Cour d'appel: Arrêt du 16 décembre 2002 (Liège). RG 2001/RG/21

Date :
16-12-2002
Langue :
Français
Taille :
3 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20021216-2
Numéro de rôle :
2001/RG/21

Résumé :

La résiliation unilatérale est un acte juridique réceptice . Elle produit ses effets de plano et irrévocablement, dès l'instant où elle a été adressée à l'autre partie et que celle-ci l'a reçue ou à tout le moins a pu en prendre connaissance.

Arrêt :

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Attendu que les faits donnant lieu au litige et les différentes demandes ont été rappelés par les premiers juges ; que l'on retient que les parties étaient liées par un contrat de licence de modèle conclu le 1er avril 1992 pour 10 ans et obligeant l'appelante à payer à l'intimé une redevance de 3 % sur le chiffre des ventes réalisées, avec un minimum de 150.000 francs par année ;
Que le 17 octobre 1997 l'appelante écrivait à l'intimé un courrier très bref où elle annonce que " A partir de ce jour, nous allons arrêter la production du Stonecross. Nous ne voulons plus supporter de frais de licence. Nous voulons bien prendre en considération la vente de ce produit via vos licenciés néerlandais. Pouvons-nous nous rencontrer afin de discuter de tout ceci " ; que la dernière phrase de cette lettre est traduite différemment par les parties, l'appelante présentant celle-ci comme " Ce courrier vaut dénonciation officielle " tandis que l'intimé traduit le terme " officiële opzegging " par " résiliation officielle " ;
Que le 23 décembre 1997, l'intimé faisait parvenir à l'appelante la facturation relative aux royalties du dernier trimestre, au minimum conventionnel, facture qui sera payée le 12 février 1998 ;
Que le 8 janvier 1998 l'intimé faisait interpeller l'appelante par son conseil pour réclamer une indemnité de rupture de 675.000 francs ; qu'il ne donnera pas suite aux souhaits de rencontre exprimés par l'appelante qui le 2 mars 1998 annoncera qu'elle continuera à payer les redevances trimestrielles et conservera le produit dans son catalogue ;
Que l'on observe toutefois que si le catalogue 1999 reprend parmi les produits offerts le Stonecross, si elle prétend ne jamais avoir cessé la production alors que sa lettre le signalait " à partir de ce jour ", l'appelante ne fera plus aucun paiement, assignée qu'elle est par citation du 17 août 1998 pour l'indemnité de rupture calculée en référence à l'article 6 du contrat ;
Attendu que quelle que soit la traduction retenue du terme " opzegging " utilisé en finale du courrier de l'appelante du 17 octobre 1997, il est clair que par cette lettre l'intéressée entendait mettre fin prématurément au contrat, ce qui s'analyse comme une résiliation ; que le terme pris dans le contexte de la lettre signifie bien que l'appelante voulait se dégager du contrat de manière à ne plus supporter les redevances auxquelles elle était obligée ;
Que l'intimé a perçu le message comme tel et que la facturation du dernier trimestre de 1997 ne peut s'interpréter comme un refus d'accepter la prise en compte de la volonté de l'appelante ; que le trimestre étant commencé, avec une production qui ne s'arrêtait qu'à partir du 17 octobre, il était logique que l'intimé demande le fruit de la commercialisation dudit trimestre ; que rien ne l'obligeait à subir une révision du contrat ;
Attendu que l'appelante a voulu faire marche arrière lorsque, voyant que l'intimé ne prétendait pas négocier comme elle l'aurait voulu un nouveau contrat, elle s'est vu notifier la réclamation d'une indemnité de rupture ;
Que cependant " la résiliation unilatérale est un acte juridique réceptice . Elle produit ses effets de plano et irrévocablement, dès l'instant où elle a été adressée à l'autre partie et que celle-ci l'a reçue ou à tout le moins a pu en prendre connaissance "
( P. Wéry, Vue d'ensemble sur les causes d'extinction des contrats, CVP 2001, vol.51, p. 26, n° 18 ) ;
que l'appelante, confrontée au refus de l'intimé de laisser le contrat reprendre son cours, ne peut ressusciter ses obligations échelonnées ; que si son catalogue pour 1999 reprend le Stonecross, l'absence de catalogue pour 1998 laisse entrevoir que pour cette année-là, le produit avait bien disparu de la gamme de produits commercialisés par l'appelante ; qu'aucune information n'a au surplus été donnée quant aux ventes qui auraient été réalisées et qui, dans la thèse même de l'appelante, l'obligeaient alors à payer les redevances dont le calcul dépend du chiffre d'affaires, ce que l'intimé aurait été bien en peine de connaître pour établir une facturation ;
Attendu que l'appelante ne peut justifier la rupture anticipée de la convention que par sa volonté de cesser une production qui ne lui rapportait pas suffisamment pour compenser les redevances promises à l'intimé ; que la résiliation du contrat lui est entièrement imputable ; que dans la lettre d'annonce, elle ne fait pas état de manquements de la part de l'intimé qui en vertu du contrat n'était pas tenu d'apporter un soutien commercial ; que la rupture est donc fautive dans le chef de l'appelante et que cette dernière est dès lors exposée à devoir indemniser l'intimé ;
Attendu que celui-ci invoque l'article 6.2 du contrat qui stipule une " indemnité forfaitaire exigible de plein droit et sans mise en demeure correspondant au doublement des minimats trimestriels qui auraient été dus jusqu'à la fin du contrat ", mais qu'il ne réclame l'indemnité qu'au montant des redevances manquées ;
Attendu que les relations entre parties étaient régies par la version française du contrat ; que l'appelante produit la version néerlandaise d'où l'article 6.2 est absent, mais que l'intimé lui avait renvoyé le 15 octobre 1991 le contrat qui finalement sera signé en mentionnant spécialement que " afin de vous faciliter, je vous joins en annexe une nouvelle traduction qui tient compte des changements acceptés " ; que l'on peut en déduire que cette traduction comportait bien le texte complet de la version française et qu'il n'y a eu de la part de l'intimé ni dol ni volonté de surprendre le consentement de l'appelante ;
Qu'au demeurant cette discussion est sans intérêt puisque, comme l'appelante le soutient, la sanction prévue par ledit article 6.2 n'est pas applicable comme telle puisqu'elle fait référence aux seuls cas de figures de l'article 6.1, non rencontrés en l'espèce ;
Attendu que la rupture prématurée du contrat prive l'intimé du bénéfice qu'il devait en retirer et qui, à tout le moins, additionne les redevances minima qu'il aurait perçues si les relations s'étaient poursuivies jusqu'au terme convenu ; que l'intimé a droit à 150.000 francs l'an jusqu'au 31 mars 2002, soit 4 ans et un trimestre, ce qui représente 637.500 francs ou 15.803,21 euros ;
Que cette indemnité, moindre que la clause pénale envisagée pour d'autres hypothèses à l'article 6 du contrat, n'est pas excessive et correspond au dommage réel de l'intimé qui n'abuse pas de son droit en la réclamant, la mise en place d'un réseau de remplacement demandant du temps ; que la règle de l'exécution de bonne foi des conventions n'implique pas que si des circonstances nouvelles et non prévues par les parties rendent l'exécution du contrat plus difficile pour le débiteur, le créancier ne puisse réclamer le paiement de sa créance ( Cass 14.4.1994, Pas 1994, I, 365 ) ;
Qu'aucune renonciation ne peut être tirée du silence observé par l'intimé entre la réception des lettres de l'appelante proposant de reprendre la production et la citation dont les termes étaient déjà annoncés par la mise en demeure du 8 janvier 1998 ;
Attendu que les demandes de l'appelante doivent être rejetées, aucun tort n'étant retenu à charge de l'intimé ;
PAR CES MOTIFS,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935,
La Cour, statuant contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement entrepris sous l'émendation que la condamnation de l'appelante est portée à 15.803,21 euros avec les intérêts judiciaires depuis la citation du 17 août 1998.
Condamne l'appelante aux dépens d'appel liquidés pour l'intimé à 446,21 euros suivant le relevé produit.
Prononcé, en langue française, à l 'audience publique de la septième chambre de la Cour d'Appel de Liège, palais de justice, le SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE DEUX où étaient présents :
Monsieur R. de FRANCQUEN, Conseiller ff. de Président
Monsieur M.LIGOT, Conseiller,
Madame A. JACQUEMIN, Conseiller,
Monsieur J.J.BOUSSA, Greffier.