Cour du Travail: Arrêt du 12 novembre 2008 (Bruxelles). RG 50.387

Date :
12-11-2008
Langue :
Français
Taille :
10 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20081112-1
Numéro de rôle :
50.387

Résumé :

En règle, la résolution judiciaire a effet à la date de la conclusion du contrat. Une limite est toutefois apportée à cet effet rétroactif lorsque - comme en matière de contrat de travail - les prestations déjà effectuées ne peuvent être restituées. À la différence de l'obligation de l'employeur de payer la rémunération, les obligations du travailleur se présentent comme des obligations de faire qui, en principe, ne sont pas restituables: à cet égard, le fait pour le travailleur d'informer l'employeur qu'il continue à se tenir à sa disposition et a effectué les démarches afin que l'exécution du travail soit reprise, doit dès lors être considéré comme une période pendant laquelle il a exécuté une prestation qui n'est pas susceptible de restitution. La demande qui tend à obtenir une compensation pour les rémunérations perdues après la date de la résolution judiciaire n'est pas fondée. JI ne peut être question de manquement contractuel après la date d'effet de la résolution. Toutefois, la victime de l'inexécution peut obtenir des dommages et intérêts complémentaires « pour le gain dont elle a été privée », par exemple lorsque la résolution fait perdre au travailleur le droit au bénéfice du congé parental, préjudice évalué, en l'espèce, à l'équivalent de six mois de rémunération. L'indemnité de protection prévue par la réglementation en matière de congé parental n'est pas due lorsque le contrat prend fin en suite d'une décision judiciaire de résolution. Le juge d'appel doit allouer une indemnité de procédure calculée conformément à la loi nouvelle et à l'arrêté royal du 26 octobre 2007, même si le jugement dont appel a été prononcé avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007.

Arrêt :

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Rep.N°

COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES

ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 NOVEMBRE 2008

4e Chambre

Contrat d'emploi

Contradictoire

Définitif

En cause de:

O. , domiciliée à [xxx] ;

Appelante, comparaissant en personne assistée de son conseil Me Gilson S. loco Maître Oger L., avocat à Namur.

Contre:

SPRL SELECT VENDING, dont les bureaux sont établis à 1070 BRUXELLES, rue Victor Rauter, 31 ;

Intimée, représentée par Maître Bruyère J. Ph., avocat à Liège.

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La Cour, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

I. Le jugement et la procédure devant la Cour

Par jugement prononcé le 4 juin 2007, la 16ème chambre du Tribunal du travail de Bruxelles a déclaré la demande de Madame O. partiellement fondée et a en conséquence,

dit pour droit que le contrat de travail entre les parties est résolu à la date du 2 mai 2006 ;

condamné la SPRL SELECT VENDING (ci-après la société) à payer un montant de 7.263,03 Euros à titre de dommages et intérêts à augmenter des intérêts moratoires à dater du 13 juin 2006, date de la 1ère mise en demeure ;

a renvoyé la cause au rôle en ce qui concerne la répétibilité des frais et honoraires d'avocat ;

a débouté Madame O. du surplus de sa demande ;

a condamné la société aux dépens liquidés à 218,64 Euros (indemnité de procédure) et 120,22 Euros (frais de citation).

Il ne résulte pas du dossier que le jugement a été signifié.

L'appel a été introduit par une requête reçue au greffe le 9 novembre 2007. L'affaire a été introduite à l'audience du 5 décembre 2007.

Les délais de procédure proposés par les parties ont été confirmés par une ordonnance du 5 décembre 2007.

La société a déposé des conclusions d'appel le 6 février 2008 et des conclusions additionnelles et de synthèse, le 9 juin 2008.

Madame O. a déposé des conclusions d'appel, le 9 avril 2008 et des conclusions additionnelles et de synthèse, le 7 août 2008.

Les parties ont été entendues à l'audience du 8 octobre 2008. L'affaire a été prise en délibéré à cette date.

II. Les demandes dont la Cour est saisie

Madame O. demande la réformation du jugement et sollicite que la Cour :

en ce qui concerne la résolution du contrat :

prononce la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ;

condamne la société à verser des dommages et intérêts équivalents :

à la rémunération de Madame O. pour la période allant du 1er mai 2006 à la date de la citation (le 25 octobre 2006) soit un montant de 14.057,47 Euros à majorer des intérêts moratoires à dater du 13 juin 2006 ;

à 15.317,44 Euros pour compenser la perte de revenus du travail pour la période allant de la date de la citation (le 25 octobre 2006) à celle du jugement (le 4 juin 2007), montant à majorer des intérêts judiciaires à compter de la citation ;

à titre subsidiaire, confirme le jugement en ce qu'il prononce la résolution judiciaire à dater du 2 mai 2006  et condamne la société à verser à titre de dommages et intérêts, la somme de 29.374,91 Euros pour compenser la perte de revenus du travail pour la période allant du 1er mars 2006 jusqu'à la date du jugement entrepris, à majorer des intérêts moratoires ;

condamne la société à verser un montant provisionnel de 1.250 Euros à titre de dommages moral à majorer des intérêts moratoires à dater de la date de la rupture du contrat ;

condamne la société à verser à titre d'indemnité de protection un montant provisionnel de 14.526,06 Euros, à majorer des intérêts moratoires à dater de la rupture du contrat de travail ;

condamne la société à verser 1 Euro provisionnel au titre de dommages divers ;

condamne la société aux dépens, en ce compris une indemnité de procédure de 2.000 Euros par instance, et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la loi du 21 avril 2007 ne serait pas applicable à l'une ou l'autre instance, une somme de 2.000 Euros par instance concernée en application de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la répétabilité des frais et honoraires d'avocat.

La société demande à la Cour de dire l'appel principal recevable et non fondé et de condamner Madame O. aux dépens liquidés à 2.000 Euros à titre d'indemnité de procédure.

III. Faits et antécédents

Madame O. est entrée au service de la société, le 2 septembre 2002, dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein (39 heures) en vue d'exécuter du « travail administratif ».

Le 31 janvier 2006, Madame O. a sollicité un congé parental, à raison de 1 jour par semaine, pendant 15 mois à partir du 1er avril 2006.

Le 23 mars 2006, la société a répondu que l'avertissement était tardif pour une prise de cours le 1er avril 2006, mais qu'elle ne s'y opposait pas à condition que « la suspension intervienne sur une période de trois mois d'affilée ».

Le 29 mars 2006, Madame O. a indiqué qu'elle était disposée à postposer le point de départ de son congé parental au 1er mai 2006 mais qu'elle ne pouvait accepter un congé complet de 3 mois, son souhait restant de bénéficier d'une réduction d'un cinquième de temps (soit un jour par semaine) pendant 15 mois.

La société a maintenu sa position et a, le 4 avril 2006, proposé de payer le salaire d'avril 2006 sans que des prestations doivent être effectuées et que le congé parental de 3 mois intervienne du 1er mai 2006 au 31 juillet 2006.

Le 14 avril 2006, Madame O. a confirmé son désaccord en indiquant  qu'en refusant sa demande, la société se mettait « en faute par rapport à la réglementation sur le congé parental ».

La société a confirmé sa précédente proposition à l'occasion du courrier que son avocat a adressé à Madame O., le 26 avril 2006. Dans ce courrier, il était fait référence à l'article 8 de la Convention collective n° 64.

Le 28 avril 2006, Madame O. a répondu à ce courrier en indiquant ne pouvoir accepter une « proposition basée sur une mauvaise interprétation de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 ». Elle annonçait sa présence au travail, le 2 mai 2006.

Le 24 mai 2006, Madame O. a obtenu de l'ONEM confirmation que le congé parental est un droit prévu par l'arrêté royal du 29 octobre 1997 et que ce droit peut notamment être exercé par le biais d'une réduction des prestations d'1/5 temps pendant 15 mois maximum.

Le 13 juin 2006, l'avocat de Madame O. a mis la société en demeure de verser la rémunération du mois de mai 2006 et de la réintégrer, conformément au congé parental sollicité, à partir du 15 juin 2006.

Cette lettre évoquait largement les dispositions de l'arrêté royal du 29 octobre 1997.

Le 31 juillet 2006, l'avocat de Madame O. a écrit à la société pour rappeler qu'elle s'était vue refuser l'accès à l'entreprise le 2 mai 2006 et qu'aucune rémunération n'a été versée pour mai, juin et juillet 2006.

Il indiquait aussi : « dans ce contexte, et sans la moindre reconnaissance préjudiciable ni renonciation, Madame O. se présentera le 1er août afin d'exécuter sont travail ».

Le 1er août 2006, l'avocat de Madame O. écrivit que sa cliente s'était présentée sur son lieu de travail et que « la personne qui l'a accueillie, l'a invitée à quitter les lieux, sans autre justification après avoir signé une attestation de présence ».

La procédure a été introduite par une citation signifiée le 25 octobre 2006.

IV. Discussion

§ 1. Date à laquelle la résolution du contrat de travail doit être prononcée

1. Le Tribunal a dit pour droit que le contrat de travail entre les parties est résolu aux torts de l'employeur, à la date du 2 mai 2006. Les parties n'ont pas formulé d'appel en ce qui concerne le principe d'une résolution du contrat de travail aux torts de la société. Elles ne discutent que de la date à laquelle elle doit être prononcée.

Madame O. demande que la résolution soit prononcée à la date de la citation. Elle rappelle qu'entre le 2 mai 2006 et la date de la citation en justice, elle a, à différentes reprises, manifesté son souhait de reprendre le travail.

En sollicitant que l'appel soit déclaré non fondé, la société sollicite la confirmation du jugement et demande donc à la Cour de fixer la résolution à la date du 2 mai 2006.

Principes utiles à la détermination de la date d'effet de la résolution judiciaire

2. L'article 1184, alinéa 2 du Code civil prévoit la possibilité pour la victime de l'inexécution de demander la « la résolution avec dommages et intérêts ».

Le créancier a droit à une réparation intégrale (voir S. Stijns, « La résolution pour inexécution des contrats synallagmatiques, sa mise en œuvre et ses effets » in Les obligations contractuelles, J.B., 2000, n° 52, p. 458-459). Il doit donc être indemnisé « tant pour la perte subie que pour le gain dont il a été privé » (voir article 1149 du Code civil et Cass. 9 mai 1986, Pas. 1986, I, p. 1100).

3. La question de la date d'effet de la résolution permet de déterminer sur quelle base la victime de l'inexécution va pouvoir être indemnisée.

En effet, « pour la période précédant la prise d'effet (de la résolution)...le règlement de comptes se fera, en nature ou par équivalent, sur la base des dispositions du contrat » (voir M. Fontaine, « La rétroactivité de la résolution des contrats pour inexécution fautive » RCJB, 1990, p. 397, n° 41 et Cass. 8 octobre 1987, R.C.J.B. 1990 , p. 379).

Par contre, une fois la résolution prononcée, « le contrat résolu ne peut constituer pour les parties une source de droits et d'obligations » (Cass. 4 juin 2004, C.030408.F), même si le créancier peut encore être indemnisé pour le « profit qu'il escomptait à juste titre, de l'exécution du contrat » (Voir De Page, Traité élémentaire de Droit Civil belge, T.II, n° 890, p. 848).

4. En règle, la résolution a effet à la date de conclusion du contrat. Le principe « est ... celui de la rétroactivité de la résolution pour inexécution » (M. Fontaine, op. cit., n° 28, p. 393).

La Cour de cassation décide en ce sens :

« la résolution d'un contrat synallagmatique a pour effet que les parties doivent être replacées dans la situation qui était la leur avant la conclusion du contrat ; le contrat résolu ne peut constituer pour les parties une source de droits et d'obligations ; la résolution entraîne la restitution ou le paiement en équivalent des choses ou des services qui, ensuite du contrat, ont été consommées ou dont une des parties a bénéficié alors que l'autre partie n'en aurait pas eu la contrepartie » (voir notamment, Cass. 4 juin 2004, C030408F).

5. Une limite est toutefois apportée à cet effet rétroactif lorsque les prestations déjà effectuées ne peuvent être restituées : dans ce cas, « il n'y a pas d'interdiction pour le juge de choisir la rétroactivité. C'est tout simplement la constatation que l'effet rétroactif n'est pas possible, n'est pas compatible avec des faits passés que personne ne pourrait effacer, par exemple des prestations effectuées... » (concl.. de M. l'avocat général Declercq précédant Cass. 29 mai 1980, Pas. 1980, I, p. 1199 ; H. De Page, Traité Elémentaire de droit civil belge, T. II, n° 826 ).

La limitation de la rétroactivité s'impose donc pour des raisons pratiques : « c'est la nature des choses, ou l'usage qui en a été fait qui détermine la possibilité de restitution... » (M. Fontaine, op. cit., n° 43, p. 397).

Même si en doctrine, la pertinence du critère de l'impossibilité de restitution est discutée (dans la mesure où une restitution par équivalent reste possible, voir M. Fontaine, op. cit., p. 398, n°44 ; W. Van Gerven, Verbintenissenrecht, ACCO, 2006, p. 208), la Cour de cassation y reste attachée ( voir Cass. 24 mars 1972, Pas. 1972, I, p. 693 ; Cass. 24 janvier 1980, Pas. 1980, I, p. 581 ; Cass. 31 janvier 1991, Pas. 1991, I, p. 521 ; voir aussi concl. de M. l'avocat-général Werquin précédant Cass. 4 juin 2004, en particulier point 8).

Elle a ainsi admis que dans un contrat de travail la résolution n'opère, avec effet rétroactif, « qu'à partir du moment où l'exécution du contrat n'est plus poursuivie et où, dès lors, il n'y a pas lieu à restitution » (Cass. 25 février 1991, Pas. 1991, I, p. 345 et concl. avocat général J-Fr. Leclercq).

6. Puisqu'à la différence de l'obligation de l'employeur de payer la rémunération, les obligations du travailleur se présentent comme des obligations de faire qui en principe ne sont pas restituables, il s'impose de voir jusqu'à quelle date le travailleur a respecté ses obligations.

Il y a aussi lieu d'avoir égard à certaines conséquences pratiques qui découlent de ce que tant que la résolution n'a pas été prononcée, le contrat de travail subsiste.

C'est ainsi que, le fait d'être toujours au service de l'employeur a diverses implications sur le statut social du travailleur (quant au fait de ne pouvoir prétendre aux allocations de chômage, quant au maintien de la qualité d'attributaire d'allocations familiales, quant à l'ouverture du droit à l'assurance obligatoire soins de santé, quant à la couverture offerte par une éventuelle assurance de groupe ...).

Dans la mesure où des tiers sont concernés (l'ONEM, la Caisse d'allocations familiales, la mutuelle...), l'effacement rétroactif de ces conséquences sociales peut être source de difficultés pratiques1.

Application dans le cas d'espèce

7. A partir du 2 mai 2006 et jusqu'au 1er août 2006, au moins, Madame O. s'est tenue à disposition de l'employeur.

Elle a, à différentes reprises, demandé à la société de la laisser reprendre l'exécution de son contrat de travail (voir sa lettre du 28 avril 2006 annonçant sa présence au travail, le 2 mai 2006 ; les lettres de son avocat du 13 juin 2006, du 31 juillet 2006 et du 1er août 2006).

Après le 1er août 2006, Madame O. n'a plus interpellé la société si ce n'est au travers d'une ultime mise en demeure contenue dans la citation. Cette dernière mise en demeure s'apparentait toutefois à une « formule de style » de sorte qu'elle ne suffit pas à établir qu'entre le 1er août 2006 et le 25 octobre 2006, Madame O. a encore positivement marqué sa volonté de reprendre le travail.

8. Certes, le fait de se tenir à disposition de l'employeur et d'effectuer des démarches en vue d'obtenir de l'employeur qu'il accepte une reprise du travail, n'équivaut pas à l'exécution d'une prestation de travail ordinaire et n'ouvre en principe pas le droit à rémunération (puisque la rémunération n'est pas due même si c'est par le fait de l'employeur que le travail n'a pas été exécuté, voir Cass. 18 janvier 1993, Pas. 1993, I, p. 61 ; Cass. 16 mars 1992, Pas. 1992, I, p. 643).

Le fait de se tenir à la disposition de l'employeur constitue toutefois la seule obligation qui subsiste dans le chef du travailleur confronté au refus de l'employeur de le laisser travailler.

Cette obligation fait d'ailleurs obstacle à ce que le travailleur s'engage au service d'un autre employeur puisqu'en l'absence d'une expression non équivoque de la volonté de rompre, l'employeur peut à tout moment revenir sur son refus de faire travailler et exiger le bénéfice d'une prestation complète de travail 

La période pendant laquelle Madame O. est restée à la disposition de l'employeur et a effectué des démarches afin que l'exécution du travail soit reprise, doit dès lors être considérée comme une période pendant laquelle elle a exécuté une prestation qui n'est pas susceptible de restitution.

9. Ainsi, compte tenu de la poursuite d'une  prestation  jusqu'au 1er août 2006 au moins, la résolution doit être prononcée à cette date.

§ 2. Dommages et intérêts

Pour la période antérieure à la résolution

10. Le refus de la société de faire travailler Madame O. à compter de la date à laquelle le congé parental devait prendre cours, constitue un manquement contractuel qui a généré un dommage qui peut être évalué sur base de la rémunération qui eût été due entre le 1er mai 2006 et la date de la résolution.

Les dommages et intérêts doivent ainsi couvrir la période du 1er mai au 31 juillet 2006.

La Cour fixe donc à l'équivalent de trois de mois de rémunération, le montant des dommages et intérêts dus à Madame OLISLAGERS en raison des fautes commises avant la résolution du contrat.

11. Il n'est pas contesté que la rémunération d'un mois équivaut à 2.410,01 Euros bruts (avantages compris).

L'indemnité de 3 mois est donc égale à (3 x 2.412,01) = 7.263,03 Euros bruts.

Les dommages et intérêts doivent être majorés des intérêts à compter de la mise en demeure du 13 juin 2006, sans pouvoir prendre cours avant la date d'exigibilité des rémunérations qu'ils compensent.

12. La demande en ce qu'elle tend à obtenir une compensation pour les rémunérations perdues après la date de la résolution n'est pas fondée. Il ne peut être question de manquement contractuel après la date d'effet de la résolution (voir Cass. 4 juin 2004, C030408F : « un contrat résolu ne peut constituer pour les parties une source de droits et d'obligations »).

Dommages et intérêts complémentaires à la résolution

13. Comme indiqué ci-dessus, l'article 1184, alinéa 2 du Code civil prévoit la possibilité pour la victime de l'inexécution d'obtenir des dommages et intérêts complémentaires à la résolution. Le créancier doit être indemnisé « tant pour la perte subie que pour le gain dont il a été privé » (voir article 1149 du Code civil et Cass. 9 mai 1986, Pas. 1986, I, p. 1100).

En l'espèce, la Cour constate que la résolution a pour conséquence de faire perdre à Madame OLISLAGERS, le bénéfice d'un contrat de travail dans le cadre duquel elle aurait pu, comme elle en a marqué le souhait, exercer son droit au congé parental.

Le premier juge a évalué la perte du contrat à l'équivalent de trois mois de rémunération. S'agissant du contrat lui-même, cette évaluation qui se réfère à la durée minimale de préavis prévue par la loi du 3 juillet 1978, est raisonnable.

C'est à tort toutefois que le premier juge n'a pas eu égard à la circonstance particulière que dans le cadre de ce contrat, Madame OLISLAGERS pouvait prétendre à l'exercice du droit au congé-parental.

Puisque pour bénéficier du congé parental, il faut être le parent d'un enfant répondant à certaines conditions particulières d'âge (voir article 3 de l'arrêté royal du 29 octobre 1997), la circonstance qu'à un moment donné le travailleur peut - et souhaite effectivement - y prétendre, présente une valeur particulière.

Les auteurs de la réglementation ont, dans l'hypothèse particulière du licenciement, estimé que l'entrave à l'exercice du droit au congé parental, entraîne un dommage évalué forfaitairement à 6 mois de rémunération (voir article 15, § 3 de la CCT n° 64 à laquelle il est référé par l'article 8 de l'arrêté royal du 29 octobre 1997).

Le bénéfice d'un congé parental peut donc, par analogie, être évalué à l'équivalent de 6 mois de rémunération.

14. Pour la perte du contrat de travail et de la possibilité d'exercer le droit au congé parental, le dommage s'élève donc globalement à 9 mois de rémunération, soit (2.412,03 x 9) = 21.708,09 Euros. Ce montant doit être majoré des intérêts au taux légal à compter de la citation.

Autres demandes d'indemnisation

15. Madame OLISLAGERS sollicite la condamnation de la société à un dommage moral de 1.250 Euros et à 1 Euro provisionnel à titre de dommages divers. La réalité de ces dommages additionnels non couverts par les dommages et intérêts dont question ci-dessus, n'est pas rapportée.

§ 3 Indemnité de protection

16. Madame OLISLAGERS sollicite la condamnation de la société au paiement d'une indemnité de protection sur base de l'article 8 de la CCT n° 64 et/ou sur base de l'article 101 la loi du 22 janvier 1985.

Dans un cas comme dans l'autre, cette indemnité n'est due qu'en présence d'un « acte tendant à mettre fin unilatéralement au contrat de travail ».

Il y a lieu de s'interroger sur la portée de ces termes en se demandant s'ils rencontrent l'hypothèse de la résolution judiciaire.

17. Dans la réglementation du travail, ces termes ont apparemment été introduits pour la première fois lors de l'adoption de l'arrêté royal n° 40 du 24 octobre 1967 sur le travail des femmes.

La consultation des travaux préparatoires de cette disposition, permettent de considérer que « l'acte tendant à mettre fin unilatéralement au contrat de travail » équivaut à ce qu'actuellement, on désigne communément sous le terme « congé », c'est-à-dire la manifestation d'une volonté de rompre unilatéralement le contrat de travail.

La proposition initiale du gouvernement était « d'interdire à l'employeur de mettre fin unilatéralement à la relation de travail » (voir rapport au Roi précédant l'arrêté royal n° 40 du 24 octobre 1967 sur le travail des femmes, Pasin., 1967, p. 1204).

Le libellé proposé était justifié comme suit :

« l'interdiction de mettre fin unilatéralement à la relation de travail signifie que, pendant la période envisagée, l'employeur ne peut poser l'acte juridique par lequel il exprime la volonté de rompre ladite relation de travail. Il ne s'agit donc pas uniquement de la rupture proprement dite qui se réalise par le renvoi sur l'heure ou par l'expiration du délai de préavis. En d'autres termes, ce qui est interdit par le présent texte est l'acte initial posé par l'employeur dans un processus de rupture qui peut être, selon les circonstances affecté de diverses modalités comme par exemple la notification d'un délai de préavis, l'écoulement et l'échéance de ce délai. Il est évident que si l'acte par lequel l'employeur manifeste sa volonté de rompre (acte qui peut être dénommé « congé ») est illicite, la rupture proprement dite qui est la conséquence de cet acte sera a fortiori illicite » (Rapport au Roi, Pasin., 1967, p. 1205).

Le Conseil d'Etat a estimé que le texte proposé ne rendait pas suffisamment compte des intentions ainsi exprimées, en considérant : 

« Aux termes de cet article, l'employeur ne peut, en principe, mettre fin unilatéralement à l'engagement pendant la grossesse et après l'accouchement. Selon le rapport au Roi, il faut entendre par « résiliation », tout acte juridique par lequel l'employeur exprime sa volonté de rompre la relation de travail, même si la fin réelle de celle-ci intervient après la période visée, par exemple en cas de résiliation avec un délai de préavis. Afin d'exprimer cette intention dans le texte de l'article, il serait souhaitable de remplacer, dans l'alinéa 1er, les mots « mettre fin unilatéralement » par les mots « faire un acte tendant à mettre fin unilatéralement » (avis du Conseil d'Etat, Pasin., 1967, p. 1210).

Il apparaît donc bien que par les termes « faire un acte tendant à mettre fin unilatéralement », on ne vise pas d'autres hypothèses que l'acte par lequel l'employeur exprime sa volonté de rompre la relation de travail.

18. Dans le cadre d'une demande de résolution judiciaire, il n'est pas demandé à la juridiction de constater l'expression d'une volonté de rompre mais seulement de constater l'existence de manquements présentant un degré suffisant de gravité.

La fin du contrat est prononcée par la décision judiciaire, les manquements constatés dans le chef de l'employeur ne constituant pas des « actes tendant à mettre fin unilatéralement au contrat de travail » par le seul fait que leur gravité justifient la résolution judiciaire du contrat.

En règle, l'indemnité de protection n'est pas comme telle due en cas de résolution judiciaire, ce qui ne fait pas obstacle à ce que, comme en l'espèce, il soit tenu compte dans l'appréciation du dommage (« lucrum cessans ») découlant de la résolution, du droit au congé parental et du souci du législateur belge et du législateur européen d'en garantir l'exercice (voir directive, 96/34 du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre dur le congé parental).

§ 4. Indemnités de procédure

19. L'article 1022 du Code judiciaire, tel que modifié par la loi du 21 avril 2007, précise : « L'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause. (...) le Roi établit par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les montants de base, minima et maxima de l'indemnité de procédure, en fonction notamment de la nature de l'affaire et de l'importance du litige ».

Le montant des indemnités de procédure a été fixé par l'arrêté royal du 26 octobre 2007.

20. En l'espèce, Madame OLISLAGERS qui a obtenu partiellement gain de cause en première instance et en appel, sollicite le bénéfice des indemnités de procédure prévues par la loi du 21 avril 2007 et l'arrêté royal du 26 octobre 2007 tant pour l'appel que pour la première instance (alors que le jugement a été prononcé avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007).

21. Ainsi, se pose la question des effets dans le temps de la nouvelle loi.

Il résulte de l'article 13 de la loi du 21 avril 2007, que les  articles 1 à 12 de cette loi sont applicables « aux affaires en cours au moment de leur entrée en vigueur ».

On a relevé que le texte légal vise les affaires en cours et non l'instance (voir J-Fr van Drooghenbroeck et B. De Coninck , « La loi du 21 avril 2007 sur la répétibilité des frais et honoraires d'avocat », J.T. 2008, p.56, n° 96).

En conséquence, s'il est saisi d'un appel portant sur le dispositif d'un jugement ayant statué - ou ayant réservé à statuer - sur la question des frais et honoraires d'avocat, le juge d'appel doit faire application de la nouvelle loi pour l'ensemble de l'affaire, y compris pour la première instance.

Il ne peut plus se référer à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation puisque le dernier alinéa du nouvel article 1022 du Code judiciaire précise « qu'aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure ».

Le juge d'appel doit donc allouer une indemnité de procédure calculée conformément à la loi nouvelle et à l'arrêté royal du 26 octobre 2007, même si le jugement dont appel a été prononcé avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007.

22. En l'espèce, le Tribunal du travail de Bruxelles avait réservé à statuer sur la question de la condamnation aux frais et honoraires d'avocat (voir jugement 9ème feuillet).

Dans sa requête d'appel (antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007), Madame OLISLAGERS a saisi la Cour d'un appel sur ce point en demandant la condamnation de la société au paiement d'une somme de 2.000 Euros provisionnels vu « la nécessité de recourir à un conseil pour l'introduction de la présente procédure ».

Dans ses conclusions d'appel, postérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007, Madame OLISLAGERS a remplacé cette demande par une indemnité de procédure de 2.000 Euros (montant de base) pour chacune des deux instances.

Il y a donc lieu de faire droit à cette demande.

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PAR CES MOTIFS,

LA COUR DU TRAVAIL,

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, notamment l'article 24,

Statuant après avoir entendu les deux parties ;

Déclare l'appel principal partiellement fondé ;

Confirme la résolution du contrat de travail aux torts exclusifs de la société ;

Dit que cette résolution a effet à la date du 1er août 2006 ;

Condamne la société au paiement de :

7.263,03 Euros bruts à titre de dommages et intérêts à majorer des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juin 2006, sans pouvoir prendre cours avant la date d'exigibilité des rémunérations qu'ils compensent.

21.708,09 Euros bruts à titre de dommages et intérêts, à majorer des intérêts au taux légal, à compter de la date de la citation.

Rejette les demandes de Madame OLISLAGERS pour le surplus ;

Réforme partiellement le jugement en ce qui concerne les dépens ;

Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel liquidés par Madame OLISLAGERS à

frais de citation : 120,22 Euros

indemnité de procédure de 1ère instance : 2.000 Euros

indemnité de procédure d'appel : 2.000 Euros.

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Ainsi arrêté par :

. J.F. NEVEN Conseiller

. L. MILLET Conseiller social au titre d'employeur

. R. PARDON Conseiller social au titre de travailleur employé

et assisté de B. CRASSET Greffier adjoint

B. CRASSET L. MILLET R. PARDON J.F. NEVEN

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et prononcé à l'audience publique de la 4e chambre de la Cour du travail de Bruxelles, le douze novembre deux mille huit, par :

.J. F. NEVEN Conseiller

et assisté de B. CRASSET Greffier adjoint

B. CRASSET J.F. NEVEN