Cour du Travail: Arrêt du 2 septembre 2002 (Liège (Namur)). RG 6937/01

Date :
02-09-2002
Langue :
Français
Taille :
5 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20020902-3
Numéro de rôle :
6937/01

Résumé :

Si une demande reconventionnelle en révision peut être introduite par voie de conclusions, même après l'expiration du délai de révision, elle n'est toutefois recevable que pour autant que la demande principale en révision le soit elle-même.

Arrêt :

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COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

SECTION DE NAMUR

ARRET

Audience publique du 2 septembre 2002

R.G. n° 6.937/01 12ème Chambre

EN CAUSE DE :

GENERAL ACCIDENT S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES (GENERAL ACCIDENT FIRE AND LIFE ASSURANCE CORPORATION P.L.C.),en abrégé la S.A. C.G.U., dont le siège social est établi avenue Hermann-Debroux, 54 à 1160 BRUXELLES

APPELANTE, comparaissant par Me Marc PIETERS, Avocat,

CONTRE :

L. Carole,

INTIMEE, comparaissant par Me Jean-François MACOURS loco Me André-Marie SERVAIS, Avocats,

Vu les pièces du dossier de la procédure, notamment le jugement rendu le 10 janvier 2001 par le Tribunal du travail de Namur, 1ère Chambre ;

Vu la requête d'appel reçue au greffe de la Cour du travail de Liège, section de Namur, le 14 juin 2001 et régulièrement notifiée ;

Vu les conclusions de l'intimée reçues au greffe de la Cour le 7 février 2002 ;

Vu les conclusions de l'appelante reçues au greffe de la Cour le 12 mars 2002;

Entendu les conseils des parties en leurs explications à l'audience du 24 juin 2002 ;

Attendu que ce jour, vidant le délibéré, il a été statué comme suit :

Rétroactes

Attendu que le 25 août 1990, l'intimée a été victime d'un accident du travail, une chute, qui a provoqué une lésion - une entorse de la cheville gauche - consolidée à la date du 1er décembre 1993 sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 5% ;

Que par citation du 19 mai 1998, l'appelante - et non, comme l'expose cette dernière par erreur en termes de conclusions d'appel, l'intimée - a, précisant que « le délai de révision expirait le 18 mai 1998 », introduit une demande visant à déterminer le taux d'incapacité permanente dont se trouvait alors affectée l'intéressée ;

Que par jugement du 3 juin 1998, le premier juge a, partant de la considération qu'il était saisi d'une demande en révision, dit celle-ci recevable et, avant dire droit, a désigné en qualité d'expert le docteur Georges LEJEUNE, avec pour mission de « dire si depuis le 19 mai 1995, il est survenu une amélioration ou une aggravation dans (l'état de la victime), dans l'affirmative, depuis quelle date et d'indiquer le fait nouveau qui l'a provoquée (...) » ;

Que le 7 octobre 1999, le docteur Georges LEJEUNE a déposé un rapport dont les conclusions sont les suivantes :

« - Depuis la date du 19 mai 1995, il y a lieu de retenir deux périodes d'incapacité temporaire totale :

- 100% du 22 janvier 1998 au 31 janvier 1998,

- 100% du 17 août 1998 au 30 septembre 1998 ;

- Depuis le 19 mai 1995, il est survenu une aggravation dans l'état de Madame L suite à l'accident du 25 août 1990 : un fait nouveau consistant en une instabilité douloureuse de la cheville gauche est apparu depuis le 12 janvier 1998 objectivé notamment par l'existence d'une arthrose sous-astragalienne de la cheville gauche ;

- Ce fait nouveau justifie la fixation d'une instabilité (dépréciation physiologique) de 10% à partir du 12 janvier 1998 avec répercussion équivalente ;

- Une nouvelle aggravation est survenue à partir du 1er octobre 1998 justifiant la fixation d'une invalidité (dépréciation physiologique) de 20% avec répercussion économique équivalente (incapacité de 20%). » ;

Que par voie de conclusions du 2 mars 2000, l'intimée a, introduisant ainsi reconventionnellement une demande en révision, sollicité l'entérinement desdites conclusions du rapport d'expertise et a demandé à ce qu'il soit dit pour droit que le taux de son incapacité permanente devait être porté de 5 à 10% à partir du 12 janvier 1998 et de 10 à 20% à partir du 1er octobre 1998 ;

Que par jugement déféré du 10 janvier 2001, le premier juge - estimant que si, dans le cadre d'une action en révision, doit être constatée une modification de l'état physique consécutive à l'accident invoqué et intervenue dans le délai de révision de trois ans visé à l'article 72 de la loi du 10 avril 1971, lorsque cette modification entraîne une évolution qui se prolonge au-delà de l'expiration du délai de révision, la date de la nouvelle consolidation ne doit pas nécessairement se situer dans ce délai (citant : VAN GOSSUM, L., Les accidents du travail, 5ème éd., 2000 , p. 137 ; C.T. Bruxelles, 15 janvier 1990, J.T.T., 1990, p. 271 ; C.T. Mons, 26 mars 1993, R.G.A.R., 1995, p. 12.537) - a entériné les conclusions du docteur Georges LEJEUNE, précisant que les aggravation retenues par celui-ci ouvraient à l'intimée un droit à révision des indemnités, fondé, au sens de l'article 72 de la loi du 10 avril 1971, sur une modification de la perte de sa capacité de travail ;

L'appel

Attendu que l'appelante entend voir réformer le jugement déféré au motif que si la première aggravation retenue par l'expert, à dater du 12 janvier 1998, se situe bien dans le délai de révision prévu par l'article 72 de la loi du 10 avril 1971, il en est par contre tout autrement de la seconde aggravation qui, survenue le 1er octobre 1998, ne saurait s'inscrire dans une évolution de la première aggravation ;

Qu'elle entend, en conséquence, que cette seconde modification du taux d'incapacité ne puisse donner lieu qu'au paiement de l'allocation d'aggravation prévue à l'article 9 de l'arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ;

Qu'il n'apparaît d'aucun document que le jugement déféré ait été signifié ;

Que l'appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai légaux ;

Discussion

Attendu que l'article 72 de la loi du 10 avril 1971 dispose comme suit :

« La demande en révision des indemnités, fondée sur une modification de la perte de capacité de travail de la victime ou sur son décès dû aux conséquences de l'accident, peut être introduite dans les trois ans qui suivent la date de l'homologation ou de l'entérinement de l'accord entre les parties ou de la décision ou de la notification visée à l'article 24 » ;

Que l'article 9, alinéa 2, de l'arrêté royal du 10 décembre 1987 fixant les modalités et les conditions de l'entérinement des accords par le Fonds des accidents du travail (F.A.T.) prévoit, quant à lui, que le Fonds informe les parties, par lettre recommandée, de l'entérinement de leur accord « en mentionnant la date à laquelle il a eu lieu » et précise que « cette date constitue la date de prise de cours du délai visé à l'article 72 de la loi » ;

Que selon les termes de la citation signifiée à la requête de l'appelante le 19 mai 1998, dans la présente espèce, le F.A.T. a, le 19 mai 1995, notifié la décision entérinant l'accord des parties sur la rémunération de base, le taux de l'incapacité permanente et la date de consolidation de la lésion;

Qu'il y est en outre précisé que le délai de révision expirait le 18 mai 1998 ;

Que si tel devait être le cas, la demande introduite le 19 mai 1998 l'aurait été après expiration du délai de trois ans prévu par l'article 72 de la loi du 10 avril 1971 ; Que le délai pour l'introduction d'une demande en révision des indemnités du chef d'un accident du travail est d'ordre public et, n'étant pas un délai de prescription, ne peut être ni interrompu ni suspendu (Cass., 1er mars 1993, Bull, 1993, p. 232, n° 122) ;

Que l'article 72, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971 prévoit que l'action en révision peut être introduite par demande reconventionnelle jusqu'à la clôture des débats, par voie de conclusions déposées au greffe et communiquées aux autres parties ;

Que si une telle demande reconventionnelle en révision peut être introduite, même après expiration du délai de révision, elle n'est toutefois recevable que pour autant que le soit la demande principale en révision (LEBE-DESSART, V., « La procédure et le Fonds des accidents du travail », Chroniques de droit à l'usage du Palais, Tome VI, Risque professionnel - Droit social et fiscal, C.U.P. 1989, p. 31 et réf. ; VAN GOSSUM, L., Les accidents du travail, 4ème éd., 1997 , p. 125 ) ;

Que s'impose, compte tenu du caractère d'ordre public des dispositions de l'article 72 de la loi du 10 avril 1971, une réouverture des débats qui devra permettre aux parties de s'expliquer au sujet de la question - soulevée d'office - de la recevabilité des demandes principale et reconventionnelle en révision qui font l'objet du présent litige et notamment de produire aux débats la lettre recommandée par laquelle elles ont été informées de la date de l'entérinement de leur accord de 1995 ;

Qu'il y a lieu de réserver à statuer pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré,

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit l'appel recevable;

Avant dire droit,

Ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer au sujet de la question de la recevabilité des demandes principale et reconventionnelle en révision qui font l'objet du présent litige et notamment de produire aux débats la lettre recommandée par laquelle elles ont été informées de la date de l'entérinement de leur accord de 1995 ;

Fixe la réouverture des débats au lundi vingt-cinq novembre deux mille deux à quinze heures ;

Réserve à statuer quant au surplus ;

Ainsi jugé par :

Monsieur Pol DELOOZ, Président de Chambre,

Monsieur Philippe LAPIERRE, Conseiller social au titre d'employeur,

Monsieur Jean-Claude TOUCHEQUE, Conseiller social au titre de salarié,

qui ont assisté aux débats de la cause

et prononcé en langue française à l'audience publique de la douzième Chambre de la Cour du travail de Liège, section de Namur, au Palais de Justice de Namur, le DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE DEUX par le même siège, sauf Monsieur Philippe LAPIERRE qui, empêché, a été remplacé par Monsieur Kaerl ALLOIN, Conseiller social au titre d'employeur,

assistés de Monsieur José WOTERS, Greffier.

N° d'ORDRE :N° de Répertoire : 42

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

SECTION DE NAMUR

ARRET

Audience publique du 27 janvier 2003

R.G. n° 6.937/01 12ème Chambre

EN CAUSE DE :

La S.A. GENERAL ACCIDENT, COMPAGNIE D'ASSURANCES (GENERAL ACCIDENT FIRE AND LIFE ASSURANCE CORPORATION P.L.C.), en abrégé la S.A. C.G.U., dont le siège social est établi avenue Hermann-Debroux, 54 à 1160 BRUXELLES

APPELANTE, comparaissant par Me Marc PIETERS, Avocat,

CONTRE :

L.,

INTIMEE, comparaissant par Me Jean-François MACOURS loco Me André-Marie SERVAIS, Avocats,

Vu le dossier de la procédure, notamment l'arrêt rendu le 2 septembre 2002 et les pièces qui s'y trouvent mentionnées;

Vu les pièces déposées par le conseil de l'appelante à l'audience du 25 novembre 2002;

Entendu les conseils des parties en leurs explications à l'audience du 25 novembre 2002 ;

Attendu que ce jour, vidant le délibéré, il a été statué comme suit :

Attendu que par son arrêt du 21 septembre 2002, la Cour a rappelé que l'article 9, alinéa 2, de l'arrêté royal du 10 décembre 1987 fixant les modalités et les conditions de l'entérinement des accords par le Fonds des accidents du travail (F.A.T.) prévoit que le Fonds informe les parties, par lettre recommandée, de l'entérinement de leur accord « en mentionnant la date à laquelle il a eu lieu » et précise que « cette date constitue la date de prise de cours du délai visé à l'article 72 de la loi » ;

Qu'elle a dû constater que selon les termes de la citation signifiée à la requête de l'appelante le 19 mai 1998, dans la présente espèce, le F.A.T. a, le 19 mai 1995, notifié la décision entérinant l'accord des parties sur la rémunération de base, le taux de l'incapacité permanente et la date de consolidation de la lésion et qu'il y est en outre précisé que le délai de révision expirait le 18 mai 1998 ;

Que force était de considérer que si tel devait être le cas, la demande introduite le 19 mai 1998 l'aurait été après expiration du délai de trois ans prévu par l'article 72 de la loi du 10 avril 1971 ;

Que si l'article 72, alinéa 3, de la loi du 10 avril 1971 prévoit que l'action en révision peut être introduite par demande reconventionnelle jusqu'à la clôture des débats, par voie de conclusions déposées au greffe et communiquées aux autres parties et si une telle demande reconventionnelle en révision peut être introduite, même après expiration du délai de révision, elle n'est toutefois recevable que pour autant que le soit la demande principale en révision (LEBE-DESSART, V., « La procédure et le Fonds des accidents du travail », Chroniques de droit à l'usage du Palais, Tome VI, Risque professionnel - Droit social et fiscal, C.U.P. 1989, p. 31 et réf. ; VAN GOSSUM, L., Les accidents du travail, 4ème éd., 1997, p. 125) ;

Que s'imposait dès lors, compte tenu du caractère d'ordre public des dispositions de l'article 72 de la loi du 10 avril 1971, une réouverture des débats qui devait permettre aux parties de s'expliquer au sujet de la question - soulevée d'office - de la recevabilité des demandes principale et reconventionnelle en révision qui font l'objet du présent litige et notamment de produire aux débats la lettre recommandée par laquelle elles ont été informées de la date de l'entérinement de leur accord de 1995 ;

Que ladite lettre recommandée adressée par le F.A.T. aux parties le 19 mai 1995 est actuellement produite aux débats par l'appelante;

Qu'il y est précisé que l'entérinement de l'accord des parties sur la rémunération de base, le taux de l'incapacité permanente et la date de consolidation de la lésion est intervenu le 18 mai 1995;

Que la demande introduite le 19 mai 1998 était irrecevable pour l'avoir été après expiration du délai de trois ans prévu par l'article 72 de la loi du 10 avril 1971;

Que par voie de conséquence, tel était également le cas de la demande reconventionnelle introduite par l'intimée par voie de conclusions du 2 mars 2000;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré,

Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire;

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réformant le jugement déféré du 10 janvier 2001, hormis quant aux frais et dépens d'instance,

Dit irrecevables les demandes en aggravation introduites respectivement par l'appelante par voie de citation du 19 mai 1998 et par l'intimée par voie de conclusions du 2 mars 2000;

Délaisse, comme de droit, à l'appelante la charge des dépens d'appel;

Liquide pour l'intimée lesdits dépens au montant de l'indemnité de procédure,

133, 86 euros (conclusions du 7 février 2002);

Ainsi jugé par :

Monsieur Pol DELOOZ, Président de Chambre,

Monsieur Philippe LAPIERRE, Conseiller social au titre d'employeur,

Monsieur Jean-Claude TOUCHEQUE, Conseiller social au titre de salarié,

qui ont assisté aux débats de la cause

et prononcé en langue française à l'audience publique de la douzième Chambre de la Cour du travail de Liège, section de Namur, au Palais de Justice de Namur, le VINGT-SEPT JANVIER DEUX MILLE TROIS par le même siège,

assistés de Monsieur José WOTERS, Greffier.

Suivi de la signature du siège ci-dessus.