Cour du Travail: Arrêt du 19 janvier 2004 (Liège (Liège)). RG 30131-01

Date :
19-01-2004
Langue :
Français
Taille :
8 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20040119-3
Numéro de rôle :
30131-01

Résumé :

La révision peut être admise en cas d'aggravation d'une lésion partiellement causée par l'accident du travail et non mentionnée dans le libellé des séquelles repris par l'accord-indemnité soumis à l'entérinement du Fonds des accidents du travail, dès lors qu'il est établi par les éléments du dossier que cette lésion était, lors de la détermination de l'incapacité permanente de travail, consolidée sans incidence sur cette incapacité.

Arrêt :

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ACCIDENT DU TRAVAIL.- Révision. Conditions. Aggravation d'une lésion causée partiellement par l'accident et consolidée sans incidence sur l'incapacité permanente de travail originaire. L. 10 avr. 1971, art.
72.
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
ARRÊT
Audience publique du 19 janvier 2004
R.G. : 30.132/01 9ème Chambre
EN CAUSE :
S.A. AXA BELGIUM (succédant à la S.A. AXA ROYALE BELGE), dont le siège social est établi à 1170 BRUXELLES, boulevard du Souverain, 25,
APPELANTE,
comparaissant par Maître Rodrigue CAPART qui se substitue à Maître Noël SIMAR, avocats,
CONTRE :
M. Rita,
INTIMEE,
comparaissant par Maître Dominique HUMBLET, avocat.
PROCEDURE
Le jugement attaqué a été rendu contradictoirement le 28 mars 2001 par le Tribunal du travail de Huy, 2ème chambre (R.G. : 49.678). Il n'a pas été signifié.
La requête d'appel a été déposée au greffe de la Cour le 13 juin 2001. Le dossier de la procédure du Tribunal y a été reçu le 19 juin 2001.
Les conclusions de l'intimée et son dossier ont été reçus au greffe de la Cour le 17 juin 2003. Les conclusions de l'appelante y ont été reçues le 10 septembre 2003 ; son dossier a été déposé à l'audience du 17 novembre 2003.
Les conseils des parties ont plaidé à cette audience. La clôture des débats a ensuite été prononcée.
La loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire a été respectée.
DECISION
L'appel est PARTIELLEMENT FONDE.
Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il renvoie le dossier au docteur M. MATAGNE afin qu'il continue les opérations d'expertise en prenant en compte l'aggravation de la lésion à l'articulation temporo-mandibulaire gauche de l'intimée.
Ce jugement est réformé en ce que la mission que l'expert est chargé de poursuivre est celle qui lui avait été confiée par le précédent jugement du 18 novembre 1998.
Au lieu des points énoncés par cette mission sous les chiffres 1), 2) et 3), le docteur MATAGNE est invité à dire, en conclusion de son rapport motivé :
1) s'il y a eu une aggravation de l'état physique de l'intimée, entraînant une aggravation de son incapacité permanente de travail originairement fixée à 2%,
2) dans l'affirmative, si cette aggravation est imputable, à tout le moins partiellement, à l'accident du travail du 18 avril 1990,
3) dans l'affirmative, si cette aggravation est intervenue au cours du délai de révision, soit entre le 7 juin 1995 et le 6 juin 1998, en précisant l'époque à laquelle elle est apparue,
4) dans l'affirmative, si cette aggravation a constitué un fait médical nouveau, c'est-à-dire qui n'était ni connu ni prévu, ni prévisible de manière certaine ou à tout le moins de façon hautement vraisemblable, lors de la détermination de l'incapacité permanente de travail originaire dans l'accord-indemnité entériné par le Fonds des accidents du travail,
5) dans l'affirmative, quels sont la date de la nouvelle consolidation des lésions et le taux de l'incapacité permanente de travail révisée.
La cause est renvoyée au Tribunal du travail de Huy en application de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire, la mesure d'instruction ordonnée par le jugement déféré étant confirmée dans son principe.
L'appelante est condamnée aux dépens de l'appel, en vertu de l'article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Ces dépens ne sont pas liquidés pour l'appelante en l'absence du relevé prévu par l'article 1021 du Code judiciaire. Ils sont liquidés pour l'intimée au montant de 133,86 EUR représentant l'indemnité de procédure, conformément à son relevé.
DEVELOPPEMENTS
I.- RAPPEL DES ANTECEDENTS
1.- L'action originaire
Le 18 avril 1990, l'intimée, Madame M..., a été victime d'un accident du travail. Il s'est agi d'un accident de la circulation survenu au cours de son activité de chauffeur et livreur de petits colis.
Selon le rapport d'hospitalisation, elle a subi une commotion cérébrale légère et une entorse cervicale.
Le 11 décembre 1992, le médecin-conseil de l'assureur-loi, le docteur P.-J. BONHOMME, a établi un rapport de consolidation. Celui-ci libellait les séquelles et relatait l'examen clinique de la patiente pratiqué le 13 octobre précédent. Il dressait le tableau des incapacités temporaires de travail du 18 avril au 31 octobre 1990. Il fixait la date de la consolidation des lésions au 1er novembre 1990. Il évaluait à 2 % le taux de l'incapacité permanente de travail. Il contenait en annexe un rapport d'expertise judiciaire élaboré en droit commun le 3 novembre 1992 par le docteur J. COLIN.
Le 7 juin 1995, le Fonds des accidents du travail a entériné l'accord-indemnité souscrit par l'assureur-loi le 24 mai 1993 et par l'intimée le 10 janvier 1994. Cet accord reprend tous les éléments qui figuraient dans le rapport de consolidation de 1992. Il confirme le taux d'incapacité permanente de travail de 2 % à partir du 1er novembre 1990. Il reproduit mot pour mot les constations cliniques et le libellé des séquelles. Celles-ci consistaient pour l'essentiel en douleurs cervicales et interscapulaires survenant par intermittence ou lors de certains mouvements, en céphalées passagères dans la région pariéto-temporale et en sensation de fatigue générale.
Le 5 juin 1998, l'intimée a introduit une action en révision. Elle sollicitait l'évaluation de son incapacité permanente de travail à 20 %. Elle a déposé un certificat rédigé le 1er juin précédent par son dentiste, Madame M. J. CATERINA. Cette dernière attribuait l'aggravation de l'état physique de la patiente, augmentant son incapacité de travail, à une exacerbation de la pathologie, déjà relevée dans le rapport du docteur COLIN, de l'A.T.M. (articulation temporo-mandibulaire).
2.- L'expertise judiciaire
Par jugement du 18 novembre 1998, le Tribunal a reçu l'action et, avant de statuer sur son fondement, a désigné en qualité d'expert le docteur M. MATAGNE. Il lui a confié une mission malheureusement énoncée en termes approximatifs et incomplets, en lui demandant : " 1) de déterminer si l'incapacité permanente de travail résultant des lésions consécutives à l'accident du travail survenu à Madame M... s'est aggravée, 2) en cas de réponse affirmative, de préciser son nouveau taux d'incapacité permanente, 3) de fixer la date de la nouvelle consolidation ".
L'expert a déposé son rapport le 10 août 1999. Il conclut comme suit :
" Le problème posé par cette expertise est assez particulier. Madame M... a été victime d'un accident du travail qui a été consolidé avec 2 % d'incapacité. La patiente n'a pas de modification concernant des problèmes de cervicalgies et de dorsalgies. Par contre, elle a présenté une atteinte de l'articulation temporo-mandibulaire gauche et il existe des modifications.
" Le problème posé réside dans le fait que, dans l'accord-indemnité, il n'est pas fait mention des problèmes de l'articulation temporo-mandibulaire gauche et le docteur WILLEMS, médecin-conseil de (l'assureur-loi), considère qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération l'évolution postérieure à la date de consolidation.
" Il s'agit d'un problème typiquement juridique qui ne relève pas du ressort de l'expert. Il est donc nécessaire qu'il y ait un jugement (...) pour savoir si, oui ou non, il y a lieu de prendre en considération les problèmes de cette articulation temporo-mandibulaire gauche ".
II.- OBJET DE L'APPEL
1.- Le jugement attaqué
En son dispositif, le jugement déféré du 28 mars 2001 " Renvoie le dossier au docteur MATAGNE afin de lui permettre de continuer à remplir la mission (à) lui confiée par le jugement (...) du 18 novembre 1998 ".
Au cours de la motivation qu'il développe, le Tribunal croit pouvoir constater que le problème concernant l'A.T.M. gauche était indirectement évoqué dans le libellé des séquelles repris par l'accord-indemnité et qu'il en a dès lors été tenu compte dans l'évaluation de l'incapacité permanente de travail au taux de 2%.
Après s'être aussi référé à la chronologie des faits postérieurs à l'accident, au contenu du rapport du docteur COLIN et à la circonstance que l'assureur-loi a payé les frais d'une intervention chirurgicale réalisée en juin 1991 en relation avec l'A.T.M. gauche de la patiente, il conclut : " Dans ces conditions, le Tribunal estime que l'aggravation de l'état actuel de l'articulation temporo-mandibulaire gauche de Madame M... doit être prise en charge pour fixer son nouveau taux d'incapacité permanente partielle, pour autant évidemment qu'il existe un lien de causalité entre l'accident du travail du 18 avril 1990 et les problèmes que Madame M... a connus, et connaît toujours, au niveau de (cette) articulation (...) ".
2.- La position de la partie appelante
L'assureur-loi appelant conteste les appréciations médicales des premiers juges et nie qu'il y aurait une quelconque allusion à une atteinte de l'A.T.M. gauche dans le libellé des séquelles repris par l'accord-indemnité.
Il soutient plus généralement que les conditions de l'action en révision ne sont pas toutes satisfaites dans le cas d'espèce.
En ordre principal, il demande à la Cour, réformant le jugement, de débouter d'emblée l'intimée de son action originaire.
Subsidiairement, il propose de soumettre au docteur MATAGNE " la question de savoir si les éléments mentionnés comme séquelles dans l'accord-indemnité peuvent faire penser à l'existence d'une pathologie au niveau de l'A.T.M., l'expert ayant sur cette question à se prononcer avec un haut degré de vraisemblance ", ainsi que de l'inviter à " préciser le lien de causalité éventuel et la date de la survenance de l'aggravation éventuelle ".
3.- La position de la partie intimée
L'intimée sollicite la confirmation du dispositif du jugement entrepris, en se référant à la motivation que son médecin-conseil, le docteur M. DUFRASNE, a développée dans les termes ci-après :
" 1.- Madame M... a été victime d'une atteinte de l'A.T.M. gauche. Ce fait n'est pas nié. Le chirurgien VANWIJCK est intervenu. Il a, par voie opératoire, remis le ménisque en place. Habituellement, ce type de pathologie ne donne pas de complications.
" 2.- Vu le fait que logiquement, il ne devait pas y avoir de complications concernant cette pathologie qui était considérée comme guérie, l'assureur-loi n'a pas repris l'atteinte de l'A.T.M. dans le cadre du libellé des séquelles, car une évolution péjorative n'était pas prévisible.
" 3.- Est survenue dans le cadre du délai de révision une évolution totalement imprévisible lorsqu'à été rédigé le protocole d'accord. Cette évolution péjorative est donc un élément nouveau à mettre en relation avec l'accident vu que, autre argument, l'assureur-loi a pris en charge les soins et notamment l'intervention chirurgicale ".
III.- FONDEMENT DE L'APPEL
1.- Les conditions de l'action en révision
Il découle de l'article 72 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail que l'action en révision a pour objet la révision des indemnités et qu'elle est basée sur une modification de la perte de capacité de travail de la victime (l'hypothèse du décès n'étant pas ici envisagée). Il résulte également de cet article que l'action en révision doit être introduite dans les trois ans qui suivent la date, notamment, de l'entérinement de l'accord-indemnité intervenu entre les parties.
Cela étant, la jurisprudence a explicité la loi en subordonnant le fondement de l'action en révision à certaines conditions, brièvement rappelées ci-après.
1.- Il faut une modification de l'état physique de la victime, entraînant elle-même une modification de l'incapacité permanente de travail (Cass., 23 oct. 1989, Pas., 1990, I., 216, et J.T.T., 1990, p. 51).
2.- Cette modification doit être imputable, à tout le moins partiellement, à l'accident. Ainsi en est-il quand il y a aggravation de la lésion issue de l'accident ou quand celui-ci se trouve à l'origine de l'aggravation d'une lésion qu'il n'avait pas causée (ibid.). En revanche, ce n'est pas le cas lorsque la lésion provoquée par l'accident est aggravée par une cause étrangère à ce dernier (C.T. Liège, 9ème ch., 15 sept. 2003, R.G. : 26.424) ou encore lorsque, l'accident ayant cessé d'exercer toute influence sur l'importance de la lésion, seul l'état pathologique évolutif antérieur continue à se développer (Cass., 19 déc. 1973, Pas., 1974, I., 423).
3.- Cette modification doit survenir pendant le délai de révision, c'est-à-dire le délai de trois ans tel que prévu par l'article 72 de la loi du 10 avril 1971. Il n'y a pas matière à révision si la modification se manifeste avant la prise de cours de ce délai ou après l'expiration de celui-ci. Toutefois, pour autant que la modification de l'état physique de la victime apparaisse dans le cours du délai de révision, il est possible que la consolidation de cet état, et donc le départ de la nouvelle incapacité permanente de travail, se situent après l'échéance de ce délai (C.T. Liège, 9ème ch., 27 avr. 2000, R.G. : 24.506).
4.- Cette modification doit constituer un fait nouveau, c'est-à-dire un fait médical qui, au moment de la détermination de l'incapacité permanente de travail, n'était pas connu ni ne pouvait être prévu de manière certaine (C.T. Liège, 9ème ch., 30 sept. 1998, R.G. : 26.094) ou, à tout le moins, de " façon hautement vraisemblable ", comme un exégète préfère l'énoncer (N. SIMAR, " La révision et la prescription en matière d'accidents du travail ", Bull. ass., doss. n° 8, 2002, p. 215). Si, à ce moment-là, la modification existait déjà, il fallait en tenir compte pour évaluer la perte définitive de capacité de travail ; ou si, au même moment, elle était parfaitement prévisible, il s'imposait de différer la consolidation. Ces exigences jurisprudentielles procèdent du souci d'éviter que l'action en révision ne cache une " voie de recours ", une " action en rectification d'erreur ".
Pour apprécier l'existence de l'élément nouveau, comme pour mesurer l'importance de la modification affectant l'état physique de la victime, il est usuel de comparer cet état tel qu'il se présente lors de la révision et tel qu'il ressortait du bilan séquellaire figurant, notamment, dans l'accord-indemnité entériné par le Fonds des accidents du travail. Cette démarche constitue une pratique pertinente ; elle n'est cependant requise par aucune disposition légale ou réglementaire.
Contrairement à ce que le médecin-conseil de l'assureur-loi appelant paraît avoir pensé ou soutenu lors de l'expertise du docteur MATAGNE, la révision ne se limite pas à l'aggravation d'une lésion expressément indiquée dans ce bilan : ainsi, la révision peut-elle résulter de l'apparition, après le déclenchement du délai triennal, d'une nouvelle lésion imputable, au moins partiellement, à l'accident ; ainsi encore la révision est-elle admise en cas d'aggravation, trouvant son origine dans l'accident, d'une lésion qui n'avait pas été causée par celui-ci (O. MICHIELS, Les accidents du travail, St.- Scientia, 1999, p. 90).
Pareillement faut-il permettre la révision dans l'hypothèse de l'aggravation d'une lésion dont l'accident a constitué la cause ou l'une des causes, mais qui n'a pas été reprise dans le bilan séquellaire parce que, lors de la détermination de l'incapacité permanente de travail, elle était consolidée sans aucune incidence sur cette dernière. L'essentiel est de s'assurer que l'action en révision ne dissimule pas une action en rectification : il est nécessaire mais suffisant de vérifier si l'aggravation de l'état physique de la victime n'était pas connue ni prévue lors de la détermination de l'incapacité permanente de travail, ou encore qu'elle ne pouvait pas être connue de manière certaine ou, à tout le moins, selon toute vraisemblance.
2.- En l'espèce
A.- L'existence de la lésion et le lien de causalité avec l'accident
Dans son rapport d'expertise judiciaire en droit commun du 3 novembre 1992, le docteur COLIN relate que l'intimée s'est plainte, pour la première fois en novembre 1990, de douleurs au niveau de l'A.T.M. gauche.
Il indique que la patiente a été confiée le 19 janvier 1991 à un chirurgien maxillo-facial, le docteur MICHEL, qui a interprété la lésion observée comme étant de type dégénératif.
Le docteur COLIN, quant à lui, livre sa propre interprétation. Il écrit : " (...) sans doute la pénibilité au niveau de l'articulation temporo-maxillaire gauche est-elle apparue plus de six mois après l'accident incriminé. Mais la constatation, à la fois lors de la résonance magnétique nucléaire et de l'arthroscopie, de la luxation du ménisque condylien, nous incline à reconnaître la filiation caténaire diachronique entre les faits et la lésion ". Cet expert admet donc une relation causale partielle, sur fond de prédispositions, entre l'accident de la circulation du 18 avril 1990 et la lésion à l'A.T.M. gauche.
En ce qui concerne le même événement accidentel, mais qualifié d'accident du travail, cette relation causale est présumée par l'article 9 de la loi du 10 avril 1971, malgré le délai écoulé entre cet accident et la manifestation de la lésion. L'assureur-loi appelant ne fournit aucun élément de nature à conduire au renversement de cette présomption réfragable, laquelle est au contraire confirmée et renforcée par l'analyse du docteur COLIN.
B.- L'absence de la lésion dans le bilan séquellaire
Dans le même rapport, le docteur COLIN mentionne l'intervention chirurgicale pratiquée le 11 juin 1991, quoique sans indiquer qu'elle a été réalisée par le docteur VANWIJCK. Il signale ensuite que des radiographies effectuées le 22 juin 1992 par le docteur VAN DE BERG " montrent un aspect morphologique globalement satisfaisant des deux A.T.M. ".
Cela étant, il ajoute qu' " il subsiste une sollicitation douloureuse de la mâchoire à l'effort de mastication vis-à-vis des aliments consistants, une état circonstanciel de tension douloureuse au niveau de la région temporo-pariéto-auriculaire sous la dépendance du S.A.D.A.M. (= syndrome algodystrophique de l'articulation temporo-maxillaire), mais on ne peut négliger le surplomb incisivo-canin sans rapport avec les faits, également inducteur de la pathologie ".
Il suit que le docteur COLIN, considérant l'état global de la blessée comme consolidé à la date du 1er janvier 1993, retient, d'une part, une incapacité permanente de 2 % traduisant le handicap professionnel issu de la pathologie cervicale et, d'autre part, une invalidité de 5% découlant de la " pénibilité masticatoire et de la tension auriculo-temporo-pariétale, n'induisant pas un handicap professionnel ". Il faut ajouter qu'aucune réserve n'était, à cet égard, émise pour l'avenir.
Le docteur BONHOMME, qui a annexé le rapport du docteur COLIN à son propre rapport de consolidation du 11 décembre 1992, ainsi d'ailleurs que les radiographies du docteur VAN DE BERG, était donc parfaitement au courant de la lésion à l'A.T.M. gauche partiellement imputable à l'accident du travail. L'a-t-il indiquée dans le bilan séquellaire qu'il a établi et qui sera reproduit dans l'accord-indemnité ? Le Tribunal estime qu'il y a fait allusion ; l'assureur-loi appelant le conteste et suggère subsidiairement, en cas de doute, d'interroger à ce sujet l'expert MATAGNE. En réalité, il est inutile de poser la question à ce dernier puisqu'il a clairement écrit en page 7 de son rapport : " Dans les séquelles de l'accord-indemnité, qui a été homologué par le F.A.T., il n'a jamais été fait mention de l'articulation temporo-mandibulaire gauche ".
Il ressort donc des éléments du dossier que le docteur BONHOMME, se référant au rapport du docteur COLIN et aux radiographies du docteur VAN DE BERG, savait que la lésion de l'A.T.M. gauche, entraînant une simple invalidité, n'avait aucune incidence sur l'incapacité de travail et qu'elle n'était pas susceptible d'avoir un jour pareille incidence compte tenu, notamment, de l'absence de réserves. Il faut voir dans ces circonstances, avec le médecin-conseil de l'intimée, la raison pour laquelle cette lésion n'a pas été reprise dans le bilan séquellaire justifiant l'évaluation de l'incapacité de travail, tant dans le rapport de consolidation du 11 décembre 1992 que dans l'accord-indemnité qui en a fidèlement reproduit tous les termes.
Par conséquent, il est possible, dans le cadre de l'action en révision, d'avoir égard à une aggravation de cette lésion absente du bilan séquellaire, mais pour autant, bien sûr, que cette aggravation réponde à chacune des conditions d'une telle action. Enfin, pour dissiper toute confusion, il convient de préciser que, si la lésion était donc connue au moment de la détermination de l'incapacité permanente de travail, il faut que l'aggravation de cette lésion, génératrice d'une perte de capacité de travail, ait constitué un fait nouveau, c'est-à-dire qu'elle n'était, quant à elle, ni connue ni prévisible à ce moment.
C.- L'application des conditions de l'action en révision
C'est avec raison que l'assureur-loi appelant souhaite subsidiairement entendre poser à l'expert des questions destinées à permettre, finalement, de vérifier si toutes les conditions de l'action en révision sont respectées en l'espèce.
Il s'agit donc de demander clairement au docteur MATAGNE :
1) s'il existe une aggravation de l'état physique de l'intimée augmentant la perte de sa capacité de travail,
2) si cette aggravation est imputable, au moins partiellement, à l'accident du travail, ce qui est en principe le cas lorsqu'il y a aggravation d'une lésion dont l'accident a été la cause ou l'une des causes, sauf si l'aggravation a elle-même résulté d'une cause totalement étrangère à l'accident ou si, ce dernier n'ayant plus exercé aucune influence sur l'importance de la lésion, c'est l'état antérieur de la victime qui, seul, a continué à évoluer,
3) si cette aggravation est survenue pendant le délai de révision, soit en l'occurrence entre le 7 juin 1995 et le 6 juin 1998, le certificat du 1er juin 1998 du dentiste CATERINA pouvant à ce propos susciter des doutes que la lettre du 6 septembre 2001 du médecin-conseil de l'intimée tend toutefois à dissiper,
4) si, enfin, cette aggravation a constitué un élément nouveau, au sens explicité plus haut.
D.- Conclusion
L'appel est non fondé en ce qu'il tend à faire débouter d'emblée l'intimée de son action en révision : le jugement doit être confirmé en ce qu'il renvoie le dossier au docteur MATAGNE afin que celui-ci continue les opérations d'expertise en prenant en compte l'aggravation de la lésion à l'A.T.M. gauche.
En revanche, l'appel est fondé dans la mesure où il vise à faire poser à l'expert des questions permettant de vérifier le respect de toutes les conditions de l'action en révision : le jugement querellé doit donc être réformé en ce que, d'après ce jugement, la mission que l'expert est chargé de poursuivre est celle qui lui avait été confiée par le précédent jugement du 18 novembre 1998.
AINSI ARRÊTE PAR :
M. Jean-Claude GERMAIN, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Jean-Marie BAGUETTE, Conseiller social au titre d'employeur,
Mme Maria-Rosa FORTUNY-SANCHEZ, Conseiller social au titre de travailleur salarié,
qui ont assisté aux débats de la cause,
et prononcé en langue française à l'audience de la 9e Chambre de la Cour du travail de Liège, section de Liège, au Palais de Justice de Liège, place Saint-Lambert, le DIX-NEUF JANVIER DEUX MILLE QUATRE, par le même siège, sauf Madame Maria-Rosa FORTUNY-SANCHEZ qui, empêchée, a été remplacée par Monsieur Raymond HOENS, Conseiller social au titre de travailleur salarié.
assistés de M. Maurice GERARD, Greffier assumé.
Suivi de la signature du siège ci-dessus