Cour du Travail: Arrêt du 16 mai 2008 (Liège (Liège)). RG 35.062/07

Date :
16-05-2008
Langue :
Français
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20080516-3
Numéro de rôle :
35.062/07

Résumé :

L'objectif de l'octroi de la prime d'installation à une personne sans domicile fixe est de lui permettre de l'aider à sortir de son état d'extrême précarité.La condition de revenus mise par l'article 2 de l'arrêté royal du 21 septembre 2004 ne permet que de tenir compte des revenus professionnels bruts sans pouvoir donc en déduire les charges professionnelles mais autorise par contre la déduction des charges privées.La prime d'installation doit être allouée au nom du principe du respect de la dignité humaine lorsque après déduction de ses charges non professionnelles, la personne ne dispose pas d'un revenu supérieur au revenu d'intégration.

Arrêt :

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Aide sociale - travailleur indépendant - demande de prime d'installation - si la prime doit être refusée sur base de l'article 2 de l'A.R. du 21 septembre 2004, rien ne s'oppose à l'octroyer sur base du principe général du respect de l'état de dignité humaine consacré par l'article 1er, alinéa 1er de la loi du 8 juillet 1976.

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

SECTION DE LIEGE

ARRET

Audience publique du 16 mai 2008

R.G. : 35.062/07 8e Chambre

EN CAUSE :

Léon L.

APPELANT,

ayant comparu par Maître Frédérique WETTINCK, avocat à 4000 LIEGE, rue de Joie, 56,

CONTRE :

C.P.A.S. de HERSTAL

INTIME,

ayant comparu par Maître Philippe GODIN, avocat à 4040 HERSTAL, rue Hoyoux, 65,

INDICATIONS DE PROCEDURE.

Vu en forme régulière les pièces du dossier de la procédure à la clôture des débats le 15 février 2008, notamment :

- le jugement attaqué, rendu contradictoirement entre parties le 5 septembre 2007 par le Tribunal du travail de Liège, 5ème chambre (R.G. : 365.812);

- la requête formant appel de ce jugement, reçue au greffe de la Cour le 25 septembre 2007 et notifiée à l'intimé le même jour par pli judiciaire ;

- le dossier de la procédure du Tribunal du travail de Liège, reçu au greffe de la Cour le 28 septembre 2007;

- le dossier de l'Auditorat général près la Cour du Travail de Liège, reçu au greffe de la Cour le 2 octobre 2007;

- les conclusions d'appel de l'intimé reçues au greffe de la Cour le 20 novembre 2007 et celles de l'appelant y reçues le 13 décembre 2007;

- l'ordonnance prise sur base de l'article 747 du Code judiciaire le 24 octobre 2007 et notifiée par plis simples aux parties et à leur conseil le même jour;

- le dossier déposé par chacune des parties à l'audience du 15 février 2008 au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus en leurs explications ;

- l'avis écrit de M. ENCKELS, Substitut général, déposé au greffe de la Cour le 29 février 2008.

MOTIVATION.

L'arrêt est fondé sur les motifs suivants :

1. QUANT A LA RECEVABILITE DE L'APPEL.

Le jugement dont appel a été notifié conformément à l'article 792 du Code judiciaire le 7 septembre 2007.

La requête d'appel a été reçue au greffe de la Cour du travail de Liège le 25 septembre 2007.

L'appel, régulier en la forme, a été introduit dans le délai prescrit par l'article 1051 du Code judiciaire.

Il est recevable.

2. LES FAITS.

Monsieur L., ci-après l'appelant, né le 19 février 1963 est de nationalité belge.

Il est marié à une dame V. depuis le 9 janvier 1988 mais vit séparé depuis plusieurs années.

Il a cinq enfants vivant actuellement avec leur mère et pour lesquels il a été condamné au paiement d'un montant de 400 euros par mois à titre de pension alimentaire.

Il travaille en qualité d'indépendant comme coiffeur au centre hospitalier psychiatrique du Petit Bourgogne à Liège.

Selon ses dires, il perçoit une somme mensuelle d'environ 1.300 euros et continue à payer ses charges supérieures aux bénéfices réalisés.

Il a été sans domicile fixe depuis juin 2004, son adresse de référence ayant été celle du C.P.A.S. de Liège depuis le 6 mars 2006.

Il a introduit une demande de logement social à la S.R.L. pour laquelle il a reçu une réponse affirmative dans le courant du mois de décembre 2006.

Il s'est installé dans son logement en date du 21 décembre 2006.

En date du 4 janvier 2007, il s'est présenté au service social du C.P.A.S. de Herstal afin de solliciter l'octroi d'une prime à l'installation.

3. LA DECISION LITIGIEUSE.

Par décision prise par le C.P.A.S. de Herstal le 16 janvier 2007, la demande de prime d'installation a été rejetée au motif suivant :

« vos revenus de travailleur indépendant sont supérieurs au montant d'allocations à charge d'un régime d'assistance sociale soit un revenu d'intégration, et ce, même si le montant des charges professionnelles est supérieur aux bénéfices engrangés(...) »

4. LE RECOURS.

L'appelant a introduit un recours devant le Tribunal du travail de Liège contre la décision administrative du C.P.A.S. d'Herstal notifiée le 16 janvier 2007.

5. LE JUGEMENT.

Par jugement du 5 septembre 2007, le Tribunal du travail de Liège a déclaré l'action recevable mais non fondée et a, en conséquence, confirmé la décision litigieuse du C.P.A.S.

Selon le premier juge,

- l'appelant n'établit pas que sa situation déficitaire est ponctuelle

- il ne peut solliciter une aide alors qu'il pourrait se mettre dans des conditions pour vivre conformément à la dignité humaine et pourrait notamment chercher un travail salarié

- il ne peut continuer à augmenter ses dettes professionnelles.

6. L'APPEL.

L'appelant a introduit un appel contre ce jugement aux motifs que c'est à tort que le premier juge a confirmé la décision administrative litigieuse.

Il relève que

q l'article 2 de l'arrêté royal du 21 septembre 2004 visant l'octroi d'une prime à l'installation par le C.P.A.S. à certaines personnes qui perdent leur qualité de sans-abri précise que : « peut prétendre à la prime, la personne qui dispose de revenus inférieurs au montant prévu à l'article 14, § 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, majoré de 10 % ».

q si l'on s'en tient à une lecture stricte de la loi du 26 mai 2002 qui oblige à ne tenir compte que des ressources professionnelles et non pas, en contre partie, des charges professionnelles qui viennent en déduction de ces ressources, il convient de constater qu'il ne peut prétendre, sur base de la législation sur le R.I.S., à une prime à l'installation, mais qu'il convient néanmoins de tenir également compte de l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976 organique des C.P.A.S. qui précise que chacun doit pouvoir mener une vie conforme à la dignité humaine.

q qu'en sa qualité de coiffeur indépendant en milieu hospitalier, il doit faire face à des charges professionnelles absorbant l'ensemble de ses recettes et que, par ailleurs, en vertu d'une décision du juge de paix du 1er canton de Liège du 22 septembre 2006, il doit verser des parts contributives en faveur de ses cinq enfants pour un total de 400 euros par mois et qu'il n'a, de ce fait, pas les moyens d'aménager son nouveau logement.

7. FONDEMENT.

7.1. Les principes.

7.1.1.Dispositions légales applicables.

L'article 57 bis de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale stipule que : « dans les conditions fixées par le Roi, les centres publics d'action sociale octroient une prime à l'installation à la personne qui perd sa qualité de sans-abri pour occuper un logement qui sert de résidence principale ».

L'article 2 de la loi du 21 septembre 2004 prévoit que : « §1er. La personne qui :

- soit, ne bénéficie que d'un revenu de remplacement à charge de la sécurité sociale ou d'une allocation à charge d'un régime d'assistance sociale ;

- soit, dispose de revenus inférieurs au montant prévu à l'article 14, §1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, majoré de 10 %,

a droit, une seule fois dans sa vie, à une prime d'installation lorsqu'il perd sa qualité de sans-abri en occupant un logement qui lui sert de résidence principale. Dans le cas où deux ou plusieurs sans-abri s'établissent à la même adresse et constituent un ménage, une seule prime d'installations est octroyée... » (partim).

L'article 14 § 1er de la loi du 26 mai 2002 prévoit :

« Art. 14. (NOTE : par son arrêt n° 5/2004 du 14 janvier 2004 (M.B. 27 février 2004, p. 11203), la Cour d'arbitrage a annulé l'article 14, §1er, 1°, en ce qu'il traite de la même manière tous les cohabitants sans tenir compte de la charge d'enfants et l'article 14, §1er, 2°, en tant qu'il comprend la catégorie des personnes qui s'acquittent d'une part contributive pour un enfant placé, fixée par le tribunal de la jeunesse ou les autorités administratives dans le cadre de l'aide ou de la protection de la jeunesse).

(NOTE : par son arrêt n° 123/2006 du 28 juillet 2006 (M.B. 1er septembre 2006, p. 43897-43903), la Cour d'arbitrage a annulé le mot « exclusivement » dans l'article 14, §1er,3° de cet article)

§1er. (Le revenu d'intégration s'élève à :

1° 4.400 EUR pour toute personne cohabitant avec une ou plusieurs personnes.

Il faut entendre par cohabitation le fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun leurs questions ménagères.

2° 6.600 EUR pour une personne isolée (ainsi que pour toute personne sans abri qui bénéficie d'un projet individualisé d'intégration sociale visé à l'article 11, §§1er et 3 ainsi qu'à l'article 13, §2).