Cour d'appel: Arrêt du 11 décembre 2008 (Bruxelles). RG 2006/AR/788

Date :
11-12-2008
Langue :
Français
Taille :
31 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20081211-1
Numéro de rôle :
2006/AR/788

Résumé :

Les promoteurs assument une responsabilité tant de vendeurs que d'entrepreneurs par application des articles 3 et 6 de la loi Breyne. Ils sont tenus, par ailleurs, d'une obligation de résultat qui dispense les copropriétaires de démontrer leurs fautes dès lors que le résultat promis n'est pas atteint. Les promoteurs sont, dans le cadre de leur obligation à la dette, tenus de réparer la totalité des dommages in solidum entre eux et avec les constructeurs concernés. Ils peuvent, par contre, obtenir la fixation entre eux de leurs parts contributives.

Arrêt :

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La COUR D'APPEL DE BRUXELLES, 2ème CHAMBRE,

N°.: 2864 après délibéré, prononce l'arrêt suivant :

R.G. N°. 2006/AR/788

N°Rép.: 2008/9228

EN CAUSE DE :

1. Monsieur M. L., architecte, domicilié à (...)

2. La SA EUROMAF, venant aux droits de la SA AIM Belgique - AIM België dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, boulevard Bischoffsheim, 11 - bte 6, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0478.841.983,

parties appelantes,

représentées par Maître Sarah TOURNAY loco Maître Erik VAN RYMENANT, avocat à 1000 Bruxelles, rue du Congrès, 5,

CONTRE :

1. L'Association des copropriétaires de l'immeuble « R », dont le siège social est établi à(...), représentée par son syndic, la SA I. dont le siège social est établi à (...)

2. Monsieur C. M., domiciliée (...)

3. Madame S. DE P., domiciliée à (...)

Venant respectivement, à concurrence de l'usufruit et de la nue-propirété, aux droits de Monsieur et Madame W. - S., suivant acte du notaire D.D du 30 août 2006,

4. La SA ARGE.M, dont le siège social est établi à 1180 Bruxelles, avenue de la Ferme Rose, 11, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0441.420.571,

5. Madame R. F., domiciliée à (...)

6. Mademoiselle A M, domiciliée à (...)

7. Monsieur H. P., et son épouse,

8. Madame M. J.,

domiciliés ensemble à (...)

9. Monsieur C. le H., et son épouse

10. Madame H d'H.,

domiciliés ensemble (...),

11. Monsieur F. S. H., et son épouse

12. Madame C D. G.,

domiciliés ensemble (...),

13. Monsieur P., et son épouse,

14. Madame R. R.,

domiciliés ensemble (...)

15. Monsieur E. B., et son épouse

16. Madame L. M.,

domiciliés ensemble à (..),

17. Monsieur L. B., et son épouse

18. Madame L. C.,

domiciliés ensemble à (...)

19. Monsieur P. B., domicilié (...),

20. Monsieur A. de L., domicilié à (...)

21. Monsieur D. D., reprenant l'instance initialement mue par ses parents Monsieur et Madame D - R, domicilié à (...),

22. Monsieur G. D. et son épouse

23. Madame C. R.,

domiciliés ensemble (...),

24. Madame A. D.- R., domiciliée (...),

25. La SA HAM, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, chaussée d'Ixelles, 64, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0445.774.584,

parties intimées,

représentées par Maître Renaud de BRIEY, avocat à 1300 Wavre, place de l'Hôtel de Ville, 15 - 16,

26. Maître Ronald PARIJS, avocat à 1180 Bruxelles, rue des Astronomes, 14, agissant en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL WINNEPENNICKX, dont le siège social est établi à 1831 Diegem, Vedlweg, 20,

partie intimée,

représentée par Maître Sophie LAHOUSSE loco Maître Barbara SCHATTEMAN, avocat à 1180 Bruxelles, rue des Astronomes, 14,

27. Monsieur P. B., domicilié à (...),

partie intimée,

représentée par Maître Arnaud LECLUSE loco Maître Luc DELEU, avocat à 1731 Zellik, Noorderlaan, 30,

28. Monsieur M. C., architecte, domicilié (....),

partie intimée,

représentée par Maître Bernard VAN REEPINGHEN, avocat à Maître M. EECKHAUTE, avocat à 1180 Bruxelles, rue de Foestraets, 36 C,

29. La SCRL LES ASSURANCES DU NOTARIAT, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de la Montagne, 34 / 17,

partie intimée,

représentée par Maître Jean GOEMAERE, avocat à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 32 - bte 33,

*****

Vu :

§ le jugement rendu contradictoirement entre parties le 5 avril 2005 par le tribunal de première instance de Bruxelles, décision signifiée à Monsieur M. L. le 20 février 2006 ;

§ la requête d'appel déposée au greffe de la cour le 20 mars 2006 ;

§ les appels incidents formés en conclusions par l'association des copropriétaires et par ceux-ci, M. B. et les Assurances du Notariat.

***

I. Faits de la cause

Monsieur P. B. et la SPRL Winnepenninckx, actuellement en faillite (ci-après dénommés « les promoteurs »), ont constitué entre eux une association momentanée en vue de faire édifier un immeuble à appartements de standing, situé à (...)

L'association momentanée avait, originairement, chargé l'architecte T. d'une mission d'architecture complète pour la construction de l'immeuble.

L'ingénieur P. a été chargé par les promoteurs de la confection des plans de structure (dalles, poutres, coffrage, armatures...) et des calculs de stabilité. Celui-ci effectuera également une mission de contrôle lors des diverses réunions de chantier.

L'exécution des travaux a été confiée par le promoteur à l'entreprise Kempenaers (actuellement en faillite).

Les travaux ont débuté en mars 1988 mais ont été arrêtés en septembre de la même année, après la construction des caves et la mise en place de la dalle du rez-de-chaussée, à la suite de l'intervention d'un comité de quartier qui invoquait le défaut de conformité du projet aux règles urbanistiques.

Le montant des travaux déjà réalisés à l'époque de l'arrêt du chantier était de l'ordre de 6, 9 millions de francs (soit 10% du coût prévu de l'immeuble), selon la déclaration faite par l'architecte T. à son assureur AIM.

Le promoteur décida alors de changer d'architecte et, par contrat du 2 juillet 1989, confia à Monsieur C. une mission définie comme suit :

* Par l'article 3 de la convention :

« La mission complète confiée à l'architecte comprend : obtention d'un permis de bâtir exécutoire

1. l'établissement de l'avant-projet

2. l'établissement du projet pour exécution

3. la rédaction du cahier des charges, la description des travaux accompagnés, le cas échéant, des métrés

4. l'établissement des détails d'exécution ; plans des halls

7. l'assistance aux opérations nécessaires aux réceptions provisoire et définitive

8. la conception d'esquisses de masse à la demande (modifications des plans antérieurs réalisés par le bureau technique) » ;

Il y a lieu de relever que les paragraphes 5 et 6 sont biffés. Ils ont trait à la collaboration aux opérations de soumission et d'adjudication et au contrôle des travaux ;

* Dans l'article 4 du contrat, une mention manuscrite précise : « L'architecte n'a pas la responsabilité du chantier (concerne l'assurance) » ;

* L'article 7 du contrat précise :

« L'architecte effectuera, personnellement ou par représentant qualifié, les visites périodiques nécessaires (une fois par mois, pour contrôle de l'esthétique générale) ;

* L'article 10 fixe les honoraires à un montant forfaitaire de 1.300.000 FB, soit un acompte de 300.000 FB et une somme de 1.000.000 FB payable au moment de l'obtention du permis.

* L'article 14 précise que la réception provisoire des travaux constitue le point de départ du délai de la responsabilité décennale.

Le 22 février 1990, le promoteur signa avec Monsieur L. un contrat d'architecture définissant sa mission dans les termes suivants :

* article 1er

« Le présent contrat a pour objet de conférer à l'architecte la mission de contrôle telle qu'elle est précisée à l'article 3... »

* article 3

« La mission conférée à l'architecte comprend :

- la fourniture des plans de détail nécessaires à la bonne exécution de l'ouvrage

- le contrôle de l'exécution des travaux jusqu'à l'achèvement complet

- l'assistance aux opérations de réception des ouvrages (provisoire et définitive) + réception provisoire avec clients

- la mise à jour, en fin de chantier, des plans d'exécution fournis par l'architecte M. C.

- A l'exclusion de toute autre mission (coordination, vérification des mémoires etc) » ;

* L'article 5 stipule en outre :

« tous les documents administratifs ou civils, copie des dossiers antérieurs (notamment les rapports des chantiers et des minutes, feuillets de détails réalisés, cahier des charges, etc) destinés à l'exécution des travaux seront transmis dans la huitaine à l'architecte par le maître de l'ouvrage » ;

* L'article 8 fixe forfaitairement le montant des honoraires à 2.000.000 FB hors TVA ;

* L'article 11 fait débuter le délai décennal à la réception des ouvrages et l'article 12 précise qu'elle ne peut s'appliquer qu' « aux ouvrages expressément contrôlés par l'architecte M. L., à défaut des ouvrages précédemment exécutés » et qu'un constat de reprise du chantier sera effectué ;

* L'article 13 précise :

: « l'architecte n'assume pas les conséquences financières des erreurs et fautes des autres édificateurs. Il n'est pas responsable des fautes internes de conception et de fabrication des matériaux et des éléments préfabriqués. Il n'assume en conséquence aucune responsabilité « in solidum » avec un autre édificateur dont il n'est jamais obligé à la dette à l'égard du maître de l'ouvrage ».

Le 11 avril 1990, Monsieur L. a écrit à l'architecte T. en ces termes :

« Madame,

Comme Monsieur P. B. vous l'a signalé, il m'a confié la nouvelle mission de contrôle et suivi du chantier repris sous rubrique, chantier que vous avez suivi jusqu'au stade du premier sous-sol et qui a ensuite été arrêté suite à une pétition du voisinage.

Afin que je puisse prévenir l'Ordre des architectes, je vous prierai de me confirmer par écrit la connaissance de cette mission de reprise de contrôle du chantier, l'immeuble sera réalisé selon les nouveaux plans approuvés par la commune et dessinés par l'architecte M. C..

Selon le souhait de Monsieur B. la garantie décennale portera sur l'ensemble des ouvrages y compris la partie réalisée sous votre surveillance, mon assurance professionnelle en sera avertie... ».

Par ailleurs, l'architecte L. adressait, le même jour, à son confrère, M. C., la lettre suivante :

« Afin que je puisse prévenir l'Ordre des architectes et mon assurance professionnelle, pourriez-vous, je vous prie, me confirmer par écrit votre accord quant à ma mission de contrôle du chantier de l'immeuble dont vous êtes l'auteur... »

Cet accord lui fut donné par le courrier du 13 avril 1990 de l'architecte C..

Les travaux de reconstruction ont recommencé fin février-début mars 1990.

Le « constat de reprise de chantier », établi le 5 mars par l'architecte L., mentionne notamment que le « niveau -2 est sous eau avec marque de sécrétion sur les blocs en béton » et signale la « présence d'eau stagnante devant le bâtiment au niveau des murs du -2 » et « des fissures et efflorescences ou sécrétions diverses dans les cimentages d'étanchéité sur murs destinés à être contre terres. ».

L'architecte L. note dès lors qu'un pompage de l'eau s'avère nécessaire et que le passage d'un expert en étanchéité est « vivement conseillé ».

Cette observation figurait déjà dans le rapport de chantier n°1 établi le 14 février 1990 par l'architecte L..

A la fin de l'année 1993 et au début de l'année 1994, de sérieux problèmes d'étanchéité du bâtiment sont apparus dans les caves, comme le révèlent notamment le rapport de chantier n°104 (du 21 décembre 1993) et la lettre adressée le 2 février 1994 par M. L. aux promoteurs, les invitant à mettre en demeure l'entrepreneur d'y remédier.

Aucune réception provisoire des parties communes n'a été accordée par les copropriétaires, bien qu'une réunion à ce sujet ait été organisée à cette fin le 13 avril 1994 au cours de laquelle des observations relatives à une douzaine de postes ont été consignées.

Les diverses demandes formulées par les promoteurs à ce propos n'ont pas rencontré l'approbation de la copropriété (cf notamment sa lettre du 10 octobre 1994), qui a fait appel à un conseil technique, M. Vanderlinden, en vue de déterminer l'état des parties communes avant d'envisager la réception provisoire des parties communes.

La copropriété tenta ensuite d'obtenir du promoteur l'exécution amiable de ses obligations (cf. notamment la lettre du 1er février 1995 du conseil de gérance au promoteur).

Celui-ci y réserva une réponse de principe favorable, le 23 février 1995, assurant qu'il faisait ce qui lui était possible afin d'obtenir de l'entrepreneur la mise en œuvre d'une solution adéquate.

M. Vanderlinden a établi, en avril 1995, un rapport de « pré-réception provisoire » mentionnant 45 postes à contrôler ou à remettre en état, relatifs aux toitures (3 griefs), façades (6 griefs), terrasses (4 griefs), divers (6 points), ainsi qu'aux problèmes d'infiltrations (5 postes).

Ce rapport fut transmis au promoteur, le 1er août 1995, par le gérant de l'immeuble l'invitant à exécuter les travaux qui s'imposaient avant la réception provisoire et soulignant 9 postes prioritaires, parmi lesquels figurent les problèmes d'humidité.

N'ayant pas obtenu satisfaction, la copropriété adressa aux promoteurs diverses mises en demeure de réaliser les travaux préalables à la réception provisoire (notamment par les courriers des 6 et 24 novembre 1995 de M. Vanderlinden et du 28 février 1996 du conseil de la copropriété).

Le 28 février 1996, ce même conseil interrogea le notaire Robert De Coster, qui était intervenu lors de l'établissement de l'acte de base et du règlement de copropriété et avait passé différents actes de vente, sur la constitution de la garantie d'achèvement prévue par l'article 12 de la loi du 9 juillet 1971 telle que modifiée par la loi du 3 mai 1993.

Par lettre du 4 mars 1996, Maître De Coster précisa que les promoteurs n'avaient pas constitué de garantie d'achèvement prévue mais que les premiers actes authentiques des ventes, passés avant le 1er octobre 1993, contenaient une renonciation des acquéreurs à ce propos.

Il ajoutait que les actes notariés postérieurs à cette date ne concernaient que des appartements parachevés, vendus comme tels le jour des actes, à une époque où les parties communes de l'immeuble pouvaient elles-mêmes être considérées comme terminées. Le prix d'achat en avait, par ailleurs, été payé en une fois.

*

II. Procédure

Par exploits signifiés le 30 avril 1996, l'association des copropriétaires, représentée par son syndic, a fait citer Maître Ronald Parijs, en sa qualité de curateur à la faillite de la SPRL Winnepenninckx, Monsieur B., Monsieur C. et Monsieur L. devant le premier juge afin d'obtenir :

- leur condamnation solidaire ou in solidum au paiement de 12.000.000 FB, sous réserve de majoration, outre les intérêts au taux légal depuis la mise en demeure et les dépens,

- et, avant dire droit, la désignation d'un expert judiciaire.

Par exploit signifié le 4 juin 1996, l'association des copropriétaires cita en intervention forcée la SA Assurances du notariat .

Les curateurs de la SA Kempenaers en faillite (entreprise chargée du gros-œuvre de l'immeuble) sont intervenus volontairement par requête déposée le 13 juin 1996.

Par jugement du 4 septembre 1996, le premier juge a désigné l'expert ingénieur- architecte Jacques Libert, le chargeant notamment d'examiner les 45 griefs, de donner son avis sur les fautes de chacune des parties à la cause et de déterminer les remèdes et leur coût.

Les différents copropriétaires de l'immeuble le N. sont, à titre personnel, intervenus volontairement à la cause par requête déposée au greffe le 5 novembre 1996.

Par jugement du 27 novembre 1996, le premier juge a pris acte de cette intervention volontaire, et a condamné la SA Assurances du notariat à intervenir dans l'expertise.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 6 novembre 2000.

Par exploit signifié le 6 septembre 2002, l'association des copropriétaires cita en intervention forcée AIM Belgique, le considérant comme assureur de M. L..

Par le jugement attaqué, le 1er juge a :

- constaté que les curateurs à la faillite de la SA Kempenaer n'avaient pas été régulièrement convoqués, si bien qu'il ne pouvait connaître des demandes dirigées contre cette société,

- déclaré la demande principale recevable et fondée dans la mesure ci-après :

1) condamné in solidum M. B. et Maître Ronald PARIJS, qualitate qua, à payer aux demandeurs 268.365,00 euro , majorés des intérêts « judiciaires » à compter du 30 avril 1996, et de 56% des dépens des demandeurs, liquidés pour ceux-ci, au total à la somme de 21.920,81 euro ;

2) dit pour droit que la créance des demandeurs à charge de a faillite de la SPRL Winnepenninckx s'élève en principal, intérêts et dépens audit montant.

En conséquence, dit pour droit que Monsieur P. B. a une créance en garantie, à charge de la faillite de la SPRL Winnepenninckx, à concurrence desdits montants en principal, intérêts et dépens ;

3) condamné, in solidum, M. L. et AIM Belgique à payer aux demandeurs 213.680,26 euro majorés des intérêts « judiciaires » depuis le 30 avril 1996 et de 44% des dépens des demandeurs liquidés à la somme de 21.920,81 euro ;

- déclaré toutes les autres demandes des parties non fondées ;

- délaissé à Maître Parijs, à M. B., M. L. et à AIM Belgique leurs propres dépens ;

- délaissé aux demandeurs le coût de la citation en intervention forcée et condamné les demandeurs aux dépens de M. C. et de la SCRL Les Assurances du notariat ;

- déclaré le jugement exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution.

M. L. et la SA Euromaf (celle-ci venant aux droits de la SA AIM Belgique) relèvent appel du jugement, faisant grief au premier juge d'avoir fait droit, dans une large mesure, la demande de la copropriété à leur égard et d'avoir exclu en outre la responsabilité des architectes T. et C..

M. L. postule que les demandes originaires soient déclarées non fondées à son encontre et, à titre subsidiaire, que son éventuelle condamnation soit réduite à la somme de 712,11 euro .

Il forme une demande en garantie contre M. C., la SCRL Assurances du notariat, Maître Ronald Parijs et M. B. à lui rembourser toute somme qu'il aurait dû débourser pour eux au-delà de sa propre part contributive.

La SA Euromaf demande que l'action soit déclarée irrecevable à son égard ou, à tout le moins, prescrite.

L'Association des copropriétaires et les divers copropriétaires (« la copropriété ») forme(nt) un appel incident en vue d'obtenir la condamnation in solidum de la SA Euromaf, M. B., Maître Parijs en sa qualité de curateur de la SPRL Winnepenninckx, les architectes C. et L. et la sc Les Assurances du notariat au paiement de la somme en principal et intérêts, comptes arrêtés au 29 juin 2006, de 1.055.966,07 euro , à titre de dommages et intérêts à majorer des intérêts « judiciaires », ainsi que la somme de 325 368,45 euro pour les troubles de jouissance subis et à subir à majorer des intérêts « judiciaires » depuis le 1er novembre 1999.

Ils demandent en outre la condamnation des mêmes parties au paiement de la somme provisionnelle de 40.000 euro à titre de remboursement des frais d'avocats, sur un dommage évalué à 75.000 euro ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Maître Parijs se réfère à justice et, en cas de condamnation au paiement d'une somme, demande le renvoi de la cause devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles pour que celui-ci statue sur l'admission de la créance au passif de la faillite.

M. B. forme un appel incident et se réfère à justice concernant sa condamnation in solidum avec M. L. et M. C. ainsi que Maître Parijs pour différents postes.

Il se réfère également à justice concernant sa condamnation in solidum avec Maître Parijs concernant d'autres postes.

Il demande la condamnation des demandeurs originaires aux dépens.

Il demande enfin la condamnation in solidum de Maître Parijs, M. C. et M. L. à le garantir contre toute condamnation qui serait prononcée contre lui.

A titre subsidiaire, il demande la confirmation du jugement entrepris en tous ses points.

M. C. demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mis hors cause.

Subsidiairement,

- il demande à ne pas être condamné in solidum avec les autres intervenants et à ce que soit déterminé le pourcentage de sa responsabilité en ayant égard à sa mission limitée,

- il réitère sa demande incidente formulée devant le premier juge et postule la condamnation des intimés sur incident à le garantir contre toute condamnation.

Il demande en outre la condamnation des intimés sur incident/demandeurs originaux aux entiers dépens des deux instances et au paiement de la somme provisionnelle de 10.000 euro de dommages-intérêts pour ses frais de défense.

La SCRL Assurances du notariat forme également un appel incident contre Maître Parijs, qualitate qua, M. B., M. C., M. L. et la SA Euromaf en vue d'obtenir leur garantie à l'égard de toute condamnation qui serait prononcée contre elle.

Subsidiairement, en ce qui concerne la contribution à la dette, La SCRL Assurances du notariat demande de fixer sa part à 1%.

Elle demande en outre la condamnation des demandeurs originaires et des parties intimées sur incident aux entiers dépens.

Il est donné acte aux parties suivantes de leur reprise d'instance:

- la SA Euromaf venue aux droits et obligations de AIM Belgique,

- Mme C.M. et Mme S.P, acquéreuses de l'appartement de M. et Mme W-S.

Par ailleurs, M. D. D., devenu majeur, poursuit l'instance initiée en son nom par ses parents, M et Mme D.-R.

*

III. Discussion

1.Responsabilités des constructeurs

1.1 Principes

1.1.1 Promoteurs

Il est établi que M. B. et la SPRL Winnipenninckx, ayant constitué une association momentanée, pour faire construire la Résidence le N. en vue d'en revendre les parties communes et privatives, doivent en être considérés comme des promoteurs.

A ce titre, ils assument une responsabilité tant de vendeurs que d'entrepreneurs par application des articles 3 et 6 de la loi Breyne applicable à la plupart des contrats en l'espèce.

Ils sont tenus, par ailleurs, tenus d'une obligation de résultat qui dispense les copropriétaires de démontrer leurs fautes dès lors que le résultat promis n'est pas atteint, soit lorsque, comme en l'espèce, divers désordres affectent l'immeuble.

Il a déjà été relevé qu'aucune réception des parties communes n'est intervenue selon le prescrit conventionnel, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'opérer une distinction entre les vices apparents et les vices cachés ou, encore, ceux qui seraient susceptibles de mettre en œuvre la garantie décennale.

La copropriété peut donc réclamer aux promoteurs la réparation de tous les dommages directs et indirects liés à la survenance des désordres constatés par l'expert judiciaire.

Par ailleurs, il ne convient pas de limiter leur responsabilité à 56% comme l'a décidé le premier juge sur la base de l'avis, erroné sur ce point, de l'expert judiciaire qui a estimé opportun de déterminer les parts contributives (ce qui en soi n'est pas critiquable) mais également d'y limiter leur obligation à la dette.

Ce débat sortait de la mission de l'expert et échappait à sa compétence.

Les promoteurs sont, dans le cadre de leur obligation à la dette, tenus de réparer la totalité des dommages in solidum entre eux et avec les constructeurs concernés (sauf ce qui sera dit ci-après à propos de la responsabilité de M. L.).

Ils peuvent, par contre, obtenir la fixation en eux de leurs parts contributives que le premier juge a chiffrées judicieusement à 50%,

proportion à concurrence de laquelle la demande incidente en garantie formée par M. B. contre la SPRL Winnipenninckx a, à juste titre, été déclarée fondée.

1.1.2 Architectes

Trois architectes se sont succédés dans l'oeuvre constructive : Mme T., M. C. et M. L..

* Mme T., initialement chargée d'une mission complète, en a été déchargée au moment de l'arrêt des travaux survenu en septembre 1988.

* M. C. s'est vu confier, par contrat du 2 juillet 1989, la mission d'établir un nouvel avant-projet et d'un nouveau projet d'exécution, de rédiger un cahier des charges y afférant et des détails d'exécution et d'assister aux réceptions provisoire et définitive (article 3 de la convention).

Il résulte de ces documents contractuels que la mission de M. C., contrairement à ce qu'il soutient, même si elle a pu être motivée par le souhait des promoteurs de revoir l'esthétique de l'immeuble, n'était pas limitée à ce seul aspect : il a joué un rôle certain dans la conception d'ensemble de l'immeuble et a assisté à certaines réunions de chantier afin de vérifier que ses conceptions architecturales étaient bien mises en oeuvre.

Il peut, par contre, être admis que M. C. a été déchargé du contrôle des travaux sur le plan technique (conformité aux plans d'exécution et aux règles de l'art)

Son contrat est clair sur ce point.

M. C., par ailleurs, reste théoriquement tenu de sa responsabilité décennale à la condition qu'il soit prouvé que les désordres susceptibles de faire naître celle-ci puissent être mis en relation causale certaine avec les options préconisées par lui et matérialisées dans des documents qu'il aurait lui-même établis.

Il ne peut, à cet égard, se prévaloir de la lettre du 11 avril 1990 adressée par M. L. à l'architecte T., pour prétendre avoir été exonéré de cette responsabilité d'ordre public.

Une telle décharge ne pourrait résulter de la seule déclaration de l'architecte L., figurant in fine de la lettre précitée, qui signalait à l'architecte T. qu'il reprenait à sa charge la responsabilité décennale de l'ensemble de l'ouvrage.

Si Mme T. peut éventuellement invoquer cette décharge - dans le cadre d'une mise en cause, par ailleurs, inexistante de sa responsabilité professionnelle, ce qui dispense la cour d'analyser cette question purement théorique - ce n'est nullement le cas de M. C., dont le nom n'est pas cité par M. L. dans ce courrier et qui n'a pas conclu avec les promoteurs un avenant qui l'eût expressément déchargé de sa responsabilité décennale.

S'agissant d'une novation par changement de débiteur, pareille décharge eut d'ailleurs supposé la conclusion d'une convention tripartite entre les créanciers de l'obligation (les promoteurs) et les deux débiteurs successifs (M. C. et M. L.), ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Encore y aurait-il lieu d'examiner la validité de pareille décharge des architectes en raison du caractère d'ordre public de la responsabilité décennale. Cette analyse n'a cependant pas lieu d'être faite en l'espèce.

* M. L. a été chargé, par convention du 22 février 1990, conclue 7 mois après le contrat d'architecture de M. C., d'une mission définie comme suit par son article 3 : fourniture des plans de détail, contrôle de l'exécution, assistance aux opérations de réception et mise à jour, en fin de chantier, des plans d'exécution de l'architecte C..

Il résulte clairement de cette énumération qu'il doit répondre :

- tant des éventuelles erreurs de conception (ou des manquements à l'obligation de conseil), ayant établi les plans de détail qui se greffaient nécessairement sur les plans généraux antérieurs réalisés par M. C. dont il a, soit avalisé la conception pour y rattacher les plans d'exécution, soit modifié celle-ci, auquel cas il serait l'auteur unique de la conception dont il aurait pris l'initiative,

- que des manquements possibles dans le contrôle de l'exécution (qu'il assumait sans restriction).

Il est, par ailleurs, tenu de la responsabilité décennale des ouvrages qu'il a conçus et contrôlés.

1.1.3 Entrepreneur

Sa responsabilité n'est évoquée que pour mémoire dans la mesure où cet acteur essentiel n'est plus à la cause en degré d'appel.

Il convient cependant de rappeler dès à présent que l'architecte n'est pas le garant de l'entrepreneur défaillant et ne peut ni répondre des fautes d'exécution en tant que telles, ni prendre en charge les conséquences néfastes d'une faillite de l'entrepreneur.

Ajoutons qu'en l'espèce, l'architecte L. ne peut être condamné in solidum avec l'entrepreneur (ni du reste avec aucun constructeur ou avec le promoteur) en raison de la clause spécifique figurant à ce propos dans son contrat d'architecture.

Ce point sera développé ci-après (1 .2 .1)

*

1.2 Applications aux différents griefs

Les montants sont exprimés en francs belges pour pouvoir être mis en relation avec les pièces du dossier et les évaluations de l'expert judiciaire.

Ils seront convertis en euros dans le dispositif de l'arrêt.

1.2.1 Toitures

· Les copropriétaires se fondent sur le rapport d'expertise pour réclamer la condamnation in solidum des promoteurs et des deux architectes (ainsi que d'Euromaf et des assurances du Notariat) au remboursement des travaux déjà exécutés pour pallier les conséquences de deux sinistres survenus en cours d'expertise en février 1997 et janvier 1998 (soit mesures conservatoires : 181.734 F TVA comprise et remises en état :1.041500 F TVA comprise - Rapport d'expertise VI-17) et au paiement du coût du remplacement intégral des toitures (soit 5.513.540 F- VI-18 et 36).

· L'expert judiciaire a constaté que les toitures sont affectées de nombreux défauts.

Deux parties des toitures doivent être distinguées :

§ d'une part, les toitures plates dont les membranes d'étanchéité ont été mal fixées et ont dû être remplacées (les anciennes membranes ayant été arrachées lors des deux tempêtes précitées) (IV-14 et 25 et VI-17).

L'expert a constaté :

- tout d'abord que ces toitures ont été conçues selon le principe de la « toiture froide » (liée au type de réalisation de la ventilation sous toiture). Ce choix est critiqué par l'expert qui le qualifie de « discutable » car il implique une mise en oeuvre plus délicate et une attention accrue lors de sa réalisation.

L'expert y décèle une faute de conception et un manquement des architectes à leur obligation de conseil (RE VI-7).

Il a, par ailleurs, constaté que la réalisation était entachée de multiples défauts révélateurs de fautes d'exécution : rives, bavettes en plomb et raccords défectueux, fixations contraires aux règles de l'art, non signalées par les architectes.

L'expert propose, sans s'en justifier de manière précise, une répartition des responsabilités dans les proportions suivantes :

56% pour l'entrepreneur, 33% pour l'architecte C. et 11% pour l'architecte L. (VI-36).

Le coût du travail de remplacement est estimé à 606.525 F hors TVA et à 733.895 avec TVA (VI-18).

§ d'autre part, les parties inclinées ou arrondies de la toiture (recouvertes d'ardoises ou de métal).

L'expert a constaté que ces ouvrages sont également affectés de nombreuses malfaçons (mauvais alignements des ardoises, pieds et têtes des versants mal positionnés, ventilation défectueuse, contre-lattes trop courtes, pose incomplète des panneaux sous-toiture d'ardoises ; absence de joints de dilation, soudures déficientes empêchant la dilation et la ventilation correctes des parties métalliques) (IV-32 et 35 et VI-18 et 19).

L'expert ne met pas en évidence, au cours de ses constats, de faute de conception pour ce type de toitures mais conclut clairement à une exécution contraire aux règles de l'art.

Toutefois, dans la mesure où il se prononce sur les responsabilités et les coûts de manière globale pour tous les types de toitures (VI-29 et 36) sans opérer de distinction entre les toitures plates et les autres, son avis quant à une responsabilité éventuelle des architectes pour les toitures inclinées, n'est pas motivé.

Aucune faute de conception n'est, en tout cas, mise en évidence pour le second type de toitures et l'expert n'explicite pas les manquements qui auraient été commis dans le contrôle de l'exécution.

Le coût de ces travaux est évalué à 3.950.120 F + TVA, soit 4.779.645 F TVA comprise.

· La cour

estime qu'il ne convient pas de globaliser les problèmes affectant les deux types de toitures et d'en imputer de manière indistincte, comme le fait l'expert, la charge des réparations aux trois constructeurs qu'il reprend dans son tableau de répartition (VI-36).

Il faut distinguer les deux parties des toitures qui sont affectées de défauts différents causés par des fautes diverses qu'il n'y a pas lieu de confondre.

1° toitures plates

Les fautes d'exécution sont patentes et impliquent une responsabilité pleine et entière de l'entrepreneur (et des promoteurs) qui sont tenus de la totalité de la réparation.

En ce qui concerne les architectes, les choses sont moins évidentes.

Ainsi qu'il a été souligné ci-dessus, l'architecte C. n'est pas intervenu dans le contrôle de l'exécution sur le plan technique, contrairement à l'architecte L..

Il pourrait par contre, ainsi que M. L., répondre des fautes de conception et des manquements au devoir de conseil, à les supposer démontrées.

Or, la cour estime qu'elles ne le sont pas.

Il n'est nullement démontré que le choix de réaliser une « toiture froide » était fautif à l'époque de l'édification de l'immeuble.

L'expert lui-même s'exprime à ce propos de manière peu convaincante (c'est-à-dire peu motivée) sinon contradictoire. Il souligne que ce choix était délicat dans la mesure où il impliquait une mise en oeuvre plus difficile que celle d'une « toiture chaude ».

Du reste, les normes et règles de l'art à l'époque de la construction ne proscrivaient nullement l'emploi de ce type de toiture, mais se bornaient à attirer l'attention des édificateurs sur les difficultés de sa réalisation.

L'expert a, par contre, constaté que cette mise en œuvre n'a pas été réalisée correctement par l'entrepreneur.

En d'autres termes, les désordres ne sont pas survenus en raison du choix conceptuel de ce type de toiture mais à cause d'une exécution fautive imputable à l'entrepreneur et non décelée par l'architecte L. en cours de réalisation.

Il y a donc cumul de deux types de fautes à ce propos : fautes d'exécution et défaut de contrôle.

Cette conjonction de fautes ayant provoqué la survenance d'un même dommage impliquerait, en principe, que les responsables (l'entrepreneur - pour mémoire - et les promoteurs, d'une part, l'architecte L., d'autre part), soient condamnés in solidum à le réparer.

Toutefois, c'est à bon droit que ce dernier invoque l'article 13 de son contrat qui exclut ce type de condamnation, par l'insertion d'une clause parfaitement licite et qui doit sortir ses effets.

Ce type de clause n'a pas pour effet d'exonérer l'architecte de sa responsabilité mais de limiter celle-ci à la réparation de leurs seules conséquences.

Elle fait obstacle à la théorie de l'équivalence des conditions, création jurisprudentielle, certes utile et judicieuse, mais qui n'est pas d'ordre public et à laquelle les parties peuvent valablement déroger.

Les promoteurs ne peuvent bénéficier de l'application de cette clause en revendiquant une diminution de leur condamnation en proportion de la part de l'architecte, dès lors que cette clause ne contient aucune stipulation pour autrui au profit des promoteurs ou de quiconque.

Les promoteurs seront donc condamnés à la réparation intégrale de ce dommage et l'architecte L. à 30%.

Même si l'addition de ces condamnations atteint 130%, ce total n'est que virtuel dès lors que, dans le cadre de l'exécution de l'arrêt, les copropriétaires ne pourront obtenir plus que la réparation intégrale de leur dommage, soit 100%.

2° Toitures inclinées

Les fautes d'exécution sont multiples et démontrent la responsabilité totale de l'entrepreneur - pour mémoire - et des promoteurs qui répondent de tous les défauts en vertu de leur obligation de résultat.

Aucune faute de conception n'est mise en évidence par l'expert judiciaire (qui, pourtant semble l'admettre de manière implicite mais critiquable, car non justifiée dans la globalisation déjà critiquée par la cour).

Il peut, par contre, être admis que le contrôle de l'exécution de l'architecte L. a été déficient dès lors que la multiplicité des défauts ne pouvait échapper à un contrôle vigilant de l'exécution.

La part de l'architecte est fixée à 30%.

· récapitulation

* Des erreurs matérielles commises par l'expert et relevées par les parties doivent être corrigées.

Ainsi :

- le taux de TVA de 21% comptabilisé par l'expert en pages VI-18 et 19 est erroné et doit être ramené à 6%, ce qui réduit les montants globaux à 624.916 F et 4.187.127 F, soit 4.812.043 F TVA comprise, au total.

- le tableau récapitulatif de l'expert (VI-36) contient deux autres erreurs : il omet de reprendre le montant de 1.041.500 F relatif aux travaux de remise en état effectués par la copropriété en cours d'expertise (pourtant visé en page VI-17) et il indique que les montants sont hors TVA alors qu'ils incluent celle-ci.

Le montant total des travaux relatifs à la toiture s'élève donc à 4.812.043 F + 1.041.500 F + 181.734 F (mesures conservatoires) = 6.035.277 F TVA comprise.

C'est à tort que M. L. soutient que les frais exposés par la copropriété pour porter remède aux conséquences des deux tempêtes qui ont détérioré les toitures, devraient rester à sa charge parce qu'il s'agirait de deux cas de force majeure élisive de toute responsabilité des constructeurs.

Il peut être déduit des constatations de l'expert relatives aux multiples défauts affectant les toitures (et en particulier la fixation défectueuse de certains éléments des toitures et les faiblesses structurelles qui en résultaient) que les dégâts ne se seraient pas produits tels qu'ils sont survenus en février 1997 et janvier 1998 si les toitures avaient été sainement réalisées (VI-17 notamment).

Il y a lieu d'y ajouter également le coût de la remise en peinture du living de Mme V. dégradé par une infiltration en provenance des toitures dès lors que l'expert évalue à 112.750 F + TVA de 6% (6.765 F) = 119.515 F.

Si une adaptation du montant des travaux à réaliser à l'indice abex doit être admise, il n'en est pas de même pour ceux des travaux déjà effectués qui correspondent à des dépenses déjà exposées sur lesquelles des intérêts moratoires peuvent uniquement être comptabilisés.

* Condamnations

Les promoteurs sont condamnés in solidum au paiement de :

- 4.812.043 F adaptés selon l'indice abex entre le jour du dépôt du rapport d'expertise et le jour de l'arrêt, majorés des intérêts compensatoires au taux de 5% depuis le 6 novembre 2000,

- 1.223.234 F augmentés des intérêts moratoires depuis le 1er juin 1999 (date présumée - car non précisée par les copropriétaires- des débours).

M. L. doit supporter 30 % de ces mêmes montants, soit :

- 1.443.612 F , adaptés suivant l'indice abex et augmentés des mêmes intérêts compensatoires,

- 366.970 F, majorés des intérêts moratoires depuis le 1er juin 1999.

C'est à bon droit que les copropriétaires sollicitent, sur pied de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts moratoires, mais à tort qu'ils entendent également l'appliquer aux intérêts compensatoires auxquels cette disposition légale ne s'applique pas.

En effet, les « intérêts » compensatoires ne sont pas, à proprement parler, des intérêts mais un élément du dommage destiné à réparer le préjudice que subit le créancier d'une dette de valeur en raison du paiement différé de l'indemnisation qui lui est due.

Ils n'ont donc des intérêts que le nom et sont soumis à un autre régime (concernant notamment leur point de départ, leur taux...).

Ils le sont aussi en ce qui concerne l'anatocisme : bien que l'article 1154 Code civil soit formulé en termes généraux, il convient de maintenir la distinction susdite entre les intérêts moratoires et les « intérêts » compensatoires en ce qui concerne leur capitalisation.

Certes, l'anatocisme est possible pour les deux types d'intérêts, mais les motifs et les mécanismes d'octroi d'une capitalisation des uns et des autres sont distincts :

- les intérêts moratoires seront capitalisés si les conditions énoncées par l'article 1154 du Code civil sont réunies (sans que l'appréciation du juge puisse excéder la vérification objective de ces conditions),

- les compensatoires pourront l'être si le juge admet que leur capitalisation est nécessaire pour que le dommage soit intégralement réparé.

Ceci vaut pour tous les types d'intérêts compensatoires, qu'il soit d'origine contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.

Il serait, en effet, illogique d'opérer une distinction artificielle et prétorienne entre différents types d'intérêts compensatoires, selon qu'ils sont issus d'une dette contractuelle ou d'origine aquilienne.

En l'espèce, il n'apparaît pas que la capitalisation des intérêts compensatoires soit nécessaire pour accorder la réparation intégrale du dommage.

*

1.2.2 Caves

· La copropriété réclame pour ce poste la condamnation in solidum de toutes les autres parties

· L'expert judiciaire

a constaté la présence d'une humidité anormale dans l'ensemble des caves où de l'eau stagne en permanence au pied des murs, sur la dalle de sol et dans les trémies d'ascenseurs.

D'autres infiltrations se produisent par certains plafonds et à travers les murs contre terre. (VI-8, 9,11 et 12).

Le mur du garage de M. et Mme D. a été dégradé par les infiltrations provenant des mêmes causes (VI-25).

Des travaux de remise en état du jardin ayant subi certains travaux sont liés à ce poste (VI-26).

Les causes en sont, selon l'expert :

- la présence d'eau sous la dalle du sous-sol (il ne semble pas s'agir d'une nappe phréatique mais de l'accumulation d'eaux de ruissellement), alors qu'aucun dispositif de drainage adéquat n'a été mis en place sous la dalle et en périphérique du bâtiment (VI-11),

- la mise en oeuvre lacunaire d'une étanchéité des murs enterrés (VI-14 et 20).

L'expert estime qu'il y a cumul de fautes de conception et de contrôle des architectes et de réalisation (VI-10 et 12 et VI-30) et que des stagnations d'eau dans certaines zones du bâtiment auraient dû attirer l'attention des différents intervenants (VI 10).

· La cour

Il est établi que les caves ont été réalisées par l'entreprise Kempenaers, selon la conception et sous le contrôle de l'architecte T., avant l'interruption du chantier de septembre 1998 et l'intervention largement postérieure des architectes C. et L..

Les fautes d'exécution sont incontestables et ont été mises en relief par l'expert judiciaire.

Elles entraînent la responsabilité pleine et entière tant de l'entrepreneur que des promoteurs vis-à-vis de la copropriété.

En principe, la responsabilité des architectes ne saurait être recherchée pour des défauts affectant des travaux qu'ils n'ont pu ni concevoir ni contrôler au moment de leur réalisation. La thèse des copropriétaires qui allèguent que les architectes seraient tenus d'une véritable obligation de résultat quant à l'étanchéité de l'immeuble, ne peut être admise.

En particulier :

- L'architecte C. n'a commis aucune faute de conception ni de contrôle concernant les travaux des caves exécutées et terminées avant son intervention. Etant déchargé du contrôle sur le plan technique sa responsabilité ne peut être recherchée pour ce poste.

- Qu'en est-il de l'architecte L. ?

Seules deux situations pourraient théoriquement susciter une remise en cause du principe élémentaire qui vient d'être rappelé :

- celle où l'architecte intervenant après la fin de ces travaux aurait accepté d'assumer la responsabilité de son prédécesseur par le mécanisme de la cession de dette ou d'un engagement unilatéral assorti d'une stipulation pour autrui,

- celle où le même architecte aurait lui-même commis une faute pouvant être mise en relation causale certaine avec la survenance, le maintien ou l'amplification des dommages provoqués par la faute de son prédécesseur.

La cour estime que la première situation n'est pas rencontrée en l'espèce, malgré la lettre du 11 avril 1989 adressée par M. L. à l'architecte T..

Les engagements de M. L. à l'égard de ses clients les promoteurs, qui sont ses seuls cocontractants, sont définis par le contrat conclu entre eux, qui constitue « leur loi » contraignante (article 1134 du Code civil).

L'article 12 de ce contrat stipule que :

« la garantie décennale s'applique aux ouvrages expressément contrôlés par l'architecte M. L., à défaut des ouvrages précédemment exécuté ».

L'article 13 énonce par ailleurs que :

« L'architecte n'assumera pas les conséquences financières des erreurs et fautes des autres édificateurs ».

M. L. n'a souscrit à l'égard des promoteurs, ni dans cette convention, ni dans un avenant postérieur modificatif, aucune obligation d'assumer une responsabilité plus étendue, fut-elle décennale et incombant à Mme l'architecte T..

Seule celle-ci aurait pu se prévaloir de l'éventuel engagement unilatéral pris vis-à-vis d'elle par son confrère, du moins dans la mesure où une analyse juridique de la portée de cette déclaration eut abouti à la conclusion qu'une cession de dette et une décharge de Mme T. (alors que sa responsabilité décennale est d'ordre public) seraient intervenues, ou que M. L. aurait souscrit à une obligation conjointe.

Ces hypothèses sont cependant purement théoriques dans la mesure où l'architecte T. n'est pas partie au procès.

Il ne peut, en tout cas, être déduit des termes de ce courrier que les promoteurs (et à leur suite les copropriétaires) seraient fondés à invoquer une éventuelle stipulation pour autrui que la lettre précitée ne permet pas d'admettre.

Reste à déterminer si l'architecte L. aurait, par son propre comportement, permis de maintenir ou d'amplifier les désordres déjà existants au moment de son intervention en mars 1990.

Les copropriétaires le soutiennent puisqu'ils soulignent que les infiltrations étaient apparentes lors de la reprise du chantier, comme en témoignent les extraits déjà mentionnés du rapport établi par M. L. le 5 mars 1990.

La cour constate que M. L. a bien relevé la présence anormale d'humidité en caves dès le début de son intervention sur chantier (eau stagnante, marques de sécrétion sur les murs, efflorescences dans les cimentages) et recommandé de procéder à un pompage et de faire appel à un spécialiste en étanchéité.

Il a, par ailleurs, réitéré par la suite ses observations à diverses reprises (cf. notamment les rapports de chantier n° 1, 55, 63, 64 et 104 et lettre de M. L. du 2 février 1994 dans laquelle il insistait pour que les promoteurs mettent en demeure l'entrepreneur à ce propos).

Il ne peut être perdu de vue que l'architecte, auquel aucune faute de conception ne peut être imputée concernant ces ouvrages, a exercé correctement sa mission de contrôle en signalant à plusieurs reprises à ses clients, promoteurs et maîtres de l'ouvrage, les défauts affectant les travaux exécutés avant son intervention.

Il ne pouvait se substituer ni à l'entrepreneur, pour réaliser lui-même des travaux de remise en état, ni aux maîtres de l'ouvrage pour donner une suite utile aux constats qu'il a effectués et aux conseils qu'il a prodigués.

Il incombait uniquement aux promoteurs de le faire en mettant en demeure l'entrepreneur à ce propos et/ou en recherchant la responsabilité de l'architecte T. qui avait conçu les caves et abords et en avait contrôlé l'exécution. Ils le pouvaient jusqu'à la réception provisoire et même ultérieurement s'il s'agissait de défauts mettant en cause la solidité, la conservation ou la stabilité de l'immeuble.

Ils pouvaient également charger l'architecte L. d'un complément de mission à cet égard, ce qu'ils se sont abstenus de faire.

Il résulte de ces motifs que M. L. n'a commis aucune faute en relation causale avec la survenance de ce dommage et que sa responsabilité n'est pas engagée sur ce point.

· Récapitulation

Les remèdes à cette situation impliquent de très importants travaux dont l'expert estime le coût à :

- 7.920.875 F + TVA de 6%, 475.252 F = 8.396.127 F pour les caves,

- 192.390 F x 106 /121, soit 168.540 F TVA comprise pour les trémies d'ascenseurs,

- 436.150 F + 26.169 F de TVA de 6% = 462.319 F pour la remise en état du jardin,

soit un montant total de 9.026.986 F

qui est dû par les promoteurs à la copropriété (parties communes)

Il convient d'y ajouter 29.947 F pour la remise en peinture d'un garage (D.),

dû à ce copropriétaire.

Ces montants doivent être adaptés selon l'indice abex et majorés des intérêts compensatoires sans capitalisation, selon les mêmes modalités que pour le poste précédent.

Les promoteurs doivent être condamnés in solidum à payer ces montants à la copropriété ou au copropriétaire concerné.

*

1.2.3 Installation électrique

· Les copropriétaires estiment que les défauts d'exécution relevés par l'expert devaient être aperçus par les architectes.

· L'expert judiciaire a constaté que les désordres affectant l'installation électrique extérieure consistent en « inachèvements, raccordements non étanches et mise en oeuvre de matériel non approprié » ( IV-31, VI-15 et 24).

Le rapport du 15 avril 1999 de l'AIB Vinçotte, contactée par l'expert qui n'a pu contrôler lui-même la conformité de l'installation, relève diverses imperfections (connexions, entrée des tubes et de certains câbles, étanchéité de certains appareils...).

L'expert impute ces défauts à une faute d'exécution et à un défaut de contrôle (VI-24).

Il évalue le coût des travaux de remise en état à 158.545 F hors TVA, soit avec une TVA de 6% : 168.058 F.

· La cour estime que :

- la responsabilité des défauts d'exécution doit être totalement assumée par l'entrepreneur et les promoteurs vis-à-vis de la copropriété,

- l'architecte C. qui n'a ni conçu ni contrôlé l'exécution de ces travaux ne peut être inquiété,

- l'architecte L. ne les a pas conçus non plus mais il était chargé d'une mission de contrôle.

Il serait amené à supporter une part de responsabilité pour autant que ces défauts aient été décelables pour un architecte exerçant un contrôle hebdomadaire normal et, dans cette hypothèse, n'aient pas été signalés à l'entrepreneur ou aux maîtres de l'ouvrage.

La cour constate toutefois que le défaut de contrôle admis par l'expert n'est nullement démontré et n'est d'ailleurs pas justifié par lui.

La preuve du caractère aisément décelable par l'architecte des imperfections techniques affectant cette installation n'est pas rapportée.

La cour observe que l'expert judiciaire lui-même a d'ailleurs dû faire appel à un organisme spécialisé pour déterminer les défauts qui pouvaient affecter cette installation.

· Récapitulation

La demande des copropriétaires pour ce poste n'est fondée qu'à l'encontre des promoteurs, soit à concurrence de 168.058 F TVA comprise, adapté suivant l'indice abex et majorés des intérêts compensatoires précités.

*

1.2.4. Chambre de visite du réseau d'égouts

· La copropriété entend obtenir la condamnation in solidum des promoteurs et des deux architectes à réparer le dommage relatif à ce poste.

· L'expert a constaté :

que la finition intérieure des deux premières chambres de visite laissait à désirer (cimentage et goudronnage déficients) (IV-15). Il s'agit selon lui d'un inachèvement (VI-16).

Il en impute la responsabilité à l'entrepreneur et aux architectes pour défaut de contrôle (VI-33).

Il en évalue le coût à 5.100 F (montant incluant une TVA de 21%).

Ce montant doit être ramené à 4.468 F (4.215 + TVA de 6%)

· La cour, pour les mêmes motifs que ceux exposés au poste précédent, estime qu'aucune faute de contrôle imputable aux architectes n'est démontrée.

Le caractère mineur du défaut est du reste confirmé par le coût minime de sa réparation.

· Récapitulation

Les promoteurs doivent réparer ce dommage in solidum par le paiement de 4.468 F adaptés suivant l'indice abex et augmenté des intérêts compensatoires suivant les modalités précitées.

1.2.5 Terrasses arrières des appartements du rez-de-chaussée

· La copropriété

recherche la responsabilité des promoteurs et des architectes auxquels elle reproche des manquements dans le contrôle des travaux.

· L'expert

a constaté des problèmes d'humidité et de moisissures dus à une mauvaise protection des murs contre l'humidité (feuilles de « visqueen » posées de manière non étanche d'où stagnations d'eau et moisissures)

(VI-12)

Il en évalue le coût de réparation à 535.849 F (TVA de 21% incluse) et en impute l'apparition à l'entrepreneur et à l'architecte ayant contrôlé les travaux

· La cour

partage l'avis de l'expert quant à la responsabilité de l'architecte L. (l'architecte C. n'étant pas concerné pour les motifs déjà mentionnés) : il s'agit de défauts importants qui auraient pu et du être décelés et signalés en temps opportun et qui ne l'ont pas été.

Les promoteurs doivent prendre en charge la totalité de ce poste, soit 469.421 F (442.850 F + TVA de 6%) et l'architecte L., 30% (pour le motif déjà énoncé), soit 140.826 F.

*

postes 1.2.6 à 1.2.11

L'expert judiciaire impute la responsabilité des défauts affectant tous les autres postes uniquement à l'entrepreneur, sans retenir la moindre faute de conception et/ou de contrôle à charge des architectes.

Les copropriétaires contestent ce point de vue et affirment que tous ces défauts impliqueraient nécessairement une défaillance des architectes dans l'accomplissement de leur mission de contrôle.

Cette thèse ne peut être suivie. Elle se fonde, non sur des constats précis, mais sur une pétition de principe qui fait de l'existence de vices d'exécution la preuve unique et suffisante de celle des manquements dans l'exercice du contrôle des travaux.

Il n'y a toutefois pas d'équivalence entre ces deux notions, une faute d'exécution pouvant être soit minime et non perceptible lors de la visite hebdomadaire de l'architecte, soit cachée, voire dissimulée.

Elle peut également avoir été décelée et signalée par l'architecte qui, faut-il le répéter, n'est pas le garant des défaillances de l'entrepreneur et qui accomplit correctement son contrôle des travaux lorsqu'il relève des défauts d'exécution qu'il incombe à l'entrepreneur de réparer avant la réception définitive de ses travaux.

Il y a donc lieu de démontrer pour chacun des postes concernés la défaillance de l'architecte en relation causale avec l'apparition ou le maintien du défaut d'exécution.

En l'espèce, la cour constate que si l'expert judiciaire n'a pu mettre en évidence aucune faute des architectes (et en particulier de l'architecte L.) dans le contrôle des travaux, il incombe à la copropriété de démontrer, poste par poste, l'existence des manquements qu'elle impute à l'architecte.

Ce qui n'est pas le cas.

Dès lors, il y a lieu de regrouper ces différents postes dont la responsabilité incombe uniquement à l'entrepreneur (et donc aux promoteurs).

1.2.6 Absence de chasse-roues au bas du mur d'accès de l'allée d'accès aux garages

* description : humidité anormale à la base de ces murs (VI-12)

* cause : résulte de l'oubli de l'entrepreneur de placer des chasse-roues du côté du mur de retenue des terres contre la propriété voisine provoquant une humidité anormale à la base de ce mur. (VI-12)

(VI-13 et 30)

* coût :

405.000 F + 24.300 F de TVA à 6% = 429.300 F (VI-22) et non 490.050 F (avec une TVA de 21% comme l'énonce l'expert)

1.2.7 Pilastre d'entrée gauche

* description : des pierres se sont détachées (IV-3)

* cause : défaut de fixation des pierres de parement (VI-13)

* coût : 3.180 F, TVA à 6% comprise (l'expert aboutit à un chiffre de 3.630 F mais incluant une TVA de 21%) (VI-23)

1.2.8 Façades

* description : les joints entre maçonnerie et éléments des balcons ne sont pas correctement achevés et des morceaux d'isolants sont visibles (VI-13)

* cause : inachèvement de ce travail (VI-23)

* coût : 55.540 F TVA de 6% comprise (soit 63.400 F erronément fixé par l'expert x 106/121)(VI-23)

1.2.9 Terrasses des balcons

* description :

- joints ouverts entre les dalles sur plots

- joint entre élément autoportant des terrasses et rive en béton s'effrite

* cause :

déformation de la protection contre l'étanchéité qui provoque des stagnations entre « visqueen » et « roofing » et absence de protection du pied des murets de séparation des terrasses

* coût

63.600 F, TVA de 6% comprise (soit 72.600 F x 106/121) (VI-23)

1.2.10 Citernes des bassins d'orage

* description :

5 citernes situées dans la zone arrière des jardins sont mal stabilisées ; les citernes ne remplissent plus leur fonction de stockage et d'évacuation des eaux de pluie

* causes :

absence de sable stabilisé dans les remblais, cumulée avec de mauvais raccords d'étanchéité des tuyauteries. De plus, accumulation

de terre et déchets

* coût : 725.000 F + 43.500 (TVA à 6%) = 768.500 F (au lieu de 877.250 F)

1.2.11. Portes du hall d'entrée du rez-de-chaussée

* description :

difficultés de fermeture des 4 portes métalliques vitrées (III-4)

* cause :

l'expert relève que des malfaçons ont été commises dans la réalisation des portes (VI-15) qu'il met à la charge exclusive de l'entrepreneur (VI-36).

Toutefois, curieusement, dans son analyse des responsabilités techniques, il ne retient pas de faute d'exécution (VI-32).

Cette contradiction apparente (qui résulte peut-être d'une simple erreur matérielle en page VI-32) est sans incidence concrète puisque l'entrepreneur n'est plus à la cause et que les promoteurs restent tenus d'une obligation de résultat.

* coût :

24.920 F + 1.495 F (TVA de 6%) = 26.415 F (au lieu de 24.960 F- VI-25)

*

2.2.12 Honoraires d'un architecte

L'expert évalue à 2.098.066 F le montant des honoraires qui devront être payés à un architecte chargé de concevoir et contrôler les travaux de remise en état.

Ce montant est obtenu par le calcul suivant : taux de 11,5% (10% + 1,5% pour la coordination des travaux, selon le barème de la catégorie 4) appliqués au coût total des travaux estimé par l'expert à 18.425.787 F TVA incluse. (VI-27 et 36-37).

C'est à juste titre que M. L. souligne :

- qu'il y a lieu d'exclure la TVA du montant des travaux servant de base au calcul des honoraires,

- qu'il ne convient pas non plus d'inclure dans cette base de calcul des postes qui ne nécessitent aucunement l'intervention d'un architecte (tels les travaux de peinture ou la remise en ordre des jardins) ainsi que les montants se rapportant à des travaux déjà exécutés (sans l'assistance d'un architecte : travaux conservatoires et réparations de la toiture en cours d'expertise),

- enfin, qu'il ne peut être amené à participer qu'aux honoraires de l'architecte ayant trait à la mission relative aux défauts pour

lesquels sa responsabilité de M. L. a été retenue (soit la toiture et les terrasses arrière).

En fonction de ces remarques, les honoraires de l'architecte appelé à intervenir relativement aux travaux de réparation doivent être fixés comme suit :

1) montant des travaux à prendre en considération 14.955.476 F (montant total hors tva après déduction des postes travaux déjà exécutés, soit 1.041.500 F + 181.734 F, et 436.150 F - jardins - , 119.515 F - peintures V. et Delecea) ;

2) montant total des honoraires d'architecte :

11,5% de 14.955.476 F = 1.719.880 F + TVA de 21% (361.175 F) = 2.081.055 F adaptés suivant l'indice abex et augmentés des intérêts compensatoires à 5% depuis le 6 novembre 2000.

Ce montant doit être pris en charge par les promoteurs in solidum ;

3) part de l'architecte L. :

les deux postes pour lesquels la responsabilité de M. L. est engagée (toitures et terrasses) nécessitent des travaux de réparation pour un montant total hors TVA de 4.999.495 F (4.556.645 F + 442.850 F).

La quote-part d'honoraires d'architecte devant être supportée par M. L. s'élève donc à 30% de 11,5% de 4.999.495 F, soit 172.482 F + TVA de 21% (36.221 F) = 208.703 F

*

2.2.13 Troubles de jouissance

Si l'expert judiciaire n'a admis l'existence des troubles de jouissance que de manière très limitée - soit uniquement en ce qui concerne l'usage des caves - et en a évalué forfaitairement le montant total à 75.000 F, les copropriétaires réclament à ce titre 325.368,45 euro (soit 13.125.331 F) depuis février 1994 ( depuis la lettre du promoteur 4 février 1994 relative aux infiltrations et humidités en caves).

Ils invoquent divers troubles répartis sur deux grandes périodes :

* avant les travaux de remède : 275.169 euro

la copropriété réclame 5.000 F (123,95 euro ) par mois et par copropriétaire, soit 123,95 euro x 15 x 148 mois = 275.169 euro .

* pendant les travaux de réparation : 50.199,45 euro , soit :

- 3.718,50 euro (premières réparations)

- + 9.295,95 euro (secondes réparations)

- + 37.185 euro (travaux restant à exécuter)

Si la copropriété elle-même ne peut réclamer la réparation de ce dommage éprouvé par les copropriétaires, comme le soutiennent M. L. et Euromaf, cette objection est sans portée pratique en l'espèce. Il suffit dès lors d'accorder cette indemnisation aux copropriétaires qui sont personnellement à la cause

La cour estime :

- que la réalité de troubles de jouissance est incontestable pour les deux périodes visées par les copropriétaires,

- que toutefois, les montants postulés par eux sont démesurés au regard des inconvénients réellement subis. Il suffit à cet égard de souligner que les montants réclamés représentent près de 175 fois l'estimation de l'expert qui, a pourtant fréquenté les lieux pendant plusieurs années et a évalué les défauts et leurs divers inconvénients.

Il n'y a pas lieu de mesurer l'importance des troubles à l'aune du coût des travaux de remède dès lors que :

- d'une part, la toiture (qui implique des travaux de près de 5 millions de francs) a été source de peu de troubles effectifs : une infiltration ponctuelle dans un appartement et une dégradation de l'étanchéité lors de deux tempêtes),

- d'autre part, les infiltrations en caves, si elles ont représenté la source essentielle sinon unique des troubles avant les travaux de remède, vont nécessiter une dépense très élevée (plus de 8.000.000 F) qui ne reflète nullement l'importance des troubles effectifs subis mais la seule difficulté d'exécution des travaux de réparation.

En fonction de ces motifs, la cour évalue les troubles de jouissance

- avant travaux :

à 600 euros par mois pour l'ensemble des copropriétaires, soit 148 mois x 600 euro = 88.800 euro (ou 5.920 euro par copropriétaire soit 88.800 euro : 15),

- pendant les travaux :

à 1.000 euros par mois, soit 6 x 1.000 = 6.000 euro pour l'ensemble de la copropriété (ou 40 euro par copropriétaire).

Les promoteurs doivent supporter in solidum l'intégralité de ces montants.

M. L. ne doit cependant prendre en charge que les indemnités correspondant

- d'une part, aux travaux pour lesquels sa responsabilité a été retenue et qui ont engendré un trouble de jouissance (ce qui ne vise en réalité que les travaux de réparation à venir, dès lors que les troubles relatifs à la première période ont été causés par les humidités affectant les caves et les ascenseurs, mais non les défauts affectant la toiture et les terrasses arrières)

- d'autre part, en proportion de sa part limitée de responsabilité.

En d'autres termes, le troubles de jouissance pouvant être reliés à la faute de M. L. ne représentent qu'une petite partie de ceux qui seront provoqués par les travaux de réparation, dans une proportion que la cour en équité à 10% de 6.000 euro , soit 600 euro .

*

2. 3. Récapitulation

Les promoteurs doivent être condamnés in solidum à payer :

- à l'association des copropriétaires :

* travaux de réparation :

4.812.043 F + 9.026.986 F+ 168.058 F + 4.468 F + + 429.421 F + 429.300 F + 3.180 F + 55.540 F + 63.600 F + 768.500 F + 26.415 F, soit 15.827.511 F ou 392.355,75 euro au total,

adaptés suivant l'indice abex (des 4ème trimestre 2000 et 4ème trimestre 2008),

à majorer des intérêts compensatoires à 5% depuis le 6 novembre 2000

* honoraires d'architecte : 2.081.055 F ou 51.587,98 euro adaptés et majorés comme il vient d'être dit ;

* remboursement de dépenses effectuées :

1.223.234 F ou 30.323,18 euro , augmentés des intérêts moratoires depuis le 1er juin 1999, capitalisés aux 28 décembre 2000, 28 janvier 2005 et 28 juin 2006.

- aux copropriétaires à titre personnel :

* travaux de peinture :

119.515 F à Mme V. ou 2.962,70 euro

et 29.947 F à M. D., 742,37 euro

adaptés et majorés selon les modalités déjà décrites,

* troubles de jouissance :

88.600 euro + 6000 euro = 94.600 euro , soit 6.306,66 euro par copropriétaire ayant des intérêts distincts (étant entendu que une seule indemnité est attribuée à tous les copropriétaires d'un même appartement, le montant total de 6.306, 66 ayant été réparti en 15 unités), augmentés des intérêts compensatoires à 5% depuis la date moyenne du 1er juin 2000.

M. L. doit payer :

- à l'association des copropriétaires :

* travaux à faire :

1.443.612 F + 140.826 F , soit 1.584.438 F ou 39.277,19 euro

adaptés et majorés suivant les modalités mentionnées ci-dessus.

* travaux déjà exécutés :

366.970 F ou 9.096,95 euro

majorés des intérêts moratoires comme ci-avant.

* honoraires d'architecte

208.703 F ou 5.173,61 euro , adaptés et augmentés suivant les modalités précitées.

- aux copropriétaires :

888,81 euro à Mme V., adaptés et majorés suivant les mêmes modalités,

600 euro , soit 40 euro par copropriétaire ayant des intérêts distincts, augmentés des intérêts compensatoires à 5% depuis le 1er juin 2000.

*

2.4 Assureur de M. L.

Les copropriétaires mettent en œuvre contre AIM (devenue Euromaf), qu'ils considèrent comme l'assureur de l'architecte L. l'action directe que confère l'article 86 de la loi du 25 juin 1992 à la personne lésée.

Euromaf objecte :

- d'une part, que cette demande ne serait pas recevable dès lors qu'elle ne serait pas l'assureur de l'architecte L., mais seulement la mandataire des sociétés Colonia et Reale Mutua, véritables assureurs de celui-ci,

- d'autre part, qu'à la supposer recevable, la demande serait prescrite, sur pied de l'article 34 § 1 de la loi précitée, par l'écoulement de plus de 5 années entre le fait générateur de responsabilité (fautes commises entre 1991 et 1994) et l'intentement de l'action (en septembre 2002).

La cour déplore que ni M. L. ni Euromaf ne versent aux débats les pièces essentielles que constituent la police d'assurance et la déclaration de sinistre de M. L..

Elle le regrette d'autant plus :

- que ce contrat a bien été produit devant le premier juge puisqu'il en cite un passage (dont il ressortirait que AIM, aux droits et obligations de laquelle vient Euromaf, aurait assuré la

responsabilité civile professionnelle de M. L. à concurrence de 100%, Colonia de 75% et Reale Mutua de 25%),

- et que les conclusions de M. L. et d'Euromaf font référence à la police comme étant la pièce n°4 de leur dossier ...qui ne la contient pas.

Quoi qu'il en soit, la recevabilité de l'action directe contre Euromaf doit être admise, par application de l'article 28, alinéa 2, de la loi du

25 juin 1992, dès lors qu'elle reconnaît avoir, à tout le moins, la qualité de mandataire des assureurs, soit d'apéritrice au sens de cette législation.

L'apériteur concentre entre ses mains la gestion du contrat d'assurance et lui permet de représenter les assureurs (ou co-assureurs) en justice dans une procédure en détermination et en paiement de l'indemnité due aux tiers lésés.

Par ailleurs, par application de l'article 89 § 1er alinéa 2, de la loi susdite, le jugement prononcé entre la personne lésée et l'assuré sera opposable à l'assureur, s'il est établi - comme c'est le cas en l'espèce - qu'il a assumé, personnellement, ou par apériteur interposé, la direction du procès.

La prescription quinquennale de l'action directe de la personne lésée, instaurée par l'article 34 § 2 de la loi du 25 juin 1992, est, selon l'article 35 § 4, interrompue par l'information de l'assureur de la volonté de la personne lésée d'obtenir la réparation de son dommage. Cette interruption ne cesse que lorsque l'assureur lui fait connaître par écrit soit sa décision de l'indemniser, soit son refus d'intervention.

En l'espèce, M. L. affirme avoir informé AIM dès le départ de la mise en cause de sa responsabilité par les copropriétaires.

Bien que, pour un motif non explicité (mais qui ne doit pas être étranger à l'argumentation actuelle d'Euromaf), M. L. ne produise pas sa déclaration de sinistre, il est établi que, depuis le début de la procédure dirigée contre M. L., soit dès le mois d'avril 1996, la défense de celui-ci a été assumée par son assureur qui avait la direction du procès, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

AIM était dès lors informée dès cette époque, soit bien avant l'écoulement du délai quinquennal évoqué ci-dessus qui n'a pu prendre cours avant 1993 ou 1994, de la volonté de l'association des copropriétaires et de ceux-ci à titre personnel, d'être indemnisée(és) des dommages résultant des fautes de son assuré (ou de celui des sociétés qu'elle représente).

L'action de la copropriété et des copropriétaires est donc recevable et

fondée à l'encontre d'Euromaf qui doit être condamnée au paiement des montants dus par l'architecte L., in solidum avec celui-ci.

*

2.5 Responsabilité des notaires

2.5.1 Préalables

* Les copropriétaires recherchent la responsabilité des notaires qui ont établi les actes authentiques de vente et auxquels ils reprochent :

- soit d'avoir admis l'insertion, dans certains actes, de clauses libérant les promoteurs de la garantie d'achèvement qu'ils auraient dû constituer par application de l'article 12 de la loi Breyne du 9 juillet 1971, révisée le 3 mai 1993,

- soit de n'avoir pas vérifié, au moment de la passation, l'existence de cette garantie .

Ils leur font également grief d'avoir négligé la jonction, aux actes établis après le 1er octobre 1993, du rapport de l'architecte, pourtant imposé par la loi après sa révision du 3 mai 1993, rapport évaluant l'état d'avancement de l'immeuble et le montant des sommes pouvant être payées lors de la passation de l'acte authentique.

Ils soutiennent dès lors que les notaires, non seulement auraient violé la loi susdite, mais auraient également manqué à leur devoir de conseil envers eux.

* La SCRL les Assurances du notariat invoquent tout d'abord l'irrecevabilité des demandes dirigées contre elle par l'association des copropriétaires qui n'a jamais été la cliente de ses assurés (les notaires), ou de l'un d'eux, et soutient que seuls les acheteurs, clients personnels des notaires, seraient admis à invoquer la protection de la loi Breyne.

Cette objection ne peut être retenue :

- d'une part, il y a lieu de constater qu'elle ne serait utile que pour autant que les copropriétaires ne soient pas eux-mêmes personnellement à la cause.

Or, ils le sont en l'espèce.

Leur demande est dès lors recevable contre les Assurances du notariat qui ne peuvent se dérober par ce moyen de procédure ;

- d'autre part, ce moyen lui-même n'est pas fondé dès lors que l'association des copropriétaires, dotée de la personnalité juridique, a pour objet la conservation et l'administration de l'immeuble de gérer 577 § 3 du Code civil.

Il doit être admis que l'exercice des actions judiciaires, tendant à l'obtention d'indemnités destinées à réparer des désordres

affectant les parties communes de l'immeuble entre dans le champ de cette compétence légale.

Ce constat prive de pertinence l'affirmation des Assurances du notariat selon laquelle chaque copropriétaire devrait individualiser son recours en précisant le dommage personnel qu'il subit.

C'est, pour l'essentiel, le patrimoine commun de la copropriété qui est

ici concerné (les seules exceptions étant les travaux de peinture dans deux locaux privatifs et les troubles de jouissance, distinction qui n'aura lieu d'être faite qu'au stade de l'indemnisation des dommages si la responsabilité des notaires ou de l'un d'eux est retenue).

* Les Assurances du notariat soutiennent, par ailleurs, qu'il conviendrait d'identifier chacun des notaires intervenus pour passer les actes et de déterminer sa faute éventuelle ainsi que le dommage qu'elle a pu provoquer afin d'analyser l'incidence des divers limites des couvertures d'assurances (franchise, plafond...), ce qui impliquerait l'introduction d'autant de demandes distinctes que de notaires instrumentants.

Ce point de vue ne peut être admis dès lors qu'en raison du caractère global et non divisible de la garantie d'achèvement, il suffirait de mettre en évidence la faute d'un seul notaire dûment assuré, dans la passation d'un seul acte authentique, pour que les Assurances du notariat soient obligées de couvrir le sinistre qui en aurait résulté et que cette intervention profite à toute la copropriété.

* Enfin, il doit être admis que la loi Breyne du 9 juillet 1971 s'applique à un certain nombre de ventes conclues en l'espèce, dès lors que le transfert de propriété est relatif à des biens immobiliers situés en Belgique, en voie de construction, destinés au moins partiellement à être habités et pour lequel l'acquéreur est tenu d'effectuer un ou plusieurs versements avant l'achèvement de la construction.

Si certaines autres ventes intervenues en l'espèce ne remplissent pas toutes ces conditions, rendant, en ce qui les concerne, la loi susdite inapplicable, il n'en reste pas moins qu'il suffirait, pour le motif déjà mentionné, de constater qu'un notaire ait commis la faute qui lui est reprochée à l'occasion d'une vente soumise à la loi Breyne et que cette défaillance puisse être mise en relation avec le dommage vanté, pour que les Assurances du notariat soient tenues de couvrir le sinistre.

2.5.2 Responsabilité des notaires

* Il convient donc de vérifier si, à l'occasion d'un acte au moins soumis à la loi Breyne, le notaire instrumentant a commis une faute, en acceptant d'y faire figurer une clause de renonciation à la garantie

d'achèvement imposée par l'article 12 de la loi précitée ou, en l'absence de pareille clause, en s'abstenant de vérifier la réalité de cette garantie .

Enfin, accessoirement, il y aura lieu de déterminer si le rapport d'un architecte qui, à partir du 1er octobre 1993, aurait dû être joint à l'acte authentique, par application de l'article de la loi susdite, et ne l'a pas été engage la responsabilité d'au moins un notaire et quelles en sont les conséquences.

* Il peut être admis qu'avant la modification de la loi Breyne, intervenue le 3 mai et applicable à partir du 1er octobre 1993, les acquéreurs pouvaient valablement renoncer à la constitution de la garantie d'achèvement imposée au vendeur ou à l'entrepreneur par l'article 12 de la loi.

En effet, le défaut de constitution de cette garantie était, par application de l'article 13 de cette loi, sanctionnée par une nullité relative que seul l'acquéreur (ou le maître de l'ouvrage) pouvait invoquer dès lors que la loi protège uniquement ses intérêts privés.

Si une partie peut se prévaloir d'une nullité qui ne vise qu'à préserver ses intérêts particuliers, elle peut également ne pas l'invoquer et donc y renoncer de manière implicite ou expresse.

En l'espèce, les clauses insérées à ce propos dans les actes notariés conclus avant le 1er octobre 1993 se bornent à exprimer dans un écrit la renonciation expresse et valide des acquéreurs à la garantie d'achèvement.

Aucun manquement ne peut être reproché à ce propos aux notaires instrumentants, qui, selon les termes des clauses précitées :

1° ont expressément attiré l'attention de l'acquéreur sur :

- le défaut de constitution de la garantie d'achèvement par les vendeurs,

- la possibilité pour l'acheteur d'invoquer jusqu'à l'acte notarié la nullité du compromis de vente qui peut en résulter,

- les motifs qui ont inspiré le législateur à ce propos ;

2° ont acté la connaissance de l'acquéreur du mécanisme légal précité et des conséquences de sa renonciation à la garantie ainsi que sa volonté de passer l'acte authentique d'achèvement sans se prévaloir de cette nullité.

Il n'apparaît dès lors pas que les notaires ou l'un d'eux aient enfreint la loi Breyne ou manqué fautivement à leur obligation de conseil en participation à la passation des actes authentiques actant, avant le 1er octobre 1993, la renonciation des acquéreurs à la garantie d'achèvement.

* Une faute peut-elle être reprochée aux notaires ayant participé, avant le 1er octobre 1993, à la passation d'actes ne contenant aucune clause de renonciation ?

Il vient, en effet, d'être admis qu'un acquéreur pouvait valablement renoncer de manière implicite à la garantie d'achèvement et à invoquer la nullité protégeant ses intérêts privés.

La question qui se pose dès lors est celle de savoir si un notaire devait, en vertu de son obligation de conseil, attirer l'attention de son client lors de la passation de l'acte authentique, sur la protection légale à laquelle il renonçait.

Il doit être admis que le notaire instrumentant devait effectivement vérifier si la garantie d'achèvement avait été constituée par les promoteurs et s'assurer que son client y renonçait en connaissance de cause.

Toutefois, cette affirmation ne peut avoir de portée concrète que pour autant que les actes concernés soient bien soumis à la loi Breyne.

Or, en l'espèce, seuls deux actes peuvent être théoriquement concernés, soit ceux authentifiant les ventes par les promoteurs à M. et Mme H. de B. (25 juin 1993) et à la SA Arge (27 août 1993).

La vente relative au bien acquis par la SA Arge n'est pas soumise à la loi Breyne dès lors que l'activité habituelle de cette société consistait à acquérir des immeubles pour les revendre.

La vente à M. Le H. de B. et à son épouse, Mme d'H, est soumise à la loi Breyne, contrairement à ce que soutiennent les Assurances du notariat : l'acte précise (page 2) que l'immeuble est « en cours de construction » et (page 5) que le prix est payé en deux versements : l'un de 500.000 F payé antérieurement (soit avant l'achèvement de l'immeuble) et le solde lors de la passation de l'acte authentique.

Les autres conditions d'application de la loi Breyne sont également réunies (situation du bien, usage privatif ...).

Il peut donc être admis que le notaire L. De C. a manqué à son obligation de conseil à l'occasion de l'authentification de cette vente, en n'attirant pas l'attention de ses clients sur l'absence de garantie d'achèvement et ses implications légales.

Il ne peut cependant être déduit de ce constat que si cette faute n'avait pas été commise, une garantie d'achèvement aurait nécessairement dû être constituée par les promoteurs.

Cette conclusion suppose un enchaînement causal qui n'est, en l'espèce, qu'hypothétique et, dès lors, non établi : il faudrait, en effet, qu'il soit démontré que dûment avertis par les notaires, les époux H. de B. - d'H. aient exigé des vendeurs la constitution d'une garantie sous peine, soit d'invoquer la nullité de la vente à laquelle les époux étaient eux-mêmes intéressés, soit de retarder la passation de l'acte notarié tant que la garantie n'était pas constituée.

Or, rien n'est moins sûr.

En effet, aucun élément ne permet d'admettre que les époux H de B - d'H. auraient fait passer le respect formel de la loi avant leur intérêt propre à acheter l'appartement dans les conditions de la vente telle qu'ils l'avaient conclue.

Rien ne prouve non plus qu'ils auraient considéré qu'ils avaient davantage intérêt à retarder la vente, voire à en demander l'annulation, plutôt qu'à poursuivre l'opération en vue d'entrer dans les lieux sans retard.

L'attitude des autres acquéreurs, qui ont accepté de renoncer explicitement à la garantie d'achèvement plutôt que d'acheter leur bien avec cette garantie, tend d'ailleurs à démontrer le contraire.

En d'autres termes, le lien causal entre la faute du notaire L. De C.et le défaut de constitution de la garantie d'achèvement et ses éventuelles conséquences n'est pas établi.

* Qu'en est-il des actes passés après le 1er octobre 1993 ?

La modification de la loi Breyne en mai 1993 a notamment eu pour but de renforcer la protection des acquéreurs en investissant les notaires d'une obligation accrue de conseil, en particulier par la vérification, au moment de la passation de l'acte de la constitution effective par le vendeur de la garantie d'achèvement imposée par l'article 12 de la loi .

C'est la raison pour laquelle l'article 13 de la loi a été modifié par l'ajout d'un 4ème alinéa qui énonce que l'acte authentique doit mentionner que toutes les prescriptions des articles 7 et 12 ont bien été respectées.

Par ailleurs, l'article 4 de l'arrêté royal d'application du 21 septembre 1993 impose au notaire de mentionner dans l'acte la convention de cautionnement et d'y joindre une copie de celle-ci.

Ces modifications ne laissent subsister aucun doute sur le renforcement imposé par le législateur du rôle actif du notaire au moment de la passation de l'acte authentique : il doit vérifier personnellement si les articles 7 et 12 de la loi Breyne sont respectés.

Dès lors, non seulement il n'est plus possible d'insérer valablement de clause de renonciation à la garantie d'achèvement - l'acheteur fut-il d'accord à ce propos - mais encore le notaire doit-il vérifier si cette garantie a bien été constituée par le vendeur et, dans la négative, refuser de passer l'acte.

Les travaux préparatoires sont très clairs à propos de cette responsabilité renforcée du notaire : ainsi le rapport au Sénat souligne-t-il qu'il convient de le « responsabiliser davantage » (Rapport Sénat 496-2 session 1992-1993 p. et rapport Van Looy p. 9, 22-5 , p 10),

Les commentateurs sont quasi-unanimes sur le sujet :

cf. notamment, dans « La réforme de la loi Breyne - Patrimoine XVI - Loi du 3 mai 1993- Bruylant : les articles de

- Bernard Champion n° 86 p.39,

- Jean Louis Jeghers n° 38 et suivants p. 60 et suivantes,

- Jacques Damblon « Renonciation à la nullité résultant de la garantie d'achèvement » p. 79 et suivantes.

Voir également : Lorette Rousseau - La Loi Breyne- Quelques éclairages jurisprudentiels, en particulier p. 39 à 44, dans « La vente, un contrat usuel très réglementée » - CUP vol. 90 - 11/2006.

Il convient dès lors d'examiner si, en l'espèce, les actes de vente passés après le 1er octobre 1993 contiennent une clause de renonciation à la garantie d'achèvement, et si, en l'absence de pareille clause, si le notaire instrumentant a réellement pris soin de vérifier si cette garantie devait être constituée et, dans ce cas, si elle l'a bien été.

Les actes de vente, produits devant la cour, qui ont été passés par le notaire Louis De Coster après cette date et mettent en présence, d'une part, les promoteurs B. et Winnepenninckx, d'autre part, certains futurs copropriétaires (à l'exclusion d'autres actes postérieurs de revente par les premiers acquéreurs à des acheteurs suivants) sont au nombre de cinq ( 31 janvier, 19 mai, 26 mai, 1er juin et 8 juin 1994).

Aucun de ces actes ne contient de clause de renonciation à la garantie d'achèvement.

Par contre, ni leur lecture, ni aucune autre pièce ne révèle que le notaire De Coster se soit préoccupé de l'existence ou de l'absence de cette garantie - qui, rappelons-le, n'a jamais été constituée - ni de l'attestation établie par un architecte relative à l'état d'avancement des travaux et au montant des ouvrages déjà exécutés (article 10 alinéa 3 de la loi).

Ces défauts de vérifications seraient susceptibles d'engager la responsabilité du notaire s'il était admis que ces actes de vente étaient soumis à la loi Breyne.

Or, c'est à juste titre que les Assurances du notariat le contestent.

Elles invoquent deux arguments à l'appui de cette objection :

- d'une part, à l'époque de passation de ces actes, l'immeuble était achevé,

- d'autre part, il n'y a pas eu de versements du prix, échelonnés dans le temps, avant l'achèvement de la construction mais un paiement unique au moment de la passation de l'acte notarié.

Le premier argument ne peut être retenu.

Certes, la formulation des actes laisse penser que l'immeuble est achevé puisque si les actes antérieurs mentionnaient que l'appartement vendu se situait dans un immeuble « en cours de construction », les cinq actes postérieurs au 1er octobre 1993 qui sont produits signalent que l'appartement faisant l'objet de la vente est situé dans « un immeuble construit ».

Toutefois, cette mention ne peut prévaloir sur la réalité et, notamment sur le fait avéré qu'à l'époque concernée, soit de janvier 1994 à juin 1994, les parties communes de l'immeuble n'avaient pas fait l'objet d'une réception provisoire.

La cour ne partage pas la thèse des Assurances du notariat qui considère que l'achèvement se confond avec l'habitabilité des lieux.

Elle admet, par contre, que l'achèvement des travaux est constaté par la réception provisoire qui, en l'espèce a été refusée à bon droit par les copropriétaires, du moins en ce qui concerne les parties communes.

Le second argument, par contre, est pertinent :

le prix des biens achetés a été payé au moment de la passation de l'acte authentique.

Si dans trois cas, un acompte (de 5 ou 10%) avait été versé antérieurement par les acquéreurs, il ne peut être admis que cette pratique usuelle qui se rencontre dans l'immense majorité, sinon la totalité, des ventes immobilières, aient, par elle seule, pu avoir pour effet de faire entrer les ventes concernées dans le champ d'application de la loi Breyne, sous peine de donner à celui-ci une interprétation trop extensive et donc excessive.

Il résulte également des motifs qui précèdent qu'aucun rapport d'architecte ne devait être joint aux actes passés après le 1er octobre 1993.

Conclusion :

Il résulte de ces motifs qu'aucune faute en relation causale avec le dommage vanté par les copropriétaires n'a été commise par le notaire De Coster ou l'un de ses confrères lors de la passation des actes de ventes

*

5. Dépens

5.1 Les dépens de 1ère instance ont été liquidés par le 1er juge.

Il n'y a pas lieu d'y revenir.

Seule leur prise en charge doit partiellement être revue en fonction des modifications dans les condamnations prononcées par la cour.

Les copropriétaires postulent la réformation du jugement en ce qu'ayant admis en son principe leur demande de répétibilité des frais de conseil, il en a limité le montant à 10.000 euro alors qu'un montant de 25.000 euro était demandé.

Si la cour statue sur les frais de conseil postulés devant le 1er juge, elle ne pourrait le faire qu'en tenant compte de l'article 1022 nouveau du Code judiciaire, qui intègre ces frais dans l'indemnité de procédure, et si elle estime que le montant accordé à titre définitif par le 1er juge est insuffisant pour réparer le préjudice engendré par la nécessité de faire appel à un avocat en première instance.

Ce n'est pas le cas en l'espèce, la cour estimant que l'allocation d'un montant de 10.000 euro à titre définitif répare adéquatement ce dommage.

La répartition des dépens décidée par le 1er juge, soit 56% pour les promoteurs et 44% pour M. L. et son assureur, doit être modifiée :

- les promoteurs doivent supporter in solidum la totalité des dépens de M. C. et des Assurances du notariat,

- M. L. et Euromaf doivent prendre en charge in solidum 10% de ceux-ci.

Comme il a été exposé ci-avant, il n'existe pas de risque de condamnation à 110% de ceux-ci puisque l'exécution ne peut permettre aux créanciers d'obtenir plus de 100% de leur dommage.

5.2 Dépens d'appel

Ils doivent être pris en charge par les parties qui succombent totalement ou partiellement, soit :

- M. L. et Euromaf

- pour le tout à l'égard de M. C. et des Assurances du notariat dont la mise hors de cause est totalement confirmée,

- pour partie à l'égard de l'association des copropriétaires et de ceux-ci, dans une proportion que la cour fixe à 30% des dépens d'appel.

- les dépens d'appel de M. L. et d'Euromaf seront supportés à concurrence de 80% par les promoteurs, contre lesquels ils obtiennent en grande partie gain de cause, les 20 autres % restant à leur charge ;

- les promoteurs doivent donc prendre en charge

- 80 % des dépens d'appel de M. L. et d'Euromaf,

- 70% de ceux des copropriétaires,

- et leurs propres dépens.

Les frais de défense postulés par la copropriété sont intégrés dans l'indemnité de procédure qui lui être allouée, comme il vient d'être rappelé.

La cour fixe le montant des indemnités de procédure d'appel à 15.000 euro .

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant contradictoirement,

vu l'article 24, 37 et 41 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire,

reçoit l'appel principal et les appels incidents,

donne acte de leur reprise d'instance à Euromaf, Mme M. et Mme De P. et de sa poursuite d'instance en nom propre à M. D. D.,

dit sans objet les appels incidents des parties C. et Assurances du notariat , et non fondé l'appel incident de M. B.,

dit l'appel principal et l'appel incident de la copropriété partiellement fondés,

en conséquence,

réforme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il reçu les diverses demandes, déclaré fondée la demande principale et la demande en garantie de M. B. contre la SPRL Winnepenninckx et non fondées les autres demandes, mis hors de cause M. C. et les Assurances du notariat, liquidé les dépens et a délaissé leurs propres dépens à M. B., Me Parijs qq, M. L. et AIM,

statuant à nouveau pour le surplus,

dit la demande de l'Association des copropriétaires et celle des copropriétaires contre M. B., la SPRL Winnepenninckx en faillite, M. L. et Euromaf fondée dans la mesure ci-après :

§ condamne in solidum M. B. et la SPRL Winnepenninckx en faillite à payer :

- à l'association des copropriétaires :

392.353,75 euro + 51.587,98 euro , adaptés quant aux montants principaux hors TVA suivant l'indice abex et augmentés des intérêts compensatoires à 5% depuis le 6 novembre 2000

30.323,18 euro augmentés des intérêts moratoires au taux légaux successifs depuis le 1er juin 1999, capitalisés aux 28 décembre 2000, 28 janvier 2005 et 28 juin 2006,

majorés des intérêts moratoires à partir de l'arrêt jusqu'au parfait paiement,

- aux copropriétaires :

à Mme F. - V. 2.962,70 euro adaptés et majorés suivant les modalités décrites ci-avant

à M. D. 742,37 euro adaptés et majorés selon les mêmes modalités

à chacun des copropriétaires ayant des intérêts distincts (soit une indemnité par appartement) 6.306,66 euro , augmentés des intérêts compensatoires depuis le 1er juin 2000,

ces montants étant à augmenter des intérêts moratoires à partir de l'arrêt jusqu'au parfait paiement,

§ condamne in solidum M. L. et Euromaf à payer :

- à l'association des copropriétaires :

39.277,19 euro et 5.173,61 euro , adaptés et majorés suivant les mêmes modalités,

ainsi que 9.096,95 euro majorés des intérêts moratoires aux taux légaux successifs à partir du1er juin 1999, capitalisés aux mêmes dates que ci-dessus,

ces montants étant augmentés des intérêts moratoires à partir de l'arrêt jusqu'au parfait paiement,

- aux copropriétaires

888,81 euro à Mme F.-V. adaptés et majorés suivant les mêmes modalités,

40 euro à chaque copropriétaire (dans les mêmes limites que ci-avant),

ces montants devant être augmentés des intérêts moratoires à partir de l'arrêt jusqu'au parfait paiement,

condamne aux dépens d'appel

§ L. et Euromaf

à la totalité des indemnités de procédure de M. C. et des Assurances du notariat,

30% de l'indemnité de procédure de l'Association des copropriétaires et de ceux-ci,

§ B. et la SPRL Winnepenninckx

à 80% de l'indemnité de procédure de M. L. et d'Euromaf,

70% de celle de la copropriété,

M. L. et Eurmoaf supporteront 20% de leurs propres dépens d'appel

et M. B. et la SPRL Winnepenninckx la totalité de leur propre indemnité de procédure.

liquide les dépens d'appel à :

- 186 euro + 15.000 euro pour M. L. et Euromaf,

- 15.000 euro pour les autres parties.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique civile de la 2ème chambre de la Cour d'appel de Bruxelles le 11-12-2008

Où étaient présents :

M. Ménestret, Président,

Ph. Denys, Conseiller,

M. Fiasse, Conseiller,

B.Noël, greffier,

B. NOËL M. FIASSE

Ph. DENYS M. MENESTRET