Décision anticipée n° 2014.284 dd. 09.09.2014
- Section :
- Régulation
- Type :
- Prior agreements L 24.12.2002
- Sous-domaine :
- Fiscal Discipline
Résumé :
Abandon de créance - Avantage anormal ou bénévol
Texte original :
Fisconet
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Service Public Federal Finances |
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Décision anticipée n° 2014.284 dd. 09.09.2014
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Document type : Prior agreements L 24.12.2002 Title : Décision anticipée n° 2014.284 dd. 09.09.2014 Tax year : 2014 Document date : 09/09/2014 Keywords : avantage anormal ou bénévole / abandon d'une créance / frais professionnels déductibles Document language : FR Name : Décision anticipée n° 2014.284 dd. 09.09.2014 Version : 1
Décision anticipée n° 2014.284 dd. 09.09.2014
Abandon de créance Avantage anormal ou bénévole
Résumé
L'abandon de créance (avec clause résolutoire de retour à meilleure fortune) effectué par M, société de droit belge au profit de sa filiale N, société européenne ne sera pas considéré comme un avantage anormal ou bénévole visé à l'article 26 du CIR 92 dans le chef de M et sera considéré comme une dépense déductible en vertu de l'article 49 du CIR 92.
I. Objet de la demande
1. L'abandon de créance de M au profit de N ne sera pas considéré comme un avantage anormal ou bénévole accordé visé à l'article 26 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après CIR 92) et sera considéré comme une dépense déductible en vertu de l'article 49 CIR 92.
2. L'opération d'abandon de créance ne constitue pas un abus fiscal au sens de l'article 344 § 1er CIR 92.
II. Description
3. La société M, société belge, est la maison mère du Groupe M, actif dans plusieurs domaines relatifs à l'industrie.
4. La société M s'est beaucoup développée ces dernières années notamment par des acquisitions de sociétés industrielles et le développement de partenariats internationaux.
5. La société N, filiale de M, concernée par l'abandon de créance est une société européenne.
6. Le montant de la créance de M vis-à-vis de sa filiale N s'élève à XXX EUR.
7. La volonté de M est d'assainir, sans attendre, la structure de la société afin de permettre à N de recouvrer des fonds propres positifs en compensant les pertes opérationnelles de l'année. Vu la nécessité de ne pas alourdir encore les coûts de la société par la mise en place de lignes de crédit supplémentaire.
8. La situation financière de N s'est vue sérieusement amenuisée dans le courant de l'année 2013 mettant à mal sa pérennité. En effet, la société a subi une perte importante de XXX EUR sur plusieurs projets.
9. L'actif net de N (comme défini à l'article 617 du Code des Sociétés belge) au 31 décembre 2013 est négatif.
10. Cette structure financière négative a d'ores et déjà un effet néfaste sur les relations commerciales de la filiale dans un secteur où l'information financière est facilement accessible et où les clients/fournisseurs sont particulièrement attentifs à la solidité financière de leurs partenaires commerciaux.
11. Or, il est essentiel pour M que le débiteur maintienne sa position dans un secteur considéré comme stratégique dans le cadre de la volonté de diversification du Groupe et pour l'image auprès des tiers externes.
12. Cette situation requiert donc un appui de la part de M. La structure financière de M, bien que légèrement moins bonne que celle de l'année 2012, permet d'envisager que la pérennité des activités de N soit assurée par le biais d'un abandon de créance de XXX EUR.
13. Celui-ci devrait permettre à cette dernière de revenir à un meilleur équilibre financier en couvrant la perte cumulée en fin d'année et permettant d'avoir un actif net supérieur à la moitié du capital social de l'entreprise.
14. Cet abandon de créances se ferait sous clause de retour à meilleure fortune selon la formule prévue dans l'avis rendu par le SDA (cf. avis du 20 avril 2004, tel que modifié le 22 juin 2009) qui est rédigée de la sorte :« la dette renaîtra, pour la première fois et au plus tôt l'année qui suit celle de l'abandon, dès que le bénéfice comptable, calculé avant impôt et avant prise en compte de ladite renaissance, est positif et cela à concurrence du « free cash flow » limité cependant à la moitié du bénéfice susvisé. Le « free cash flow » ou « flux de trésorerie disponible » est déterminé de la sorte : résultat net (après impôt) + amortissements +/- provisions - investissements de l'année courante limités aux amortissements de l'année courante ».
III. Motivation
Quant à l'article 26 CIR 92
15. L'article 26 CIR 92 prévoit : « Sans préjudice de l'application de l'article 49 et sous réserve des dispositions de l'article 54, lorsqu'une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.
Nonobstant la restriction prévue à l'alinéa 1er, sont ajoutés aux bénéfices propres les avantages anormaux ou bénévoles qu'elle accorde à: 1° un contribuable visé à l'article 227 à l'égard duquel l' entreprise établie en Belgique se trouve directement ou indirectement dans des liens quelconques d'interdépendance; 2° un contribuable visé à l'article 227 ou un établissement étranger, qui, en vertu des dispositions de la législation du pays où ils sont établis, n'y sont pas soumis à un impôt sur les revenus ou y sont soumis à un régime fiscal notablement plus avantageux que celui auquel est soumise l'entreprise établie en Belgique ; 3° un contribuable visé à l'article 227 qui a des intérêts communs avec le contribuable ou l'établissement visés au 1° ou au 2° ».
16. Dans la mesure où les notions d'« avantage anormal ou bénévole » ne font pas l'objet d'une définition spécifique dans le CIR 92, celles-ci ont été définies par la jurisprudence majoritaire : 16.1. Avantage: « d'une part, l'enrichissement dans le chef du bénéficiaire, et d'autre part, une absence de rémunération effective, équivalant à l'avantage, dans le chef de celui qui l'a octroyé » (Anvers, 13/05/1991, F.J.F., 91/149); 16.2. Anormal: « ce qui est contraire à l'ordre habituel des choses, aux règles ou aux usages établis » (Cass., 10/04/2000, F.J.F., 2001/285); et 16.3. Bénévole: « lorsqu'il a été accordé sans obligation ou sans aucune contre-prestation » (Cass., 31/10/1979, Bull. Contr., n°590, p.2277).
17. En outre, s'il devait être considéré qu'un « avantage » a été accordé, on ne peut conclure que cet avantage soit « anormal » ou « bénévole ».
18. Une jurisprudence favorable (1) à l'égard des aides entre sociétés liées s'est développée tenant compte des circonstances de fait entourant l'opération ainsi que les relations particulières unissant les sociétés d'un même groupe. Ainsi, de nombreux arrêts de jurisprudence considèrent en effet qu'il faut apprécier « les circonstances économiques du moment, à la situation respective des parties et aux éléments de fait de la cause, pour apprécier le caractère anormal ou bénévole » (2).
(1) Bruxelles, 11 février 1977, J.D.F 1978/187, Mons, 18 mai 2001, F.J.F 2001/193 ; Trib. prem. Inst.Mons, 22novembre 2005, F.J.F. 2007/73 (2) Mons, 3 novembre 1989, Cour. Fisc. 90/171 ; Anvers, 10 mai 1994, F.J.F 94/163
19. Le demandeur peut également se référer à plusieurs décisions anticipées rendues (3) en la matière et qui, tenant compte des circonstances de fait, n'ont pas considéré les abandons de créance comme des avantages anormaux ou bénévoles reçus.
(3) Décision n°300.148, 6 novembre 2003; décision n°300.382, 9 juin 2004; décision n° 800.156, 18 juin 2008
20. A cet égard, ont été jugées comme favorables les situations de fait dans lesquelles : 20.1. la société débitrice se trouve en grande difficulté (cfr par exemple des critères similaires aux critères portés par les articles 633 - 634 du Code des sociétés belge) et ne peut rembourser sa dette ; 20.2. le Groupe (et en particulier la maison-mère) souhaite éviter la faillite de la filiale et préserver, en évitant cette faillite, son propre prestige commercial ou financier ; 20.3. l'octroi de l'abandon de créance aura un effet positif sur le redressement de la société filiale en difficulté ; 20.4. l'abandon de créance permettra d'assurer la crédibilité des sociétés filiales vis-à-vis des banques, clients, fournisseurs et créanciers de la société ; 20.5. la situation financière du créancier est bonne ; 20.6. l'abandon de créance est assorti d'une clause de retour à meilleure fortune.
21. Le demandeur considère au regard de ce qui précède qu'en tout ou en partie les critères retenus ci-dessus sont rencontrés dans le cas d'espèce.
22. N présente en effet des difficultés financières et n'est pas en mesure d'assurer le paiement de ses dettes notamment vis-à-vis de M.
23. La société mère M se trouve quant à elle dans une situation financière lui permettant de supporter cet abandon de créance.
24. Sur base des considérations précitées et données fournies, le demandeur estime que l'opération envisagée ne peut être considérée comme ayant un caractère anormal ou bénévole au sens évoqué ci-dessus et peut, selon nous, être justifiée par les circonstances économiques entourant l'opération.
25. Dès lors, il peut être soutenu que l'opération ne constitue pas un avantage anormal ou bénévole accordé au sens de l'article 26 CIR 92 par la société M.
Quant à l'article 49 CIR 92
26. L'article 49, alinéa 1er, CIR 92 stipule que « [à] titre de frais professionnels sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n'est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment. »
27. Pour être admises au titre de frais professionnels, les dépenses engagées par la société doivent répondre simultanément aux quatre conditions suivantes : 27.1. critère de causalité : Elles doivent se rattacher nécessairement à l'exercice de l'activité professionnelle ; 27.2. critère d'annualité : Elles doivent avoir été faites ou supportées pendant la période imposable. A cet égard, sont considérées comme telles des dépenses qui pendant la période, ont été payées ou supportées ou ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisées comme telles ; 27.3. critère de finalité : Elles doivent avoir été faites ou supportées en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables ; 27.4. critère de réalité : Elles doivent être justifiées quant à leur réalité et leur montant par le contribuable.
28. Quant au principe de causalité, celui-ci ne fait pas de doute que cet abandon de créance acté sur la filiale de M se rattache à l'exercice de l'activité professionnelle de M.
29. L'abandon de créances satisfera au critère d'annualité dans la mesure où il sera pris en charge fiscalement et comptablement au cours de l'année correspondant à sa réalisation juridique et conventionnelle.
30. Le demandeur comprend en outre de l'avis précité rendu en la matière que l'insertion d'une clause de retour à meilleure fortune n'est pas de nature à faire perdre le caractère de dette certaine et liquide aux abandons envisagés.
31. Quant au critère de finalité, M est une société holding et opérationnelle. Dans sa composante holding, M détient des participations directes ou indirectes dans chacune des filiales concernées. La situation défavorable en matière de rentabilité et de trésorerie empêche actuellement toute remontée de dividendes de la société N.
Quant à l'article 344 § 1er CIR 92
32. Sur base des données essentielles décrites ci-avant, le demandeur considère que l'opération ne pourrait pas être considérée comme un abus fiscal au sens de l'article 344 § 1er CIR 92.
IV. Décision
Il ressort de l'examen approfondi auquel s'est livré le Service de Décisions Anticipées que :
33. Conformément à l'article 26 CIR 92, lorsqu'une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables du bénéficiaire.
34. Conformément à l'article 49 CIR 92, sont déductibles à titre de frais professionnels « les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou conserver les revenus imposables… . ».
35. Les sociétés M et N se trouvent bien indirectement dans des liens d'interdépendance entre elles.
36. Par conséquent, la qualification éventuelle de l'abandon de créance comme avantage anormal ou bénévole doit être examinée.
37. Cet abandon de créance fait partie intégrante d'un plan d'assainissement global.
38. Le rétablissement des fonds propres de N à un niveau positif résultant d'un abandon de créance permettra : 38.1. d'assurer la viabilité de N (maintien des activités et de l'emploi) ; 38.2. de conserver la confiance de banques ; et 38.3. de préserver les intérêts commerciaux et financiers du Groupe M.
39. L'abandon de créance que consent M au profit de N, ne met pas en danger sa situation économique; au contraire il permet à M de préserver sa participation indirecte dans N, de percevoir ultérieurement des dividendes et de faire renaître sa créance abandonnée avec clause de retour à meilleure fortune.
40. En effet, l'abandon de créance fera l'objet d'une convention qui contient une clause de retour à meilleure fortune rédigée de la sorte :« la dette renaîtra, pour la première fois et au plus tôt l'année qui suit celle de l'abandon, dès que le bénéfice comptable, calculé avant impôt et avant prise en compte de ladite renaissance, est positif et cela à concurrence du « free cash flow » limité cependant à la moitié du bénéfice susvisé. Le « free cash flow » ou « flux de trésorerie disponible » est déterminé de la sorte : résultat net (après impôt) + amortissements +/- provisions - investissements de l'année courante limités aux amortissements de l'année courante ».
41. Conformément aux dispositions de l'article 344, § 1er, alinéas 2 et 3 CIR92, Il y a abus fiscal lorsque le contribuable réalise, par l'acte juridique ou l'ensemble d'actes juridiques qu'il a posé, l'une des opérations suivantes : 1° une opération par laquelle il se place en violation des objectifs d'une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, en-dehors du champ d'application de cette disposition ; ou 2° une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent Code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l'octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l'obtention de cet avantage. Il appartient au redevable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d'actes juridiques se justifie par d'autres motifs que la volonté d'éviter les impôts sur les revenus.
42. En l'espèce, il faut constater que l'abandon de créance envisagé par la société M au profit de la société N est justifié par d'autres motifs que fiscaux.
43. En effet, conformément à l'article 344, § 1er, alinéa 2, 2° CIR92, il faut constater que le but essentiel des opérations décrites n'est pas l'obtention d'un avantage fiscal, mais bien de permettre à N de recouvrer des fonds propres positifs.
44. Enfin, le demandeur démontre que d'autres motifs justifient les opérations envisagées, conformément à l'article 344, § 1er CIR92.
Eu égard au prescrit des articles 20 à 23 de la Loi du 24 décembre 2002 précitée et eu égard aux considérations reprises ci-dessus, le Collège du SDA décide que :
45. Sous la clause résolutoire de retour à meilleure fortune, comme reprise dans les points n° 14 et 40, l'abandon de créance de XXX EUR envisagé par la société M au profit de la société N ne constitue pas un avantage anormal ou bénévole au sens de l'article 26 CIR 92 et sera considéré comme une dépense déductible en vertu de l'article 49 CIR 92 dans le chef de M.
46. L'abandon de créance envisagé par la société M au profit de la société N est justifiée par d'autres motifs que fiscaux au sens de l'article 344, § 1er CIR 92
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