Cour du Travail: Arrêt du 26 septembre 2002 (Bruxelles). RG 40.671;40.673

Date :
26-09-2002
Langue :
Français Néerlandais
Taille :
5 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20020926-12
Numéro de rôle :
40.671;40.673

Résumé :

Une crèche non agréée, qui, au contraire des crèches agréées, n'est pas expressément visée par l'arrêté royal fixant le ressort de la commission paritaire des services de santé, ne ressortit pas à la compétence de cette commission paritaire car une crèche n'est pas en principe un service de santé dispensant des soins de santé sociaux.

Arrêt :

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Rep.N¿_________ COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES

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ARRET

AUDIENCE PUBLIQUE DU VINGT-SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DEUX.

8ème CHAMBRE

Sécurité sociale

Contradictoire

Définitif

En cause de :

L'OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, établissement public, dont les bureaux sont établis Boulevard de Waterloo, 76 à 1000 Bruxelles,

appelant, intimé sur incident, comparant par Maître De Croon loco Maître Thiry, avocat, dont le cabinet est sis avenue Hippolyte Boulenger, 49 à 1180 Bruxelles,

Contre :

LA S.P.R.L. ESEDRA, ayant son siège social place Jamblinne de Meux, 30 à 1030 Bruxelles et son siège d'exploitation boulevard Clovis, 75-79 à 1000 Bruxelles, inscrite au R.C. de Bruxelles sous le n¿ 595.109;

intimée, appelante sur incident, comparant par Maître Tasset loco Maître E. Nieuwdorp, avocat, dont le cabinet est sis rue de Suisse, 35 à 1060 Bruxelles,

La Cour, après avoir délibéré en cette affaire , rend l'arrêt suivant :

Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises et notamment :

- la copie conforme du jugement prononcé le 15 juin 2000 par le Tribunal du travail de Bruxelle (7ème Chambre),

- la requête d'appel déposée au greffe de la Cour du travail de Bruxelles le 3 novembre 2000 par l'Office National de Sécurité Sociale (R.G. 40.671),

- la requête d'appel déposée au greffe de la Cour du travail de Bruxelles le 15 novembre 2000 par la même partie (R.G. 40.703),

- les conclusions déposées par la partie intimée le 28 mars 2001;

- les conclusions déposées par la partie appelante le 11 octobre 2001 ;

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;

Entendu, à l'audience publique du 21 mars 2002, les parties en leurs dires et moyens en présence de Monsieur PALUMBO M. , Substitut Général;

Entendu à l'audience publique du 30 mai 2002, Monsieur Palumbo M., Substitut général, en la lecture de l'avis écrit qu'il dépose au dossier;

Vu les conclusions de réplique sur l'avis du Ministère Public déposées le 25 juin 2002 par la partie appelante, la partie intimée ne répliquant pas;

Vu la connexité des affaires inscrites au rôle général sous les numéros 40.671 et 40.703, il y a lieu de les joindre ;

Attendu que les appels , réguliers en la forme , furent interjetés dans le délai légal ;leur recevabilité ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune contestation ;

ELEMENTS DE FAIT

1. - La S.P.R.L. ESEDRA exerce ses activités dans le cadre d'une convention conclue avec les Commaunautés européennes, suite à un appel d'offre.

Dans le cadre de ses activités, la S.P.R.L. exploite une crèche qui accueille les enfants du personnel que les Communautés lui confient et qui sont âgés de 0 à 3 ans. Ensuite, lorsque les enfants atteignent 3 ans, ils passent dans un autre service de la S.P.R.L. ESEDRA, soit l'équivalent d'une école maternelle.

Les deux services de la S.P.R.L. poursuivent un seul projet pédagogique, commun, continu établi pour des enfants de 0 à 6 ans.

Le passage de la crèche à l'école maternelle est purement administratif; le bâtiment est le même et l'équipement équivalent.

L'accueil d'enfants de moins de 3 ans constitue l'activité principale de la S.P.R.L.

Elle compte 18 sections de 15 enfants ainsi que 4 à 5 sections d'enseignement maternel de 18 enfants maximum.

2. Lors de sa création, en juillet 1995, la S.P.R.L. a communiqué à l'O.N.S.S. la commission paritaire à laquelle, à son avis, elle ressortissait, à savoir la sous-commission paritaire n¿ 305.2.

Le 22 octobre 1996, suite à une visite effectuée par ses services le 29 août 1996, le ministère de l'Emploi et du Travail a confirmé l'appartenance à la sous-commission paritaire n¿ 305.2.

3.- Le 12 février 1997, le ministère de l'Emploi et du Travail a revu sa position.

Il décida que les travailleurs occupés à la crèche continueraient à relever de la compétence de la sous-commission paritaire n¿ 305.2, alors que le personnel occupé dans l'établissement d'enseignement maternel relevait de la compétence des commissions paritaires n¿ 151 et 278 selon la qualité du travailleur (ouvrier ou employé).

Le 27 octobre 1998, le ministère a une nouvelle fois revu sa position en décidant que l'ensemble du personnel, indépendamment de son occupation (crèche ou école) relevait de la compétence des commissions paritaires n¿ 151 et 218.

Le point de vue du ministère était basé sur le fait que la crèche n'était agréée ni par l'O.N.E., ni par "Kind en Gezin".

Il faut savoir que les crèches non agréées sont certes contrôlées par l'O.N.E. ou Kind en Gezin, mais qu'elles n'ont toutefois pas les mêmes obligations légales que les crèches agréées auxquelles notamment sont imposées des normes d'encadrement infirmier, des examens médicaux préventifs des enfants et des tarifications des participations financières des parents au coût des prestations en fonction des revenus de ceux-ci.

JUGEMENT ENTREPRIS

Le premier juge a estimé que la S.P.R.L. ESEDRA relève de la commission paritaire n¿ 305 et, plus précisément, qu'à défaut d'appartenir aux entreprises des sous-commissions paritaires 305.1 (services hospitaliers et psychiatriques) et 305.3 (prothèse dentaire), la société intimée ressortit à la compétence de la commission paritaire 305.2, résiduaire.

Pour fonder cette opinion, le premier juge fait valoir que "c'est en règle générale l'activité d'une entreprise qui détermine la commission paritaire compétente", que "l'arrêté royal instituant la commission paritaire pour les services de santé ne limite pas son champ d'application selon le statut administratif et les sources de financement des entreprises qu'il concerne",

qu' "une crèche est un 'service de santé ' " qui "dispense des soins de santé sociaux" au sens de cet arrêté et, enfin, que "l'activité d'une crèche agréée (O.N.E.) ou d'une crèche privée de la Communauté européenne est identique".

TEXTES APPLICABLES

L'arrêté royal du 2 avril 1973 (M.B., 23 juin 1973) a institué la "commission paritaire des services de santé" compétente pour les travailleurs en général et leurs employeurs, et ce "pour les hôpitaux, cliniques, maternités, crèches, préventoriums, sanatoriums et tous établissements médicaux ou sanitaires du secteur privé ainsi que la prothèse dentaire".

L'arrêté royal du 3 juillet 1990, modifiant l'arrêté royal du 2 avril 1973 a précisé les branches d'activité visées, à savoir :

1. les établissements et services dispensant des soins de santé, de prophylaxie ou d'hygiène,

2. les établissements et services médicaux ou sanitaires,

3. les établissements dispensant des soins de santé sociaux, psychiques ou physiques,

4. les établissements de prothèse dentaire.

En outre, il a donné une série de 23 exemples d'établissements relevant de la compétence de la commission paritaire n¿ 305, parmi lesquels il mentionne en deuxième position "les crèches, prégardiennats, services de gardiennat à domicile agréés".

Le texte néerlandais de l'arrêté royal du 3 juillet 1990 permet de dire que le terme "agréés" concerne aussi bien les crèches que les autres établissements mentionnés.

L'arrêté royal du 4 janvier 1977 (M.B., 29 janvier 1977) modifié par l'arrêté royal du 3 mai 1991 (M.B., 30 mai 1991) institue trois sous-commissions paritaires des services de santé :

1. la sous-commission paritaire pour les hôpitaux privés, à savoir pour tous les établissements qui, dans le cadre du champ de compétence de la commission paritaire des services de santé, sont soumis à la loi du 23 décembre 1963 sur les hôpitaux et pour les maisons de soins psychiatriques.

2. la sous-commission paritaire pour les établissements et les services de santé, à savoir pour tous les établissements et services qui relèvent du champ de compétence de la commission paritaire des services de santé et qui ne ressortissent pas de la sous-commission paritaire pour les hôpitaux privés ou à la sous-commission paritaire de la prothèse dentaire.

3. la sous-commission paritaire de la prothèse dentaire.

Le texte de l'arrêté royal du 4 janvier 1977 ne fait nulle part allusion aux crèches, agréées ou non.

Il résulte avec certitude de ce qui précède que les crèches, prégardiennats et services de gardiennat à domicile agréés relèvent de la compétence de la sous-commission paritaire n¿ 305.2 puisque, d'une part, dans le but de préciser l'énumération des établissements ou services visés par l'arrêté royal du 2 avril 1973, l'arrêté royal du 3 janvier 1990 contient une liste exemplative de ces établissements ou services parmi lesquels sont citées les crèches agréées et, d'autre part, que l'arrêté royal du 4 janvier 1977 a ventilé les divers établissements et services relevant la commission paritaire n¿ 305 entre les sous-commissions n¿ 305.1, 305.2 et 305.3.

DISCUSSION

1. Quant à l'appel principal

La question qui se pose en l'espèce est de savoir si une crèche non agréée relève également de la compétence de la sous-commission paritaire n¿ 305.2.

Pour faire valoir qu'une crèche non agréée relève également de la compétence de la sous-commission paritaire n¿ 305.2, l'intimée fait observer que la liste introduite par l'arrêté royal du 3 juillet 1990 n'est qu'exemplative et non limitative.

Certes, le champ de compétence de la commission paritaire des services de santé comporte une définition générale et une liste d'exemples non exhaustive.

Peuvent donc relever de cette commission des établissements ou services ayant des activités qui ne seraient pas citées dans la liste des 23 exemples mais cela, à la condition que ces activités relèvent de la définition générale du champ de compétence de la commission paritaire.

Une entreprise relève de la compétence d'une commission paritaire déterminée si son activité principale relève de la branche d'activités pour laquelle la commission paritaire en question a été instituée.

Si la compétence de la commission paritaire est, en général, déterminée par référence à l'activité principale de l'entreprise, il en va autrement si l'arrêté royal instituant la commission paritaire a prévu un autre critère.

En outre, une activité peut se définir selon le critère de l'agréation ou de la subsidiation car ces critères peuvent être déterminants pour le mode de fonctionnement du service concerné.

En l'espèce, l'activité visée par l'arrêté royal du 3 avril 1973 instituant la commission dénommée "commission paritaire des services de santé" et par l'arrêté royal du 4 janvier 1977 instituant des "sous-commissions paritaires des services de santé" est celle des établissements et services ¿uvrant dans le domaine de la santé.

Certes, l'arrêté royal du 2 avril 1973 incluait les crèches, sans distinction entre crèches agréées ou non, dans le domaine des services de santé.

L'arrêté royal du 3 juillet 1990 en ne mentionnant que les crèches agréées conjointement aux prégardiennats et aux services de gardiennage à domicile agréés a voulu exclure les crèches, prégardiennats et services de gardiennage non agréés du domaine des services de santé et des avantages qui y sont liés sur le plan des cotisations sociales.

Cette exclusion des établissements non agréés de la compétence de la commission paritaire des services de santé s'explique par la considération que l'agréation, qui ouvre le droit aux subsides, comporte dans le chef des établissements et services concernés des obligations plus strictes notamment en matière d'encadrement et de prévention que celles qui pèsent sur les autres établissements et services.

C'est aussi pourquoi, tout spécialement dans le secteur dit non marchand, une activité peut être définie en termes d'agréation ou de pouvoir subsidiant, en manière telle que le statut administratif et les sources de financement de l'employeur peuvent entrer en ligne de compte pour déterminer la commission paritaire compétence sans se limiter, comme le voudrait le premier juge, à l'activité principale réelle de l'établissement ou du service.

La circonstance que l'agréation ne peut être accordée à l'intimée uniquement aux motifs que la société ESEDRA a choisi la forme d'une société commerciale et n'accueille que les enfants des membres du personnel de la Communauté européenne et cela, pour se conformer au contrat de marché public qui lui a été imposé par la Communauté, est irrelevante.

Les crèches ne sont pas, en principe, des services de santé qui dispensent des soins de santé sociaux. Ce n'est que l'agréation qui fait accéder un service de crèche au statut de service de santé, au sens de l'arrêté royal du 2 avril 1973, tel que modifié par l'arrêté royal du 3 juillet 1990, et cela, notamment au motif que l'agréation entraîne des exigences plus strictes sur le plan sanitaire et médical.

Point n'était besoin de prévoir le mot "exclusivement" pour limiter la compétence de la commission paritaire des services de santé aux crèche, prégardiennats et services de gardiennage à domicile agréés car ceux-ci n'entrent dans le champ de compétence de la commission paritaire n¿ 305.2 que parce qu'ils sont agréés et cités en tant que tels dans la liste d'exemples introduite par l'arrêté royal du 3 juillet 1990.

2. Quant à l'appel incident

La société intimée estime que le jugement entrepris est parfaitement motivé et, dès lors, que l'appelant a fait preuve d'une légèreté coupable justifiant sa condamnation à lui payer la somme de 25.000 francs à titre de dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire.

Quand bien même l'appel principal n'aurait pas été fondé - quod non - encore faudrait-il considérer que celui-ci n'est pas téméraire et vexatoire.

En effet, on ne peut reprocher à l'appelant d'avoir usé (et non abusé) de son droit de contester une interprétation, alors que la matière de la compétence des commissions paritaires est particulièrement complexe en raison notamment du caractère flou avec lequel les critères de rattachement sont énoncés dans la plupart des arrêtés royaux les instituant.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant contradictoirement,

Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Entendu le Ministère public en la lecture de son avis écrit non conforme;

Vu les répliques de la partie appelante sur cet avis, la partie intimée ne répliquant pas;

Joint comme étant connexes les causes inscrites au rôle général sous les numéros 40.671 et 40.703;

Déclare les appels , principaux et incident, recevables,

Dit les appels principaux fondés et l'appel incident non fondé,

Met à néant le jugement entrepris,

Statuant à nouveau, dit la demande originaire de l'actuelle intimée recevable mais non fondée;

Condamne l'intimée aux dépens des deux instances liquidés jusqu'ores à 227,56 euros (deux cent vingt-sept euros cinquante-six eurocents - indemnité de procédure: en première instance : 93,70 euros, en appel : 133,86 euros) par la partie appelante.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de la huitième Chambre de la Cour du travail de Bruxelles le vingt-six septembre deux mille deux, où étaient présents

Madame ROUSSELLE M., Président,

Monsieur GAUTHY Y. , Conseiller social au titre d'employeur ,

Monsieur FRANCOIS R., Conseiller social au titre d'employé,

Madame DE CEULAER J., Greffier.

GAUTHY Y. FRANCOIS R.

DE CEULAER J. ROUSSELLE M.