Cour de cassation: Arrêt du 5 mars 2010 (Belgique). RG C.08.0562.F

Date :
05-03-2010
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
10 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20100305-4
Numéro de rôle :
C.08.0562.F

Résumé :

Pour déterminer les facultés respectives des père et mère, la juge doit tenir compte notamment des charges qui pèsent sur eux (1). (1) Voir Cass., 16 avril 2004, RG C.02.0504.F, Pas., 2004, n° 199.

Arrêt :

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N° C.08.0562.F

N. J.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

C. C.,

défenderesse en cassation.

La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 juin 2008 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

Les moyens de cassation

Le demandeur présente trois moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- articles 203, § 1er, 203bis, 213, 1315, 1319, 1320, 1322, 1349 et 1353 du Code civil ;

- articles 870 et 1280 du Code judiciaire ;

- article 171, 5°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ;

- arrêté royal du 10 avril 1992 portant coordination des dispositions légales relatives aux impôts sur les revenus ;

- article 149 de la Constitution ;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt condamne le demandeur à payer à la défenderesse 1° au titre de sa participation aux frais d'entretien, d'éducation et de formation des enfants communs, les sommes de 657 euros pour J. et 597 euros pour H. à compter du 1er septembre 2005 ; 2° 71,42 p.c. des frais extraordinaires des enfants, et 3° 620 euros par mois à partir du 1er septembre 2005 à titre de participation aux charges du ménage, par tous ses motifs considérés ici comme intégralement reproduits et plus particulièrement, quant aux ressources du demandeur, par les motifs que :

« Quant au montant des parts contributives :

Les débats devant la cour [d'appel] et les pièces soumises permettent d'évaluer les ressources mensuelles de chacune des parties, toutes primes incluses, à un minimum de 4.500 euros pour (le demandeur) et de 1.800 euros pour (la défenderesse) ;

La réduction de ressources invoquée par (le demandeur), à compter du 1er décembre 2007, n'est étayée de manière certaine par aucune pièce produite, (celui-ci) ayant admis à l'audience qu'il avait quitté ses fonctions à la caserne des pompiers de ... et qu'il était désormais commandant en chef de celle de ... ;

Il ne produit aucune pièce attestant de son licenciement au sein de l'A.I.T.I., l'article de presse produit en pièce 19 de son dossier, envisageant l'hypothèse et ses conséquences sur le processus de liquidation de ladite association, ne pouvant être considéré comme une pièce probante ;

La somme de 4.500 euros sera dès lors retenue pour déterminer la proportion des facultés contributives de chacune des parties dans leurs ressources nettes globales ;

Quant aux frais extraordinaires :

Pour respecter les principes de proportionnalité de la prise en charge des frais exposés pour leurs enfants (...), les frais extraordinaires seront répartis en tenant compte de la part de chacune des parties dans leurs ressources globales ;

Quant à la ‘provision alimentaire' :

Ainsi qu'exposé ci-avant, la faculté contributive globale des parties doit être estimée à un minimum de 6.300 euros par mois ;

Après financement du coût net des enfants, obligation prioritaire qui leur incombe, le solde que (le demandeur) et (la défenderesse) sont en mesure d'affecter à leurs dépenses personnelles doit être estimé à (6.300 - 1.755 euros), soit 4.545 euros ;

En sollicitant la somme de 620 euros par mois, (la défenderesse) conduit à établir entre les ressources et charges estimées des parties l'équilibre

suivant :

- Disponible (du demandeur) : 4.500 - 1.253 - 620 = 2.627 euros par mois ;

- Disponible de (la défenderesse) : 1.800 - 483 + 620 = 1.937 euros ;

La demande de (la défenderesse) apparaît ainsi de nature à assurer une répartition particulièrement raisonnable des ressources des parties, tout en permettant (au demandeur) de conserver, compte tenu du différentiel des rémunérations respectives, des facilités budgétaires plus importantes ».

Griefs

En vertu des articles 203 et 203bis du Code civil, la proportion dans laquelle chacun des parents doit intervenir dans l'hébergement, l'entretien, la surveillance, l'éducation et la formation de leurs enfants - et, partant, la part de contribution aux frais que l'un des parents peut réclamer à l'autre - doit être fixée en fonction de leurs facultés respectives.

Le montant de la pension alimentaire alloué au cours d'une instance en divorce, sur la base de l'article 1280 du Code judiciaire, en exécution du devoir de secours prévu par l'article 213 du Code civil, doit également être fixé en fonction des revenus des parties.

En vertu des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il appartient à la partie, qui réclame à l'autre sa contribution aux frais d'entretien et d'éducation des enfants et sa participation aux charges du ménage, d'établir le montant des ressources de l'autre partie lorsque celles-ci sont contestées.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel à fixer ses ressources comme suit :

- jusqu'au mois d'août 2006, 3.890 euros, déduction faite d'une provision pour le paiement des impôts des personnes physiques,

- jusqu'au mois de décembre 2006, 4.185 euros, dont à déduire la part d'impôt des personnes physiques à venir,

- à partir du mois de mars 2007, 3.047,26 euros,

- à partir du 1er décembre 2007, 3.071,11 euros.

Première branche

A défaut d'indiquer sur quelle pièce de la procédure ou quelle pièce des dossiers des parties il se fonde pour attribuer au défendeur des ressources mensuelles nettes s'élevant à « un minimum de 4.500 euros », l'arrêt ne permet pas à la Cour de vérifier si les juges se sont fondés sur des éléments régulièrement versés aux débats ou connus d'eux de science personnelle et n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution) ni légalement justifié (violation des articles 1315, 1349 et 1353 du Code civil et 870 du Code judiciaire ainsi que du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense).

Par voie de conséquence, l'arrêt ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision au regard des règles relatives à la détermination des parts contributives de chacun des parents dans les frais d'entretien et d'éducation des enfants et à la contribution aux charges du mariage (violation de l'article 149 de la Constitution et, par voie de conséquence, des articles 203, § 1er, 203bis, 213 du Code civil et 1280 du Code judiciaire).

Deuxième branche

Il ne ressort d'aucune pièce de la procédure, écrits émanant du demandeur ou procès-verbaux d'audience, que le demandeur aurait déclaré avoir des ressources mensuelles d'un minimum de 4.500 euros. S'il doit être interprété en ce sens qu'il se fonde, pour retenir ce montant au titre de ressources nettes mensuelles, sur les conclusions du demandeur et ses déclarations à l'audience, l'arrêt donne des pièces de la procédure émanant du demandeur et des procès-verbaux d'audience une interprétation inconciliable avec leurs termes, violant, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

S'il doit être interprété en ce sens qu'il se fonde sur les conclusions d'appel de la défenderesse pour déterminer les revenus nets du demandeur, l'arrêt méconnaît les règles relatives à la charge de la preuve des facultés contributives du demandeur qui pesaient sur la défenderesse (violation des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire).

Troisième branche

Pour ce qui concerne les revenus de l'année 2004, il ressort de l'inventaire du dossier des parties que le demandeur a produit la déclaration des parties à l'impôt des personnes physiques, déposée également par la défenderesse, et l'avertissement-extrait de rôle - exercice 2005.

Il ressort de ces pièces que le revenu professionnel du demandeur imposable globalement pour cette année 2004 est de 79.767,04 euros. Il y est également fait mention d'un revenu imposable distinctement de 6.063,05 euros. L'impôt de l'Etat est de 35.420,86 euros. A cela s'ajoute une taxe communale de 8 p.c., soit, pour le demandeur, une taxe de 2.833,66 euros. L'impôt s'élève ainsi à un total de 38.254,52 euros. Le revenu net fiscal est dès lors de 41.512,52 euros par an ou 3.459,37 euros par mois et non de 4.500 euros.

S'il doit être interprété en ce sens qu'il détermine les facultés contributives du demandeur en fonction notamment des revenus de l'année 2004 et se fonde, pour décider que le revenu minimum mensuel net du demandeur était de 4.500 euros, sur lesdites pièces, l'arrêt y lit ce qui ne s'y trouve pas et n'y lit pas ce qui s'y trouve, violant, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Quatrième branche

Il ressort de l'inventaire des dossiers des deux parties que celles-ci ont, quant aux revenus du demandeur pour l'année 2005, déposé leur déclaration commune à l'impôt des personnes physiques. Il ressort de cette déclaration que le revenu imposable globalement du demandeur est de 86.493,25 euros. L'impôt de l'Etat est de 36.477,65 euros. La taxe communale est de 2.913,21 euros. Le total de l'impôt sur les revenus imposables globalement s'élève dès lors à 39.395,86 euros, en sorte que le revenu net afférent à l'exercice est de 47.097,39 euros par an ou 3.924,78 euros par mois et non 4.500 euros.

S'il doit être interprété en ce sens qu'il détermine les facultés contributives du demandeur en fonction notamment des revenus nets de l'année 2005 et se fonde, pour les fixer à 4.500 euros, sur la déclaration commune à l'impôt des personnes physiques que les deux parties ont déposée, l'arrêt y lit ce qui ne s'y trouve pas et n'y lit pas ce qui s'y trouve, violant, partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Cinquième branche

Ainsi qu'il a déjà été exposé dans la quatrième branche du moyen, il ressort de l'inventaire des dossiers des deux parties que celles-ci ont, quant aux revenus du demandeur pour l'année 2005, déposé leur déclaration commune à l'impôt des personnes physiques. Il ressort de cette déclaration que le revenu imposable globalement du demandeur est de 86.493,25 euros. L'impôt de l'Etat est de 36.477,65 euros. La taxe communale est de 2.913,21 euros. Le total de l'impôt sur les revenus imposables globalement s'élève dès lors à 39.395,86 euros, en sorte que le revenu net afférent à l'exercice est de 47.097,39 euros par an ou 3.924,78 euros par mois et non 4.500 euros.

Sans doute cette déclaration fait-elle également mention de revenus imposables distinctement (arriérés) qui s'élèvent à 31.412,66 euros. L'impôt - taxe communale incluse - est de 13.977,38 euros. Si l'on tient compte des revenus imposables distinctement, le revenu net est, pour l'année 2005, de 56.831,14 euros par an, soit 4.735,92 euros par mois.

Toutefois, conformément à l'article 171, 5°, du Code des impôts sur les revenus 1992, les revenus imposables distinctement au titre d'arriérés ne sont pas des revenus afférents à l'année fiscale concernée. Ils ne peuvent dès lors être pris en considération pour fixer des parts contributives et une contribution aux charges du mariage, a fortiori lorsque les condamnations de sommes ne sont pas limitées à la seule année fiscale pour laquelle des arriérés ont été perçus. En effet, en prenant les revenus imposables distinctement en considération, le juge surévalue la contribution d'un des époux et sous-évalue la contribution de l'autre dans les frais d'entretien et d'éducation des enfants, en violation des articles 203 et 203bis du Code civil, et aux charges du mariage, en violation de l'article 213 du même code.

S'il doit être interprété en ce sens qu'il détermine les facultés contributives du demandeur en prenant en considération les arriérés imposables distinctement pour l'année 2005, l'arrêt viole l'article 171, 5°, du Code des impôts sur les revenus 1992 et les articles 203, 203bis et 213 du Code civil.

Sixième branche

Concernant les revenus 2006, le demandeur a produit la déclaration de revenus et l'avertissement-extrait de rôle.

Il ressort de ces deux pièces que le revenu imposable globalement avant déduction de 80 p.c. de la rente alimentaire est de 83.353,98 euros. Après déduction de 80 p.c. de la rente alimentaire, le revenu imposable globalement est de 72.827,98 euros. L'impôt de l'Etat sur ce revenu est de 30.756,49 euros et l'impôt communal de 8 p.c. de ce montant, soit un impôt total de 33.217 euros. Si l'on neutralise le bénéfice fiscal, le revenu net s'élève annuellement à 50.136,98 euros ou, par mois, à 4.178 euros. Si on ne neutralise pas le bénéfice fiscal, il s'élève à 39.610,98 euros, soit, par mois, à 3.300 euros. Dans les deux hypothèses, il n'atteint pas 4.500 euros.

S'il doit être interprété en ce sens qu'il détermine les facultés contributives du demandeur sur la base notamment de ses revenus pour l'année 2006 et se fonde, pour les fixer à 4.500 euros nets par mois, sur la déclaration de revenu et l'avertissement-extrait de rôle pour cette année, l'arrêt lit dans ces pièces ce qui ne s'y trouve pas et n'y lit pas ce qui s'y trouve, violant, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Septième branche

En toute hypothèse, ainsi qu'il ressort des troisième, quatrième et sixième branches du moyen tenues ici pour reproduites, si l'arrêt retient un revenu mensuel net moyen du demandeur en se fondant sur les déclarations des parties à l'impôt des personnes physiques et les avertissements-extraits de rôle déposés, il méconnaît la foi due à ces pièces en y lisant ce qui ne s'y trouve pas et en n'y lisant pas ce qui s'y trouve. En effet, la moyenne des revenus nets mensuels qui y sont indiqués n'atteint pas, même en prenant en considération les revenus imposables distinctement et en ne prenant pas en considération la déduction fiscale, la somme de 4.500 euros nets en moyenne par mois. Dans cette hypothèse, la moyenne des trois années s'élève à 148.480,64 euros soit 4.124,46 euros par mois (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil). Dans cette lecture, l'arrêt méconnaît également la notion légale de présomption dès lors qu'il déduit une moyenne inexacte des chiffres mentionnés dans lesdites pièces (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil).

Huitième branche

Les facultés contributives d'une partie doivent, tant pour fixer sa part dans les frais d'entretien et d'éducation des enfants conformément aux articles 203 et 203bis du Code civil que pour déterminer le montant du devoir de secours dû sur la base de l'article 213 du même code, être déterminées en faisant abstraction des retenues sociales et de l'impôt. S'il doit être interprété en ce sens que les 4.500 euros mensuels qu'il attribue au demandeur ne sont pas des revenus nets après déduction des charges sociales et fiscales, l'arrêt viole les articles 203, 203bis et 213 du Code civil.

Deuxième moyen

Dispositions légales violées

- articles 203, § 1er, 203bis et 1315 du Code civil ;

- articles 870 et 1280 du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt condamne le demandeur à payer à la défenderesse 1° au titre de sa participation aux frais d'entretien, d'éducation et de formation des enfants communs, les sommes de 657 euros pour J. et 597 euros pour H. à compter du 1er septembre 2005 ; 2° 71,42 p.c. des frais extraordinaires des enfants, par tous ses motifs considérés ici comme intégralement reproduits et plus particulièrement, quant aux charges des parties, par les motifs qu'« aucune des parties n'établit devoir supporter des frais exceptionnels de nature à réduire leur capacité contributive : les charges qu'elles allèguent correspondent aux dépenses usuelles des ménages prises en compte par les études de Roland Renard ».

Griefs

Aux termes de l'article 203, § 1er, du Code civil, les père et mère sont tenus d'assumer, à proportion de leurs facultés, l'hébergement, l'entretien, la surveillance, l'éducation et la formation de leurs enfants ; aux termes de l'article 203bis du Code civil, c'est la contribution déterminée sur la base de l'article 203, § 1er, que l'un des parents peut réclamer à l'autre.

Pour déterminer la faculté respective des père et mère, le juge doit tenir compte notamment des charges qui pèsent sur chacun d'eux.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel, pour fixer sa capacité contributive, à tenir compte de ses charges. Il indiquait ainsi avoir des charges de 1.279 euros par mois jusqu'en mars 2006, 1.529 euros par mois jusqu'en août 2006, montant auquel s'ajoutait à partir de cette date 500 euros de frais de déplacement non remboursés, et encore, à partir de décembre 2006, 83 euros d'assurance omnium, 130 euros de communications GSM et 26 euros d'assurance soins de santé. Il alléguait que son loyer était passé de 700 à 750 euros par mois en juin 2007. Il invitait la cour d'appel à tenir compte de cette charge et soutenait que la défenderesse n'avait par contre plus de charges de logement, dès lors qu'elle avait déserté l'immeuble conjugal dont elle avait sollicité la jouissance exclusive et s'était installée dans une maison appartenant à ses parents, le loyer ressortant du bail qu'elle produisait étant manifestement fictif.

Première branche

La prise en considération des charges de chacun des parents n'est pas limitée aux charges exceptionnelles qui ne pèseraient que sur l'un d'eux. Il appartient au juge de prendre en considération les dépenses usuelles de chacun des parents.

En décidant de ne pas prendre en considération les charges des parties au motif qu'il ne s'agit pas de charges exceptionnelles de nature à réduire leur capacité contributive, dès lors « qu'elles correspondent aux dépenses usuelles des ménages prises en compte par les études de Roland Renard », l'arrêt viole, partant, les articles 203 et 203bis du Code civil.

Seconde branche

A tout le moins, à défaut d'indiquer pour quel motif il considère les charges des deux parties comme « des dépenses usuelles des ménages » alors que le demandeur soutenait qu'il était le seul à assumer une dépense de loyer, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé et ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision au regard des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire relatifs à la charge de la preuve et des articles 203 et 203bis du même code relatifs à la fixation des parts contributives (violation de ces dispositions et de l'article 149 de la Constitution).

Troisième moyen

Dispositions légales violées

- articles 213, 217 et 221 du Code civil ;

- article 1280 du Code judiciaire ;

- article 149 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt condamne le demandeur à payer à la défenderesse 620 euros par mois à partir du 1er septembre 2005 à titre de participation aux charges du ménage, par tous ses motifs considérés ici comme intégralement reproduits et plus particulièrement que :

« Ainsi qu'il a été exposé ci-avant, la faculté contributive globale des parties doit être estimée à un minimum de 6.300 euros par mois.

Après financement du coût net des enfants, obligation prioritaire qui leur incombe, le solde que (le demandeur) et (la défenderesse) sont en mesure d'affecter à leurs dépenses personnelles doit être estimé à (6.300 - 1.755 euros), soit 4.545 euros.

En sollicitant la somme de 620 euros par mois, (la défenderesse) conduit à établir entre les ressources et charges estimées des parties l'équilibre

suivant :

- Disponible (du demandeur) : 4.500 - 1.253 - 620 = 2.627 euros par mois ;

- Disponible de (la défenderesse) : 1.800 - 483 + 620 = 1.937 euros.

La demande de (la défenderesse) apparaît ainsi de nature à assurer une répartition particulièrement raisonnable des ressources des parties, tout en permettant (au demandeur) de conserver, compte tenu du différentiel des rémunérations respectives, des facilités budgétaires plus importantes ».

Griefs

La pension allouée au cours d'une instance en divorce par le président du tribunal de première instance, sur la base de l'article 1280 du Code judiciaire, est une modalité d'exécution du devoir de secours qui, en vertu de l'article 213 du Code civil, est imposé à chacun des époux.

En vertu de l'article 221 du Code civil, chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés.

Le montant de cette pension doit être fixé en tenant compte des besoins et des ressources de chacun des époux et doit être évalué, non pas en fonction du train de vie des époux durant la vie commune, mais de manière à permettre à l'époux bénéficiaire de mener le train de vie qui serait le sien s'il n'y avait pas eu de séparation.

De plus, en vertu de l'article 217 du Code civil, chaque époux perçoit seul ses revenus et les affecte par priorité à sa contribution aux charges du mariage et peut en utiliser le surplus à des acquisitions de biens justifiées par l'exercice de sa profession, l'excédent étant soumis aux règles de leur régime matrimonial. Il résulte de cette disposition que la contribution aux charges du mariage n'implique pas un partage de manière égale des revenus des époux entre eux.

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur invitait la cour d'appel à prendre ses charges en considération pour la fixation de la pension alimentaire pendant l'instance en divorce. Il indiquait ainsi avoir des charges de 1.279 euros par mois jusqu'en mars 2006, 1.529 euros par mois jusqu'en août 2006, auxquelles s'ajoutaient à partir de cette date 500 euros de frais de déplacement non remboursés et encore, à partir de décembre 2006, 83 euros d'assurance omnium, 130 euros de communications GSM et 26 euros d'assurance soins de santé. Il alléguait que son loyer était passé de 700 à 750 euros par mois en juin 2007. Il invitait la cour d'appel à tenir compte de cette charge et soutenait que la défenderesse n'avait par contre plus de charges de logement, dès lors qu'elle avait déserté l'immeuble conjugal dont elle avait sollicité la jouissance exclusive et s'était installée dans une maison appartenant à ses parents, le loyer ressortant du bail qu'elle produisait étant manifestement fictif.

L'arrêt :

1° évalue globalement, comme si les époux étaient encore en couple, le solde que ceux-ci peuvent affecter à leurs dépenses personnelles ;

2° ne tient compte, au titre de charges, que des contributions aux frais d'entretien et d'éducation des enfants, négligeant ainsi de déterminer les besoins personnels de chaque époux après la séparation ;

3° pose en règle, pour fixer le montant du devoir de secours, qu'il convient d'établir entre les ressources et les seules charges relatives à l'entretien et l'éducation des enfants un « équilibre » et d'assurer une « répartition particulièrement raisonnable des revenus des deux parties ».

Il méconnaît ainsi les règles qui régissent la détermination de la pension allouée au cours d'une instance en divorce (violation des articles 213, 217 et 221 du Code civil et 1280 du Code judiciaire).

A tout le moins, à défaut de se prononcer sur les charges des parties après la séparation, il n'est pas régulièrement motivé et ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision (violation de l'article 149 de la Constitution et, pour autant que de besoin, des articles 213, 217 et 221 du Code civil et 1280 du Code judiciaire).

La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt déclare évaluer à un minimum de 4.500 euros, toutes primes incluses, les ressources mensuelles du demandeur sur la base des débats qui ont eu lieu devant la cour d'appel et des pièces qui lui ont été soumises. Il apprécie ainsi le montant des revenus du demandeur sans se fonder sur des éléments connus de science personnelle.

En indiquant le montant des revenus respectifs des parties qu'il retient, l'arrêt permet à la Cour d'exercer son contrôle de légalité sur la condamnation du demandeur au paiement d'une contribution dans les frais d'entretien et d'éducation des enfants et d'une contribution aux charges du mariage.

Le demandeur évaluant en conclusions ses ressources à un montant inférieur à 4.500 euros par mois sans désigner les éléments versés aux débats sur lesquels il s'appuyait, l'arrêt n'était pas tenu de préciser davantage sur quelles pièces se fonde sa décision.

Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, l'arrêt ne déduit pas le montant des ressources mensuelles minimales du demandeur d'une reconnaissance que celui-ci aurait faite à ce sujet dans ses conclusions ou à l'audience ni des seules affirmations contenues dans les conclusions de la défenderesse.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Il ne ressort pas de l'arrêt que la cour d'appel ait pris en considération les revenus de l'année 2004.

Le moyen, qui, en cette branche, invoque la violation de la foi due à la déclaration des parties à l'impôt des personnes physiques et à l'avertissement-extrait de rôle de l'exercice 2005, est, dès lors, irrecevable à défaut d'intérêt.

Quant à la quatrième branche :

L'arrêt, qui ne considère pas que la déclaration commune des parties à l'impôt des personnes physiques de l'exercice 2006 indique un revenu mensuel de 4.500 euros minimum pour le demandeur, mais qui tire cette conclusion de l'ensemble des pièces qui lui ont été soumises, ne donne pas du document précité une interprétation inconciliable avec ses termes et, partant, ne viole pas la foi qui lui est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la cinquième branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, il ne ressort pas de l'arrêt que celui-ci retient les revenus imposables distinctement au titre d'arriérés pour déterminer le montant des revenus du demandeur en 2005.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la sixième branche :

L'arrêt, qui ne considère pas que la déclaration commune des parties à l'impôt des personnes physiques et l'avertissement-extrait de rôle de l'exercice 2007 indiquent un revenu mensuel de 4.500 euros minimum pour le demandeur mais qui tire cette conclusion de l'ensemble des pièces qui lui ont été soumises, ne donne pas des documents précités une interprétation inconciliable avec leurs termes et, partant, ne viole pas la foi qui leur est due.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la septième branche :

Il ressort de la réponse aux troisième, quatrième et sixième branches que le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la huitième branche :

Contrairement à ce que le moyen suppose, en cette branche, l'arrêt ne retient pas les revenus du demandeur sans déduction des charges sociales et fiscales.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Aux termes de l'article 203, § 1er, du Code civil, les père et mère sont tenus d'assumer, à proportion de leurs facultés, l'hébergement, l'entretien, la surveillance, l'éducation et la formation de leurs enfants.

Pour déterminer les facultés respectives des père et mère, le juge doit tenir compte notamment des charges qui pèsent sur eux.

En considérant qu'« aucune des parties n'établit devoir supporter des frais exceptionnels de nature à réduire leur capacité contributive : les charges qu'elles allèguent correspondent aux dépenses usuelles des ménages prises en compte par les études de Roland Renard », et en faisant application de la méthode Renard au cas d'espèce, l'arrêt prend en considération les dépenses usuelles de chacune des parties.

Par ces considérations souveraines, il motive régulièrement et justifie légalement sa décision quant aux facultés respectives des père et mère.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

La pension allouée au cours d'une instance en divorce par le président du tribunal de première instance, sur la base de l'article 1280 du Code judiciaire, est une modalité d'exécution du devoir de secours qui, en vertu de l'article 213 du Code civil, est imposé à chacun des époux.

En vertu de l'article 221 du Code civil, chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés.

Le montant de cette pension doit être fixé en tenant compte des besoins et des ressources de chacun des époux et doit être évalué de manière à permettre à l'époux bénéficiaire de mener le train de vie qui serait le sien s'il n'y avait pas eu de séparation.

La contribution aux charges du mariage n'implique pas un simple partage des revenus des époux entre eux.

En décidant d'évaluer le montant de la provision alimentaire au profit de la défenderesse, d'une part, en ne retenant comme charges que les contributions aux frais d'entretien et d'éducation des enfants communs et, d'autre part, en veillant à assurer « une répartition particulièrement raisonnable des ressources des parties », négligeant ainsi de déterminer les besoins personnels de chaque époux après la séparation, l'arrêt viole les dispositions légales visées au moyen.

Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il fixe à 620 euros par mois, à compter du 1er septembre 2005, indexés annuellement, le montant de la participation du demandeur aux charges du ménage, et qu'il statue sur les dépens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Condamne le demandeur à la moitié des dépens et réserve le surplus de ceux-ci pour qu'il y soit statué par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.

Les dépens taxés à la somme de neuf cent trente-huit euros envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Christine Matray, Sylviane Velu et Martine Regout, et prononcé en audience publique du cinq mars deux mille dix par le président Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.