeur a commis une faute l'obligeant à réparer le dommage allégué par le défendeur, le moyen, qui critique la décision disant irrecevable l'appel du demandeur contre la défenderesse, à qui il prétendait imputer tout ou partie de cette responsabilité, est dénué d'intérêt, partant irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de cinq cent trente et un euros quatre-vingt-sept centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Christine Matray, Martine Regout, Alain Simon et Mireille Delange, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean-Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.