Cour du Travail: Arrêt du 7 novembre 2002 (Bruxelles). RG 39578

Date :
07-11-2002
Langue :
Français
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20021107-8
Numéro de rôle :
39578

Résumé :

Sommaire 1

Arrêt :

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EXTRAIT DE L'ARRET
La Cour, après avoir délibéré en cette affaire , rend l'arrêt suivant :
Vu la requête civile du 29 décembre 1999 introduite par citation de Maître T.V. D., huissier de justice suppléant Maître M.L., huissier de justice à E., et dirigée contre l'arrêt rendu le 4 septembre 1996 par la Cour du Travail de Bruxelles (Chambre des vacations);
Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises et notamment la copie conforme de l'arrêt précité ;
Vu les conclusions déposées
- par Monsieur B. le 17 janvier 2000;
- par la S.A. P.C.B. DIS le 19 janvier 2000 et le 26 septembre 2000, complétées et remplacées par les conclusions déposées le 21 janvier 2002;
- par Madame W. le 17 mars 2000, ses conclusions de synthèse du 4 octobre 2001 et celles du 22 février 2002;
- par Mesdames M. P., M. S., V. N. et M.P. le 21 janvier 2002;
Vu que la C.N.E.n'a pas conclu et ne comparaît pas alors que l'ordonnance prise sur base de l'article 747, § 2 du Code judiciaire par le Président de la 2ème Chambre de la Cour le 21 décembre 2001 lui a été notifiée le même jour;
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;
Entendu, à l'audience publique du 21 mars 2002 , les parties en leurs dires et moyens en présence de Monsieur D. W., Premier Avocat Général;
Entendu, à l'audience publique du 5 septembre 2002, Monsieur le Substitut Général, qui dépose après lecture l'avis écrit signé par Monsieur D. W., Premier Avocat Général;
Vu les conclusions en réplique sur l'avis déposées le 20 septembre 2002 par la partie demanderesse en requête civile , les autres parties ne répliquant pas sur l'avis du Ministère public;
Par acte d'appel déposé au greffe le 19 janvier 2000 précisé en conclusions et conclusions de synthèse des 17 mars 2000, 4 octobre 2001 et 22 février 2002, Madame C. W. demande à la Cour de:
“ déclarer la demande recevable et fondée;
En conséquence, condamner la S.A. PCB. à (lui) verser les sommes en principal de 4.893.853 BEF, soit 121.315,45 _ et de 5.000.000 BEF , soit 123.946,76 _ , à augmenter des intérêts compensatoires à compter du 19 avril 1996 et des intérêts judiciaires,
déclarer l'arrêt à intervenir commun aux autres parties,
condamner la SA PCB aux entiers dépens.”
En conclusions du 21 janvier 2002 qui remplacent et complètes les conclusions prises antérieurement, la société PCB demande à la Cour de :
“ à titre principal :
déclarer la requête civile en rétractation irrecevable, ou à tout le moins non fondée.
à titre subsidiaire
à supposer que la Cour reçoive la requête, rouvrir les débats afin de permettre aux parties de conclure sur le fondement de cette requête ainsi que sur les demandes d'indemnités,
en tout état de cause, condamner la requérante aux frais et dépens de la procédure.”
Par conclusions du 21 janvier 2002, les quatrième, cinquième, sixième et septième parties défenderessesen rétractation, demandent
“ à titre principal :
déclarer la requête civile en rétractation irrecevable,
à titre subsidiaire
Dans l'hypothèse où la Cour devait estimer que la requête est recevable,
Ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de conclure sur le fondement de cette requête ainsi que sur le fond de l'affaire,
en toute hypothèse, condamner la partie requérante aux frais et dépens de la procédure.”
En conclusions du 17 janvier 2000, Monsieur B. demande à la Cour de reconnaître la nullité de la requête civile ou à tout le moins de refuser de l'admettre et de débouter la demanderesse en toutes ses prétentions.
Le 20 septembre 2002, Madame C. W. a déposé des conclusions en réplique à l'avis du Ministère public.
Par ordonnance du 21 décembre 2001, le Président de la deuxième Chambre de la Cour a décidé que les circonstances de la cause justifiaient l'aménagement des délais pour conclure sur la recevabilité de la requête civile en rétractation d'arrêt.
Le litige soumis à la Cour est donc provisoirement limité à cet objet.
Moyens de Madame W. à propos de la recevabilité de la requête civile.
La requête civile est recevable car elle “est détaillée et développe à suffisance le soutien nécessaire de sa demande, soit les mensonges et les manoeuvres frauduleuses de Monsieur B. ayant trompé le juge, comme la fausseté des pièces et témoignages de Messieurs B. et J..”
“Le moyen de nullité de la requête ne peut être accueilli, sa lecture démontrant que, bien qu'il ne soit pas indiqué expressément sur quelle cause parmi les six causes d'ouverture à une requête civile la concluante s'appuie, des moyens sont bien invoqués, qui en sont le soutien nécessaire.”
En outre, l'article 1134 du Code judiciaire n'énonce pas que la requête civile doit indiquer, sous peine d'irrecevabilité, la référence expresse aux dispositions légales indicatives de la cause d'ouverture à requête civile.
Madame W. soutient aussi que la requête signifiée aux parties le 29 décembre 1999 respecte le délai de six mois prévu à l'article 1136 du Code judiciaire, la découverte de la cause indiquée étant le jugement du 30 juin 1999 prononcé par le Tribunal correctionnel de Bruxelles.
Moyens de la société PCB
La requête est irrecevable car elle ne respecte pas le prescrit de l' article 1134 du Code judiciaire qui impose de préciser les moyens sur lesquels elle prétend se fonder.
“ La requête ne répond à aucune des conditions de recevabilité imposées par l'article 1133".
Discussion et position de la Cour
1. L'article 1133 du Code judiciaire décrit de façon limitative les six causes pour lesquelles la requête civile est ouverte.
La société PCB et les quatrième, cinquième, sixième et septième parties défenderesses sur requête civile soulignent à bon droit que la requérante n'indique pas quelle est la cause invoquée , la demanderesse en rétractation se bornant à un énoncé de faits et à la condamnation de Monsieur B. par le Tribunal correctionnel.
Elle en déduit que son licenciement pour motifs graves n'était pas justifié.
Madame W. n'indique pas en quoi cette condamnation justifie sa requête.
Les règles de mise en oeuvre de la requête civile sont d'ordre public.
La référence au jugement prononcé par le Tribunal correctionnel ne constitue pas en tant que telle une des six causes décrites à l'article 1133 du Code judiciaire dès lors que la la demanderesse en rétractation, à partir de ce jugement, n'indique pas sur quelle(s) cause(s) elle fonde sa requête.
Pour ce motif déjà la requête est irrecevable.
Selon l'article 1136 du Code judiciaire “la requête civile est formée, à peine de déchéance, dans les six mois à partir de la découverte de la cause invoquée”.
Madame W. fonde sa requête sur le contenu du jugement du 30 juin 1999 c'est-à-dire la condamnation de Monsieur B. pour attentat à la pudeur.
Il n'est donc pas possible dans des conclusions postérieures au délai de six mois suivant la cause invoquée (le jugement ?) d'évoquer une cause ou de se fonder sur d'autres faits que ceux décrits dans ce jugement.
2. Dans sa requête Madame W. écrit que pour forger sa conviction, la
Cour “ a eu égard aux pièces déposées par les parties à leur dossier, desquelles elle a déduit que Monsieur B. a sans malice, dégrafé un soutien-gorge à l'une ou l'autre occasion, il y a deux ou trois ans, mais en public, sans aucune perversité, et par un geste simple et rapide au-dessus des vêtements, comme un enfant défait les lacets de chaussures de ses camarades; cela ne lui fut jamais reproché et ne s'est d'ailleurs produit qu'en 1992-1993, ce qui en fait de bonnes vieilles histoires de bureau.”
En écrivant cela, la demanderesse en rétractation manifeste une évidente malhonnêteté intellectuelle puisque la Cour, dans ce passage, reprenait un extrait des conclusions de monsieur B. pour ensuite préciser :
“la Cour ne peut partager l'opinion de Monsieur B. qui banalise son comportement au point de le trouver normal et de le comparer à un simple jeu d'enfants”.
A titre surabondant :
3. Il convient de rappeler que le litige soumis à la Cour opposait Madame W. à la société PCB et non pas à Monsieur B. .
La condamnation de ce dernier par le Tribunal correctionnel qualifie son comportement mais est sans incidence sur l'appréciation souveraine par la Cour des faits reprochés à Madame W. .
Les faits pour lesquels Monsieur B. a été condamné étaient connus de la Cour qui fait sien l'enseignement de la Cour de Cassation pour qui “la requête civile est irrecevable lorsque la décision dont rétractation est demandée se fonde sur des constatations et des motifs propres à la juridiction qui l'a rendue” (Cass.
12 novembre 1980, Pas 1981, I, 311 , Revue de Droit Pénal et de Criminologie 1981, 208).
Tel fut le cas.
4. La Cour observe aussi que la requérante ne produit aucune preuve établissant que la Cour aurait jugé sur pièces, témoignages ou serments reconnus ou déclarés faux depuis sa décision. Aucune décision judiciaire, préalable au dépôt de la requête, n'existe dans ce sens, aucune procédure pour faux témoignages n'a d'ailleurs été diligentée (Voy. C. Appel Mons 5 novembre 1980, J.T. 1981, 8).
Les écrits de procédure de Monsieur B. ne peuvent être considérés comme constituant des pièces ou des témoignages.
Dans la mesure où la requête serait fondée sur cette cause, elle serait irrecevable.
5. Si le dol personnel prévu à l'article 1133 du Code judiciaire était visé, la requête civile n'en deviendrait pas davantage recevable, en effet ni Monsieur B. , ni la partie appelante, ni aucune autre personne dont la société appelante répond n'ont été convaincus de dol, qui suppose à tout le moins, l'affirmation d'un fait que l'on sait faux, voire même une réticence coupable (C.T. Mons 24 mars 1980, J.T.T. 1980, 229 qui cite Fettweis, Cours de droit judiciaire privé, t 1, n&§61616; 444; Lepaige, Précis de droit judiciaire, t.4 “les voies de recours”, n&§61616; 202).
Il faut encore que le dol allégué ait été la cause déterminante de la décision dont la rétractation est demandée;
Aucune de ces conditions n'est réalisée.
Dans son arrêt du 22 décembre 1993, la Cour d'appel de Bruxelles rappelle opportunément que “la partie demanderesse (ne doit pas avoir) eu connaissance du dol avant la décision attaquée, sinon, soit qu'elle l'ait dénoncé, soit qu'elle ait négligé de le faire, la décision ne peut plus être rétractée (J.L.M.B.
1994, 448 et suivantes).
A cet égard, les débats tenus devant la Cour du travail en appel du jugement du Tribunal du travail montrent que Madame W. dénonçait déjà ce qu'elle considérait être les manoeuvres de Monsieur B. .
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement,
Dit la requête civile irrecevable,
Condamne la demanderesse en rétractation aux dépens fixés à ce jour à 261,78 euros (deux cent soixante et un euros septante-huit eurocents - indemnité de procédure ) par la S.A. PCB DIS., non taxés par les autres parties défenderesses en rétractation.