Tribunal du Travail: Jugement du 13 février 2012 (Bruxelles). RG 12/740/A
- Section :
- Jurisprudence
- Source :
- Justel F-20120213-4
- Numéro de rôle :
- 12/740/A
Résumé :
Sommaire 1
Jugement :
TRIBUNAL DU TRAVAIL DE BRUXELLES
22 e chambre - audience publique du 13 février 2012
JUGEMENT
R.G. n° 12/740/A & 12/746/A
Elections sociales
définitif Rép. n° 12/
EN CAUSE :
1. La FEDERATION GENERALE DU TRAVAIL DE BELGIQUE, en abrégé FGTB,
dont le siège est établi rue Haute 42 à 1000 Bruxelles,
partie demanderesse en la cause inscrite sous le numéro de rôle général 12/740/A, comparaissant par Maître Clarisse SEPULCHRE, avocat ;
2. La CONFEDERATION DES SYNDICATS CHRETIENS, en abrégé CSC,
dont le siège est situé chaussée de Haecht 579 à 1030 Bruxelles,
partie demanderesse en la cause inscrite sous le numéro de rôle général 12/746/A, comparaissant par Madame Céline CROIGNY et Monsieur Alain VERMOTE, délégués syndicaux, porteurs de procurations ;
CONTRE :
1. L'a.s.b.l. LIGUE DES FAMILLES, inscrite à la BCE sous le numéro 0413.220.493,
dont le siège social est situé avenue Emile de Béco 109 à 1050 Bruxelles,
première partie défenderesse, comparaissant par Maître Gaëlle WILLEMS et Maître Henri-François LENAERTS, avocats ;
2. L'a.s.b.l. CENTRE D'ACTION SOCIALE GLOBALE POUR LES FAMILLES, en abrégé CASG, inscrite à la BCE sous le numéro 0414.652.432
dont le siège social est situé avenue Emile de Béco 109 à 1050 Bruxelles,
seconde partie défenderesse, comparaissant par Maître Anne COLSON, avocat ;
EN PRESENCE DE :
1. La CENTRALE GENERALE DES SYNDICATS LIBERAUX DE BELGIQUE, en abrégé CGSLB,
dont le siège est établi boulevard Poincaré 72-74 à 1070 Bruxelles et le siège administratif à Koning Albertlaan 95 à 9000 GENT,
première partie intéressée, défaillante ;
2. La CONFEDERATION NATIONALE DES CADRES, en abrégé CNC,
dont le siège est établi boulevard Lambermont 171 boîte 4 à 1030 Bruxelles,
seconde partie intéressée, défaillante ;
* * *
I. LA PROCEDURE
1.
Le tribunal a fait application de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.
2.
Dans la première affaire, inscrite sous le numéro de rôle général 12/740/A, la FGTB a introduit la procédure par une requête, déposée au greffe le 17 janvier 2012.
Dans la seconde affaire, inscrite sous le numéro de rôle général 12/746/A, la CSC a introduit la procédure par une requête, déposée au greffe le 17 janvier 2012.
La FGTB a déposé des conclusions le 31 janvier 2012 et un dossier de pièces.
La CSC a déposé des conclusions le 31 janvier 2012, des conclusions additionnelles le 6 février 2012 et un dossier de pièces.
La Ligue des familles a déposé des conclusions le 27 janvier 2012, des conclusions additionnelles et de synthèse le 1er février 2012 et un dossier de pièces.
Le CASG a déposé des conclusions le 27 janvier 2012 et un dossier de pièces.
3.
La FGTB, la CSC, la Ligue des familles et le CASG ont comparu et ont été entendues à l'audience publique du 2 février 2012. La partie intéressée n'a pas comparu.
L'affaire a été mise en continuation à l'audience publique du 7 février 2012, afin de permettre à la Ligue des familles de communiquer et de déposer une nouvelle pièce.
Madame Maïté DE RUE, substitut de l'auditeur du travail, a donné un avis oral à l'audience du 7 février 2012. Les parties présentes ont pu répliquer oralement à cet avis au cours de la même audience.
Les causes ont été prises en délibéré à l'audience du 7 février 2012.
II. L'OBJET DES DEMANDES
4.
Dans la cause portant le numéro de rôle général 12/740/A, la FGTB demande qu'il soit dit pour droit que les deux parties défenderesses forment ensemble une unité technique d'exploitation.
Elle demande également de condamner les défenderesses à organiser les élections sociales pour l'institution d'un comité pour la prévention et la protection au travail et à installer un conseil d'entreprise, dont les mandats des représentants des travailleurs seront exercés par les élus au comité pour la prévention et la protection au travail.
Elle demande de condamner les défenderesses à procéder à l'affichage d'un nouvel avis X-35.
Elle demande enfin de condamner les défenderesses aux dépens de l'instance, en ce compris l'indemnité de procédure.
5.
Dans la cause portant le numéro de rôle général 12/746/A, la CSC demande qu'il soit dit pour droit que les parties défenderesses forment une seule unité technique d'exploitation.
Elle demande aux défenderesses d'accomplir sans tarder tous les actes qui leur sont imposés par la loi du 4 décembre 2007 relative aux élections sociales, en vue d'organiser des élections sociales au cours de la période du 7 au 20 mai 2012, pour la désignation de délégués du personnel au comité de prévention et de protection au travail.
Elle demande d'ordonner aux défenderesses de fournir les informations prévues à l'article 10 de la loi du 4 décembre 2007 dans les cinq jours qui suivent la notification du jugement.
Elle demande enfin de condamner les défenderesses aux dépens de l'instance.
Dans cette même cause, la FGTB demande de déclarer la demande de la CSC recevable et fondée et de prendre acte de ce qu'elle s'y inscrit en sa qualité de partie intéressée.
III. LES FAITS
Structure et objet social des entités juridiques
6.
La Ligue des familles assure des activités d'action sociale visant principalement le soutien à la parentalité.
L'article 2 des statuts de la Ligue des familles, modifiés le 20 novembre 2010, dispose :
« La Ligue des familles a pour but d'unir toutes les familles, de défendre leurs droits, leurs intérêts moraux et matériels, en dehors de toutes conditions d'appartenance, d'origine, de statut ou d'option de vie.
Elle veut soutenir la structure familiale - unité de vie, d'échanges, de relations, d'apprentissages et de transmission de valeurs, où s'inscrivent notamment génération, parenté et filiation - fondement de la société comme lieu de développement personnel et motif d'implication active de l'individu au sein de la société.
Elle veille à permettre à toute personne et à toute famille d'accéder aux solutions les plus dignes et les plus favorables à leur épanouissement et à l'accomplissement de leur vie relationnelle, dans le respect des valeurs de la démocratie.
La Ligue des familles défend des propositions politiques de soutien à la parentalité et d'autres mesures qui correspondent à son objet social, encourage des solidarités collectives entre citoyenparents et permet des échanges d'expériences individuelles de parents. »
7.
En 1974, la Ligue des familles a créé l'a.s.b.l. « Centre de service social ».
Le 20 avril 2000, l'a.s.b.l. « Centre de service social » est devenue le « Centre d'action social global de la régionale de Bruxelles de la ligue des familles ».
Le 8 décembre 2010, la dénomination de l'a.s.b.l. a été modifiée en « Centre d'action sociale globale pour les familles ».
L'article 3 des statuts du CASG dispose :
« Le CASG pour les Familles a pour objet de développer sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, des actions globales destinées à restaurer ou améliorer les relations de toute personne, famille, groupe ou public cible spécifique qui fait appel au CASG ou accepte l'action globale proposée.
Le CASG développe des projets de soutien en vue d'éviter l'exclusion sociale qui s'adressent particulièrement à un public fragilisé tels que les familles monoparentales, les personnes précarisées, isolées, moins valides, primo-arrivantes, analphabètes, les enfants, etc.
Il développe en son sein des activités de sensibilisation à l'accès aux droits sociaux, aux différentes facettes de la vie quotidienne, à la langue française et à la culture. A cette fin, le CASG exerce ses activités selon plusieurs modes d'intervention qui s'inscrivent dans le cadre prévu par l'Assemblée de la Commission communautaire française : l'action collective, l'action communautaire et l'action individuelle. »
8.
La Ligue des familles occupe 80 travailleurs. Le nombre de travailleurs est tombé, depuis les élections sociales de 2008, en deçà de 100, suite à une importante restructuration opérée en 2008.
Le CASG occupe pour sa part cinq travailleurs.
9.
Lors des élections sociales de 2008, les deux asbl avaient formé une seule unité technique d'exploitation.
La procédure d'élections sociales
10.
Par une lettre du 21 novembre 2011, la Ligue des familles a indiqué au CASG que, dans le cadre des élections sociales de 2012, elle ne le reprendrait plus dans le périmètre de l'unité technique d'exploitation.
11.
Le 13 décembre 2011, la direction de la Ligue des familles a procédé aux communications imposées au jour X-60.
La Ligue des familles a indiqué que « les élections sociales de 2012 sont organisées au niveau de l'unité technique d'exploitation que constitue l'entité juridique « Ligue des familles des familles a.s.b.l. ». » L'unité technique d'exploitation définie par la Ligue des familles se structure en cinq composantes (Ligue des familles - siège social à Bruxelles ; Espace Centre à La Louvière ; Secteur Eupen-St-Vith, Secteur Liège et Secteur Namur).
12.
Entre les jours X-60 et X-35, des concertations ont eu lieu entre la Ligue des familles et le CASG au sujet des contours de l'unité technique d'exploitation envisagée par la Ligue des familles.
La Ligue des familles a ensuite procédé aux communications imposées au jour X-35. Ces communications étaient conformes à celles annoncées au jour X-60. Ce sont ces décisions qui sont attaquées par la présente procédure.
13.
La date retenue par la Ligue des familles pour l'organisation des élections sociales est le 15 mai 2012.
IV. LA POSITION DES PARTIES
La position de la FGTB
14.
Au niveau de la recevabilité, la FGTB reconnaît que sa requête introductive d'instance comporte une erreur quant à l'identification de la seconde partie défenderesse.
La FGTB a appelé à la cause l'a.s.b.l. « Centre d'action sociale globale de la regionale de Bruxelles de la Ligue des familles », dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, rue du Trône, 131, alors que la seconde défenderesse se dénomme, depuis le 8 décembre 2010, l'a.s.b.l. « Centre d'action sociale globale pour les familles » et que son siège social est établi à 1050 Bruxelles, avenue Emile de Béco, 109.
La FGTB fait valoir que la nullité éventuelle de la requête introductive d'instance a été couverte, étant donné que l'erreur de dénomination n'a nui à aucune des deux parties défenderesses, qui ont comparu à l'audience d'introduction en la personne de leurs conseils. La requête a atteint le but que le législateur lui assigne et la demande de la FGTB serait recevable.
La FGTB invoque par ailleurs la jurisprudence selon laquelle le demandeur dans une procédure d'élections sociales n'a pas l'obligation de joindre à sa requête un certificat de domicile des parties défenderesses.
La FGTB rappelle les principes applicables pour la détermination des unités techniques d'exploitation et, en particulier, la présomption établie par l'article 50, § 3, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs.
La FGTB rappelle également que les défenderesses entrent dans le cas de figure de l'article 6 de la loi du 4 décembre 2007, à savoir une entreprise où a été institué un conseil d'entreprise lors de l'élection précédente et qui occupe habituellement en moyenne au moins cinquante travailleurs. Dans ces entreprises occupant moins de cent travailleurs, il n'y a pas lieu de procéder à l'élection des membres du conseil. Leur mandat est exercé par les délégués du personnel élus au comité pour la prévention et la protection au travail.
La FGTB expose que les deux entités juridiques ont toujours été étroitement liées : le CASG a été créé par la Ligue des familles en 1974, cette dernière voulant bénéficier d'une subsidiation complémentaire de la Communauté française.
La FGTB estime que les conditions économiques pour faire jouer la présomption légale sont remplies puisque :
- les défenderesses sont gérées par un administrateur commun ;
- l'objet social est commun ;
- l'histoire financière des deux structures est commune ;
- les structures présentent un lien financier entre elles.
La FGTB considère par ailleurs qu'elle apporte des indices de cohésion sociale entre les sociétés. Ces indices de cohésion seraient les suivants :
- les deux défenderesses exercent leurs activités dans les mêmes locaux ;
- les deux structures travaillent en étroite collaboration ;
- les règlements de travail sont communs ;
- les conventions collectives de travail sont conclues pour les deux entités juridiques ;
- des discussions ont lieu au sein du conseil d'entreprise et du comité pour la prévention et la protection au travail concernant les mouvements de personnel et les horaires du personnel du CASG ;
- les contrats de travail sont tous établis sur le même modèle. Ils sont rédigés par la gestionnaire des ressources humaines de la Ligue des familles;
- le secrétariat social est commun aux deux structures. Seule la gestionnaire des ressources humaines de la Ligue des familles a accès au dossier électronique sur le site internet du secrétariat social ;
- la comptabilité du CASG est effectuée par la Ligue des familles et les comptes des deux structures sont révisés par la même personne ;
- le calendrier des congés est commun ;
- le service de médecine du travail est identique ;
- le courtier d'assurances du CASG a été choisi par la Ligue des familles ;
- il existe une liste téléphonique interne, commune aux deux structures ;
- jusqu'en septembre 2011, les adresses e-mail étaient communes. Actuellement, les deux structures utilisent encore un serveur commun.
La FGTB est enfin d'avis que la Ligue des familles ne parvient pas à renverser la présomption.
Selon la FGTB, le but de la Ligue des familles serait d'arriver à ce que les organes de concertation sociale actifs dans son entreprise n'aient plus de compétence pour intervenir dans la défense des intérêts des travailleurs du CASG.
La FGTB considère que les difficultés économiques de la structure ne peuvent affecter le lien privilégié existant entre la Ligue des familles et le CASG. Le maintien du lien entre les deux entités serait souhaité par le CASG, tant au niveau du personnel que du conseil d'administration.
La position de la CSC
15.
La CSC rappelle également les principes applicables pour la détermination des unités techniques d'exploitation et, en particulier, la présomption établie par l'article 50, § 3, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs.
La CSC estime que les conditions économiques pour faire jouer la présomption légale sont remplies puisque les structures sont administrées par les mêmes personnes ou par des personnes ayant un lien économique entre elles et qu'elles exercent une même activité ou des activités liées entre elles.
La CSC considère par ailleurs qu'elle apporte des indices de cohésion sociale entre les sociétés. Ces indices de cohésion seraient les suivants :
- la proximité des locaux des deux structures ;
- la gestion commune du personnel, la politique commune du personnel, le règlement de travail ou les conventions collectives de travail communes ou comportant des dispositions similaires ;
- le même secrétariat social et le même service externe de prévention.
La CSC est enfin d'avis que la Ligue des familles ne parvient pas à renverser la présomption.
Elle considère que le tribunal ne peut prendre en compte la « vision dynamique » de l'entreprise, invoquée par la Ligue des familles, selon laquelle le CASG deviendrait dans un futur proche une a.s.b.l. autonome et indépendante de la Ligue des familles. Il ne s'agirait que d'une évolution hypothétique, nullement concrétisée à ce jour. De nombreux éléments factuels démontreraient les liens étroits entre les deux structures.
La CSC estime qu'il n'y a pas lieu de considérer que monsieur A, le président du CASG, n'est plus membre du conseil d'administration de la Ligue des familles. En effet, la preuve de la démission de monsieur A, qui a été produite pour la première fois par la Ligue des familles lors de l'audience du 2 février 2012, serait dénuée de toute force probante. La Ligue des familles se base en effet sur la preuve de l'envoi pour publication au Moniteur belge d'un extrait de la décision de l'assemblée générale de la Ligue des familles du 19 novembre 2011. Or, il ressortirait de l'article 26 novies de la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif que, pour être opposables aux tiers, les actes de cessation de fonctions d'un administrateur doivent avoir été publiés.
La position de la Ligue des familles
16.
La Ligue des familles invoque la nullité de la requête introduite par la FGTB, dans l'affaire portant le numéro de rôle général 12/740/A. Cette nullité résulterait, d'une part, de l'erreur dans la dénomination sociale et l'adresse du CASG et, d'autre part, de l'absence d'un certificat de domicile des parties défenderesses. La demande de la FGTB devrait donc être déclarée irrecevable ou, à tout le moins, non fondée.
Quant au fond, la Ligue des familles fait valoir à titre principal que la présomption légale de formation d'une unité technique d'exploitation n'est pas applicable.
La Ligue des familles soutient ainsi que les indices de cohésion requis pour l'activation de la présomption ne sont pas réunis. Elle nuance l'ensemble des éléments invoqués par les parties demanderesses pour justifier l'application de la présomption légale.
Par ailleurs, la Ligue des familles énumère une série d'éléments attestant selon elle d'une absence de cohésion économique et sociale entre les deux entités juridiques.
Ces indices d'absence de cohésion économique et sociale seraient les suivants :
- aucun représentant du CASG ne siège au sein du conseil d'entreprise de la Ligue des familles ;
- il existe une absence de communication d'information économique et financière relative au CASG au conseil d'entreprise de la Ligue des familles. Il n'y a eu aucune demande d'information de la part du CASG ;
- les commissions paritaires sont différentes ;
- les politiques de gestion du personnel et de l'entreprise sont séparées ;
- la planification des congés s'effectue de manière autonome ;
- le personnel du CASG ne relève pas de la classification de fonctions négociée au sein de la Ligue des familles ;
- il n'y a pas de réunion de travail, de réunion du personnel ou de formation en commun ;
- les horaires de travail, avantages extra-légaux et barèmes sont distincts ;
- l'assureur accidents du travail est différent ;
- les papiers à entête, liste e-mails du personnel, secrétariats et numéros de contacts sont distincts.
Enfin, la Ligue des familles souligne que les éléments de cohésion économique et sociale invoqués par les parties demanderesses se réfèrent à une réalité qui est devenue obsolète, compte tenu des changements structurels et statutaires importants survenus depuis les élections sociales de 2008. La Ligue des familles insiste sur la nécessité de tenir compte de l'évolution historique du lien entre les structures, tenant principalement à la suppression de son niveau d'action régional.
La Ligue des familles insiste sur les exigences émises par la Commission communautaire française (COCOF), qui est le pouvoir subsidiant du CASG, pour que celui-ci pose un choix entre, d'une part, conserver le public cible de la Ligue des familles et rester attaché à cette entité, et, d'autre part, devenir un CASG généraliste. Cette deuxième option implique un déménagement de la permanence sociale vers un territoire où aucun autre CASG n'est déjà implanté. Il pourrait s'agir, par exemple, de la commune d'Anderlecht.
Selon la Ligue des familles, seule la seconde option est ouverte, la suppression du niveau d'action régional de la Ligue des familles rendant impossible le maintien du CASG en son sein.
La position du CASG
17.
Le CASG se rallie à la position des parties demanderesses. Il considère que, depuis 1974, des liens forts unissent les entités juridiques et que ces liens se sont encore renforcés depuis le déménagement, en 2008, du CASG dans les locaux de la Ligue des familles.
Les indices de cohésion sociale entre les deux entités juridiques seraient les suivants :
- l'objet social est commun ;
- les locaux sont communs depuis 2008 ;
- les entités juridiques sont administrées par les mêmes personnes et le même service du personnel ; les membres des conseils d'administration des entités juridiques sont communs;
- les politiques du personnel, le service externe de prévention et protection au travail et le conseiller en prévention interne sont communs ;
- le calendrier des congés est commun ;
- le service de médecine du travail est identique ;
- le courtier d'assurances du CASG a été choisi par la Ligue des familles;
- jusqu'en septembre 2011, les adresses e-mail étaient communes. Actuellement, les deux structures utilisent encore un serveur commun ;
- les conditions de travail et de rémunération du personnel sont régies par la même convention collective de travail ;
- le paiement des travailleurs des deux entités est effectué par le service du personnel de la Ligue des familles ;
- les procédures en matière de recrutement (interne et externe) sont communes ;
- la comptabilité des deux institutions est prise en charge par le service de comptabilité de la Ligue des familles.
IV. L'AVIS DE MADAME L'AUDITEUR DU TRAVAIL
18.
Madame le substitut de l'auditeur du travail estime le recours recevable et fondé.
Quant à la recevabilité, elle considère que l'erreur de dénomination et d'adresse du CASG, commise par la FGTB, n'entraîne pas la nullité de la requête introductive d'instance. En effet, il ne s'agit pas d'une formalité prévue à peine de nullité absolue. L'erreur n'a causé aucun grief aux parties défenderesses, qui ont toutes les deux comparu à l'audience d'introduction.
Quant au fond, madame le substitut de l'auditeur explique que son raisonnement est guidé par deux fils conducteurs. Premièrement, étant donné que lors des élections sociales de 2008, les deux entités juridiques formaient encore une unité technique d'exploitation unique, il y a lieu de se demander quelles évolutions sont intervenues depuis cette date. Deuxièmement, il y a lieu de statuer au regard de la situation actuelle. Seuls les éléments futurs dont la réalisation est acquise avec certitude peuvent être pris en compte.
En ce qui concerne les conditions économiques d'application de la présomption légale, elle rappelle qu'il suffit d'établir la présence d'un seul critère. Madame le substitut de l'auditeur est d'avis que les activités des entités juridiques sont liées entre elle, ce qui constitue un critère suffisant.
Madame le substitut de l'auditeur relève que les demanderesses rapportent un nombre d'indices de cohésion sociale suffisants. Il en résulte que la présomption d'existence d'une seule unité technique d'exploitation doit jouer en l'espèce.
Madame le substitut de l'auditeur estime enfin que la preuve contraire n'est pas rapportée par les défenderesses. Elle note enfin que, malgré la restructuration importante intervenue au sein de la Ligue des familles en 2008, des liens forts avec le CASG ont perduré.
V. LA POSITION DU TRIBUNAL
La jonction des causes pour connexité
19.
Les deux procédures ont pour objet de dire pour droit que les parties défenderesses constituent une seule unité technique d'exploitation et de les voir condamner à organiser des élections sociales au sein de l'unité technique d'exploitation ainsi définie.
Ces deux procédures ont un objet identique. Elles mettent par ailleurs en cause des questions de fait et de droit identiques.
Les exigences de l'administration d'une bonne justice commandent qu'elles soient jugées en même temps.
Il y a lieu de joindre les procédures pour connexité, en application de l'article 30 du Code judiciaire.
La validité de la requête introductive d'instance de la FGTB
20.
L'article 1034ter du Code judiciaire prévoit que la requête doit contenir, « à peine de nullité », notamment, « les nom, prénom, domicile, et le cas échéant, la qualité de la personne à convoquer ». Cette exigence est par ailleurs confirmée, dans la matière des élections sociales, par les articles 24, § 2, 3°, de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie et 79, § 2, 3°, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail.
21.
Cependant, ces dispositions doivent être lues en combinaison avec les articles 860 à 867 du Code judiciaire, relatifs aux exceptions de nullité (sur l'application de ces dispositions du Code judiciaire en matière d'élections sociales, voy. : Trib. trav. Bruxelles, 22 mars 2000, R.G. n° : 15.514/2000 ; Trib. trav. Bruxelles, 17 mars 2000, R.G. n° : 16.129/2000 ; Trib. trav. Bruxelles, 1er mars 2004, R.G. n° : 70.497/2004 ; cités par N. Beaufils, Elections sociales 2008, FEB, pp. 240-241).
L'article 861 du Code judiciaire dispose que « Le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception. »
L'article 862 du Code judiciaire énumère de manière limitative les cas de nullité absolue, c'est-à-dire les hypothèses dans lesquelles le principe de « pas de nullité sans grief » ne trouve pas à s'appliquer. Cette liste ne comporte pas l'indication de la dénomination et de l'adresse de la partie défenderesse.
Enfin, l'article 867 du Code judiciaire prévoit que « L'omission ou l'irrégularité de la forme d'un acte, en ce compris le non-respect des délais visés par la présente section ou de la mention d'une formalité, ne peut entraîner la nullité, s'il est établi par les pièces de la procédure que l'acte a réalisé le but que la loi lui assigne ou que la formalité non mentionnée a, en réalité, été remplie. »
22.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la FGTB a commis une erreur quant à la dénomination et l'adresse du CASG.
Ainsi qu'il a été dit, il ne s'agit cependant pas d'un cas de nullité absolue visé à l'article 862.
Par ailleurs, cette erreur n'a pas empêché le CASG de comparaître à l'audience d'introduction, aux côtés de la Ligue des familles, puis à chaque stade ultérieur de la procédure, et de faire valoir ses droits. Par conséquent, la requête de la FGTB a atteint le but que la loi lui assigne.
De plus, le CASG n'a, à aucun moment de la procédure, soulevé l'exception de nullité à l'égard de la requête introduite par la FGTB. La Ligue des familles ne démontre quant à elle pas que les dénomination et adresse erronées lui aient causé un grief quelconque. Elle n'a en effet pu se méprendre sur l'identité de la seconde partie défenderesse.
23.
Par ailleurs, l'exigence de la jonction d'un certificat de résidence résultant de l'article 1034quater du Code judiciaire ne trouve pas à s'appliquer en matière d'élections sociales.
En effet, eu égard au caractère exceptionnel de la procédure relative aux élections sociales, les obligations de forme - prévues aux articles 24 de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie et 79 de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail - sont allégées par rapport au prescrit imposé aux requêtes contradictoires de droit commun par les articles 1034bis à 1034sexies du Code judicaire. (Trib. trav. Bruxelles, 21 avril 2008, R.G. 5.338/08, cité par H.F. LENAERTS, J.Y. VERSLYPE et O. WOUTERS, "Les élections sociales 2008", J.T.T., 2011, p. 248).
Par conséquent, l'absence d'un certificat de résidence ne peut pas non plus conduire à remettre en cause la validité de la requête introduite par la FGTB.
Pour autant que de besoin, les articles 861 et 867 du Code judiciaire, font également obstacle à l'exception de nullité invoquée de ce chef dès lors que la requête de la FGTB a effectivement atteint le CASG et lui a permis de faire valoir ses moyens de défense sans grief aucun.
24.
Enfin, le tribunal relève en tout état de cause qu'il est valablement saisi par la CSC d'une demande identique à celle de la FGTB en sorte que la nullité de la requête de cette dernière aurait été sans effet sur la possibilité d'aborder le fond du litige (hormis pour ce qui concerne les dépens de la FGTB).
La recevabilité
25.
Le recours est dirigé contre la décision relative à l'unité technique d'exploitation. Il s'agit de la décision visée à l'article 12 de la loi du 4 décembre 2007 relative aux élections sociales.
26.
Le jour fixé pour les élections sociales au sein de la Ligue des familles est le 15 mai 2012 (jour Y).
Le jour d'affichage de l'avis annonçant la date des élections est par conséquent le 15 février 2012 (jour X).
Le délai de recours contre la décision visée au point qui précède expirait par conséquent, et en application de l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 4 décembre 2007 réglant les recours judiciaires introduits dans le cadre de la procédure relative aux élections sociales, le 7e jour suivant le trente cinquième jour visé à l'article 12 de la loi du 4 décembre 2007 relative aux élections sociales, soit le 17 janvier 2012 (X-28).
Introduits par des requêtes déposées au greffe à cette date, les deux recours sont recevables.
Le fond
27.
L'article 49, alinéa 1er, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail prévoit que des comités pour la prévention et la protection au travail sont institués dans toutes les entreprises occupant habituellement en moyenne au moins 50 travailleurs.
L'article 14, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l'économie énonce pour sa part que des conseils d'entreprise sont institués dans toutes les entreprises occupant habituellement en moyenne au moins 50 travailleurs.
Il est dérogé à cette règle et prévu un seuil de 100 travailleurs, sous certaines exceptions, par la loi du 28 juillet 2011 déterminant le seuil applicable pour l'institution des conseils d'entreprise ou le renouvellement de leurs membres à l'occasion des élections sociales de l'année 2012.
L'article 6 de la loi du 4 décembre 2007 relative aux élections sociales dispose qu'un conseil doit être institué dans les entreprises occupant habituellement en moyenne au moins cent travailleurs. Il en est de même dans les entreprises où a été institué ou aurait dû être institué un conseil lors de l'élection précédente pour autant qu'elles occupent habituellement en moyenne au moins cinquante travailleurs. Toutefois, dans ces entreprises occupant moins de cent travailleurs, il n'y a pas lieu de procéder à l'élection des membres du conseil. Leur mandat est exercé par les délégués du personnel élus au comité.
28.
L'alinéa 2, 1°, de l'article 49 de la loi du 4 août 1996 et l'alinéa 2, 1°, de l'article 14, § 1er, de la loi du 20 septembre 1948 définissent l'entreprise comme l'unité technique d'exploitation définie à partir des critères économiques et sociaux, précisant qu'en cas de doute ces derniers critères prévalent.
29.
Les articles 50, § 3, de la loi du 4 août 1996 et 14, § 2, b), de la loi du 20 septembre 1948 contiennent une présomption de l'existence d'une unité technique d'exploitation. Ces deux dispositions sont formulées comme suit :
« Plusieurs entités juridiques sont présumées, jusqu'à la preuve du contraire, former une unité technique d'exploitation s'il peut être apporté la preuve :
- (1) que, soit ces entités juridiques font partie d'un même groupe économique ou sont administrées par une même personne ou par des personnes ayant un lien économique entre elles, soit ces entités juridiques ont une même activité ou que leurs activités sont liées entre elles ;
- (2) et qu'il existe certains éléments indiquant une cohésion sociale entre ces entités juridiques, comme, notamment une communauté humaine rassemblée dans les mêmes bâtiments ou des bâtiments proches, une gestion commune du personnel, une politique commune du personnel, un règlement de travail ou des conventions collectives de travail communes ou comportant des dispositions similaires.
Lorsque sont apportées la preuve d'une des conditions visées au (1) et la preuve de certains des éléments visés au (2), les entités juridiques concernées seront considérées comme formant une seule unité technique d'exploitation sauf si le ou les employeurs apportent la preuve que la gestion et la politique du personnel ne font pas apparaître des critères sociaux caractérisant l'existence d'une unité technique d'exploitation au sens de l'article [49 de la loi du 4 août 1996/ 14, § 1er, alinéa 2, 1° de la loi du 20 septembre 1948] ».
La présomption ne peut être invoquée que par les travailleurs et les organisations qui les représentent et elle ne peut pas porter préjudice à la continuité, au fonctionnement et au champ de compétence des organes existants.
La présomption s'articule comme suit :
- il est requis, pour la mettre en œuvre, qu'un critère économique et des critères sociaux soient vérifiés cumulativement ; la charge de la preuve en incombe aux organisations syndicales ou aux travailleurs qui invoquent la présomption ;
- sur le plan économique, il suffit que l'une des conditions énoncées par la loi soit réalisée (Trib. trav., 15 mars 2000, Chr.D.S., 2000, p., 592; N. Beaufils, Elections sociales 2012, FEB, pp. 46-47 et les références citées) ;
- sur le plan social, il est requis que certains éléments indiquant une cohésion sociale soient établis ; il peut s'agir d'éléments visés par la loi ou d'autres indices de cohésion sociale ; il n'est pas requis que la partie qui invoque la présomption établisse l'existence d'une cohésion sociale suffisante pour caractériser une unité technique d'exploitation, la preuve de certains éléments suffit à déclencher le jeu de la présomption ;
- lorsque les organisations syndicales et/ou les travailleurs ont démontré l'existence d'une des conditions économiques requises et de certains indices de cohésion sociale, la présomption joue : les entités juridiques concernées sont considérées comme formant une seule unité technique d'exploitation ;
- l'employeur a, alors, la possibilité de renverser la présomption en établissant, le cas échéant, que les conditions à caractère économique ne sont pas remplies ou que la gestion et la politique du personnel ne font pas apparaître de critères sociaux caractérisant l'existence d'une unité technique d'exploitation ; la charge de la preuve pèse à ce stade sur les employeurs (Trib. trav. Bruxelles, 25ème chambre, 11 février 2008, RG 990/08).
29.
Il est enfin également acquis que les critères économiques et sociaux visés par la loi doivent être déterminés ou appréciés au regard de l'intérêt fondamental des travailleurs au bon fonctionnement des organes sociaux (voy. SPF Emploi, travail et concertation sociale, Elections sociales 2012 - Brochure relative aux élections pour les conseils d'entreprise et les comités pour la prévention et la protection au travail, p. 7). L'interprétation de la notion d'entreprise n'est donc pas seulement organique, mais aussi fonctionnelle (S. REMOUCHAMPS, « L'unité technique d'exploitation et la présomption dans une perspective historique », R.D.S., 2011, p. 269 et les références citées).
30.
En ce qui concerne le moment auquel doit avoir lieu l'appréciation des éléments de cohésion ou d'autonomie économique et sociale, le tribunal relève que la jurisprudence est particulièrement partagée et que différents moments pertinents sont proposés : date de la communication faite par l'employeur, date du recours, date de l'audience, voire, dans le cadre d'une "approche dynamique" plus tard encore. (D. MOINEAUX, Guide social permanent - droit du travail : commentaires, Kluwer, partie IV, livre II, titre III, chapitre III, 1, 1130 et ss. ; N. BEAUFILS, Elections sociales 2008, FEB, 29 et ss. ; HF LENAERTS, JY VERSLYPE et O. WOUTERS, "Les élections sociales 2004", J.T.T., 2006, 477).
La Cour de cassation a estimé que « lorsque (...) le tribunal du travail est appelé à définir l'unité technique d'exploitation, il n'est pas tenu de limiter son examen aux éléments économiques et sociaux qui existent au trente-cinquième jour précédant celui de l'affichage de l'avis annonçant la date des élections ». (Cass., 24 février 1992, Pas., p. 560).
Avec une jurisprudence importante, le tribunal estime devoir prendre en compte tous les éléments portés à sa connaissance au jour où il statue, ainsi que les éléments futurs dont la réalisation est acquise avec certitude. Il estime par contre, avec une jurisprudence unanime, que ne peuvent être pris en compte des événements futurs seulement possibles ou éventuels.
31.
Avant d'appliquer les principes énoncés ci-dessus à l'espèce, le tribunal entend faire deux précisions.
La première est qu'il est conscient que la situation des deux asbl défenderesses est en évolution. Leurs rapports ne sont plus les mêmes qu'en 2008 ou qu'il y a un ou deux ans. Ils sont sans doute également différents de ce qu'ils seront dans un ou deux ans. Comme il vient d'être indiqué, le tribunal se borne néanmoins à trancher sur la base de la situation actuelle ainsi que des éléments futurs mais certains.
Par ailleurs, il est également évident que les rapports entre les deux défenderesses, certains de leurs dirigeants ou de leurs employés sont, à certains égards, empreints de tension, de spéculations, de ressentiments ou d'autres sentiments passionnés. Ici encore, le Tribunal entend ne prendre en considération que les éléments objectifs du dossier qui lui est soumis.
32.
Le Tribunal relève, au titre d'élément de cohésion économique, que les deux entités juridiques en cause ont des activités liées entre elles.
En effet, il ressort des pièces produites par les parties que :
- le CASG constituait historiquement le service social de la Ligue des familles. Bien qu'il soit aujourd'hui une entité juridique distincte de la Ligue des familles, ses activités touchent toutes à des questions intimement liées à la politique des familles. Le site internet du CASG reprend les exemples de questions traitées : « l'ouverture du droit aux allocations familiales, l'organisation du congé de maternité, la garde d'enfants, les questions liées aux allocations d'études, le placement au pair, les contributions alimentaires, le travail étudiant, l'interruption de carrière, le congé parental, ... » (voy. pièce 16 du dossier de la Ligue des familles). En ce sens, le CASG se distingue actuellement d'un centre d'action sociale globale généraliste qui traite de l'ensemble des questions susceptibles d'être adressées à une permanence sociale ;
- les membres de la Ligue des familles peuvent poser des questions pratiques sur le site internet de l'association (www.citoyenparent.be). Ces questions sont relayées par la Ligue des familles au CASG, à qui il est demandé de répondre aux internautes. Cette pratique a encore eu lieu en janvier 2012. (voy. pièces B.8 du dossier de la CSC, notamment un e-mail adressé le 2 janvier 2012 par madame E à madame F, employée du CASG) ;
- le CASG collabore à la rédaction du « Ligueur » et du « Ligueur des parents », deux revues éditées par la Ligue des familles. La dernière page du Ligueur mentionne d'ailleurs le CASG comme « service social », en indiquant les heures de permanence et les coordonnées du CASG (voy. « Le Ligueur et mon bébé », pièce C.12 de la CSC)
- dans une lettre adressée le 10 janvier 2012 par monsieur Denis Lambert, directeur général de la Ligue des familles, aux membres du conseil d'administration du CASG, relative à l'évolution future des relations entre la Ligue des familles et le CASG, la Ligue des familles écrit que, malgré la séparation envisagée avec le CASG, « nous espérons que (...) nous pourrons continuer à travailler ensemble et à nous enrichir de nos pratiques réciproques. » (voy. pièce 6 de la Ligue des familles).
Tous ces éléments démontrent des activités liées entre elles, même s'il est évident qu'elles ne sont pas identiques et que les activités communes des deux asbl ne sont pas les seules qu'elles exercent.
Ce premier constat constitue évidemment un élément de cohésion économique très marquant et suffisant pour remplir la première condition d'application de la présomption légale précitée. Il peut d'ores et déjà être relevé qu'il s'agit également d'un élément de cohésion humaine très notable, étant donné que les travailleurs des deux entités juridiques sont amenés à collaborer sur des projets concrets, inscrits dans la durée.
Dès lors que la preuve d'une des conditions de cohésion économique nécessaire au jeu de la présomption légale est apportée, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les autres conditions économiques, notamment la question de l'administration des deux entités juridiques par une même personne ou par des personnes ayant un lien économique entre elles. Par conséquent, les débats sur la démission de monsieur A de son poste d'administrateur de la Ligue des familles, sa réalité et son opposabilité, sont sans pertinence à ce stade.
33.
S'agissant des éléments de cohésion sociale, le Tribunal relève ce qui suit.
a)
Les deux entités juridiques forment une communauté humaine rassemblée dans les mêmes bâtiments.
Le CASG occupe un local situé à l'arrière des locaux de la Ligue des familles.
Cependant, l'adresse des deux entités juridiques est commune, la porte d'entrée est identique et le réfectoire est commun. (voy. photos : pièce C.8 de la CSC ; email de madame D du 1er octobre 2010 à l'ensemble du personnel de la Ligue des familles, en ce compris le CASG, annonçant que le faire-part de naissance d'une travailleuse est affiché à la cafétéria).
La Ligue des familles insiste sur le fait que ce critère est appelé à disparaître de manière certaine, en se basant sur une lettre du service de l'inspection de la COCOF adressée le 17 novembre 2011 à la Ligue des familles en la personne de madame B (Cette dernière est en fait la coordinatrice générale du CASG).
La lettre de la COCOF fait suite au changement de dénomination du CASG et aux conséquences que ce changement pourrait avoir sur la subsidiation par la COCOF du CASG.
La COCOF écrit ainsi :
« L'administration voit deux issues possibles pour votre a.s.b.l. si elle souhaite garder son agrément :
- soit garder son public spécifique, celui de la « Régionale de Bruxelles de la Ligue des familles » et son implantation rue Emile de Beco, ce qui implique pour l'administration de garder son nom initial faisant référence sans aucun doute possible à ce public ;
- soit devenir un CASG généraliste, ce qui implique un déménagement de la permanence sociale vers un territoire où aucun autre CASG n'est déjà implanté. Votre centre développant déjà ses activités collectives et communautaires sur la commune d'Anderlecht qui ne compte aujourd'hui pas de CASG, cette implantation permettrait de répondre au prescrit légal sur la répartition des permanences sociales sur Bruxelles. » (pièce 3 du dossier de la Ligue des familles)
Le Tribunal ne peut souscrire à l'idée, avancée par la Ligue des familles, qu'il faut déduire de l'exigence posée par la COCOF que la présence du CASG dans les bâtiments de la Ligue des familles est nécessairement temporaire et que son déménagement va certainement devoir intervenir « à très brève échéance ».
La lettre de la COCOF implique effectivement qu'une des options ouvertes au CASG pour conserver son agrément serait de déménager vers une autre commune. Cependant, il ne s'agit que d'une des branches de l'alternative présentée par le pouvoir subsidiant. En outre, la décision ne dépend pas de la COCOF mais bien du CASG et de la Ligue des familles. Enfin, le tribunal rejoint l'avis de madame le substitut de l'auditeur, qui fait valoir qu'il n'est pas exclu qu'une « troisième voie » soit ouverte, suite à une négociation avec le pouvoir subsidiant.
En outre, le Tribunal relève qu'aucun élément concret relatif à un déménagement du CASG n'est produit par les parties : aucun contrat de bail ou d'indication relatifs aux futurs bureaux ni de preuve de renon du contrat de bail liant le CASG et la Ligue des familles.
Il ressort de l'e-mail de monsieur A du 27 janvier 2012 à monsieur C (pièce n° 17 du dossier de la Ligue des familles) que toutes les options sont ouvertes quant à un éventuel déménagement et que « les changements se feront sans précipitation ».
Pour toutes ces raisons, le tribunal considère que le déménagement du CASG ne constitue pas un événement dont la « réalisation est acquise avec certitude ». Il convient donc de statuer en tenant compte de situation actuelle, soit celle du partage de bâtiments communs et de la cohésion sociale notable qui en découle.
b)
Le règlement de travail est commun. (voy. pièce 10 du dossier de la Ligue des familles)
Ainsi que le souligne la Ligue des familles, il existe certains éléments de différenciation au sein du règlement de travail, selon que les dispositions s'appliquent aux travailleurs de la Ligue des familles ou du CASG.
Cependant, il demeure que l'essentiel des dispositions concerne tant les travailleurs du CASG que de la Ligue des familles.
Ainsi, le tribunal relève que :
- un seul fonds social est instauré pour les deux entités juridiques ;
- une seule politique est prévue en cas d'absences du travailleur, d'accidents du travail et de harcèlement ;
- la personne de confiance et le service de prévention externe sont identiques ;
- le règlement de travail a été signé, pour l'employeur, uniquement par monsieur C, le directeur général de la Ligue des familles.
La plupart des distinctions entre les travailleurs des deux entités juridiques s'expliquent par l'appartenance à deux commissions paritaires différentes (la Ligue des familles relève de la commission paritaire 329.02 ; le CASG relève de la commission paritaire 332) ou de pouvoirs subsidiant distincts (la Ligue des familles dépend, pour ses missions d'éducation permanente du décret de la Communauté française du 17 juillet 2003 relatif au soutien de l'action associative dans le champ de l'éducation permanente ; le CASG dépend du décret de la COCOF du 5 mars 2009 relatif à l'offre de services ambulatoires dans les domaines de l'action sociale, de la famille et de la santé).
Ces différences entre le statut des travailleurs du CASG et de la Ligue des familles s'expliquent par des facteurs externes aux entités juridiques. Elles ne remettent pas totalement en cause la cohésion sociale entre les différents travailleurs qui résulte de l'existence d'un règlement de travail commun.
En outre, le règlement de travail prévoyait déjà des dispositions spécifiques pour les travailleurs du CASG lors des élections sociales de 2008, ce qui n'a pas empêché de considérer la Ligue des familles et le CASG comme formant une seule unité technique d'exploitation.
c)
Il existe une convention collective de travail commune aux deux entités juridiques
La Ligue des familles a connu, au cours de l'année 2008 principalement, d'importantes restructurations de ses activités et une refonte de sa structure. La Ligue des familles a licencié 25 travailleurs, la masse salariale a été diminuée de 250.000 euros et le projet de la Ligue des familles a été recentré.
Ces réformes ont abouti à la conclusion d'une convention collective du 28 septembre 2009 « définissant les conditions de travail et de rémunération des travailleurs de la Ligue des familles et du CASG » (voy. pièce 14 du dossier de la Ligue des familles).
Cette convention collective s'applique aux travailleurs des deux entités juridiques, avec l'unique différence - déjà mentionnée ci-dessous - que les travailleurs du CASG et de la Ligue des familles n'appartiennent pas à la même commission paritaire. (Pour les travailleurs du CASG, il est également fait référence à un accord interne du 18 mai 2005, soit bien antérieur aux élections sociales de 2008.)
Il s'agit manifestement d'un élément notable de cohésion sociale. Il est d'autant plus significatif que cette convention collective de travail n'est pas très ancienne mais est au contraire postérieure à la restructuration de 2008, alors pourtant que celle-ci est présentée comme marquant l'origine de la séparation ou la distanciation entre les deux asbl.
d)
La gestion du personnel est, pour une très large part, commune aux deux entités juridiques.
Le tribunal relève à cet égard que :
- les entités juridiques font appel au même secrétariat social, dont madame D est l'unique interlocutrice (voy. pièce C.11 du dossier de la CSC). La deuxième partie de ce constat est d'un poids important puisqu'elle dépasse le stade exclusivement formel ou administratif pour mettre en évidence sinon une gestion unifiée à tout le moins l'apparence de celle-ci ;
- madame D est la responsable des ressources humaines pour les travailleurs de la Ligue des familles et du CASG (voy. échange de mails entre les travailleurs du CASG et madame D : pièce C.5 de la CSC) ;
- la personne de confiance, le service externe de prévention et le service de médecine du travail sont communs ;
- certaines communications au personnel sont communes ou indistinctes (voy. la pièce C.9 du dossier de la CSC) et il n'est pas démontré que cette situation ne serait plus d'actualité.
e)
Ainsi qu'il a été relevé, les activités des deux asbl sont nettement liées, ce qui est également de nature à faire naître un sentiment d'appartenance commune et une forme de cohésion sociale.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le tribunal considère qu'il existe entre la Ligue des familles et le CASG un nombre très important d'éléments de cohésion sociale. La totalité des critères envisagés par l'article 50, § 3, (2), de la loi du 4 août 1996 est en effet établie.
34.
Compte tenu de l'ensemble des éléments énumérés aux deux points qui précèdent, pris conjointement, et en application de l'article 50, § 3, de la loi du 4 août 1996, les parties défenderesses sont présumées former une seule unité technique d'exploitation.
35.
Par ailleurs, tous les éléments avancés par la Ligue des familles, outre que certains d'entre eux sont contestés ou susceptibles d'interprétation ce qui ne les rend pas totalement déterminants, ne sont pas de nature à remettre en cause cette présomption.
Ainsi, plusieurs éléments avancés par la Ligue des familles découlent de l'appartenance à des commissions paritaires distinctes. Cet élément doit être considéré comme sans incidence, ou d'une incidence faible, sur l'analyse d'une cohésion sociale, car il découle de l'appartenance à des secteurs d'activité différents. (N. BEAUFILS, Elections sociales 2012, FEB, p. 50 et les références citées).
D'autre part, comme il a été relevé, certains de ces éléments relèvent actuellement de la spéculation ou restent de nature incertaine quant à leur réalisation dans l'avenir.
36.
C'est par conséquent de manière justifiée et conforme à l'article 50, §3, de la loi du 4 août 1996 que la FGTB et la CSC postulent le regroupement des deux défenderesses en une seule entreprise pour l'élection du comité pour la prévention et la protection au travail. Les membres de ce comité exerceront également les compétences du conseil d'entreprise.
Les demandes sont fondées.
37.
Les modalités de la poursuite du processus électoral sont précisées au dispositif du présent jugement.
Les dépens
38.
La Ligue des familles ayant succombé, elle doit être condamnée aux dépens de l'instance.
Le tribunal considère que le CASG, partie défenderesse mais ayant adopté le point de vue des demanderesses, ne succombe ni ne triomphe. Il convient de lui délaisser ses dépens sans lui en attribuer à charge de la Ligue des familles.
Enfin, la CSC, n'étant pas représentée en justice par un avocat, ne peut prétendre au paiement d'une indemnité de procédure.
POUR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant après un débat contradictoire à l'égard des parties demanderesses et des parties défenderesses, et par défaut à l'égard des parties intéressées,
1.
Joint les demandes pour connexité,
2.
Dit les demandes recevables et fondées,
Dit pour droit que les parties défenderesses constituent ensemble une unité technique d'exploitation au sens des articles 49, alinéa 2, 1°, de la loi du 4 août 1996 ;
En conséquence, condamne les parties défenderesses à organiser les élections sociales qui se tiendront du 7 au 20 mai 2012 sur base de l'unité technique d'exploitation ainsi définie ;
Ordonne aux parties défenderesses de procéder en conséquence à tous les actes imposés par la loi du 4 décembre 2007 relative aux élections sociales, en vue de l'organisation des élections sociales pour la désignation de délégués du personnel au comité pour la prévention et la protection au travail, étant entendu que les dates de procédure doivent être fixées comme suit :
- X-35 au dixième jour suivant le prononcé du présent jugement, soit le 23 février 2012 ;
- X au 29 mars 2012;
- la date des élections (jour Y) au 27 juin 2012,
3.
Délaisse à la Ligue des familles et au CASG leurs propres dépens et condamne la première d'entre elles aux dépens des demanderesses, soit 1.320 euros d'indemnité de procédure revenant à la FGTB.