Tribunal de commerce: Jugement du 16 novembre 2007 (Verviers). RG A/06/0652

Date :
16-11-2007
Langue :
Français
Taille :
4 pages
Section :
Jurisprudence
Source :
Justel F-20071116-6
Numéro de rôle :
A/06/0652

Résumé :

Dans ce jugement fouillé, le juge considère que la partie défenderesse, actionnée à l'initiative de l'Institut Professionnel des agents immobiliers, s'est bien rendue coupable de concurrence déloyale en exerçant, sans être titulaire du titre, la fonction protégée d'agent immobilier. Il lui interdit donc, sous peine d'astreinte, toute activité d'intermédiaire immobilier, par lui-même ou par le compte de tiers ou dans le cadre d'une collaboration avec des tiers, spécialement en l'espèce la S.P.R.L. JEKERDAL au travers de son site internet www.ardennentop.be jusqu'à ce qu'il remplisse les conditions prévues par l'arrêté royal du 6 septembre 1993.

Jugement :

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Rôle général n° A/06/0652 Folio n° Répertoire n° .

TRIBUNAL DE COMMERCE DE VERVIERS. Troisième Chambre.

Audience publique du vendredi 16 novembre 2007

Jugement contradictoire.

En cause:

L'INSTITUT PROFESSIONNEL DES AGENTS IMMOBILIERS, en abrégé « IPI », institut professionnel créé par l'arrêté royal du 6 septembre 1993, dont le siège social est établi à 1000 BRUXELLES, rue du Luxembourg, 16 b, immatriculé à la Banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0267.300.821,

Demandeur au principal, défendeur sur reconvention, comparaissant par Maître Julie ROLAND, Avocat, substituant Maître Frédéric van den BOSCH, Avocat du Barreau de NIVELLES, dont l´étude est sise à 1400 NIVELLES, rue de la Procession, 25, son mandataire verbal,

Contre:

ONCL, gérant, né à XX le XX, immatriculée à la Banque-carrefour des entreprises sous le numéro XX, domicilié à XX

Défendeur au principal, demandeur sur reconvention, comparaissant par Maître L. SABRE, Avocat, substituant Maîtres Piet et Guy SCHIEPERS, Avocats du Barreau de TONGEREN, dont l'étude est sise à 3700 TONGEREN, Darenbergstraat, 2, ses mandataires verbaux.

Dans le droit :

Vu le dossier de procédure et en particulier la citation introductive d'instance du 6 septembre 2006 ;

Vu le jugement prononcé le 14 septembre 2006 par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de LIÈGE renvoyant la cause devant le Président du Tribunal de Commerce de VERVIERS ;

Vu les conclusions et dossiers de pièces des parties ;

Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ;

Vu le Code judiciaire ;

Entendu les conseils des parties à l'audience du 21 .09.2007 et à l'audience du 19.10.2007 ;

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L'action du demandeur a pour objet de voir constater dans le chef du défendeur l'existence d'actes contraires aux dispositions de la loi du 14.07.1991 sur les pratiques du commerce et spécialement ses articles 93 et 97 consistant dans la violation des dispositions protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, d'ordonner la cessation des activités immobilières du défendeur en sa qualité d'intermédiaire, le tout sous peine d'astreinte, avec publication de l'ordonnance à intervenir et condamnation aux dépens.

L'arrêté royal du 6 septembre 1993 protège le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier et l'arrêté royal du 17 février 1995 a procédé à l'installation de l'Institut professionnel des Agents Immobiliers (en abrégé : IPI) ;

L'article 2 de l'arrêté royal du 6 septembre 1993 dispose que :

« Nul ne peut exercer en qualité d'indépendant, à titre principal ou accessoire, la profession d'agent immobilier, ou porter le titre professionnel d' « agent immobilier agréé IPI » ou d' « agent immobilier stagiaire », s'il n'est inscrit au tableau des titulaires de la profession ou sur la liste des stagiaires tenue par l'institut, ou, si étant établi à l'étranger, il n'a obtenu l'autorisation d'exercer occasionnellement cette profession ».

L'article 3 de ce même arrêté royal dispose que :

« Exerce l'activité professionnelle d'agent immobilier au sens du présent arrêté, celui qui, d'une manière habituelle, et à titre indépendant, réalise pour le compte de tiers :

1. Des activités d'intermédiaire en vue de la vente, l'achat, l'échange, la location ou la cession de biens immobiliers, droits immobiliers ou fonds de commerce.

2. Des activités d'administrateur de biens immobiliers assurant :

a. soit, la gestion de biens immobiliers ;

b. soit, la fonction de syndic de biens immobiliers en copropriété. »

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Ainsi donc, l'exercice de la profession d'agent immobilier requiert d'être inscrit au tableau des titulaires de la profession ou sur la liste des stagiaires tenue par l'IPI.

Par ailleurs, si l'activité est exercée dans le cadre d'une société, l'obligation s'impose à un (ou des) administrateur(s), gérant(s) ou encore associé(s) actif(s) qui exerce(nt) la profession réglementée ou encore à un de ceux-là désigné à cet effet.

L'IPI a pour mission légale de contrôler l'exercice de la profession d'agent immobilier et dans le cadre de cette mission, ainsi qu'en sa qualité de groupement professionnel au sens de l'article 98 § 1, 3 de la loi du 14.07.1991, il peut agir en cessation à l'encontre de toute personne exerçant irrégulièrement la profession d'agent immobilier.

Le demandeur considère que le défendeur exerce irrégulièrement la profession d'agent immobilier, à tout le moins depuis janvier 2005, au travers du site www.XX.be dont il est propriétaire.

Folio n°

A/06/0652 - 16.11.2007 - IPI c/ OLISLAGERS - Jugement.

Le demandeur relève ainsi que :

> par courrier du 26 janvier 2005, il a demandé à XX de communiquer les coordonnées de la ou des personnes chargées de l'activité réglementée,

> le défendeur a répondu qu'il était inscrit en qualité d'indépendant au registre de commerce de Liège sous la dénomination « N.C.L. OLISLAGERS » et qu'il n'exerçait pas d'activité d'agent immobilier,

> le défendeur explique qu'il est propriétaire d'un

« XX » dénommé « XX » et que son nom de domaine est « XX » site sur lequel les personnes qui veulent vendre un bien immobilier peuvent insérer une annonce sans pour autant qu'il exerce pour la cause la profession d'agent immobilier,

> la consultation du site internet du défendeur démontre le contraire,

> les différents moyens développés par le défendeur sont irrelevants et celui-ci fait même l'aveu judiciaire qu'il n'est pas propriétaire des biens immobiliers figurant sur son site et qu'il exerce des activités d'agent immobilier.

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Le défendeur se défend d'exercer de telles activités.

A cet effet, il invoque le Code de déontologie des agents immobiliers et relève que :

> le demandeur ne prouve pas l'existence d'un contrat écrit avec les propriétaires d'immeubles à vendre ou à louer,

> le demandeur ne prouve pas que les annonces ont été placées par lui sur son site internet,

> le demandeur interprète mal le terme « xx » qu'il traduit lui par « xx » est bien sa propriété et il donne en location son propre immeuble,

> le demandeur ne prouve pas qu'il reçoit des honoraires en qualité d'intermédiaire,

> le demandeur ne prouve pas que les éléments caractéristiques de l'activité d'agent immobilier sont réunis dans son chef.

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Il n'est ni contesté, ni contestable, que le défendeur gère l' « xx» dont les activités tiennent de la location d'équipement collectif, le défendeur apportant la preuve qu'il est effectivement propriétaire de l'immeuble pour l'avoir acquis par acte authentique du 04.11.2000.

Le défendeur ajoute dans sa lettre du 5 février 2005 à l'IPI qu'il est « propriétaire de l'agence de location « XX. » »

Il est tout aussi incontestable que le site internet xx dont le défendeur détient la licence, comporte des annonces immobilières.

Ces annonces immobilières concernent soit la vente, soit la location de biens immobiliers n'appartenant pas au défendeur.

L'insertion de ces annonces, si elles ne sont pas le fait direct du défendeur, à le croire, interviennent à tout le moins avec son accord, contre rémunération et sous sa responsabilité.

De surcroît, le défendeur était - jusqu'à l'intervention de la SPRL JEKERDAL sur laquelle nous reviendrons ultérieurement - la seule personne de contact renseignée sur le site, à l'exclusion des coordonnées des propriétaires, bailleur ou vendeur.

Le défendeur considère, à tort, que « le simple fait de fournir des renseignements concernant les immeubles à louer ou à vendre et de s'occuper des réservations des immeubles en question sont en soi insuffisant pour conclure que Monsieur xx est intermédiaire en vue de la location ou de la vente des immeubles mentionnés sur son site internet ou qu'il s'occupe de la gestion d'immeubles. »

Il ressort des éléments recueillis que le défendeur :

- est le seul intermédiaire entre les candidats locataires ou acquéreurs et les

propriétaires des biens immobiliers faisant l'objet des annonces sur son site,

- donne effectivement des renseignements concernant les biens mis en location ou en vente.

Le défendeur invoque assez curieusement le non respect de normes déontologiques - dont l'article 12 du Code de déontologie (annulé d'ailleurs par un Arrêt du Conseil d'Etat du 04.05.2005) - soit l'absence de convention écrite ou encore d'autres dispositions de ce même Code de déontologie pour en déduire qu'il n'est pas un agent immobilier.

Pourtant, l'étant sur base de l'activité effectivement exercée par lui, il ne ferait ainsi qu'invoquer sa propre turpitude.

Le mode de rémunération dont le défendeur fait état est sans incidence, l'arrêté royal du 06.09.1993 ne retenant pas le mode de rémunération comme élément de la profession d'agent immobilier.

Folio n°

A/06/0652 - 16.11.2007 - IPI c/ OLISLAGERS - Jugement.

Il est indifférent que la mission exercée par le défendeur soit incomplète, comme il l'indique, le défendeur mêlant d'ailleurs la profession d'agent immobilier avec celle de gérant d'immeubles, étant utilement constaté qu'il agit comme intermédiaire dans les locations et ventes d'immeubles dont il n'est pas propriétaire.

Il est tout aussi indifférent que le défendeur, comme il le prétend, ne soit pas détenteur du mandat de vendre - l'agent immobilier n'étant pas toujours nécessairement pourvu d'un tel mandat - puisqu'il ne s'agit pas d'un élément distinctif d'une activité qui échapperait à l'arrêté royal du 06.09.1993, lequel n'évoque nullement un tel pouvoir pour définir son champ d'application.

Le défendeur ajoute que s'il « était véritablement agent immobilier, il est clair qu'il disposerait d'un local (bureau ou autre) dans lequel il exercerait sa profession. En l'espèce, ceci n 'est pas le cas. », ce en totale contradiction avec son écrit du 05.02.2005 où il précisait « En effet, actuellement, je connais les voies légales pour créer un site qui, en un an ou deux, aura tellement de succès que les agents immobiliers généreront considérablement moins de ventes ! » soit donc la vente de bien immobiliers par internet en dehors de toute localisation physique dans un bureau.

Le défendeur se défend d'utiliser les modes de prospection classique des agents immobiliers - pour tenter de convaincre qu'il n'en n'est pas un - alors que précisément, sa volonté est de jouer ce rôle d'intermédiaire par des voies différentes ce qui ne le dispose évidemment pas du respect de la législation.

L'intervention de la SPRL JEKERDAL avec laquelle le défendeur a conclu une convention de location de son site confirme le caractère litigieux de l'activité développée antérieurement par le défendeur.

Elle n'a en outre rien modifié puisque l'article 3 de la convention décrit les modalités de collaboration indépendante du défendeur avec cette société, collaboration rémunérée comme disposé à l'article 2 de la convention.

L'article 3 de la convention précise que les prestations du défendeur sont décrites « de manière non limitative » comme étant : « l'accompagnement des visiteurs vers les immeubles à louer ou à vendre, l'apport d'une nouvelle clientèle et autres prestations à convenir ».

Très clairement donc, dans le cadre d'une collaboration indépendante (et pour une rémunération dont l'importance démontre qu'il est en réalité le principal intéressé par la convention), le défendeur accomplit des activités d'agent immobilier et exerce donc l'activité d'agent immobilier au sens de l'article 3 de l'arrêté royal du 06.09.1993.

En exerçant une activité d'intermédiaire immobilier au mépris des dispositions de l'arrêté royal du 06.09.1993, le défendeur pose des actes contraires aux usages honnêtes en matière commerciale.

La publication sollicitée par le demandeur est de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets (article 99 de la loi du 14.07.1991 sur les pratiques du commerce), au-delà de l'astreinte dont les circonstances de l'espèce justifient qu'il y soit fait droit, eu égard au mode de communication adopté par le défendeur lui-même.

L'action du demandeur est donc partiellement fondée.

Le recours à la citation, et non à la requête - faculté donnée par la loi sur les pratiques de commerce au demandeur comme mode introductif d'instance - ne peut en l'espèce être considéré comme fautif pour justifier que les frais de celle-ci soient laissés à charge du demandeur.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Marc GILSON, Juge suppléant au Tribunal de commerce de VERVIERS, présidant la troisième Chambre de ce Tribunal, assisté de Marc DUYSINX, Greffier en chef,

Disons l'action recevable et partiellement fondée ;

Constatons l'existence dans le chef du défendeur d'actes contraires aux dispositions de la loi du 14.07.1991 sur les pratiques du commerce, notamment et en particulier à ses articles 93 et 97, étant la violation de l'arrêté royal du 06.09.1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier ;

Interdisons au défendeur toute activité d'intermédiaire immobilier, par lui-même ou pour le compte de tiers ou dans le cadre d'une collaboration avec des tiers, spécialement en l'espèce la SPRL JEKERDAL au travers de son site internet xx jusqu'à ce qu'il remplisse les conditions prévues par l'Arrêté royal du 06.09.1993 ;

Condamnons le défendeur au paiement d'une astreinte de 2.500 euro par infraction constatée, 15 jours après la signification du présent jugement ;

Autorisons le demandeur à procéder à la publication du présent jugement sur son site internet et par extrait dans l'IPI News aux frais du défendeur ;

Folio n°

A/06/0652 - 16.11.2007 - IPI c/ OLISLAGERS - Jugement.

Disons le présent jugement exécutoire par provision nonobstant tous recours et sans caution ni cantonnement.

Ainsi prononcé à l´audience publique de la troisième Chambre du Tribunal de commerce établi à VERVIERS (Province de LIÈGE), le vendredi 16 novembre deux mil sept.

Présents : Messieurs Marc GILSON, Juge suppléant présidant la Chambre, Marc DUYSINX, Greffier en chef.